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24 décembre 2008 3 24 /12 /décembre /2008 00:03


C'est presqu'un conte de Noël... C'est beau comme du Sempé car c'est du Sempé... A déguster comme une douceur... Bonne veillée de Noël à tous, ceux qui vont à la messe de minuit comme ceux qui n'y vont pas comme moi qui l'ai si souvent servi avant de rentrer à la maison pour boire un bol de chocolat avec de la brioche et aller me coucher le coeur battant en pensant à mes petits souliers devant la crèche...

"Je vois que vous avez trouvé mon petit mot dans les courgettes. Ce rendez-vous est un peu étrange, mais à l'abri des oreilles indiscrètes. Voilà : on me propose un autre Félix Potin dans le XXIIIe, plus spacieux donc plus rentable. C'est très loin. Jevous sais trop bonne ménagère pour que vous n'ayez pas remarqué que, lorsque je vous sers, la livre n'est pas loin du kilo et la demi-douzaine n'est pas 6 mais 7, parfois plus ; les sentiments naissants n'ont pas de limites. Je dois donner ma réponse en fin de semaine. Je ne veux pas vous presser. Réfléchissez, Isabelle - permettez-moi de vous appeler par votre prénom. Si demain vous me dites : "Je reprendrais bien des courgettes", je comprendrai qu'il y a de l'espoir, un espoir immense, et je n'irai pas dans le XIIIe. Si vous me dites : " Non je ne veux pas de courgettes", je comprendrai que rien n'est possible et je m'inclinerai. Mais si vous me dites : " J'aurais bien repris des courgettes, mais ce ne serait pas raisonnable", cela signifiera que seul le destin nous sépare, et ce sera alors un baume sur ma souffrance..."

Sempé
















































































































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23 décembre 2008 2 23 /12 /décembre /2008 00:06

Qui se souvient d’AOM ? Pas grand monde et pourtant pendant plus de 2 années je m’envolais toutes les semaines d’Orly-Sud sur Air Outre Mer pour atterrir sur l’aéroport de Perpignan en permanence balayé par la tramontane dans un vieux Mac Donnell Douglas avec ses deux réacteurs Pratt&Whitney placés à l’arrière sur le fuselage. Lorsque nous virions pour effectuer l’atterrissage face au vent la carlingue vibrait et dans l’ultime descente nous avions le sentiment d’être un fétu de paille balloté par les turbulences. La compagnie, filiale de Swissair, menait grand train et le service à bord était de qualité : les plateaux repas et les vins servis excellents. Et puis, Swissair fit faillite, AOM fusionna avec Air Liberté et la nouvelle compagnie Air Lib, hormis de repeindre ses vieux avions, nous traita comme de vulgaires passagers d’une compagnie charter avant de disparaître elle aussi dans une faillite frauduleuse. Plus d’avion, plus de mission, je mettais le cap sur Cognac.
Souvenirs, souvenirs, la Maison de l’Agriculture avenue de Grande-Bretagne, je pourrais égrener les noms de mes interlocuteurs, ceux aussi des villages où je me rendais, mais ce matin, à la veille de Noël, je vais m’arrêter à Calce, plus précisément au Château de Calce cher au cœur de Jean-Claude Balmigère président de la cave coopérative  www.chateaudecalce.com/ et de vous proposer son Muscat de Noël :  « Ce premier Muscat de l'année est issu d'une vinification différente de celle de l'Appellation Muscat de Rivesaltes à partir des cépages Muscat petit grain et Muscat d'Alexandrie. Cette particularité en fait un vin jeune, frais, fruité au goût de bonbon anglais. Ce n'est pas un vin de garde, ce Muscat est idéal pour accompagner les foies gras, en apéritif, les viandes blanches, les poissons ou, encore une fois, les desserts au chocolat et autres gourmandises telles les fruits sec, les fruits exotiques, les sorbets, les pâtes d'amande au moment des fêtes de Noël et de Nouvel An. » Jean-Claude Balmigère, s’il me permet cette expression, avait 2 amours : le Comité Interprofessionnel des Vins Doux Naturels et bien sûr le Château de Calce. J’ai sacrifié sur l’autel de l’Union Européenne le CIVDN mais j’ai passé une merveilleuse journée avec Jean-Claude Balmigère à explorer les merveilles et les secrets du terroir de Calce.


Dix ans déjà, le « médiateur » de la crise des VDN que j’étais constate, avec une grande tristesse, l’état d’une grande partie de la viticulture de ce beau département. Le texte de l’interview qui suit, extrait de l’édition du 21 novembre de l’Indépendant, qui n’a aucun lien avec mon coup de cœur pour le château de Calce, me semble emblématique, dans la langue « boisée » du DDAF, de ce que dans « Cap 2010 » nous avons tenté d’anticiper. Des regrets, qui n’en auraient pas à ma place… Mais comme dirait l’autre mon expertise sur ce dossier est si mince qu’elle ne vaut même pas la peine d’être sollicitée… (La coopération représente dans les PO 75% des apports, 78% des vins doux et 73% des vins secs.)   

Viticulture : pourquoi les coopératives vont mal


Un audit a été commandé par l'Etat sur la situation économique des caves coopératives. Vincent Faucher, nouveau directeur départemental de l'agriculture, en tire les enseignements.

Quels sont les points négatifs relevés par cette étude ?

Tout d'abord un déficit d'image, avec une atomisation de l'offre et une adaptation insuffisante aux nouveaux marchés.

Ce qui débouche forcement sur une absence de vision prospective. L'audit déplore également une certaine absence de mobilisation visant à élaborer un projet économique avec des carences au niveau des actions collectives

La gestion des caves coopératives est-elle remise en cause ?

Sans aller jusque-là, disons qu'il a été relevé des problèmes de gouvernance avec une implication variable des présidents et des conseils d'administrations.

Ce qui peut effectivement conditionner la pérennité de certaines coopératives. Sur un aspect plus comptable, cette étude fait apparaître un manque d'homogénéité entre structures au niveau des comptes de résultat avec des approches financières complexes à décrypter.


Création d'un observatoire économique Que préconisent les auditeurs ?

La création d'un observatoire économique avec, pour commencer, l'élaboration d'une dynamique commerciale connectée à une étude approfondie de la situation économique et sociale des coopérateurs. Ensuite une restructuration des caves basée non plus sur le principe de rapprochements géographiques mais sur des critères de rentabilité. Enfin une meilleure efficience des gouvernances avec l'émergence d'une dynamique économique à l'échelle départementale.
Sans oublier le principe d'une optimisation financière avec notamment la valorisation des stocks.
Concrètement, comment allez-vous procéder sur le terrain ?

