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12 février 2008 2 12 /02 /février /2008 00:07


Le luxe se porte bien, même très bien, alors que dans notre beau pays le lancinant débat sur le pouvoir d'achat déprime la classe moyenne, partout, ou presque, dans le monde, y compris en France une frénésie de consommation de produits ultra-premium * s'est emparée des nouveaux comme des anciens riches. Dans ma chronique champenoise du 24 janvier : " les champenois y font rien comme tout le monde "
http://www.berthomeau.com/article-15851173.html 
je vous parlais - dans l'indifférence générale - du co-branding pratiqué par LVMH avec ses marques Dior, Vuitton, Dom Pérignon, Krug et, lors de ma visite au siège de Pernod-Ricard je suis tombé sur le magazine des actionnaires de ce groupe : Entreprendre qui consacre l'essentiel de son numéro 51 au luxe en bouteille. Je vous propose ce matin, sans commentaires, à vous de réagir, quelques morceaux choisis sur ce thème de la premiumisation.

* Premium = prix supérieur ou égal à 26 $ la bouteille,
Ultra-Premium = prix supérieur ou égal à 80 $ la bouteille. 

La parole d'abord au Directeur Marketing du groupe, Jean-Paul Richard : " Notre force repose enfin sur une culture marketing, basée sur l'amour et le respect des marques. Elles sont très anciennes : Martell et Jameson ont été créées au XVIIIe siècle, Chivas Regal, Ballantine's, The Glenlivet, Mumm et Perrier-Jouët au XIXe siècle. Elles ont traversé les différentes époques avec réussite, grâce à la constance de leur qualité et à la force de leur personnalité. Elles sont les ambassadeurs d'un art de vivre, d'une culture : l'Ecosse et l'Irlande pour nos wiskies, la France pour notre Cognac et nos champagnes. Les marques du luxe témoignent de la différence entre les succès rapides, mais éphèmères des marques qui se contentent de "surfer" sur les modes passagères et la vraie réussite des marques qui s'inscrivent dans la durée."

Selon la banque Merryl Lynch, le nombre de personnes "riches" * en Europe, aux USA et en Asie s'élève aujourd'hui à 8,7 millions. Pourtant, on estime à 87 millions les consommateurs de luxe, soit dix fois plus. Premier constat : il n'est pas nécessaire d'être extrêmement riche pour jouir du luxe. Deuxième constat : "les consommateurs de luxe qui n'appartiennent pas au groupe des riches effectuent des arbitrages, explique Jean-Paul Richard. Pour un consommateur donné l'arbitrage consistera à financer l'achat d'un produit de luxe dans une catégorie qu'il valorise, par des économies réalisées sur des achats dans des catégories qu'il ne valorise pas ou peu : cela conduit pour une même personne, à mixer marques de luxe et produits "hard discount". Ce phénomène "trading up, trading down" menace l'existence des marques "milieu de gamme".

* personnes possédant plus de 1 million de $ de patrimoine (hors résidence principale)

Entre 1980 et 1990, le nombre de consommateurs a été multiplié par 10. Pour JN Kapferer (Pr à HEC) le succès de ce marché trouve en partie son explication dans l'effondrement des sociétés aristocratiques, dans lesquelles des règles strictes encadraient la diffusion des signes et produits de luxe. "Les sociétés sont devenues plus démocratiques et plus ouvertes, explique-t-il. Néanmoins, elles éprouvent toujours le besoin de se hiérarchiser. Le luxe permet de recréer une stratification. Il constitue un indicateur social. La distinction ne se fait donc plus sur des critères aristocratiques, mais méritocratiques. Les produits de luxe sont des signes visibles de la réussite. On les affiche comme des médailles".

Selon Catherine Becker (DG de Sorgem Internationial spécialisée dans l'étude du comportement des consommateurs et la communication produits à l'international) les consommateurs de produits de luxe peuvent être classés en 4 grandes catégories :
    - Les Héritiers : pour eux le luxe est un art de vivre et un plaisir. Ce sont souvent des connaisseurs recherchant la qualité, le savoir-faire, l'authenticité, la rareté, voire l'exclusivité.
     - Les Accédants : le luxe permet d'affirmer son statut social et de ressentir un sentiment d'appartenance à une élite. Ces consommateurs recherchent des marques qui expriment "visiblement" le luxe.
     - Les Extravagants : le luxe est une façon d'exprimer sa différence, de séduire. Ils aspirent à vivre une vie de VIP, voire de stars.
      - Les Nouveaux Créateurs : une nouvelle élite : les esthètes. Le luxe doit refléter leurs fortes individualités, leurs personnalités créatives. L'objet devient une oeuvre d'art.

Cette segmentation se retrouve à l'échelle internationale, mais l'importance de chaque catégorie varie selon les régions. Ainsi, les Héritiers sont plus nombreux en Europe, continent qui constitue le socle de la vision patrimoniale du luxe et qui évoque l'aristocratie et les traditions. Les Accédants sont en pleine expansion en Russie et en Chine.

" On n'arrête pas de créer des marques "au-dessus" explique JN Kapferer. Il y a eu le haut de gamme, puis le Premium, le Super Premium et maintenant l'Ultra Premium". Avec l'augmentation du pouvoir d'achat, les limites sont sans cesse repoussées. Au fil des années, les produits de luxe se sont dotés d'attributs de plus en plus exceptionnels. au départ, il s'agissait de produits de grande qualité dont le prix élevé suffisait à en faire des produits de luxe, inacessibles au plus grand nombre. Puis, face à la hausse du pouvoir d'achat, les attributs attachés aux produits de luxe se sont sophistiqués (séries limités, etc.). Aujourd'hui, le dernier bastion du luxe est le retour au sur-mesure."

Alors, je ne suis pas sûr, comme le souligne, JP Richard que " le luxe était l'ordinaire des gens extraordinaires" et qu'il soit devenu "l'extraordinaire des gens ordinaires..." A mon avis, et ce sera mon seul commentaire, je ne peux pas m'en empêcher, le luxe est tout bêtement plus ce qu'il était sauf que la pièce unique, le fait main, le non reproductible reste le privilège des vrais amateurs...

