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8 février 2021 1 08 /02 /février /2021 08:00

 

Au temps où Pierre Jancou tortorait chez les parigots, au bar d’Heimat, nous lichions des lampées de vin nu en échangeant sur tout et rien, et c’est ainsi que Pierre me conseilla de lire Chaud brûlant de Bill Buford.

 

Ce que je fis.

 

18 avril 2015

L’érotique ragù « Mi da libidine » de Gianni Valdirisi vu par Bill Buford et Pierre Jancou ICI  

 

Pierre Jancou est sans concession « Le ragù mérite une thèse. La thèse d’une vie. Les gestes, la patience… Il faut sentir, comprendre ce plat « patrimoine », avant même oser en parler ! »

 

Dans son livre « Le coup de feu » Bill Buford raconte que lorsque Gianni Valdirisi s’était marié avec Betta « il avait été horrifié de s’apercevoir que, dans la précipitation, il avait omis de goûter à son ragù. Celui-ci qu’elle avait appris auprès de sa tante, avait été transmis par des générations de femmes de sa famille et serait forcément différent du ragù que Gianni avait mangé à la table de ses parents, à savoir celui de sa propre mère, dont la saveur profonde et complexe le touchait tout au fond de l’âme. »

 

« Un ragù, affirmait-il, était une chose très personnelle. Aussi imaginez son bonheur quand, goûtant pour la première fois au ragù de Betta, il s’aperçut que, en effet, il était différent de celui de sa mère… et meilleur. »

 

Et le ragù, prévient Pierre Jancou « n’a rien à voir avec cette sauce pseudo-bolognaise à la française qui, ironie du sort n’existe pas là-bas. » C’est ce que retient une pâte de la catégorie « sorties » comme les orecchiette : « une minuscule larme de sauce dans leur pavillon » note Buford.

 

Photograph: Ashley Gilbertson/New York Times/Redux/eyevine

 

Romans non-traduits, nanars introuvables, bizarreries oubliées… François Forestier dégaine ses livres du second rayon. Cette semaine, toqué de toques.

 

 

Bill Buford, l’Américain qui voulait apprendre la gastronomie française en accéléré ICI

 

Bill Buford est incontestablement un Américain louftingue, probablement crazy, définitivement astap. Dans les années 1980, il pilotait avec talent une revue littéraire géniale, « Granta », et, brusquement, il a décidé de prendre la plume, persuadé que l’écriture (dans la tradition yankee) exigeait de se colleter au monde, donc de voyager, de se bagarrer, de plonger dans le baquet, d’affronter les dacoïts du Middlesex et les ragazzi de la banlieue italienne. Dans son nouveau livre « Dirt », il explique avec entrain son ambition : avoir un tablier de cuisine avec son nom brodé sur la poitrine. En conséquence, à 66 ans, il décide de venir en France, pour apprendre en quelques mois (c’est bien américain, ça, faire speedy) les subtilités de la French Gastronomy. Le sous-titre du livre précise : « Adventures in Lyon as a Chef in Training, Father, and Sleuth Looking for the Secret of French Cooking ». Il va en baver, oui, le new Chef, mais c’est ça qui fait de la littérature (pour lui). Sans sueur, pas de livre.

 

Buford commence par lire le manuel classique d’Ali Bab (1907), apprend à dire « Merde ! » (il ne parle pas français, ce qui complique légèrement les choses quand on lui demande de fraiser la pâte à la main, avant de faire rissoler la crépine), cherche à rencontrer Veyrat, pense que la Bourgogne se situe dans le Nord de la France, vénère Paul Bocuse et demande un visa de travail à l’administration française. Un fonctionnaire l’interviewe en français, et prend les empreintes digitales de ses enfants (tout petits). Buford arrive à Lyon, cherche un appartement, mange de l’andouillette (« qui vous donne l’impression d’habiter dans l’estomac d’une bête »), lit Brillat-Savarin (1825), rencontre Daniel Boulud, passe chez la Mère Brazier, cite Michel Viannay, et comprend (assez vite, pour un Américain) qu’on ne devient pas chef en regardant les émissions culinaires à la télé.