Tout d'abord, il faut considérer qu'il s'agit là d'un module qui pourrait parfaitement être intégré dans le cadre du Projet Agricole Départemental. Ensuite, je tiens à préciser que cet observatoire va impliquer la DDA, la Trésorerie Générale, mais aussi la Fédération des Caves Coopératives, la Chambre d'Agriculture, le Centre d'Economie Rurale et le Comité Interprofessionnel des Vins du Roussillon.

Nous allons collecter les informations auprès de chaque cave et les restituer, après analyse, en toute transparence aux coopérateurs.

La profession a d'ailleurs validé à l'unanimité la lettre de mission.

Ne craignez-vous pas quelques réticences ou crispations de la part de certains présidents ou directeurs de caves ?

Bien sûr la restructuration déjà en marche du monde coopératif peut conduire vers un remodelage des responsabilités.

Mais au regard des difficultés que traverse la profession, peut-on faire l'économie d'une telle analyse.
Il s'agit là d'une opportunité nécessaire, peut-être sans précédents. Il n'est pas question ici de sanctions ou de chasse aux sorcières. Mais d'une alternative, souhaitée par tous, à une accumulation de difficultés.

Propos recueillis par Jean-Paul Pelras

Je lis aussi, toujours dans l'Indépendant, " La coopérative d'Espira de l'Agly a mis la clé sous la porte" c'est l'urgence pas le temps des audits et de la réflexion...

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22 décembre 2008 1 22 /12 /décembre /2008 00:08

 Ce titre va sans doute étonner ceux d’entre vous qui suivent mes élucubrations sur cet espace de liberté depuis son origine car ils savent mon allergie à ceux, bistrotiers, cavistes, restaurateurs qui affichent « vins de propriétaires » sur leur devanture pour attirer le chaland adepte d’authenticité. Elle vient de mes racines profondes mon « allergie », mon grand-père Louis fut longtemps métayer du vicomte de la Lézardière, à la métairie la Célinière, commune de St Georges-de-Pointindoux, avant d’acheter une minuscule borderie au Bourg-Pailler, à l’entrée du bourg de la Mothe-Achard. Que je sache la qualité de ses bœufs blancs tachés de roux n’a pas été bonifiée par le changement de statut des terres qu’il cultivait. Pour dire le fond de ma pensée je retrouve dans cette dénomination le caractère « petit rentier » des français : ma terre, ma maison, ma « femme »… Le faire-valoir direct n’est pas supérieur au fermage ou au métayage. Certains vont me taxer de mauvaise foi en me faisant remarquer que les vins de propriétaires sont des vins fait par ceux dont le nom est sur la bouteille. Là, permettez-moi, je me gondole grave. Beaucoup de ces vins sont des vins dit de propriétaires ne sont que des vins de salariés. Bref, l’allergie sous-jacente, aux vins des coopératives, est la raison profonde de cette ségrégation.

Alors pourquoi diable mettre en avant cette dénomination honnie ? La raison en est simple, j’ai trouvé dans une coopérative, Sieur d’Arques à Limoux, le « vin du propriétaire ». Le du change tout mes amis. Ce qui m’a attiré c’est la bouteille. Regardez la photo, c’est génial cette adjonction d’une fermeture système limonade. Moi ça me plaît. C’est pratique. Stockage au frigo. J’ai une petite envie, j’ouvre. Un petit gorgeon bien frais. Je referme. Refrigo. Des amis passent. Ploc ! Quelques coupes et le tour est joué. C’est une Blanquette « méthode ancestrale », 6,5% naturels, c’est fruité, ça va mettre en transes les « docteurs qui veillent sur ma santé » car ça pourrait séduire des jeunes adultes, les inciter à déguster ce doux breuvage. Comme je n’ai pas ma langue dans ma poche je me dois de dire que je trouve l’étiquette un peu trop classieuse : de l’or, ça fait un peu le pauvre paysan de Fernand Reynaud, « ça eu payé mais ça paye plus… » Moi j’aurais préféré une étiquette genre celle que mémé Marie collait sur ses confitures, simple, même un peu de guingois. En effet, Le Propriétaire, c’est le nom officiel de cette cuvée, c’est le vin du vigneron : Jean laverivière, au lieu-dit : les trois Cantons cépage : Mauzac et, bien sûr, c’est vinifié par Alain Gayda. Je l’ai déjà écrit, comme pour le Cerdon, voilà un beau vin d’initiation. Allez, quand vous aurez éclusé le stock d’étiquettes un petit habillage simple et nature et que la fête commence !

 

Quand je pense que les « grands esprits de la recherche agronomique» se chatouillent pour trouver des vins de faible degré et que nos « génies de la grande distribution » nous font prendre leurs pseudos-découvertes pour des innovations, alors que je les soupçonne de n’être que des moutons de Panurge en retard d’une guerre tout en se la pétant grave, alors que voilà des vins traditionnels, sympas, peu alcoolisés, pétillants, joyeux qui ne demandent qu’à être promus. Ça nous changerait de la énième promotion Champagne ou Bordeaux et des tristes têtes de gondoles. L’imagination n’est vraiment pas au pouvoir chez les boys de MEL qui cause plus vite que son ombre ou chez les « technos binaires» de Carrefour… Bougez-vous le cul les mecs ! Vous n’êtes que des « fonctionnaires » routiniers, bien au chaud, qui ne faites plus le boulot. Et ne venez pas me dire que votre mur de vin vous le dressez pour le chaland, ce con de payant. Allez faites-nous des mises en avant sympa, ludiques, sympathiques. Dites à vos chefs que le rayon vin c’est le mur de Berlin. On a changé d’époque les gars. Bon vous me direz comme je ne suis pas votre client préféré ce que je dis vous n’en avez rien à cirer. Allez, à quoi bon faire monter le degré puisque j’ai ma petite boutanche au frais et que Fernand Reynaud nous fait toujours rigoler…

   http://www.dailymotion.com/video/x5778w_fernandreynaudlepaysan_fun
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21 décembre 2008 7 21 /12 /décembre /2008 00:08