Allez, un petit cocorico pour finir : dans le Hit ultra-premium de Pernod-Ricard : 1 Champagne, 1 Cognac et 1 Whiskie... soit 2 produits issus du raisin, AOC qui ne l'indiquent pas sur leur bouteille, pour 1 produit issu du malt...

http://www.mumm.com/misc/?page=news

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11 février 2008 1 11 /02 /février /2008 00:06


Lorsque j'ai rejoint la Société des Vins de France, en 1986, celle-ci était devenue une filiale du groupe Pernod-Ricard. Patrick Ricard a donc été, en tant que Président, mon big boss. De la route principale du Port de Gennevilliers - siège de la SVF - la rue de Téhéran - siège de la holding Pernod-Ricard à Paris - nous parraissait bien lointaine, alors qu'à vol d'oiseau nous étions si proches. En 2001, lorsque j'ai publié mon rapport, Patrick Ricard était président de la FEVS, la Fédération des Exportateurs de Vins et Spiritueux, et il n'a pas ménagé ses efforts auprès des pouvoirs publics, mes commanditaires et patrons, pour que les préconisations qui y étaient faites puissent être traduites en des décisions opérationnelles. Je l'en remercie et c'est un réel plaisir pour moi qu'il ait accepté de répondre aux 3 questions de Vin&Cie.
 
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1er question
: Patrick Ricard, Jacob's Creek, cette superbe réussite, ça c'est fait comment? Pour vous avoir entendu narrer les conditions où vous êtes allé en Australie je pense que les lecteurs de Vin&Cie seront intéressés.
 
Réponse de Patrick Ricard :

Tout commence au Royaume-Uni. Nous désirons mettre un pied dans le négoce du vin. Nous achetons une petite société avec quatre ou cinq employés. Cette société est réputée pour la vente des vins autrichiens.
Suit en Grande-Bretagne ce que la presse appelle le scandale de l’antigel dans le vin. Nos ventes s’arrêtent.
 
Jymmy Andor, l’âme de la société Caxton Tower, achète un billet Tour du monde pour trouver un vin de substitution. En l’Australie, il découvre Jacob’s Creek, jamais exporté, comme d’ailleurs aucun vin d’Australie, vers la Grande-Bretagne. Les premières bouteilles arrivent en deux variétés : le blanc sec et le grand rouge.

Le succès est immédiat, le cercle vertueux démarre.

Les Australiens proposent des vins de cépages, des vins plus chers, puis des bicépages et maintenant des tricépages. Une offre simple : cépage, goût, prix et qualité. 
Au début des années 1990, Pernod Ricard rachète Orlando Wines. La direction locale qui connaît parfaitement son marché et ses clients est maintenue. L’année suivante, elle se porte acquéreur d’une autre société de vin australienne, Wyndham. Le nouvel Orlando Wyndham sera à l’origine de l’immense succès des vins Jacob’s Creek. Il se vend aujourd’hui 3,5 millions de caisses en Angleterre, soit la moitié de sa production.
 
2ème question : Votre groupe est un poids lourd du vin dans le monde. Pourriez-vous nous faire le tour du monde de vos vins et nous donner vos perspectives dans ce domaine ?
 
Réponse de Patrick Ricard :

Pernod-Ricard est numéro 4 mondial du vin. Le Groupe vend 24 millions de caisses de 9 litres de vins tranquilles et pétillants dans 11 pays. Nos plus importantes filiales se situent en Australie (Jacob's Creek), en France (champagnes Mumm & Perrier-Jouët), en Nouvelle-Zélande (Montana), en Espagne (Campo Viejo) et en Argentine (Graffigna). 

Nous produisons du vin pour des marchés locaux ou pour l’export : Brésil, Mexique, Etats-Unis, Afrique du Sud, Géorgie et depuis plus récemment Inde. Le Royaume-Uni et l’Amérique du Nord sont les marchés de consommation les plus importants, à côté de certains marchés domestiques. Les plus forts potentiels de croissance se situent aux Etats-Unis, où la consommation se porte largement vers des qualités Premium, ainsi que les marchés émergents d’Asie, d’Europe de l’Est et d’Amérique latine.
 
3ème question : Vous êtes aussi, avec Mumm et Perrier- Jouet en Champagne, Martell, Bisquit à Cognac, un grand de France. D'après-vous, alors que nous sommes le plus grand vignoble généraliste du monde, qu'est-ce qui nous empêche de faire émerger des marques mondiales dans le secteur des vins tranquilles ?
 
Réponse de Patrick Ricard :

La tradition joue un rôle certain, et est peut-être un frein. Le degré hecto.

Par ailleurs, les habitudes et les mentalités ont une influence importante. En France, tout vigneron veut vendre du vin et très rarement confier la vinification à un autre. Dans le monde entier, pour nos marques, nous achetons principalement du raisin que nous vinifions.

Enfin, dans le pays où sont produits les meilleurs vins du monde, hors appellations, il est difficile d’exister. 
 
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10 février 2008 7 10 /02 /février /2008 00:01

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Dans le patelin, un village-rue sans âme, juste avant le carrefour où la N17 bute sur une auberge pour se scinder en deux, Bourrassaud demandait à Dubigeon de se ranger sur le terre-plein d’un hôtel-restaurant à colombages. À mon grand étonnement il décrétait « Nous allons nous hâter lentement. Avant de pointer notre groin là-bas, je vais passer un coup de bigophone à mon pote Mignon. Ne t’inquiète pas mon grand à mon avis ta greluche ne craint rien. Si je puis m’exprimer ainsi le coup de feu est passé et la viande refroidie peut attendre… »
-         Vous causez l’Audiard avec talent commissaire…
-          Marie-Jo me le dit souvent. Que voulez-vous je suis passé à côté du vedettariat mais il y a du Bérurier en moi, je cache bien mon jeu…
Le pauvre Dubigeon déjà fortement perturbé par l’étrange enchevêtrement de révélations sur nos vies privées, sur des chasseurs qui ne savent chez qui ils chassent, sur notre équipée dans un château loin de nos bases banlieusardes, ne put s’empêcher, avec un air de clebs qu’on prive d’affection, de quémander des explications : « ces gars dont vous causer commissaire, ce sont des collègues à nous je suppose ? »
-         Tu supposes juste mon gros, eux au moins y ne se font pas chier dans des commissariats pourris, ils font des phrases…
-         Ha bon et nous on fait quoi ici commissaire ?
-         Les cons Dubigeon, des cons qui vont se foutre dans les emmerdes…
Je le coupais avec vivacité : « Vous n’êtes pas obligés de m’accompagner. Dites-moi où se trouve le château et j’irai seul… »
- Ne prends pas le mors aux dents si vite beau gosse. J’ai peut-être l’air con mais je réfléchis. Allez, venez, on va d’abord se secouer le membre pour avoir les idées claires puis je vous expliquerai la marche à suivre pendant qu’on se tapera des vrais noirs avec une rincette au Calva. Ça nous changera de la pisse d’âne de Marie-Louise… »
 