 

La suite ICI 

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8 février 2021 1 08 /02 /février /2021 06:00

 

Mardi dernier, la société qui gère le chauffage de mon immeuble a dépêché deux spécialistes de la clé à molette pour intervenir afin de colmater une fuite de robinet chez une résidente. Ces deux as y sont allés à l’aveuglette, bloquant au petit bonheur la chance des vannes. Le soir venu, je sens la fraîcheur me gagner, je palpe le radiateur le plus proche : glacé ! Je fais le tour de l’appartement : les radiateurs sont de glace. Il est trop tard pour alerter les chauffagistes. Le lendemain matin, après une nuit sous la couette, je fais le nécessaire : réponse intervention dans l’après-midi.

 

J’ai donc passé ma journée de mercredi emmitouflé sous ma couette, un petit chauffage électrique soufflant un peu d’air chaud dans la chambre. Et j’ai lu d’une seule traite : Retour de  service de John Le Carré publié au Seuil.

 

 

Détail : les as de la clé à molette sont intervenus dans la chaufferie, ne n’en ont pas averti comme promis, sérieux des services pourtant facturés fort chers, et ce n’est que vers 22 heures que l’eau chaude a atteint le 9ième étage. Bravo !

 

Bref, y’a pire… la rue par exemple…

 

 

L’intrigue du roman de Le Carré, publié en 2019 en Angleterre, se noue autour de parties de badminton entre un espion de sa gracieuse majesté et un mystérieux Fred qui ne porte ni le Brexit, ni Trump dans son cœur.

 

 

Page 74

 

Un dernier mot sur ce que le badminton représentait pour Ed (et représente pour moi, d’ailleurs). Les non-pratiquants y voient une version soft du squash adaptée aux hommes en surpoids qui redoutent la crise cardiaque. Pour les adeptes, c’est le seul et unique sport qui existe. Le squash, c’est un jeu de massacre. Le badminton, c’est de la subtilité, de la patience, de la vitesse, des remontées impensables. C’est planifier sa prochaine attaque surprise pendant que le volant décrit tranquillement son arc. Contrairement au squash, le badminton transcende les distinctions de classe. Il n’est pas associé aux écoles privées, il n’a pas l’attrait des sports d’extérieur tel le tennis ou le foot à cinq, il ne récompense pas un beau swing, il n’offre aucun pardon, il épargne les genoux mais abime les hanches – et pourtant, selon des études scientifiques, il requiert des réactions plus vive que le squash. Les badistes sont généralement des solitaires qui ne cultivent guère la convivialité. Pour les autres sportifs, nous sommes un peu bizarres et sans amis.

 

Les rosbifs, adeptes des jeux aux règles incompréhensibles par les bouffeurs de grenouilles, dont le fameux cricket qui se joue avec deux équipes de 11 joueurs chacune, sur un terrain ovale. Chaque équipe joue tour à tour pour essayer de marquer des points. Il y a des batteurs, des gardiens de guichet et des lanceurs et dont les règles sont actuellement constituées de 42 lois… ont aussi inventé l’un des jeux de raquette le plus simple du monde : le badminton.

 

 

L’un des ancêtres du badminton est le « battledore and shuttlecock » pratiqué en Angleterre dès le Moyen-Âge : l’objectif de ce jeu était de maintenir en l’air un shuttlecock (volant) à l’aide d’une battledore (raquette).

 

Le badminton actuel, il trouve son origine dans l’anecdote suivante :

 

On raconte qu’un jour de 1873, des officiers anglais revenus des Indes se trouvant réunis dans le château du Duc de Beaufort à Badminton, ville anglaise du Gloucestershire, en viennent à évoquer le jeu indien du « poona », qui se pratiquait avec une raquette et une balle légère. Ils se mettent alors en tête d’y jouer. Mais n’ayant pas de balle sous la main, ils décident d’utiliser un bouchon de champagne, auquel ils attachent quelques plumes. Amusés et séduits par leur trouvaille, ils décident de faire connaître ce jeu, sous le nom du château où il est né : Badminton*. Quatre ans plus tard, ils publient les premières règles du jeu et s’en attribuent la paternité, bien qu’ils n’aient en fait rien inventé.

 

* Badminton est un village Anglais situé dans le Gloucestershire du Sud. Il est situé à 17 km à l’est de Bristol, célèbre pour le château des ducs de Beaufort.

 

 

Le squash, lui, a été inventé vers 1850 par des élèves de l’école privée de Harrow à Londres. Ils auraient imaginé ce nouveau jeu en s’amusant à lancer une balle malléable "lente" contre les Murs de leur vestiaire.

 

Le premier court de squash a été créé à Oxford en 1883, mais il a fallu attendre le début du XXe siècle pour que ce sport devienne vraiment populaire.

