La presse régionale, Sud-Ouest bien sûr avec César Compadre passeur de plats obligé titre :
N°1 du vin en Europe, ce groupe familial investit plus de 100 millions d'euros dans un immense site à Blanquefort pour embouteiller, élever et stocker ses vins. Et, il recrute.
Et je note cette superbe remarque du grand César :
« Non seulement Castel déménagera tout en restant sur la même commune, mais il gagnera en capacité de production pour grossir encore. Au plan industriel, la barre est haute en Gironde puisque son concurrent Grands Chais de France (GCF) possède à Landiras (Graves) un outil technique également hors normes. »
Des souvenirs jaillissent en moi, l’usine d’embouteillage de la SVF à Gennevilliers, ses énormes cuves en béton, son pipe embranché sur le bassin et la voie ferrée pour accueillir péniches et train complet, ses laveuses de bouteilles étoilées, son Monstre capable d’apparier des litrons dans les casiers rouges, ses hauts racks, sa flotte de 120 camions de livraison, sa force de frappe commerciale partant à l’assaut de la GD, sa CGT non révisée pur rouge PC…
Les cadres se moquaient de la quincaillerie Castel à Thiais, de son absence de marques, de ses picrates de bataille, de son absence sur le haut de gamme, de sa politique de grippe-sous… Leur rêve que notre actionnaire plein de sous : le groupe Pernod-Ricard bouffe tout cru ce pauvre Pierre Castel. Hélas pour eux, Thierry Jacquillat le DG qui savait compter avait pour devise « ne dépenser que ce que l’on a gagné » et la SVF perdait des ronds sur un marché du litron en pleine dégringolade.
Et puis, j’étais reparti vers mes amours rocardiens, non sans avoir dit à Thierry Jacquillat que le jour venu il vendrait la SVF à Castel, avec son petit sourire et son côté ardéchois il ne me démentit pas. Je n’eux pas beaucoup à attendre :
« Toujours pour alléger nos coûts, je me tournai vers notre premier concurrent, Pierre Castel, numéro deux des vins de table en France, pour lui proposer de partager avec nous les fonctions de back-office en créant une filiale commune qui serait chargée du stockage, de l'assemblage, de l'embouteillage et des livraisons(...) Mon idée lui plut. Un groupe de travail réunissant les directeurs des deux sociétés fut constitué. En vain ! Chacune de nos équipes s'agrippait à son pré-carré. après avoir usé deux présidents, nous décidâmes finalement de vendre la SVF (...)
Tope là ! Et c'est ainsi qu'après avoir acquis pour 45 millions de francs la moitié de la Société des Vins de France, le groupe la revendit cinq fois plus cher, cinq ans après. Quant à l'autre moitié, revendue au même prix, nous l'avions acquise quasiment pour rien lors du rachat de la CDC... »
Thierry Jacquillat dans « Fais vite, ne traîne pas en route » page 85 à 87 Albin Michel
Le Comité Central de la SVF, CGT et CGC unis dans le combat, me demanda audience pour faire capoter la vente. Je les reçu bien volontiers. « Que le Crédit Agricole non rachète ! » Celui-ci détenait 10% des actions. Bref, ils savaient bien que c’était plié comme je le leur avait seriné lorsque j’étais leur patron.
Pierre Castel ferma le site de Gennevilliers qui me dit-il « était un bel outil, mais bien trop syndiqué à son gré… » Il tira le « meilleur parti » des vieilles marques et s’en inspira pour initier les siennes « Baron de Lestac » puis avec le développement des Vins de Pays d’Oc « La Roche Mazet »
« Estimés à 20 millions d'euros, ces développements majeurs répondent « à une stratégie de croissance française et internationale » explique un communiqué de Castel, qui annonce concentrer en une plate-forme « tout le stockage de ses marques de vin, de ses Châteaux et Domaines Castel et de ses Grands Crus partenaires ». Vin de marque emblématique du négociant, à elle seule, la marque Baron de Lestac représente aujourd’hui 12 millions de cols (à 80 % vendus en grande distribution). »
« Depuis la fondation de Castel en 1949, notre famille a toujours poursuivi le même objectif, celui de satisfaire ses clients et ses consommateurs, en proposant des gammes de qualité à des prix raisonnables. C’est là, je peux le dire, l’engagement de toute une vie, que je renouvelle ici auprès de vous. Avec ardeur et passion, avec volonté et pragmatisme, tous mes collaborateurs et moi-même poursuivrons notre chemin au service des vins, des bières et boissons gazeuses et de leurs amateurs. Avec fierté, aussi, nous n’aurons de cesse de cultiver cette exigence, en nous adaptant constamment à vos demandes.