En préparant notre croisière je me découvrais un certain talent pour me glisser dans la peau de François Dulong, propriétaire foncier en Sologne. Ça m’était venu, comme ça, sans que j’y prenne garde d’une barbe de trois jours née d’un séjour hallucinant dans une planque de la GP pleine d’odeurs mêlées, le rance des corps non lavés, le fade des chaussettes et l’âcre du tabac froid, où, sous la poigne inflexible de Victor, nous avions du, les uns après les autres, faire notre autocritique. Tous ces brillants intellectuels, où supposés tels, se complaisaient dans l’autoflagellation, en redemandaient, ânonnaient une langue de bois digne du Petit Livre Rouge de Mao mais en plus terne. Le seul qui se marrait, l’enfoiré de Gustave qui en rajoutait dans le sadisme. Lui qui, avec moi, représentait les vrais prolos dans le premier cercle, tout en s’empiffrant comme un chancre et en engloutissant des litres de Valstar au goulot, jouait au gardien de l’orthodoxie de la ligne de la GP. Dans ce cénacle de petits bureaucrates asservis, où tout procédait de la parole d’un seul individu, la vieille fiotte de Gustave pouvait tout se permettre, même de pisser sur la tête d’un type, dont je tairai le nom, depuis il s’est rangé dans l’édition, qui avait osé avouer, en s’excusant platement, que la ligne politique du dernier tract distribué porte Zola à Renault Billancourt, lui semblait en contradiction avec ce que Victor avait déclaré la semaine précédente. Gustave avait bramé. S’était relevé péniblement tout en se débraguettant. Son gros vis mollasson serré entre ses doigts gluants de l’huile des frites qu’il avait acheté au bistrot d’en face, il était venu se placer à l’à pic du pauvre bougre assis en tailleur à même le plancher. « Toi mon petit con faut que je te baptise pour que t’arrêtes de dire des conneries sur le Chef… »  Personne n’avait moufté. Moi je m’étais contenté, lors d’une défécation de Gustave, de le menacer de lui faire bouffer ses étrons s’il lui revenait à l’idée de recommencer.

 

Au retour de cette équipée, face au miroir, après ma douche, je me rasais en gardant le frisotis de poils qui dessinait au-dessus de mes lèvres une esquisse de moustache. Chloé, en rentrant de Milan, où elle entretenait le lien avec nos « frères » brigadistes, avant de m’embrasser, me toisait en affichant un sourire dont je ne savais s’il était ironique ou de gourmandise « T’es craquant ! Tu ressembles à Delon dans le Guépard mon légionnaire. Tu fais plus mâle et ça me plaît… » À partir de cette ébauche pileuse conforté par la réaction de Chloé je me composais un personnage : lunettes rondes cerclées d’écaille, costumes de tweed, épingle à cravate sertie d’une perle de culture, cane à pommeau et, bien évidemment, chevalière armoriée. Ma délicieuse et insolente compagne, se moquait « devrais-je porter un corset et des culottes percées mon cher frère ? » Je coupais court « au fait, intrigante, comment se porte monsieur le Secrétaire-Général ? T’a-t-il acheté une guêpière pour ton anniversaire ?

-         Non une barboteuse car tu sais bien qu’il adore que je le suce.

-         Ne sois pas vulgaire, dis plutôt qu’il aime que tu le pompes…

-         Blague à deux balles, ma mère se charge de l’essorage des gonades de notre protecteur mon cher Tancrède. Et, à propos d’anniversaire, j’ai le plaisir de t’annoncer que, pour me faire plaisir, ce cher homme m’a fait parvenir des fleurs accompagnées d’un carton d’invitation pour la réception du Président du Conseil Italien, Giovanni Leone, à l’Elysée demain soir. Tu mettras ton grand uniforme et tes décorations, mon beau légionnaire, car bien sûr c’est monsieur et madame…

-         Moi chez Pompe tu rigoles !

-         Imagine la tronche de ce cher Bertrand, il va avaler son dentier et te bouffer dans la main.

-         Si nos petits copains de la GP savaient…

 

Chloé m’embarquait sur sa moto, direction le Cor de Chasse où elle me transformait en pingouin, chaussures noires vernies et tout le tintouin. « Tu ne trouves pas que je fais un peu chef de rang de la Coupole mon ange ? » L’habilleur manquait avaler sa pelote d’épingles. Il se rengorgeait prêt à défendre l’honorabilité de ses frusques. « Tu es dans le vrai mon légionnaire. Une veste croisée, très près du corps, ça changerait tout. Avec ta taille de guêpe, tu donnerais dans l’Helmut Berger des Damnés…

-         T’es accro de Visconti ma belle... le Guépard, les Damnés, et le prochain ce sera…

-          Morte a Venezia mon beau que ce cher Luchino Visconti di Modrone, comte de Lonate Pozzolo est en train d’adapter du roman de Thomas Mann

-         Un ami de ta très chère mère je suppose…

-         Tu supposes juste mon cœur. Alors, cher Monsieur, cette veste croisée vous êtes en train de la faire fabriquer !

L’homme, subjugué par nos propos, marquait un temps, semblait perdu, tanguait légèrement avant de se précipiter vers la rangée de cintres pour y décrocher un veston. J’ironisais. « Toi au moins tu sais parler au petit personnel…

-         Tu vas cafter à Victor…

-         Ouais une lettre anonyme avec des lettres découpées dans une page de la Cause du Peuple.

-         Tu en serais capable sale agent dormant.

-         Bien sûr Mata Hari.

-         T’es tout juste bon à faire des soudures à l’étain chez Citroën.

Là, le préposé au smoking, sombrait. Aucun son ne pouvait sortir de sa bouche et, dans une forme de désespoir, il agitait à bout de bras, comme un drapeau noir en berne, ce qui pour lui n’était plus une veste mais le signe de sa reddition.

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20 décembre 2008 6 20 /12 /décembre /2008 00:04

 

Le temps, prendre le temps, laisser du temps au temps, ne pas confondre agitation et action, respecter le temps long, se donner le temps de la réflexion… Le texte qui suit me va bien car il exprime ce que je ressens, et il dit simplement, bien mieux que je ne ferais, des choses essentielles. Il est de la plume de quelqu’un que j’aime bien, Étienne Klein, professeur à Centrale qui dirige le laboratoire de recherche sur les sciences de la matière au CEA. Bonne lecture…

 

« … qui oserait nier que le « parler gros » l’emporte désormais sur le « parler fin » ? Qui ne voit là l’équivalent d’une marée noire ? Qui pourrait contester que chaque jour un peu plus, les discours subtils, prudents, ceux qui font des plis, se trouvent marginalisés ? Certes, il ne s’agit pas d’une véritable « guerre ». Mais on assiste bel et bien à une offensive larvée, patiente, contre tout ce qui demande du temps, une élaboration, voire de la lenteur. L’engouement remplace de plus en plus souvent le raisonnement, la conviction intime ou le goût spontané (ou ce qui se prend comme tel) comptent davantage qu’une argumentation solide ou une critique rigoureuse. Dans un système qui semble condamné aux choix binaires – oui ou non, pour ou contre –, le discernement est mis au rebut. Les grands médias concourent sans nul doute à ce travail de brouillage. À force de fabriquer de la fugacité, puis de la renouveler sans cesse, à force de promouvoir une immédiateté sans passé ni avenir, sans règles, sans héritages, ils deviennent victimes et promoteurs d’une sorte de maléfice qui leur est consubstantiel : ils appauvrissent tout ce qu’ils touchent. S’il leur arrive de croise quelque chose d’important ou d’essentiel – une œuvre, une personne, une image, une idée –, par le fait même de l’installer dans l’actualité ils le placent en état d’inconsistance. Tout se passe comme si les images et les discours que les médias font déferler nous mettaient en présence d’une réalité excessive, où l’incident devient événement et où l’événement se retrouve souvent relégué au rang d’incident. Or ce « trop-plein de réalité » agit sur nous, concrètement. Il nous assiège au plus profond de nous-mêmes, nous rendant chaque un peu plus impuissants à relier les événements et les idées à ce qui les produit. Piégés dans un flux qui nous submerge, nous ne sommes plus capables de discerner quel paysage général est en passe d’émerger. D’autant que les temps indispensable à l’analyse réclame désormais une forme d’ascétisme. Car à toute heure du jour et de la nuit, la distraction est là, à portée de bouton, de clavier ou de télécommande, qui vient faire écran (c’est le mot) à la réflexion. Il s’agit d’une affaire de prolifération, mais non nucléaire : à force de se singer, de s’autocélébrer, à force de promouvoir la vétille comme épopée du genre humain, les formes modernes de la communication se transforment en une vaste polyphonie de l’insignifiance. Elles produisent une sorte de magma informel que nul message élaboré, construit, raffiné, ne parvient plus à transpercer. »