 

Même si ce sport a vu le jour dans les écoles et les universités britanniques, c’est aux Etats-Unis qu’a été fondée la Première association et que ce jeu a été codifié en 1907.

 

Le tournoi le plus prestigieux est le British Open créé en 1930. Les femmes y participent depuis 1950.

 

 

 

Le squash est le sport le plus populaire en Angleterre depuis le début des années 1980 et s’est rapidement développé dans les anciennes colonies anglaises comme le Pakistan, le Canada ou l’Australie

 

La Fillette au Volant de Chardin

Le badminton c’est aussi des records : ICI

 

  • Le badminton est le sport de raquette le plus rapide : le record de vitesse étant détenu en 2011 par le Malaisien Tan Boon Heong (3ème paire mondiale en double homme avec Koo Kien Keat), dont le smash a été chronométré à 421 km/h en Octobre 2009, contre 251 km/h pour le tennis.

 

  • Chez les dames, c’est une chinoise Huang Sui qui a fait le smash le plus rapide, 246 km/h.

 

  • C’est le deuxième sport exigeant la plus grosse dépense énergétique (derrière le hockey sur glace), à titre de comparaison, un match de badminton est environ 5 fois plus intense qu’un match de tennis.

 

  • Au moment de la frappe, le volant peut atteindre la vitesse de 300 km/h.

 

  • Le record de l’échange le plus long de France date du 4 décembre 2010 avec 3713 échanges (1 échange = 1 aller-retour). Il a été établi à Toulouse.

 

  • Le record du point le plus long: en 1/4 de finale aux Championnats du Monde de Canton, en 2013. Un échange de deux minutes pendant lequel 108 coups ont été échangés.

          (Les deux joueurs: Tien Minh Nguyen (Vietnam) et Jan Jorgensen (Danemark)

 

  • Un joueur de badminton peut courir plus d’un kilomètre et demi au cours d’un seul match.

 

  •  Des études scientifiques menées par le Département d’Education Physique de l’Université de Baylor présentent le Badminton comme l’une des meilleures disciplines sportives en termes de mise en forme.

 

 

Pourquoi seuls les Danois rivalisent avec les joueurs asiatiques en badminton ? ICI
Par Adrien Franque  

 

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7 février 2021 7 07 /02 /février /2021 08:00

 

Alors que le PS de Mitterrand est subclaquant, qui se souvient de Guy Mollet dernier secrétaire-général de la SFIO ?

 

Pas grand monde et pourtant : lors de la campagne pour les élections législatives du 2 janvier 1956, il anime, aux côtés de Pierre Mendès France, François Mitterrand et Jacques Chaban-Delmas, le « Front républicain », coalition réunie sur un programme de modernisation économique et sociale et de paix négociée en Algérie, qui obtient une courte majorité. Alors que le président René Coty propose à Pierre Mendès France de former un gouvernement en 1956, celui-ci refuse et lui suggère Guy Mollet. Il est le dirigeant du Front républicain et la guerre d'Algérie est pour lui « imbécile et sans issue » ; l'indépendance est dictée par le bon sens.

 

 

L’Humanité le journal du PCF écrit :

 

Guy Mollet, à peine nommé chef du gouvernement, limoge le gouverneur général d’Algérie, Jacques Soustelle, trop proche des tenants de l’Algérie française. Il décide dans la foulée de se rendre sur place. Les activistes algérois lui ont préparé un comité d’accueil musclé.

 

Chacun connaît la formule de Marx : « L’histoire se répète toujours deux fois, la première comme tragédie, la seconde comme comédie. »

 

Démonstration : l’histoire politique française a connu deux 6 février : en 1934, à Paris, les troupes fascistes tentèrent de prendre d’assaut la Chambre des députés – et faillirent réussir (drame) ; le 6 février 1956, à Alger, un président du Conseil socialiste capitula honteusement face à des manifestants ultras, décidés à tout faire pour garder « leur » Algérie française (mauvaise comédie). ICI 

 

 

 

La Delahaye du président du Conseil vient de quitter l'aérodrome de Maison-Blanche. Guy Mollet tire sur la cigarette qu'il a nerveusement allumée. Tout au long des vingt kilomètres qui le séparent d'Alger, il aperçoit le cordon de policiers et de soldats qui lui font une haie d'honneur, mais surtout un rempart. Le gouvernement a dépêché sur place le directeur de la Sûreté nationale, Jean Mairey, et fait acheminer de métropole douze compagnies de CRS, par Bréguet deux ponts et DC 4. Paris se méfie d'Alger.