Depuis son retour des pissotières, Bourrassaud plastronnait. Il en rajoutait des tonnes dans le style polard d’après-guerre revisité par les fabricants de nanars pour accros du cinoche du samedi soir au Rex de la Garenne-Bezons. En s’asseyant il avait coupé court à mes éventuelles objections sur le timing de l’opération en balançant, l’air faraud « j’ai eu Mignon. C’est dans la boîte.  Mon plan lui va comme un gant. Tout baigne… » Dubigeon, largué se contentait d’opiner en dodelinant sa tête de courge ornée d’une moumoute d’un roux jus de chique, ce qui avait pour effet de donner de plus en plus de gite à son postiche. Moi, stoïque j’attendais l’instant où je pourrais reprendre l’initiative. Le café du cru était pire que celui de notre enfilée matinale. Pour tenter d’endiguer les fanfaronnades de mon chef sans froisser son amour-propre je décidais d’une diversion que j’entamais lorsqu’il se jetait son second calva derrière la cravate. Comme toujours, je me crus obligé de basculer dans un pathos qui se voulait vaguement poétique : « ce carrefour, là-bas, avec cette auberge plantée dans le creux du V du Y je lui trouve un parfum de relais de poste… » Bourrassaud s’esclaffait : «  pas mieux mon neveu ! T’as tout bon petit con ! T’es tombé pile poil sur l’avant-dernier lieu de changement d’attelage de boulonnais, les chasse marée, qui se tapaient, à brides abattues, la route du poisson depuis Boulogne pour que le bourgeois de Pantruche puisse se taper la cloche d’un colin au beurre blanc tout juste pêché… » Je restais interloqué. Dubigeon, moumoute en berne me contemplait comme si j’étais le Christ ressuscité le troisième jour. Bourrassaud se gondolait pendant qu’un type, sapé comme un milord, encadrait sa haute silhouette dans l’entrée du bar.
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9 février 2008 6 09 /02 /février /2008 00:07


Dans un pays, ici l'Italie, le vin, et ses étiquettes, raconte parfois mieux l'histoire réelle, la toute petite, la quotidienne, celle qui est tout près des gens, que les livres d'Histoire avec un grand H.
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Dans les années post-68, pour les intellos français de gauche qui voulaient prendre leurs distances avec le goulag, les chars soviétiques et le bilan globalement positif des démocraties populaires, le PC italien, en comparaison de notre PCF stalino de chez stalino drivé par l'abominable Marchais,  apparaissait comme un modèle d'indépendance face à la ligne de Moscou. Et pourtant, dans sa base et chez ses dirigeants, le PCI bâti sur le modèle du grand parti frère, fonctionnait sur des bases identiques. On était plus proche du duel Peponne-Dom Camillo que des rêves fumeux des compagnons de route français du PCI et du PCF, plus à l'aise au Flore que dans les faubourgs de Naples ou les cités de la Courneuve.

Pour finir, encore un petit texte savoureux de l'impertinente Marie-Antonietta Macciocchi sur le vécu interne du PCI : " Le vice-secrétaire du Parti, Luigi Longo, réunissait au dernier étage de la Direction, une fois par semaine, de nuit, les "dirigeantes" de la commission féminine. Et il nous traitait toujours comme des fillettes idiotes, avec le même discours : "Imaginez qu'au dernier étage d'une maison de quartier se trouve une petite vieille, et que c'est à sa porte que vous devez frapper pour lui vendre le journal..." Mais, ce disant, il fixait les seins plantureux de la présidente, deux puissants boulets lisses, palpitants sous un chemisier blanc brodé de froufroutantes dentelles. La présidente se trémoussait dans la soie, se penchait, rosissait d'orgueil. Pour elle, le sein avait beaucoup d'importance. Une fois, au cours d'un voyage commun, comme nous faisions étape dans un hôtel elle me dit : "Dommage que tu es des seisn aussi petits ! Pour faire de la politique, c'est un handicap..." Dans le marx-matriarcat, toutes les femmes-chefs sur lesquelles je suis tombée avaient des seins de nourrice, coussinets rassurants où l'homme pouvait presser sa tête sans risquer le blâme de la mère." 

 

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8 février 2008 5 08 /02 /février /2008 00:01


Comme je vous l'indiquais dans ma chronique d'hier j'ai connu Philippe Manière au temps où, entre autre, il animait une tranche horaire sur BFM. Maintenant il est directeur-général de l'Institut Montaigne, un think tank créé par Claude Bébéar, chroniqueur à Enjeux-Les Echos et sur BFM.  Bourguignon d'origine, amateur de bon vin, homme d'influence, je me devais de le soumettre aux 3 questions de Vin&Cie l'espace de liberté. Merci Philippe Manière de votre confiance et de votre fidélité à un petit artisan du vin.
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1erQuestion: Gérard Mermet écrit dans «  Révolution ! Pour en finir avec les illusions françaises » que la filière vin française réunit « les principaux ingrédients du « mal français » : arrogance de certains producteurs, atomisation du secteur, contraintes imposées par les pouvoirs publics, incapacité à intégrer l’évolution des modes de vie et des mentalités, désintérêt du consommateur… Pour lui, « l’exception viticole », comme les autres exceptions à la française, est une illusion.

Qu’en pensez-vous Philippe Manière ? Le vin produit culturel de petit vigneron, les grands médias ne sont-ils pas aussi très responsables de la propagation de cette image d’Epinal rassurante ?
 
Réponse de Philippe Manière : Je crois que ce nous souffrons effectivement en France, en matière œnologique et viticole, d’une certaine myopie et d’une certaine arrogance – de ce double point de vue, il n’est pas faux que le vin concentre en quelque sorte le « mal français »… Résumons : nous avions une présence écrasante à l’international, nous avions un boulevard avec la mondialisation qui crée de nouvelles générations de consommateurs, et bien le résultat, c’est que nous reculons. Faute de qualité ou de savoir-faire ? Non ! Faute de marketing, comme c’est souvent le cas en France. Nous n’avons pas intégré une nouvelle donnée fondamentale : les nouveaux consommateurs, qu’il s’agisse d’Européens qui découvrent le plaisir du vin ou de nouveaux venus sur ce marché (asiatiques etc.) ont besoin de reconnaissance statutaire – autrement dit, de marques. Ce n’est pas par hasard si les grands triomphateurs de la mondialisation, ce sont les Vuitton et autres BMW ! Or, notre offre est dispersée et impénétrable sauf au connaisseur. Cela nous condamne à manquer une grande partie des nouveaux marchés et même à perdre des clients qui étaient résignés à la complexité française lorsque nous étions en quasi-monopole mais qui, aujourd’hui, basculent en grand nombre vers des marques (Jacob’s Creek par exemple) ou vers des vins de cépage souvent venus d’ailleurs, faciles dans tous les sens du terme – faciles à boire parce qu’ils sont gratifiants même si on ne s’y connaît pas, faciles à reconnaître et à faire reconnaître par les autres si on veut impressionner. Si nous ne nous adaptons pas, si nous n’adaptons pas notre réglementation, nous ne survivrons que comme survivent certains chapeliers ou gantiers : en vendant de petites quantités à des consommateurs connaisseurs mais vieillissants et quasi-marginaux.
 