 

in « Galilée et les Indiens » d’Étienne Klein Café Voltaire chez Flammarion pages 100 à 102

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19 décembre 2008 5 19 /12 /décembre /2008 00:04

La dépêche d’Ems, pure provocation de Bismarck  afin d’ « exciter le taureau gaulois » a provoqué le conflit de 1870 entre l’Allemagne et la France. Toute proportion gardée, en nos temps électroniques, un simple point ajouté dans une adresse e-mail peut engendrer des malentendus regrettables. Tel fut le cas lors de mon envoi groupé de mes 3 mêmes Questions à des œnologues. Tous me répondaient sauf, avais-je écrit, le président de l’Union des œnologues : Thierry Gasco. Je lui dois des excuses : il ne pouvait pas me répondre puisqu’il n’avait pas reçu mes fichus questions, ni mon rappel, car un petit point s’était introduit entre le t et le g. Lorsqu’il a découvert mon apostrophe, le sang de Thierry Gasco n’a fait qu’un tour et, alors qu’il était au Japon, sur son Black Berry il m’a fait part de son étonnement et de son désir de répondre. Qu’il en soit remercié. L’homme est un pur produit de la Champagne et du Champagne car né à Reims d’un père directeur de Caves. Il débute en 1972 sa carrière chez Goulet-Turpin à Reims, passe dans le groupe Promodès cher au cœur de mon ami Jean-Louis jusqu’en 1983. Directeur des Caves SA Roger Guy de 1983 à 1986 puis chez de Venoge jusqu’en 1992. À cette date il entre chez Pommery où il exerce les fonctions de chef de cave puis de Directeur. Il fait aujourd’hui partie du  Comité de Direction du Groupe Vranken Pommery Monopole. Thierry Gasco, responsable des assemblages des différentes cuvées de la Maison, est le garant du style Pommery. À propos de la fameuse Cuvée Louise, il déclare  « l’assemblage de la Cuvée Louise vise le plus bel équilibre entre l’année et le style. Au moment de la dégustation, je décèle les arômes, corrige certains traits de caractère trop marqués, en tendant toujours vers cette parfaite harmonie. L’exercice s’apparente à une composition musicale. Vous avez toutes les notes, à vous de les orchestrer. C’est un travail tout en finesse, long et périlleux. Mais rien n’est plus passionnant ». Ne pas recueillir ses réponses en tant qu’homme de l’art d’un grand produit, et aussi bien sûr en tant que Président de l’Union des Œnologues, eut été dommage.



Question N°1 : Supposons que je sois un jeune bachelier passionné par le vin. Je cherche ma voie Sur le site du CIDJ je lis « L’œnologue, grâce à ses connaissances scientifiques et techniques, accompagne et supervise l’élaboration des vins et des produits dérivés du raisin. Sa principale activité concerne la vinification. Il conseille les viticulteurs dans le choix des cépages et la plantation des vignes. Il surveille les fermentations en cave, le traitement des vins et leur conditionnement. Il effectue des analyses et procède à des recherches technologiques visant à l’amélioration des cépages. L’œnologue peut également être chargé de la distillation ou fabrication des alcools à partir des marcs de raisins. Enfin, connaisseur et expert en dégustation, il participe à la commercialisation des vins en France et à l’étranger. En raison de la concurrence rencontrée désormais par la production française de vin sur le marché mondial, l’œnologue remplit une fonction stratégique pour le maintien ou l’amélioration de la qualité des produits de la viticulture française. »

Présenteriez-vous ainsi votre métier à une jeune pousse

 

Réponse de Thierry Gasco : Cette définition de l’Oenologue n’est certainement pas complète car la profession d’œnologue a de multiples facettes. En effet, les jeunes qui font leur études d’œnologie afin d’obtenir leur Diplôme national d’œnologue (DNO), le font dans des centres d’enseignement dédiés  et ceci dans 5 Villes de France. C’est là que se retrouvent ses étudiants Français, mais aussi étrangers qui,  lorsqu’ils entrent dans cet enseignement spécialisé, c’est dans le but d’obtenir un diplôme ouvrant directement sur le marché du travail.

Les études qui y sont faites s’orientent sur plusieurs disciplines afin qu’un Œnologue sortant puisse, en fonction de ses envies et aspiration puisse orienter sa carrière, ou en fonction des opportunités exercer tel ou tel autre métier.

Si on liste donc les métiers exercés par les œnologues, certains ont leur propre structure viti-vinicole et vont donc gérer l’ensemble de leur exploitation, de la plantation et culture du vignoble, à la commercialisation de leur vin, en passant bien évidemment par les vinifications, et à la comptabilité de leur entreprise.
A partir du moment où l’entreprise viti-vinicole est plus importante, dans ce cas, il y a une répartition des taches et à ce moment les Œnologues exerceront leur activité dans un de ces secteurs : certains seront Régisseurs de Domaine, assurant leur tâche jusqu’aux vendanges, amis aussi, pourquoi pas, le premier acte de la vinification qu’est le pressurage. D’autres prendront en charge tout le travail du vin, des vinifications en passant par  l’élevage, les clarifications, les assemblages, la préparation des vins à la mise en bouteille. Dans toutes ces phases les analyses et les dégustations jouent un rôle important. La partie analyse peut-être faite en interne de la structure par un Œnologue lui-même ou encore laissée à un Laboratoire spécialisé en Analyses Œnologiques où exercent un ou plusieurs Œnologues. Les Œnologues vont suivre aussi la Qualité du produit, vont vérifier qu’il satisfait bien aux règles de Sécurité Alimentaire afin de préserver à tout moment la santé du consommateur. L’œnologue est également soucieux de son environnement et travaille au quotidien dans cette optique. L’œnologue peut se voir confier la production sur les sites importants.