 

Le secrétaire d'État aux Forces armées, Max Lejeune, qui l'a devancé de deux jours, a prévenu le président du Conseil : «Ton arrivée sera mouvementée.» Guy Mollet a seulement accepté de modifier l'heure de son départ, dans l'espoir, dérisoire, de tromper les manifestants. Parti de Villacoublay sous la bruine, le SO Bretagne s'est posé vers 15 heures à Alger. «Je lance un appel de paix à tous les esprits sages, à tous ceux qui ne se laissent pas entraîner par la passion, déclare-t-il au pied de la passerelle. J'ai vu avec surprise et tristesse des hommes s'interroger : « La France va-t-elle abandonner l'Algérie ? » Que signifie la présence du président du Conseil, sinon l'affirmation encore renouvelée du caractère indissoluble des liens entre l'Algérie et la métropole ?»

 

Pour les Français d'Algérie, la victoire du Front républicain n'est pas une bonne nouvelle. Ils ne veulent pas des élections au collège unique que le gouvernement prétend organiser alors que la paix n'est pas revenue. Ils se souviennent que Guy Mollet a dénoncé cette «guerre imbécile et sans issue», dans l'organe officiel de la SFIO, le Populaire. Ils se méfient de son ministre d'État, Pierre Mendès France, qui a mis fin à la souveraineté française sur l'Indochine en 1954. Surtout, ils récusent le général Catroux, que Mollet veut leur imposer comme ministre résident : ils l'accusent d'avoir préparé la "capitulation" de la France au Maroc en négociant le retour à Rabat de Mohammed V, en novembre 1955. Pour eux, Catroux est «le symbole de l'abandon».

 

Le 2 février, ils ont fait un triomphe romain à son prédécesseur, Jacques Soustelle qui, s'il a tenté des réformes, a refusé de négocier avec les fellaghas : 80.000 personnes l'accompagnent sous les vivats jusqu'au bateau qui le ramène en France. On crie «Soustelle avec nous», «Catroux à la mer».

 

Comment Guy Mollet n'y penserait-il pas ce lundi 6 février, en roulant vers Alger sous un ciel gris ?

 

Tomates pour le Président

 

C'est dans une ville morte que pénètre le cortège officiel : les commerçants européens ont baissé le rideau de fer de leurs boutiques. «Fermé pour cause de deuil», affichent les devantures. Les Français d'Algérie ont suivi les consignes du Comité d'entente des anciens combattants, travaillés par Me Biaggi, un héros de la résistance «si grièvement blessé en Alsace qu'on en a fait un officier de la Légion d'honneur à titre posthume», raconte Claude Paillat dans Vingt ans qui déchirèrent la France (Robert Laffont). Il faut aussi compter avec les troupes du "chouan de la Mitidja", Robert Martel, et celles du cafetier du Forum, Jo Ortiz, le patron du groupe action du mouvement poujadiste. Sept cents hommes décidés à faire entendre la voix d'Alger à Guy Mollet.

 

Le président du Conseil a prévu d'aller déposer une gerbe au monument aux morts, situé au centre d'un escalier-jardin qui dévale du gouvernement général jusqu'à la mer. 20.000 manifestants l'y attendent. Quand il descend de sa Delahaye, on n'entend plus rien que le grondement assourdissant de la foule en colère. «Guy Mollet à Paris !», «L'armée avec nous !», «Al-gé-rie fran-çaise !» Des balcons s'abat sur le cortège une pluie de légumes et de tomates mûres. Plusieurs s'écrasent aux pieds du président du Conseil qui, bien que livide, parvient à se maîtriser. La minute de silence ne dure que quelques secondes, avant que les officiels ne regagnent prestement leurs voitures «dans l'odeur piquante des grenades lacrymogènes», écrit l'envoyé spécial du Figaro, Serge Bromberger.

 

 

Il était temps ! Un groupe d'étudiants réussit à rompre le cordon de police et met en pièce la gerbe que Guy Mollet vient de déposer auprès de la stèle. L'émeute s'étend aux alentours du Palais d'Été où s'est réfugié le président du Conseil. Il appelle l'Élysée, bouleversé par la révolte du petit peuple d'Alger. «Je suis ému, je suis ému profondément, dit-il à René Coty. Les manifestations que nous craignions se sont déroulées. Mairey ne répond pas du maintien de l'ordre si Catroux persiste à vouloir venir». La démission du général Catroux est connue peu après 17 heures. Alger, en liesse, réclame aussi celle de Guy Mollet, mais les manifestants qui tentent d'investir le Palais d'Été dans la soirée seront dispersés sans l'obtenir.