2ième Question : Chez tous nos concurrents, la cohabitation d’une viticulture « modèle français » et d’une Wine Industrie, est assumée, revendiquée même. Pourquoi, Philippe Manière, y compris chez les décideurs économiques, financiers et politiques, en France, où nous avons le plus grand vignoble généraliste du monde, où le modèle champenois : production de raisins, assemblage, grandes marques, est le plus efficient, où le secteur, même s’il connaît des difficultés à l’export, reste un contributeur important, considère-t-on les entreprises du vin, soit comme « des danseuses » pour les grands vins, soit comme des marchands de vin pour les autres ? Pourquoi, notre grand Sud, Californie à la française, n’intéresse-t-il pas les investisseurs ? Le long terme n’a plus la cote ?
 
Réponse de Philippe Manière : Je dois dire que votre question m’étonne. Est-ce faute d’information de ma part? Il me semblait que le Sud de la France, justement, était plus ouvert que les autres grandes régions viticoles à ce modèle alternatif. Mais sans doute tout est-il relatif… Votre question met le doigt sur un problème réel, qui est la frilosité des investisseurs. Mais, pour être honnête, cette frilosité est partiellement excusable compte tenu de l’environnement culturel (allez donc voir comment les petits exploitants accueillent trop souvent, y compris dans le sud, les multinationales ou tout ce qui peut être décrit par ce vocable, fût-ce de mauvaise foi…) et par l’environnement réglementaire. Encore une fois, une entreprise vitivinicole qui, aujourd’hui, veut faire une percée, a besoin de s’appuyer sur une homogénéité du produit dans le temps supposant le mélange des millésimes, sur des marques, sur des cépages explicites – tout cela étant presque impossible sous l’empire de la législation actuelle. Il est donc hélas compréhensible que ceux qui veulent gagner de l’argent dans le vin essaient de le faire… ailleurs que chez nous.
 
3ième Question : Philippe Manière, laissons de côté les propos sérieux pour maintenant donner libre court à l’amateur de vin que vous êtes. Vos origines bourguignonnes ont-elles eut une importance dans votre formation au goût du vin ? Qu’aimez-vous ? Avez-vous une cave ? Je ne sais. Vous avez carte blanche, donnez-nous envie…
 
Réponse de Philippe Manière : Je confesse une turpitude : je suis biaisé parce que bourguignon… J’ai envie de dire que, jeune, je suis tombé dans le pinot noir et le chardonnay – qui, aujourd’hui encore, savent me procurer mes plus grands plaisirs de dégustation. Autant vous dire que les préjugés, dans ma famille et mon entourage, étaient solides contre les autres origines ! J’ai heureusement eu la chance de voyager aux Etats-Unis à 18 ans en faisant un long stop chez l’un des plus grands négociants de Boston (il était alors le principal acheteur à Beaune !) qui m’a fait comprendre que le Nouveau Monde avait aussi de remarquables vins – je pense surtout à leurs meilleurs chardonnay, sur le pinot noir, j’étais et demeure plus sceptique. Mais on ne sortait pas de mes cépages d’ « enfance »… Un peu plus tard, je suis arrivé à Paris pour mes études et pour y travailler et là, changement d’univers : le bordeaux était ultra-dominant… Je me suis fait une violence - qui s’est bientôt avérée une bien douce violence ! - et me suis converti à ces goûts nouveaux pour moi. (Nouveaux parce que, imaginez-vous que, en Bourgogne, le bordeaux est le vin que l’on offre à qui est un peu souffrant et pas en état de boire du « vrai » vin…).
Aujourd’hui, je demeure d’abord un fan des bourgognes, même si je peste régulièrement contre leur irrégularité, leur imprévisibilité. Tout ce qui se trouve autour de Chassagne en blanc et de Gevrey-Chambertin en rouge a mes suffrages– sans parler des Marsannay, à mon avis rois des rosés. Dans cette catégorie, j’apprécie aussi certains chardonnays d’autres provenances en France. Je pense au chardonnay d’Ardèche de Latour, un… bourguignon. Et au pinot noir du Jura, très belle région de production méconnue – quelle richesse de cépages ! – en particulier ceux de Rollet.  Hors pinot noir, en Jura, le poulsard et surtout le trousseau m’ont toujours séduit par leur franchise et leur caractère.
J’aime aussi, en blanc, les sauternes – Guiraud, Rayne-Vignaud, Lafaurie-Peyraguet… - et les Côtes du Jura qui mêlent si délicieusement chardonnay et savagnin (toujours chez Rollet). Je ne suis pas très fan des blancs secs de bordeaux et déteste tout ce qui est sauvignon.
En rouge, hors bourgogne, les bordeaux que j’aime sont d’abord les Moulis et les Margaux. J’ai des souvenirs exquis de Chasse-Spleen et de Ruat-Petit-Poujeaux. Mais Cos d’Estournel, Calon-Ségur ou Pez sont aussi associés, dans mon esprit, à des souvenirs très forts. Ne me parlez pas, en revanche, des « rouges frais » - je déteste TOUS les gamays ! Sauf certains Alsace – et l’on revient au pinot noir…
Enfin, j’ai découvert il y a une dizaine d’années le plaisir des Côtes du Rhône bien vinifiés – Guigal en tête – et ne m’en suis pas lassé, ni en blanc, ni en rouge. Je suis plus dubitatif sur la production du Languedoc et de Provence, mais de moins en moins au fil des bonnes surprises.
J’ai une cave assez modeste, 150 bouteilles je pense, qui tourne trop vite – je ne suis pas assez riche pour financer une rotation lente… On y trouve – trahison de ma part ou maturité ?... - 70% de Bordeaux, le reste en Bourgogne et en Jura avec une pointe de Côtes- du-Rhône.
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7 février 2008 4 07 /02 /février /2008 00:05

En des temps reculés lorsque j’étais un pti peu « célèbre », que mon Appellation d’Origine Contestée : Rapport Berthomeau provoquait dans le marigot des éléphants du vin un tsunami, on m’invitait beaucoup sur les plateaux de toutes natures : colloques, radio, télévision, pour assurer le spectacle. Comme vous vous en doutez mon ego surdimensionné s’en trouvait hautement flatté. Ainsi, je fis sur M6, avec l’électrique Emmanuel Chain, une intervention dans l’émission Capital qui bluffa ma concierge, j’y vantais entre autre le blanc limé. Mais, l’un des lieux où j’aimais le plus intervenir, c’était le studio de BFM, où Philippe Manière m’invitait régulièrement. Il appréciait ma liberté de parole et j’adorais titiller son libéralisme militant. Bref, je m’y sentais un peu chez moi. Et puis, notre homme migra à la Fondation Montaigne, le sujet vin devint, sur son aspect mondialisation, moins porteur et BFM, comme les autres médias, m’oublia. Rassurez-vous, je n’en conçu aucune amertume dans la mesure où le temps n’était plus à la parole mais à l’action. Mon club "Sans Interdit" et bien sûr mon blog Vin&Cie me permettaient de labourer les terroirs ingrats de notre beau secteur.
  