Plus en aval, l’œnologue peut assurer une fonction commerciale mettant ainsi en avant avec les mots justes, la qualité des produits qu’il commercialise, ou encore en tant qu’acheteur pour le compte d’une enseigne ou d’une centrale d’achat.

Toujours dans cette partie avale de l’activité, l’œnologue peut assurer un rôle important de communication allant à la rencontre du consommateur, et apportant son aide aux commerciaux sur le terrain. Il est ainsi amené, dans ce cadre là à animer des dégustations pour son entreprise en y décrivant les vins.

Mais les Œnologues se rencontrent aussi dans de nombreuses interprofessions, dans des administrations, au ministère, dans tous les organismes d’état.

Si donc quelques années après que notre Diplôme ait vu le jour (1955), l’œnologue,

à quelques exceptions près, venait apporter son expertise aux Elaborateurs par les analyses et par la dégustation, aujourd’hui son champ d’investigation est presque sans limite.

Aussi afin de toujours être au plus haut niveau des connaissances techniques, scientifiques, réglementaires, l’enseignement est passé progressivement de Bac+2 à BAC+4, pour être aujourd’hui un Diplôme à Bac+5 de niveau mastère.
Ce diplôme peut être complété, si certains le souhaitent, par des mastères axés vers les démarches environnementales et qualité, voire des approches commerciales et marketing.

Ce métier au travers de la passion qu’ils ont du vin, font que l’œnologue ne pouvait que s’imposer dans ce monde merveilleux où ce produit est un phénomène de culture et de notre civilisation nous amenant très vite vers la convivialité et le plaisir de la rencontre.

L’Union des Œnologues de France, syndicat professionnel créé en 1959, s’est donné les moyens de faire connaître l’enseignement œnologique, les Œnologues, leur métier, de défendre l’œnologue ainsi que son titre.

Aujourd’hui, presque 50 ans plus tard, les choses ont bien  avancé mais cela reste un travail au quotidien.


Question N°2
 : « Monsieur Seignelet, qui avait assis Bertrand face à lui, donnait à mi voix des leçons d’œnologie, récitait des châteaux, des climats, des millésimes, émettait des jugements, prononçait du vocabulaire : puis il voulut enseigner à son fils aîné le rite grave de la dégustation. » Tony Duvert « L’île Atlantique » éditions de Minuit 2005. Dans le fameux manga « Les Gouttes de Dieu » «  Le héros est présenté comme œnologue alors que manifestement c’est plutôt un œnophile doué et cultivé.

Quel est votre sentiment sur ce glissement sémantique

Réponse de Thierry Gasco : Par cette question, nous rentrons dans un sujet sensible, en effet, comme vous le dites justement, le terme d’œnologue est souvent utilisé à mauvais escient et là nous y sommes. Par définition l’œnologue est la personne qui a étudié la science de la vigne et du vin. N’est Œnologue que celui ou celle qui a obtenu son Diplôme National d’œnologue, diplôme d’Etat.

Nous sommes en effet dans le cas que vous citez face à un œnophile averti, qui peut avoir des notions d’œnologie, qui de par sa passion qu’il a du vin et de par l’approche qu’il en fait, peut savoir, lors des dégustations, le décrire. Mais il pourrait, en allant plus loin, tout aussi bien être une personne qui a appris le métier du vin sur le terrain et qui connaît un certain nombre d’éléments, de réaction biochimiques, qui a appris pas lui-même, ou accompagné, à élaborer et à déguster les vins. Cette personne saura ainsi parler des vins qu’il élabore et des d’autres. Ce Monsieur Seignelet pourrait aussi être Sommelier, cette personne qui joue un rôle essentiel dans notre filière. Il ne faut pas se méprendre, mais le Sommelier, joue le rôle du prescripteur de nos produits directement auprès du consommateur. En quelques minutes, il faut que le sommelier ait compris le type de consommateur qu’il a en face de lui, afin de lui proposer le vin qui doit lui convenir.  Le Sommelier est donc un maillon essentiel de notre filière vin car de par ses connaissances sur une multitude de vins et étant en liaison permanente avec le Chef, il saura toujours proposer la meilleure association met et vin, celle vers laquelle le consommateur apprécie de se retrouver.

En fait, pour conclure sur cette question, la diversité des métiers au sein de notre filière est vraiment très importante, qu’il nous apparaît important et nécessaire de défendre nos titres à chacun tout en les expliquant et ceci sans aucune agression, uniquement par soucis de respect d’un ordre à rétablir, au cas où il aurait été bousculé.

 

Question N°3 : Moi qui ne suis qu’un pur amateur aussi bien pour le vin, que pour la musique ou la peinture je place ma confiance non dans les critiques mais plutôt dans ma perception au travers de l’œuvre du génie du compositeur ou du peintre. Pour le vin l’affaire est plus complexe entre l’origine, le terroir, le vigneron, le vinificateur, le concepteur du vin, l’exécution est à plusieurs mains. La mise en avant de l’œnologue, une certaine starification, correspondant par ailleurs avec l’esprit du temps, à une forme de marketing du vin, ne risque-t-elle pas de nous priver d’une forme de référence objective, celle de l’homme de l’art, nous aidant à mieux comprendre l’esprit d’un vin ?

Réponse de Thierry Gasco : Que vous répondre à cette question, si ce n’est que je passe ma vie à faire comprendre que les produits que j’élabore ne le sont qu’au travers un respect, celui de ce qui m’a été légué et dans le respect de ce que je léguerai.

Je dirai que nous façonnons quotidiennement un produit : le vin à l’image de ce dont nous avons hérité, et avec une seule et unique direction, celle de transmettre par notre savoir faire, à nos descendants œnologues, un vin que les générations futures prendront plaisir à déguster. Que cherche d’autre l’œnologue en tant qu’élaborateur de vin que de donner du plaisir au consommateur, et ceci dans le pur respect de la nature et de son environnement. Il faut arrêter d’aller penser que nous cherchons à faire un produit terne, sans relief, triste. Ce que nous nous efforçons à faire  c’est un produit de Qualité mais dont la Qualité n’est pas le fait du hasard, mais d’une technique bien maîtrisée qui nous permet de proposer des vins d’une grande régularité.

Un Œnologue ne balaiera jamais d’un revers de main, tout ce que la nature lui offre, par contre de la vigne au verre, il fera tout pour aider la nature lorsqu’elle sera en difficulté et tout en s’appuyant sur les technologies adaptées pour que les vins qu’il produit soient appréciés de tous ceux qui au détour de leur vie, auront l’opportunité de les déguster.

L’œnologue n’est surtout pas là pour banaliser un produit, mais bien au contraire pour chercher le meilleur de lui-même. Pour conclure je dirai que la maxime de l’Oenologue pourrait être que la Qualité optimale est une quête permanente.