 

Dans la presse, le revirement du président du Conseil est diversement apprécié.

 

«M. Guy Mollet n'a pas pris la foudre. Il a pris des tomates pourries, mais sur le nez. Et si ce n'était que sur le sien, nous nous serions fait une raison. Mais c'est l'État qui a reçu cet outrage», grince François Mauriac dans l'Express, cependant que Combat affirme : «Le terrain est ainsi déblayé pour un nouveau départ».

 

Pour remplacer Catroux, Guy Mollet choisit Robert Lacoste : «Toi seul peux nous sauver. Tu es un homme de caractère. Viens !» Militant syndicaliste, élu socialiste de Dordogne, Lacoste est un lutteur. «Un ventre confortable, un langage truculent, du rire mais aussi d'effroyables colères, écrit Claude Paillat. L'empire colonial, qu'il ne connaît pratiquement pas, a été construit par des gens de gauche : à Alger, il ne l'oubliera pas. Il réagira donc en conservateur d'un legs familial».

 

De retour à Paris, Guy Mollet justifie sa décision devant l'Assemblée nationale, le 16 février. La «douloureuse manifestation» d'Alger, dit-il, était «l'expression de sentiments profonds et hautement respectables : l'attachement à la France, l'angoisse d'être abandonnés». Surtout, il proclame «l'inébranlable volonté française à la fois de présence en Algérie et d'évolution». En mars, les députés, communistes compris, autorisent le gouvernement à prendre par décret toutes mesures relatives au développement économique de l'Algérie ainsi qu'au rétablissement de l'ordre. C'est la loi sur les pouvoirs spéciaux. ICI

 

NB. François Mitterrand est le Garde des Sceaux de Guy Mollet

 ICI 

 

 Le 1er février 1956. A un ministre de l'intérieur florentin succède un garde des sceaux autoritaire et répressif. C'est le onzième portefeuille de François Mitterrand. Dès le premier conseil des ministres du gouvernement Guy Mollet, à la mi-février, le garde des sceaux fait partie de ceux qui donnent leur accord pour que soient appliquées "des" condamnations à mort prononcées par les tribunaux. Pierre Mendès France, Gaston Defferre, Alain Savary se sont prononcés contre.

Un mois plus tard, le même François Mitterrand signe les décrets des "pouvoirs spéciaux". Désormais, les tribunaux militaires prennent le pas sur les juridictions civiles. La loi autorise la "traduction directe devant le tribunal militaire permanent des forces armées, sans instruction préalable, des personnes prises en flagrant délit de participation à une action contre les personnes ou les biens, même si ces infractions sont susceptibles d'entraîner la peine capitale". Ce faisant, rappellent les auteurs, François Mitterrand approuve une mesure que son prédécesseur, Robert Schuman, avait refusée car il y voyait une "négation du droit de la défense".

A juridiction d'exception, verdict d'exception. Les condamnations à la peine capitale pleuvent. La guillotine, jamais utilisée contre un nationaliste depuis le début des "événements", fait son office à Paris comme à Alger. Les têtes des fellaghas tombent à une cadence oubliée depuis l'Occupation allemande : jusqu'à cinq certains jours. Sans résultat probant sur le plan sécuritaire : loin de réduire la violence, la "Veuve" la nourrit.

Avant chaque exécution le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), dont la vice-présidence est assurée par le garde des sceaux, se réunit pour conseiller le président de la République sur les recours en grâce des condamnés à mort. Pendant des décennies, on a ignoré dans quel sens s'était prononcé François Mitterrand au cours des seize mois où il fut ministre de la justice. Ses biographes assuraient que la peine de mort lui répugnait, et qu'il avait sauvé des têtes.

L'examen du registre des grâces (partiellement ouvert depuis 2001) contredit cette image : "Sur les quarante-cinq dossiers d'exécutés lors de son passage Place VendômeFrançois Mitterrand ne donne que huit avis favorables (cinq autres avis sont manquants). On peut le dire autrement : dans 80 % des cas connus, il a voté la mort."

 

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7 février 2021 7 07 /02 /février /2021 06:00

 

Je sens que le PAX va me dire « mais où va-t-il cherchez tout ça ?