Bref, lundi dernier dans les allées du Salon des Vins de Loire je croise l’ami Andlauer qui me signale que, dans l’émission « In Vino » de BFM de samedi dernier, mon blog y fut l’objet « d’éloges » de la part de David Cobbold. Bien sûr, j’en rougis d’aise et de plaisir. Le soir venu, at home, je pod caste l’émission d’Alain Marty, 
http://www.1001podcast.com/podcast/BFM/channel5/20080202_in_vino_bfm.mp3?R=BFM%2526S=channel5%2526media_url=où sont invités Gérard Muteaud du Nouvel Obs et Michel Bernard président d’Inter-Rhône. Bref, à l’écoute mes chevilles enflent, ma tête s’envole, je bois du petit lait. Bien sûr, mon bonnet d’âne rfvéfien rabaisse un peu mon caquet mais, comme depuis je me suis soigné, je peux mettre au défi Jérôme Beaudouin de la RVF à la dictée de Bernard Pivot. Tout ça est bon pour ma petite entreprise : Vin&Cie l’espace de liberté et j’apprécie. Cependant, je tiens à rassurer David Cobbold, je ne suis pas porté disparu et ce serait avec un grand plaisir que je retournerais dans le studio de BFM pour causer avec lui et d’autres du vin dans tous ses états. Merci à Gérard Muteaud, abonné fidèle, de ses propos sur mon espace de liberté. Pour l’ami Michel Bernard, un quarante-huitard comme moi, je suis tout prêt à chroniquer sur le tourisme viticole français si l’on me donne l’occasion de découvrir en notre beau pays de quoi alimenter ma plume acérée. Comme je suis un type pratique mon téléphone est 06 80 17 78 25. Bonne journée à tous et à bientôt pour d'autres aventures. 
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6 février 2008 3 06 /02 /février /2008 00:03

 

La séquence de la semaine dernière : JPKauffmann, JMDeiss, JLThunevin, comme à l'accoutumée, a été pauvre en commentaires directs mais m'a valu quelques appels téléphoniques, dont l'un lointain : du Chili via Skype, contestant ou approuvant les propos tenus par ces trois personnalités.

 

J'aime !

Ce matin, dans la foulée du débat de la semaine passée, je vous propose des extraits de la présentation de l'essai sur le goût du vin à l'heure de sa production industrielle écrit par Michel Le Gris présenté par son éditeur comme " philosophe de formation, critique musical à ses heures, exerce à Strasbourg le métier de caviste à l'enseigne du Vinophile." 

 

 

Je rappelle que Vin&Cie est un espace de liberté et que le fait de publier des points de vue ne présuppose de ma part aucune adhésion ou une quelconque réprobation. Celui-ci, comme d'autres, va irriter certains, combler les disciples des "vins dissidents" moi, qui suis, selon la RVF, un dandy "dada" je dois vous confier, off, que je préfère me plonger dans un bon roman que de me jeter à corps perdu dans les batailles de chapelles... 

Amazon.fr - Dionysos crucifié : Essai sur le goüt du vin à l'heure ...

" Loin d'être appréhendés comme l'aboutissement d'une histoire pluri-millénaire, les produits de l'activité humaine sont souvent tenus pour l'émanation spontanée d'une nature immuable. Le monde de la vigne et des vins ne fait pas exception à cette perception naïve des choses. En dépit de ce qui le rattache encore à la nature, il a été soumis, comme bien d'autres, à des mutations que nos contemporains ne perçoivent que difficilement, alors même qu'elles ont grandement modifié, avec le goût des vins qu'ils continuent de boire, leur faculté personnelle à les apprécier (...)



"On ne niera pas que le goût des vins relève  des catégories conjointes du beau et du bon, puisqu'il participe à la formation d'un plaisir stylisé, capable de dépasser la simple appétence sensorielle. Mais, pendant que l'on nous abreuve de propos sublimes sur le vin comme oeuvre d'art, les tendances oenologiques qui prévalent de fait reconduisent inlassablement les formes les plus primaires du goût, plus aptes, il est vrai, à la conquête des marchés qu'au raffinement de la sensibilité. Loin de faire un obstacle à sa banalisation, la célébration du vin comme "produit culturel" en est devenu le prétexte et le paravent, si bien que c'est à une double perversion que nous sommes présentemment confrontés : les procédés modernes de stabilisation dénaturent les qualités alimentaires de la boisson, tandis que l'objet esthétique est affadi par sa soumission à de lucratives stratégies de simplification. Ici comme ailleurs, c'est dans la modestie et la discrétion que continue à se chercher une authentique singularité gustative, alors que s'exposent avec ostentation, sur les tréteaux de la "création artistique", des produits complices du plus plat conformisme esthétique.

 

Soumis au modernisme uniformisant ou, inversement, en quête d'effets spéciaux post-modernes, l'art viticole de cette fin de siècle est marqué par la soumission croissante du goût du vin aux exigences de la logique économique. Aux altérations de la matière première causées par une culture de la vigne axée sur les principes de l'agronomie intensive, s'est ajoutée, selon le principe de rentabilité par rotation rapide du capital, une accélération du processus de production. L'implacable logique de l'extension des marchés a conduit à adapter au goût hypostasié du "consommateur" la part de cette production anciennement réservées aux amateurs fortunés. Evoquant les démêlés de Colbert avec les négociants hollandais qui avient acquis une grande habileté dans l'art d'accommoder au goût de leurs clients des vins de qualité médiocre, l'historien Roger Dion note à juste titre que ce ministre "oubliait que le sens de l'excellence du vin naturel est le fruit d'une éducation que le grand nombre des consommateurs du Nord était hors d'état d'acquérir". Loin d'être périmée, c'est sur les consommateurs des pays producteurs qu'une telle remarque tombe maintenant d'aplomb.


