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6 février 2008 3 06 /02 /février /2008 00:03

 

La séquence de la semaine dernière : JPKauffmann, JMDeiss, JLThunevin, comme à l'accoutumée, a été pauvre en commentaires directs mais m'a valu quelques appels téléphoniques, dont l'un lointain : du Chili via Skype, contestant ou approuvant les propos tenus par ces trois personnalités.

 

J'aime !

Ce matin, dans la foulée du débat de la semaine passée, je vous propose des extraits de la présentation de l'essai sur le goût du vin à l'heure de sa production industrielle écrit par Michel Le Gris présenté par son éditeur comme " philosophe de formation, critique musical à ses heures, exerce à Strasbourg le métier de caviste à l'enseigne du Vinophile." 

 

 

Je rappelle que Vin&Cie est un espace de liberté et que le fait de publier des points de vue ne présuppose de ma part aucune adhésion ou une quelconque réprobation. Celui-ci, comme d'autres, va irriter certains, combler les disciples des "vins dissidents" moi, qui suis, selon la RVF, un dandy "dada" je dois vous confier, off, que je préfère me plonger dans un bon roman que de me jeter à corps perdu dans les batailles de chapelles... 

Amazon.fr - Dionysos crucifié : Essai sur le goüt du vin à l'heure ...

" Loin d'être appréhendés comme l'aboutissement d'une histoire pluri-millénaire, les produits de l'activité humaine sont souvent tenus pour l'émanation spontanée d'une nature immuable. Le monde de la vigne et des vins ne fait pas exception à cette perception naïve des choses. En dépit de ce qui le rattache encore à la nature, il a été soumis, comme bien d'autres, à des mutations que nos contemporains ne perçoivent que difficilement, alors même qu'elles ont grandement modifié, avec le goût des vins qu'ils continuent de boire, leur faculté personnelle à les apprécier (...)



"On ne niera pas que le goût des vins relève  des catégories conjointes du beau et du bon, puisqu'il participe à la formation d'un plaisir stylisé, capable de dépasser la simple appétence sensorielle. Mais, pendant que l'on nous abreuve de propos sublimes sur le vin comme oeuvre d'art, les tendances oenologiques qui prévalent de fait reconduisent inlassablement les formes les plus primaires du goût, plus aptes, il est vrai, à la conquête des marchés qu'au raffinement de la sensibilité. Loin de faire un obstacle à sa banalisation, la célébration du vin comme "produit culturel" en est devenu le prétexte et le paravent, si bien que c'est à une double perversion que nous sommes présentemment confrontés : les procédés modernes de stabilisation dénaturent les qualités alimentaires de la boisson, tandis que l'objet esthétique est affadi par sa soumission à de lucratives stratégies de simplification. Ici comme ailleurs, c'est dans la modestie et la discrétion que continue à se chercher une authentique singularité gustative, alors que s'exposent avec ostentation, sur les tréteaux de la "création artistique", des produits complices du plus plat conformisme esthétique.

 

Soumis au modernisme uniformisant ou, inversement, en quête d'effets spéciaux post-modernes, l'art viticole de cette fin de siècle est marqué par la soumission croissante du goût du vin aux exigences de la logique économique. Aux altérations de la matière première causées par une culture de la vigne axée sur les principes de l'agronomie intensive, s'est ajoutée, selon le principe de rentabilité par rotation rapide du capital, une accélération du processus de production. L'implacable logique de l'extension des marchés a conduit à adapter au goût hypostasié du "consommateur" la part de cette production anciennement réservées aux amateurs fortunés. Evoquant les démêlés de Colbert avec les négociants hollandais qui avient acquis une grande habileté dans l'art d'accommoder au goût de leurs clients des vins de qualité médiocre, l'historien Roger Dion note à juste titre que ce ministre "oubliait que le sens de l'excellence du vin naturel est le fruit d'une éducation que le grand nombre des consommateurs du Nord était hors d'état d'acquérir". Loin d'être périmée, c'est sur les consommateurs des pays producteurs qu'une telle remarque tombe maintenant d'aplomb.


Dans une perspective qui soumet règles de production et critères d'appréciation à la simple réussite commerciale, il n'est pas prévu d'interroger l'origine et la nature de ce fameux "goût de consommateur". Quant à y voir le résultat d'un conditionnement économique et industriel, la pensée post-moderne y décèlerait aussitôt la manifestation d'un caractère suspicieux, maladivement porté à la contestation. Affranchi d'un si vilain soupçon, le "goût du consommateur" devient inversement l'alibi de toutes les mutations techniques profitables, puisque chaque sphère de l'activité industrielle et commerciale le découvre comme un invariant qu'il lui faut opportunément prendre en considération, sans s'estimer aucunement responsable de sa récente apparition. Mais, un tel goût n'en est pas moins le corollaire obligé de la logique économique parvenue au stade, où, par le truchement de la technique, elle fait progressivement main basse sur tous ces aspects de l'univers sensoriel qui étaient jusqu'ici parvenus à se soustraire à son emprise (...)



"Mon propos n'est, en aucune manière, de disqualifier tout projet visant à évaluer les moyens et les procédés de la vinification à l'aulne d'une raison qui possède, ici comme ailleurs, une indéniable dimension émancipatrice face au simple "laissez faire la nature", slogan cache-misère de toutes les traditions dégénérées en routines ; mais bien bien de prendre conscience que dans un univers sensoriel aussi riche de potentialités que celui du goût des vins, toute perception abusive du but à atteindre conduit fatalement à un rétrécissement plutôt qu'à un élargissement de la matière, et avec elle de la sensibilité gustative. Concevoir le vin comme le simple produit d'une fabrication, c'est ravaler au rang de la production mécanisée un art capable d'associer la rigueur de l'exécution à la liberté du résultat. Originellement vouée à combattre les effets indésirables liés à toute production naturelle, c'est cette liberté fondamentale des vins que l'oenologie scientifique en est venue à mépriser. l'existence précaire de quelques oenologues dissidents, à la sensibilité préservée de tout scientisme, ne change rien à un tel constat."  

 

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commentaires

D
Totalement d'accord ! Encore une fois, ce qu'oublie l'oenologie c'est la dimension minérale des vins pour ne se consacrer qu'à ses composés organiques. Or les minéraux, ce sont les sels, et le sel c'est le goût. Mais c'est difficile d'admettre pour les oenologues, que les Romains corrigeaient les vins avec des sels minéraux, bien avant les collages, les désacifications et autres osmoses inverses ou désalcoolisation.
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B
Vous, homme moderne, je doute fort que si c'était possible, vous puissiez apprécier les vins, même les meilleurs, que consommaient les romains à leur époque. Les choses changent, les goûts aussi.<br /> J'ai eu autrefois un palefrenier qui nous accompagnait sur les concours. J'avais la délicatesse de toujours lui offrir une bouteille de qualité satisfaisante. Il ne le trouvait jamais bon. D'ailleurs il n'en achetait jamais car il produisait son vin. Un jour, je vais chez lui, et il me fait goûter sa production dont il était si fier. Qu'elle horreur ! Ses fûtailles étaient affreusement piquées, proprement imbuvable pour vous comme pour moi.<br /> Chez les romains, il se consommait plus de vinaigre que de vin, c'était d'ailleurs la boisson des légionnaires, et de là, la dernière du Chris, par compassion et non par moquerie comme nous l'avons appris au catéchisme.<br /> La qualité des vins, globalement s'améliore, et je m'en réjouis;

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