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18 décembre 2008 4 18 /12 /décembre /2008 00:10

Cher petit gars de Nouillorque qui fait du ciné,

Quand j’ai lu l’autre jour dans Téléramuche
http://www.berthomeau.com/article-25675837.html,
qu’est la conscience de la France « phare du monde », ta réponse à la question :
« Votre premier souvenir, en matière de goût ? »
j’en suis resté sur le cul, pantois, baba, comme deux ronds de flan ; désolé, presque rien que des trucs sucrés.
« L’acidité ! »
que t’as laissé tomber, sur de ton fait, avant d’enchaîner sur une étrange démonstration de ton mode de fabrication :
« Toutes mes émotions d’enfance sont liées à l’acidité. Celle du vin, du discours de mon père, des réflexions de ma mère… C’étaient des gens à contre-courant. La fierté de mon père dans son métier de journaliste était d’être non en conflit avec le pouvoir, mais en état de questionnement. Et même s’il était de gauche, il prenait du plaisir à remettre en question les idées reçues de la gauche comme de la droite. Cette acidité, c’était quelque chose de naturel, pas une posture. »
En traduction libre, « bon sang ne saurait mentir », t’es le digne prolongateur d’une lignée de révoltés bien tempérés avec juste une goutte d’acidité pour relever la sauce. Du piquant quoi, un pointe, mais comme l’excès de vinaigre nuit ça peut virer à l’aigre et faire des trous dans l’estomac. Même si tu te défends de prendre une posture, celle de celui qui sait, qui dit, et bien sûr dont il faut suivre les enseignements, je trouve que ta mise en avant de l’acidité, pour l’opposer à la sucrosité, relève de l’exploitation d’un nouveau filon profond pour journalistes en mal de défonçage de portes ouvertes.
Pour preuve à cette belle question : « Diriez-vous que le goût sucré, c’est le mauvais goût ? »
tu réponds, avec une pointe de suffisance contrite :

« Non, c’est juste le goût le plus facile. Ce n’est pas forcément mauvais, c’est paresseux. »

Et, toc, emballé c’est pesé : tout en haut de l’Olympe du goût se tiennent sous ta houlette les esprits éclairés, acidulés, qui dressent des digues pour endiguer le flot des grosses fégniasses goinfrées de sucre par les Big Brother de l’agro-alimentaire. Mon petit gars qui fait du ciné, sans vouloir te vexer, tu confonds la cause et les effets. Que l’on en soit réduit à faire défiler un bandeau déroulant au bas des publicités à la télé conseillant de bouger et de marcher montre à l’évidence que ce n’est pas ce malheureux sucre qui est en cause mais l’avachissement généralisé. Même les salles de cinéma sont devenues les annexes des canapés, on y bouffe, on y boit, on y rote comme chez soi. Que veux-tu moi je ne stigmatise jamais le produit, je m’intéresse au comportement des petits hommes et les « ce n’est pas de ma faute » m’énervent. Reporter toute la responsabilité des dérives actuelles sur la pression de la société qui pousse à suivre le goût dominant me paraît un peu short et, pire encore, faire accroire, que ce sont des gars comme toi qui « avec tes amis vignerons qui te disent qu’il y a un vrai retour en France des vins d’acidité, fuyant le bois neuf et le goût sucré » vont sauver notre vieux pays de sa décadence est aussi indécent que prétentieux. Vraiment tu nous assènes de la philosophie de pacotille, des généralisations abusives qui surfent sur l’air du temps, si anxiogène, pour nous faire accroire que c’était mieux avant. Moi je suis comme le professeur Étienne Klein lorsqu’il écrit : « Comme si les erreurs commises au nom de la science, ou grâce à elles, rendaient l’ignorance valeureuse. Si l’humanité a besoin de victimes expiatoires, ne pourraient-elle pas commencer par regarder du côté des marchands de sable ? » Je te conseille de lire son livre « Galilée et les Indiens » ça te fera du bien à la tête et j’espère te rendra plus modeste.

Maintenant, plus qu’une contre-démonstration, je vais te parler, sans faire de phrases, de mes Indiens à moi, des Vendéens nés à la fin du 19ième siècle avec qui j’ai vécu ma prime jeunesse, mes grands-parents.

- commençons par le vin du pépé Louis, du vin de paysan, une horreur absolue, entre Noa et Baco et les cépages à numéros, du 7 à 8°, acidité garantie ;

- puis continuons par la purée pure Bintje de mémé Marie elle la sucrait tellement qu’elle en brillait ;

- passons au vin des ouvriers de la ville d’à côté, du pur Algérie, du Mascara, notre Nouveau Monde de l’époque, à peine allongé par l’Aramon des plaines de Béziers, du lourd, du velours de l’estomac, des calories, des sucres rapides pour la carburation ;

- arrêtons-nous un instant au vin bouché du dimanche, pour les blancs des Layons pâteux (pauvre Patrick !) ou des Monbazillac sirupeux, du pur sucre ; pour les rouges ce que l’on baptisait des « Bourgognes » non estampillés mais renforcés au Béghin-Say de Nantes l’ex négrière ;

- maintenant faisons un détour par le bistrot avec les chopines et les fillettes de Gros Plant des habitués, acidité incorporée et imprégnation de type perfusion ;
- revenons à la maison : la soupe aux choux verts – les vrais, les choux fourragers à vaches – taux d’acidité au zénith ;

- et puis sortons dans le jardin familial cultivé par pépé Louis et observons deux de mes mets nature favoris : l’oseille, nous l’appelions la vinette, ça excitait les dents, et les groseilles maquereaux pas mûres, de l’acidité à l’état pur ;

- au retour opérons une pause pour le café : combien de carreaux de sucre pour pépé Louis dans ce jus bouillotant au coin de l’âtre ? Entre 5 et 8, en moyenne, du sucre au café boulu avec rincette à la goutte ;

- un petit détour par les confitures de mémé Marie avec sucre cristallisé dominant le fruit bien sûr, conservation oblige ;

- attardons-nous aussi sur les laitages de la tante Valentine son millet au lait pourrait de nos jours faire concurrence aux desserts sucrés de l’industrie...