Dans une perspective qui soumet règles de production et critères d'appréciation à la simple réussite commerciale, il n'est pas prévu d'interroger l'origine et la nature de ce fameux "goût de consommateur". Quant à y voir le résultat d'un conditionnement économique et industriel, la pensée post-moderne y décèlerait aussitôt la manifestation d'un caractère suspicieux, maladivement porté à la contestation. Affranchi d'un si vilain soupçon, le "goût du consommateur" devient inversement l'alibi de toutes les mutations techniques profitables, puisque chaque sphère de l'activité industrielle et commerciale le découvre comme un invariant qu'il lui faut opportunément prendre en considération, sans s'estimer aucunement responsable de sa récente apparition. Mais, un tel goût n'en est pas moins le corollaire obligé de la logique économique parvenue au stade, où, par le truchement de la technique, elle fait progressivement main basse sur tous ces aspects de l'univers sensoriel qui étaient jusqu'ici parvenus à se soustraire à son emprise (...)



"Mon propos n'est, en aucune manière, de disqualifier tout projet visant à évaluer les moyens et les procédés de la vinification à l'aulne d'une raison qui possède, ici comme ailleurs, une indéniable dimension émancipatrice face au simple "laissez faire la nature", slogan cache-misère de toutes les traditions dégénérées en routines ; mais bien bien de prendre conscience que dans un univers sensoriel aussi riche de potentialités que celui du goût des vins, toute perception abusive du but à atteindre conduit fatalement à un rétrécissement plutôt qu'à un élargissement de la matière, et avec elle de la sensibilité gustative. Concevoir le vin comme le simple produit d'une fabrication, c'est ravaler au rang de la production mécanisée un art capable d'associer la rigueur de l'exécution à la liberté du résultat. Originellement vouée à combattre les effets indésirables liés à toute production naturelle, c'est cette liberté fondamentale des vins que l'oenologie scientifique en est venue à mépriser. l'existence précaire de quelques oenologues dissidents, à la sensibilité préservée de tout scientisme, ne change rien à un tel constat."  

 

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5 février 2008 2 05 /02 /février /2008 00:02

Notre première rencontre avec Laurent Dulau, lors d'un raout des oenologues de Bordeaux, fut un peu frictionnelle, en effet lui et quelques jeunes loups, pressés d'occuper la tribune et de vanter les mérites de leur buiseness, firent qu'il n'y eut pas de débats. Mais, comme Laurent est un garçon intelligent, brillant, il sut tirer leçon de ce petit dérapage. Membre fondateur de "Sans Interdit" il est pour moi un ami dont j'apprécie le parler vif argent, l'engagement, la capacité d'argumenter sur les dossiers qui fâchent. C'est un innovateur. C'est un amoureux du vin dans tous ses états, membre de l'ABV. Depuis presque un an il travaille en Espagne et c'est tout naturellement que je lui ai tendu mon micro pour qu'il nous livre son analyse sur un pays voisin concurrent redoutable de notre secteur viti-vinicole.
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1er Question
 : Laurent Dulau, après avoir consacré vos dernières années professionnelles au marché français du vin, vous avez immigré en Espagne, pourquoi ?

Laurent Dulau
 :

L’envie de bouger, de bouger tout en restant dans un même secteur qui me passionne. Qui me passionne et souvent me frustre. C’est le cas en France où de voir tant de potentiel gâché par excès d’immobilisme et corporatisme est rageant. Surtout dans un contexte international, certes en crise (excédent structurel), mais en pleine évolution et en croissance sur de nouveaux marchés prometteurs (USA, bassin asiatique).
En Espagne certains leviers rigides existent comme en France. Certaines appellations (DOC) sont elles aussi conservatrices, surtout celles qui gagnent… quoi de plus humain. Mais même parmi les plus conservateurs, cela bouge, les décisions par rapport aux grands rendez-vous de la filière (réforme de l’OCM, révision des agréments, utilisation de certaines pratiques œnologiques comme les alternatives à la barrique) sont prises. On ne tergiverse pas ici. On avance. Parfois on se trompe mais au moins on bouge.
 
2ième Question : Alors cher Laurent, puisque vous êtes sur le terrain d’un de nos principaux concurrents, faites-nous bénéficier de votre regard de professionnel sur lui et en premier dites-nous quelles sont les forces de la filière vitivinicole espagnole ?

Laurent Dulau
 :

-En premier lieu une structure de production moins morcelée qu’en France ou qu’en Italie. L’Espagne c’est de l’ordre de 3500 caves pour une production oscillant d’une année sur l’autre aux alentours de 25-30 millions d’hl (hors distillation et production de moût).
-Ensuite l’existence de moins de structures connexes au secteur qu’en France. Il existe bien, comme en France, le nécessaire tel que des syndicats d’appellation (consejos reguladores), des équivalents de Chambre Agriculture autonomes, une association d’œnologues avec des ramifications région par région. Mais même « s’il y a du politique » en Espagne tout ceci reste gérable et d’une certaine souplesse.
-Pour donner raison, pour une fois, aux pourfendeurs du Jacobinisme hypocrite hexagonal, l’Espagne montre une réelle volonté politique de faire de la filière vitivinicole un secteur gagnant de l’agro-alimentaire sur les marchés export, pour preuve le plan 2015 présenté l’année dernière par la ministre de l’agriculture et qui a pour but de faire de l’Espagne le premier exportateur de vin Européen à horizon 2015. Au niveau domestique, le gouvernement actuel en proposant de ne pas considérer le vin comme les autres boissons alcooliques, mais comme un aliment, a également pris une position réclamée par tous les professionnels français. A noter que cette dernière décision n’endigue pas la baisse de consommation (de l’ordre de -4%) du marché domestique observée sur tous les marchés dits traditionnels. Les producteurs espagnols ont la même difficulté que leurs voisins français à reconquérir leur marché intérieur… et ce pour la même raison principale, à savoir le manque de culture marketing.
-En dernier lieu et non des moindres, des conditions pédoclimatiques très favorables à l’élaboration de vins à maturité. Résultat il est possible de trouver des vins en Espagne dont le rapport qualité/prix est très compétitif. Pour revenir à la remarque de votre dernier invité Michel Bettane, l’Espagne est très forte potentiellement pour les vins au-dessous de 10 €.
 
3ième Question : Tant de forces, il doit bien y avoir des faiblesses ou des limites au-delà des Pyrénées ?

Laurent Dulau
 :

Trois points essentiellement qui peuvent se résumer à :
            - Un manque de notoriété sur les marchés export, l’Espagne ayant trop abusé pendant des années de marché d’opportunité à bas prix pour placer son offre à l’export ;
-         Un manque d’eau : la gestion de l’eau notamment dans le sud de l’Espagne sera, et est déjà, un vrai défi pour l’agriculture ibère et donc la viticulture ;
            - un manque de centres de formation de référence coordonnés au niveau national.
Mais gageons que les Espagnols qui sont, à mon humble avis, les « plus pragmatiques de latins » seront relever ces défis.