Dès l’origine, nous ne sommes pas venus au vin par hasard. Toujours par amour et par fascination pour ce produit si particulier, si riche et si vivant, si exigeant aussi. Ayant grandi dans l’univers fascinant de la vigne, je connais et apprécie à sa juste valeur le patrimoine historique, géographique, humain et même culturel qui est lié au vin. Dans cet esprit, j’ai toujours accordé beaucoup d’importance à la tradition vinicole ainsi qu’aux produits qui en sont le fruit inestimable.
Pour continuer de faire vivre cette histoire et œuvrer au rayonnement du vin français et de nos marques, nous avons su très tôt poser les bases de notre développement.
Ouvert sur notre monde et notre temps, à l’écoute des évolutions, des nouvelles tendances et des changements, Castel a toujours choisi la voie de l’alliance entre tradition et modernité. En acquérant des sociétés, comme dernièrement dans le vin avec Barton & Guestier, Barrière Frères ou encore Patriarche, nous tenons à associer leur héritage exceptionnel à nos compétences et notre vitalité pour le meilleur rayonnement de nos activités à travers le monde. Une association dont je m’efforce chaque jour pour vous, clients et partenaires, de garantir la pertinence et la pérennité, à travers l’excellence de toutes nos activités. »
Pierre Castel
Président fondateur
Lorsque je rédigeai mon rapport j’ai aussi rencontré Joseph Helfrich le président fondateur des Grands Chais de France, parti de rien depuis l’Alsace pour devenir faire de sa marque JP Chenet la première marque française à l’exportation. J’ai visité son usine de Landiras, et je me souviens de son plaisir de me présenter son « bijou » automatisé, tournant comme une horloge suisse.
Et le vin dans tout ça me direz-vous ?
Une économie de cueillette, le credo du marchand de vins à l’ancienne, avec tout en bas les grosses coopés incapables de créer à partir du contrôle de la ressource de véritables outils techniques au service d’un commerce entièrement tourné vers la GD.
Et pour, Bruno Kessler, l’homme de la ressource vin de GCDF, avait prêché le partenariat avec le vignoble, avec un certain succès, avant d’aller voler de ses propres ailes.
Pourquoi rappeler tout cela ?
Pour deux raisons :
- Souligner l’échec de la coopération viticole qui a gaspillé ses plus belles cartes pour pouvoir rebondir à l’international et donner des perspectives aux coopérateurs du Sud. Le vidage de cuves pour protester contre les importations massives de vins espagnols, y compris par le Groupe Vinadeis, le montre à l’évidence.
- Redire que les dirigeants de la France du vin, qui se veut un grand pays viticole, n’ont pas su ou voulu gérer la base de sa pyramide, arcqueboutés sur leur marché domestique vieillissant. Ce non choix, si caractéristique de notre pays, se paiera cash dans un avenir pas si lointain.
Ne pas anticiper sur les grandes tendances, ne pas prendre en compte les réalités de notre vignoble, tout miser sur le tout AOP-IGP sans mettre en œuvre une politique de rigueur du cep au vin c’est se leurrer avec les bons chiffres de l’export, c’est naviguer à vue, c’est entonner les mêmes antiennes, c’est se raconter des histoires, et, en général, ces histoires finissent mal.
Tout commence dans la vigne et nos « grands groupes » de négoce, grands collecteurs de vins feraient bien de s’en préoccuper, la logistique c’est bien, reste tout de même le vin qui est mis dans les bouteilles.
Que sera, sera… même la GD commence à s’interroger… alors…