Je pourrais continuer de dévider mes souvenirs mais je te lasserais petit nouillorkais qui se prend pour un grand du ciné. Cependant avant de clore cette séquence je dois te confesser que la dominante en nos contrées crottées c’était le sel, du gros, bien gris, pas encore chic : lard salé, beurre salé, jambon salé et fumé, morue salée…etc. Alors ainsi tu comprendras pourquoi je me suis baptisé demi-sel pour m’adresser à toi qui dit n’être pas chaptalisé. Alors le titanesque combat acidité/sucrosité relève de la baudruche pour bobos gogos, sauf qu’au temps de mes aïeux, ces paysans que tu aimes tant, le sucre ce n’était qu'un peu de douceur dans un monde dur : à propos t’es-tu lavé le cul dans une bassine d’eau froide jusqu’à l’âge de 16 ans cher Jonathan ? Tout ça pour te dire que je suis un adepte des sucres lents, les pâtes surtout, que j’adore tout ce qui excite mes papilles, par exemple les clémentines corses bien acidulées ou le citron vert du Mojito, que je ne sucre jamais mon café, que je consomme à peine un paquet de sucre en poudre par an, que mon goût n’a pas d’exclusive mais des préférences, et que si je te parlais de mon père mon cher Nossiter ce ne serait pas pour vanter son acidité mais plutôt son honnêteté intellectuelle, mais ça c’est une autre affaire, une affaire de goût…

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17 décembre 2008 3 17 /12 /décembre /2008 00:05

Le thème de cette chronique m’a été inspiré par la mésaventure vécue par Jean-Baptiste Senat, telle que l’a contée Laurent Bazin sur son blog Le  vin de mes amis 
http://levindemesamis.blogspot.com/2008/12/quand-la-belle province-fait-la.html, qui a vu sa Nine échouer aux portes de la SAQ, en dépit d’une excellente notation et d’un très bon rapport qualité/prix, et ce pour insuffisance de notoriété. En effet, comment faire pour percer dans un univers qui privilégie les situations acquises, comme celles des GCC qui vendent du luxe, du statut avant de vendre du vin, ou comme celles des vignerons stars qui vendent des mots avant de vendre leur vin, ou qui s’en remet le plus souvent à ceux qui sont en capacité d’aligner des budgets de promotion permettant de mettre en avant les vins auprès des  consommateurs ? Efficacité commerciale avant tout : les distributeurs de vin ne sont pas des mécènes.

 

Pour autant faut-il tout sacrifier pour entrer dans le système médiatique qui permet de capitaliser de la notoriété par le truchement de la presse spécialisée, des faiseurs de roi ou des juges aux élégances ? « Mais alors ce n'est plus la bouteille qu'on juge... C'est l'attachée de presse ? » s’interroge le chroniqueur en traduisant sûrement le désappointement de JB Senat. L’attachée de presse – je note le féminin utilisé, c’est symptomatique – serait-elle le vecteur essentiel pour placer sa cuvée fétiche dans Régal ou dans un new-magasine ou pour séduire les préposés aux Guides ? La notoriété se bâtit-elle sur le seul bruit du tambour médiatique ? La réponse est bien évidemment non car dans cet univers de l’instantanéité, du scoop, de la fausse différence, une nouvelle « découverte » chasse très vite « la petite merveille » dénichée la veille chez un small is beautiful du fin fond du terroir. Le nouveau vieilli vite aussi bien pour les produits de pur marketing que pour ceux surfant sur des tendances pas toujours solides.

 

Sans m’en référer à l’histoire des 3 petits cochons, je pense que pour bâtir il faut des fondations, du solide, et du temps, donc une forme de patience. C’est de l’investissement d’image, et comme je l’ai écrit dans une récente chronique, l’irruption d’une nouvelle génération de vignerons « atypiques », se référant à des pratiques « durables », met en orbite sur le marché une nébuleuse de points, à la fois indépendants les uns des autres tout en gravitant autour d’un corps de doctrine commun, sans pour autant produire un langage commun ni dessiner une nouvelle géographie des vins de terroir. Trop de fragmentation, de personnalités fortes, de singularité identitaire, implique des démarches solitaires. Le potentiel actuel des consommateurs se reconnaissant dans ces « pratiques » étant restreint – le bruit médiatique n’étant pas un indice probant de la capacité de ces vins  à trouver leur public – ce segment de marché reste marginal et la frilosité des distributeurs peut se comprendre. En effet, comme me le faisait remarquer le patron du principal site de vente de vins en ligne : mettre en avant des « valeurs sûres » c’est la garantie d’un taux de visite 10 fois plus important que lorsqu’on se risque à mettre en avant des « découvertes ».

 

Pour sortir du cercle, se faire reconnaître de façon durable, plus particulièrement en dehors du marché domestique, tout en restant attaché à ses valeurs, à son indépendance, sans sacrifier au maelstrom médiatique, il me semble que nos « indépendants », au sens des peintres du Salon des Indépendants, devraient tenter de susciter l’émergence d’un nouveau métier : éditeur de vin. Je n’aurais pas ici l’outrecuidance de rappeler le rôle de l’éditeur auprès des écrivains mais de souligner que l’une de ses fonctions essentielles est de découvrir de nouveaux talents, de prendre le risque de les éditer, de les promouvoir. Dans le passé des négociants, de grandes ou de petites maisons de commerce, ont joué, et quelques-uns jouent encore, à leur manière, ce rôle d’éditeur auprès de domaines ou de châteaux. Pourquoi ne pas imaginer – ça ne mange pas de pain d’imaginer – que nos « atypiques » puissent confier, pour certains pays, tout ou partie de leurs enfants à des « éditeurs de vin » afin de construire avec eux cette fameuse notoriété. Celle-ci, une fois acquise, même si en ce domaine rien n’est jamais acquis, quelques-uns pourront ou voudront voler de leurs propres ailes, d’autres viendront les remplacer. Je rêve direz-vous – c’est beau aussi de rêver – mais comme je ne recule devant aucune provocation j’avoue que je me verrais assez bien dans ce rôle d’éditeur de vin, appuyé bien sûr, vu mon incompétence, sur un comité de lecture – pardon de dégustation – dans le giron d’une maison de confiance.

 

Ainsi, Vin&Cie pourrait lancer des collections par thème, jaquette commune avec en reprise sur cette étiquette de l’identité de la cuvée de l’indépendant sous la forme toute bête d’un timbre ou d’une miniature de l’étiquette de la cuvée originale. Innovation d’image identifiant une démarche commune, un état d’esprit, un fil rouge pour tous ceux qui ne sont pas des experts ou des esthètes du vin. Mariage intelligent, du moins je le crois, d’un découvreur de talents qui, en s’appuyant sur des outils commerciaux existants, pourrait ouvrir des portes, apporter sa caution aux nouveaux arrivants, investir dans le temps sous la référence d’une signature reconnue et respectée. Plutôt que de s’éditer à compte d’auteur, de n’espérer que de ses propres forces pour bâtir sa notoriété, je suis intiment persuadé que pour beaucoup de vignerons atypiques le passage par un éditeur de vins, assembleur de diversité, inventeur de notoriété, est une voie à expérimenter : faire un Actes Sud du vin quel beau challenge !   