  
Consommateur français ou britannique ? La notion de « qualité » est totalement relative, selon si on se place d'un côté ou de l'autre. L’utilisation de la dégustation sensorielle devient indispensable pour connaître les caractéristiques organoleptiques de son vin, et l'adapter en conséquence.

Le consommateur anglo-saxon n'a pas les mêmes goûts que le consommateur français. Le profil du vin doit donc être parfaitement connu grâce à l'analyse sensorielle, pour proposer un vin en adéquation avec le marché. (© JC)
Chaque marché, type de consommateur ou pays, a sa spécificité, ses attentes, qui sont totalement différentes. Exemple: pour un vin donné, ce qu’un consommateur anglais appréciera ne sera pas la même chose qu’un consommateur français. C’est ce que Laurent Dulau, Vinidea, appelle la « qualité relative ». « Prenez par exemple un cabernet sauvignon, vendu à 5€ en France et au Royaume-Uni. Le consommateur anglo-saxon n’aura pas du tout les mêmes attentes en terme de qualité que son homologue français ». Alors que le premier fait plutôt partie d’un « nouveau marché », le second appartient à un marché « plus traditionnel ». Alors qu’en France, le consommateur traditionnel appréciera plus l’acidité que la sucrosité d’un vin, qui est signe de « lourdeur » voire de « défaut », la qualité pour le consommateur britannique rimera avec une acidité moindre et plus de sucrosité.
De la même manière, la pyrazine, arôme caractéristique du cépage cabernet sauvignon, sera apprécié différemment au Royaume-Uni ou en France. Son goût, qui s’apparente à celui du poivron vert, est bien apprécié par le consommateur traditionnel français ; le consommateur anglo-saxon dira : « c’est « vert », je n’aime pas ! ». Il y a en effet des nuances entre l’arôme poivron vert trop « vert » et l’arôme poivron vert « mûr » explique le consultant. « On cherchera donc pour le marché du Royaume-Uni à produire un vin en conséquence, avec des notes de pyrazine plus fruitées et moins herbacées, en récoltant par exemple le raisin avec une plus grande maturité ». C’est ce que Laurent Dulau appelle « l’objectif produit », trop souvent « mis de côté dans les approches marketing » : il s’agit simplement de faire un vin qui correspond à un marché.
Connaître avec rigueur les caractéristiques organoleptiques de son vin, ou celui des autres...
Pour mesurer cette « qualité relative » : l’analyse sensorielle. Parmi les méthodes existantes, « l’analyse sensorielle descriptive quantifiée », ou « Asdq », «déjà largement utilisée en agro-alimentaire par des grands industriels, mais ne l’est pas du tout pour le vin », précise Laurent Dulau. Cette méthode rigoureuse et objective est actuellement développée par l’Icv (Institut coopératif du vin). « Elle permet de faire une dégustation extrêmement rigoureuse, où l’on utilise les sens d’une manière très contrôlée, non pas comme lors de dégustations d’agréments un peu hédonistes ».
L’intérêt pour le viticulteur : suite à cette analyse, le viticulteur connaît précisément les caractéristiques organoleptiques de son vin. Il est ainsi à même de produire un vin respectant des qualités organoleptiques, en adéquation avec « l’objectif produit » correspondant à un marché. « Mais il peut aussi se comparer aux autres, en testant par exemple un vin qui est connu pour être leader sur un marché ».
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4 février 2008 1 04 /02 /février /2008 00:07

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Ce matin direction : Angers, respirer un peu d'air du pays, aux confins de la Vendée militaire. Dans mes jeunes années, lorsqu'on me traitait de «  ventre à choux », eu égard à mes origines vendéennes, j'assumais cette appellation avec le sourire, car elle correspondait à une réalité. En revanche, je montais, et je monte toujours, sur mes grands chevaux, lorsque certains, bien intentionnés ou ironiques, me traitaient, ou me traitent encore, de «  chouan».

 

Confondre le soulèvement de la Vendée militaire et la Chouannerie est une erreur historique grave, entretenue par le Vicomte et son barnum du Puy du Fou. Si les deux mouvements ont pour origine des causes identiques : religieuses et refus de la conscription, l'insurrection vendéenne (1) fut déclenchée par les paysans et le petit peuple (2), ses premiers chefs sont issus du peuple : Cathelineau est colporteur, Stofflet est voiturier, les nobles et le clergé prirent le train en marche (3) ; la chouannerie bretonne et bas-normande fut, elle, un mouvement de petits nobles miséreux : « dans aucun pays la noblesse ne pullule comme en Bretagne. A la Réformation de 1668, on y compte seize à dix-sept mille individus nobles, sans parler de deux mille deux cents familles usurpatrices, contre lesquelles il y eut arrêt. Chez les familles, peu de grandes fortunes de trente à quarante mille livres de rente. Nombreux sont les nobles qui mendient des pensions pour subsister, pensions rares. La plupart vivent comme les paysans, habillés comme eux, souvent aigris comme eux.

 

 

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 (1) Il s'agit de la «Vendée militaire» c'est-à-dire l'agglomération politique et religieuse qui prit les armes en mars 1793 qui embrasse une grande partie de la Loire-Inférieure, du Maine-et-Loire, des Deux-Sèvres et de la Vendée. Elle est bornée : au nord, par la Loire, avec, en amont, Brissac, en aval, Paimboeuf ; à l'ouest, par la mer ; au sud, par Luçon, Fontenay-le-Comte, Niort ; à l'est, par Parthenay, Thouars, Vihiers.»

 

(2) «  Dès le 2 mars 93, les citoyens Achard et Giraud, commissaires du département de la Vendée, chargés d'organiser la garde nationale dans les cantons de Beaulieu, La Mothe-Achard et Landevieille, ont été débordés ; ils ont appelé au secours : «  La chose publique est en danger » disaient-ils. Tandis que la générale battait dans la commune de la Mothe-Achard, le tocsin retentissait aux cloches des paroisses voisines. Les gars de cette partie intermédiaire, confins du Bocage couvert et de la région maritime dénudée, accoururent, disposés au combat. Heureusement, le district pu expédier à temps de 50 hommes de la garde nationale. Les paysans surent éviter le choc ; ils se contentèrent de conspuer les bourgeois et se retirèrent.»


(3) « Le chevalier Sapinaud de La Verrie, homme calme, aux traits réguliers, aux cheveux déjà blanchis, âgé de cinquante-cinq ans, subit l'assaut, dès le 10 mars. Il veut empêcher les paysans des environs de Mortagne de sonner le tocsin. Imbu d'idées philosophiques, il avait avec un enthousiasme marqué salué l'aube des temps nouveaux ; il n'avait pas dédaigné de prendre part à la gestion des affaires de son pays. Vingt fois les paysans le menacent de mort. Trois jours il résiste ; enfin il quitte son foyer, incertain du résultat. A la Gaubretière, son cousin Sapinaud de la Rairie, ex-lieutenant au régiment de Foix, est emporté par la même vague.»

 

Je ne vais pas vous refaire l'histoire des Guerres de Vendée mais vous citer encore des textes qui apportent de l'eau à mon moulin :

« A l'heure où la Vendée se souleva, du même coup, sur l'autre rive de la Loire, quatorze départements furent en feu. Il est essentiel de marquer cette simultanéité pour bien saisir l'immense péril que courut la Convention. Alors que, menacée par l'étranger, elle appelait aux frontières et décrétait une levée de trois cent mille hommes, l'Ouest breton et normand - en même temps que la Vendée - répondait par une levée redoutable, mais contre elle. Et cela parce que, longuement préparé à la résistance par le froissement de ses convictions intimes, il venait de rencontrer, dans la résurrection de la milice abhorrée, la pierre dure ou le contact électrique qui produit l'étincelle.»

« Les victoires vendéennes de mars furent de magnifiques prémices : la Vendée vola de victoire en victoire et ses armées stimulées grossirent comme une avalanche. La Chouannerie se traînera, anémique et désordonnée. Elle n'aura rien de la cohésion de sa voisine. Son territoire, politiquement parlant, ressemblera à un damier : ici, une paroisse républicaine ; là, une paroisse rebelle ; plus loin, une paroisse hostile, mais soumise...


Au lendemain de cette initiative rompue, la Chouannerie semble condamnée ; ses bandes diminuées errent pleines d'incertitudes et de découragement. Un évènement va les renforcer : le passage de la Loire par les Vendéens. »

« Cependant, l'une et l'autre, la Vendée et la Chouannerie, garderont toujours, malgré cette union, leur tempérament propre. On peut se poser la question : si, plus dense, plus compact, le soulèvement de la rive droite avait pu s'épargner les défaites du début, si, pareil à celui de la rive gauche, il avait marché de victoires en victoires, quelle influence auraient eue ces triomphes sur la mentalité des combattants ? Les Chouans, alors groupés par grandes armées, auraient-ils modifié totalement leurs méthodes ; se seraient-ils clarifiés, purifiés ? La Chouannerie, en un mot, serait-elle devenue, moralement et militairement parlant, une autre Vendée ?»

 

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Charrette fut plus Chouan que Vendéen...

L'ensemble des citations sont extraites du livre d'Emile Gabory « Les guerres de Vendée » publié dans la collection Bouquins chez Robert Laffont.

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3 février 2008 7 03 /02 /février /2008 00:05
Pour Bourrassaud les emmerdements des autres c’était son pain béni, il adorait rendre service. Les miens, plus que d’autres, relevait, bien évidemment, de la priorité des priorités. À propos de mes relations avec Sylvie je fis dans une sobriété qu’apprécia à sa juste valeur mon supérieur. Il se contenta d’un commentaire tout aussi concis « c’est Marie-Jo qui serait contente de savoir ça… » qui m’enlevait la dernière trace de culpabilité à son égard. J’opinais bêtement en embrayant sur la raison de ma visite. Bourrassaud, en m’écoutant, passait sa grosse paluche velue sur ses cheveux en brosse et, lorsque j’évoquai le mystérieux château, ses petits yeux se mirent à pétiller et un sourire gourmand s’accrochait à sa bouche lippue. Quand je m’interrompis, il se laissait aller dans son fauteuil tout en rangeant sa queue de chemise dans son pantalon. « T’as le cul bordé de nouilles mon grand. Si c’était pas mal venu dans ma bouche, j’oserais ajouter que t’as un pot de cocu. Allez, je t’embarque. Nous allons faire un petit tour du côté de la Chapelle-en-Serval. Je t’expliquerai le tout en chemin. Bourrassaud appuyait sur l’interphone interne : « Dubigeon, ramène ton gros cul et ton outillage de service, nous allons prendre un bol d’air en forêt… » Lorsque nous passâmes devant le comptoir de Marie-Louise, celle-ci, son cul pointu posé de guingois sur l’espèce de haut tabouret qui lui servait de siège, le chignon de guingois, semblait avoir du mal à récupérer de sa séance matinale avec le commissaire. Je ne pus m’empêcher, en m’asseyant dans le fond de la 404 aux côtés de Bourrassaud, d’ironiser : « c’était ouragan sur le Caine se matin… » Celui-ci s’esclaffait en me tapant sur les cuisses : « y’a des jours comme ça mon garçon où j’ai des envies de cosaque. Avec Marie-Jo on fait une sacré paire, elle doit te vider les gonades comme une vraie butineuse la salope… » Dans le rétroviseur, Dubigeon, en mettant le contact, nous observait comme si nous étions des extra-terrestres.
 
Bourrassaud chassait. Son collègue de Senlis, un vieux copain de promotion, chasseur lui-aussi, l’avait fait inviter par le garde à une chasse privée en forêt du château du Mont-Royal. Elle regorgeait de cervidés car le propriétaire chassait ailleurs avec ses gros clients et, afin d’alléger la charge de ces bouffeurs d’arbustes que sont les cerfs et leur harde, le garde organisait des ponctions quand bon lui semblait. Ce qui avait mis la puce à l’oreille de Bourrassaud c’est que le lot de fusils rassemblés pour l’occasion se composait exclusivement de représentants de la Grande Maison. Discrétion fut le maître-mot de son pote Mignon de Senlis. Bourrassaud, fit l’âne pour avoir du foin auprès de l’un des participants, une grande gueule, bellâtre, équipé comme un chasseur de safari mais capable de rater un grand cerf à vingt mètres, qui à la fin du repas de chasse arrosé de grands crus pissait à ses côtés dans des toilettes d’un luxe tapageur. « On est chez un émir… » lui dit-il en tenant bien en ligne son sexe. L’autre s’esclaffait en se tournant vers lui, arrosant au passage le marbre du dallage, « c’est plutôt leurs bakchichs pépère qui nous valent de pisser dans de l’albâtre. Vendre des kalachnikovs et des missiles sol-air ça vaut mieux pour se faire des couilles en or que de faire la chasse aux loulous du milieu. Putain, moi je suis prêt à bouffer ma carte tricolore pour goûter aux beaux petits culs qu’il se tape le vieux bonze… » Sans avoir besoin du bagage déductif de Maigret ou du commissaire Bourrel, Bourrassaud n’avait eu aucune peine à mettre un nom sur le marchand d’armes. Nous avions rejoint la Nationale 17 à Gonesse puis après avoir traversés Louvres et Survilliers, nous plongions dans une sorte de long couloir, bordé à gauche par un massif forestier, qui nous amenait à la Chapelle-en-Serval.          
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