 

   

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16 décembre 2008 2 16 /12 /décembre /2008 00:02

 

Avec Les Gouttes de Dieu  vous avez pu constater avec quelle passion les japonais abordent notre civilisation du vin. Curieux, ils cherchent à mieux nous connaître mais nous, que savons-nous de l’histoire du Japon ? Pas grand-chose, des bribes, alors que sous ce texte au titre étrange se cache un texte essentiel qui anticipa les débats politiques du Japon moderne. Publié au printemps 1887, alors qu’un vent de contestation répond à l’élaboration d’une constitution autoritaire. C’est un succès foudroyant. L’auteur Nakae Chômin, le « Rousseau de l’Orient » après un séjour universitaire à Paris et fondé à son retour une école d’études françaises, met en scène l’affrontement entre le mouvement démocratique et le camp nationaliste. Les trois ivrognes incarnent cette polémique toujours actuelle au Japon : le Gentleman occidentalisé, apôtre du pacifisme intégral, le Vaillant guerrier, champion de l’expansionnisme, et le Professeur, arbitre de la dispute.

 

Publié aux éditions du CNRS www.cnrseditions.fr cette œuvre exceptionnelle, mais pas d’une lecture facile, devenue un grand classique de la rencontre des civilisations devraient être inscrite au programme de nos grandes écoles de commerce : HEC, ESSEC… et même des petites ça nous éviterait le marketing de cuisine dont j’ai découvert une version affligeante, genre sous-produit mal digéré, à propos de la consommation du vin par les seniors. On ne relève pas les grands challenges avec les lectrices de Fripounet et Marisette.

 

« Le penchant de maître Nankaï pour les discussions politiques n’a d’égal que celui qu’il montre pour le vin. Dès qu’il se met à boire un peu, une ou deux petites carafes de sake, il s’enivre avec bonheur. Au fur et à mesure que son énergie vitale s’élance vers le Vide Suprême*, tout ce qu’il voit, tout ce qu’il entend l’enchante et le ravit crescendo, à tel point que, de son horizon, s’effacent tous les maux et souffrance de ce monde.

S’il continue de boire, en sus, deux ou trois bouteilles, son cœur, son esprit s’envolent hors de toutes limites, sa pensée bondit et fuse. Son corps demeure dans sa chambre exiguë, mais son regard embrasse le monde entier, et en un éclair de temps, il remonte mille ans en avant. Il se met alors à prophétiser sur la marche du monde, et à donner des directives en matière de politique générale. En son for intérieur, il se dit alors :

« C’est moi, le vrai timonier de la voie que la société humaine doit suivre ! Hélas ! À cause de ces hommes atteints de myopie politique, et qui ne veulent pas lâcher la barre, la barque tantôt se heurte à des écueils, tantôt échoue sur un gué. Quelle misère de les voir attirer le malheur sur eux et sur les autres ! »

[…] La prochaine fois qu’il me sera donné d’exposer mon opinion sur des questions politiques actuelles, je devrais, avant d’être complètement éméché, couché par écrit les points les plus importants. Je pourrais les récupérer quelques jours plus tard, développer ces idées pour les rédiger, en faire un livre. J’en tirerais autant de satisfaction pour moi que pour les autres. Oh oui ! Je vais le faire, je vais le faire ! »

Mais de longues journées de pluie se succédèrent, sans que le moindre rayon de soleil n’apparaisse. Le maître tomba dans la mélancolie et se sentit gagné par une forte mauvaise humeur. Il commanda du sake, et commença à le boire, esseulé. Alors qu’il en était à son premier degré d’enivrement, le plus agréable, celui où l’on accède au Vide Suprême, deux visiteurs apparurent avec une bouteille d’alcool de marque occidentale, sur laquelle était collée une étiquette aux caractères chinois Hache d’or*. Le maître n’avait jamais eu l’occasion de les rencontrer et ignorait jusqu’à leur nom, mais la vue de cette eau-de-vie ne fit qu’exciter son désir d’ivresse. »

 

  • Notion confucéenne : « seul le vide suprême, étant inébranlable, est le comble du plein. Il permet de développer un esprit exempt de tout préjugé. »
  • Il s’agit probablement d’une bouteille de cognac Hennessy. L’entreprise a commencé à exporter au Japon dès 1868. Ses bouteilles avaient pour emblème une petite hache.

 

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15 décembre 2008 1 15 /12 /décembre /2008 00:03

Ce matin, je ne vais pas vous conter l'histoire du " questionnaire de Proust", pour ce faire reportez-vous à l'exemplaire publié par Assouline avec une préface de William C. Carter et une Introduction de Henry-Jean Servat. Les réponses de Charlotte Gainsbourg sont extraites de ce bel ouvrage.

J'aime beaucoup Charlotte Gainsbourg, elle ne joue pas les filles de, discrète, sincère, nature, excellente actrice : la photo qui illustre cette chronique est tirée de l'excellent film d'Emanuel Crialese "The Goden Door/Nuovomundo", bien élevée, ses réponses au questionnaire de Proust me parlent, j'y trouve un écho de moi-même et j'ai donc eu envie de vous les faire partager.


De plus, comme j'ai toujours une petite idée derrière la tête, à la rentrée, je soumettrai au questionnaire de Proust des femmes et des hommes du vin. Bonne lecture.

Questionnaire n°2

Votre vertu préférée : la modestie

Vos qualités préférées chez l'homme : son sang chaud

Vos qualités préférées chez la femme : ses hauts et ses bas

Votre occupation favorite : l'effort de concentration

Votre caractéristique maîtresse : mes doutes

Votre idée du bonheur : des choix assumés

Votre idée du malheur : les regrets

Vos couleurs et votre fleur préférées : le vert et le coquelicot

Si vous n'étiez pas vous-même, qui voudriez-vous être ? : une bombe !

Où aimeriez-vous vivre ? : dans les airs

Vos auteurs préférés en prose : Gabriel Garcia Marquez, Kamrabata, Nabokov

Vos poètes préférés : Baudelaire, Rimbaud et Serge Gainsbourg

Vos peintres et compositeurs préférés : Bonnard, Miro, Chopin et Serge Gainsbourg

Vos héros préférés dans la vie réelle : Einstein, Zola, Jean Moulin

Vos héroïnes préférées dans la vie réelle : Marie Curie et Simone Veil

Vos héros préférés dans la fiction : Chaplin

Vos héroïnes préférées dans la fiction : Sugar (Marilyn Monroe)

Votre mets et votre boisson : le thé, les toasts et les oeufs à la coque

Vos prénoms préférés : Olga, Joseph, Judy, David, Jane,Serge, Yvan, Ben, Alice 

Votre bête noire : le temps

Quels personnages historiques méprisez-vous ? : Adolf !

Quel est votre état d'esprit présent ? : disciplinée

Pour quelle faute avez-vous le plus d'indugence ? : le zéro de conduite

Votre devise préférée : " à dada sur mon bidet..."


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