 

En l’occurrence ici dans la lecture du livre de Jean-Marc Dreyfus Vollrath d’Hitler à Adenauer 1 ambassadeur entre deux mondes

 

 

« Demi-juifs, ou « Mischling », en allemand : tel est le terme forgé en 1935 par les nazis, dans leur folie de classification des races, pour désigner les individus descendant d'un ou deux grands-parents juifs. Issu de la très ancienne aristocratie terrienne du Mecklembourg par son père et de la bourgeoisie juive par sa mère, Vollrath von Maltzan est assigné à cette catégorie. S'attachant à retrouver les traces de ce personnage aujourd'hui oublié, qui fut un brillant diplomate à travers trois régimes politiques, Jean-Marc Dreyfus éclaire à travers son parcours ce que put être, dans la tourmente du IIIe Reich, le sort de ces « sang-mêlés ».

 

Il relate également celui du reste de sa famille, qui connut l'enfer de la persécution, de la déportation et de l'exil pour la branche juive, et s'accommoda du nazisme pour la branche protestante. Au plus près des archives et des témoignages de survivants, ce récit est aussi celui de la reconstruction d'après-guerre, quand Vollrath obtient le poste prestigieux de premier ambassadeur de la RFA à Paris.

 

 

Le pays cherche alors, en mettant au premier plan un homme qui fut menacé par le nazisme, à faire oublier la présence, au sein même du ministère des Affaires étrangères, de hauts fonctionnaires qui, quelques années auparavant, ont été complices du génocide...

 

 

 

Vollrath von Maltzan a résidé à Odratzheim, petit village d’Alsace typique qui ne compta jamais plus de 600 habitants, dans un château : « une bâtisse d’un étage, augmenté de combles, avec quatre grandes fenêtres de chaque côté de la porte, de style Régence, Auguste-Pierre Giraudon, commissaire royal à la guerre, l’avait fait construire au début du XVIIIe siècle. La propriété est protégée par un grand portail en fer forgé, d’où part une allée droite jusqu’au bâtiment. »

 

« C’est à Odratzheim qu’ont grandi Vollrath et sa fratrie à partir de 1902. »

 

Le propriétaire actuel est allemand.

 

« En 1902, lorsque les Maltzan s’installèrent à Odratzheim, Strasbourg était la capitale d’un Reichland d’Alsace-Lorraine florissant et en pleine expansion économique. Les mouvements protestataires qui refusaient la germanisation des trois départements français s’y faisaient plus discrets. L’annexion était pour la jeune génération une chose acquise, même si les partis politiques, très actifs, se divisaient entre factions plus ou moins francophiles et assimilationnistes. »

 

 

 

« La ville s’était considérablement développée avec l’afflux d’Allemands qui composaient désormais 40% de la population de la capitale. Le Reich construisit des bâtiments administratifs autour d’une vaste place circulaire bordée par le Palais impérial, créant une nouvelle cité, allemande par son esprit et son lexique architectural : la Ville Nouvelle, Neustadt. L’Université Empereur Guillaume était un fleuron allemand depuis 1872, avec ses recherches en anthropologie et sa chaire de psychiatrie, les sciences naturelles et même l’égyptologie. »

 

« Le français n’était plus parlé en 1902 que par une frange de la bourgeoisie, mais un sentiment francophile se maintenait, surtout dans les campagnes… »

 

 

« Vollrath von Maltzan était élève au grand lycée protestant, le Gymnase Jean Sturm. »

 

 

« Le Gymnase est aujourd’hui encore l’héritier de la Haute école libre de Strasbourg, fondée en 1538. L’institution était directement issue de la Réforme, et voulait former non seulement des clercs mais aussi des laïcs. Il instruisit, en s’adaptant, des générations de jeunes gens de la bourgeoisie locale, et fut à l’origine de la création de l’Université. »

 

Le Gymnasium ICI 

 

Eve-Marie Grosset-Bourbange a reçu le 12 juillet 2018 le titre de lauréate en philosophie au Concours général, série Littéraire. Elle a reçu très précisément le deuxième prix national, ce qui fait d’elle en quelque sorte la vice-championne de France de la discipline.

Le Gymnase Jean Sturm félicite très chaleureusement Eve-Marie pour ce résultat éclatant, qui illustre la qualité de l’enseignement prodigué en Terminale L au Gymnase Jean Sturm.

 

Le Gymnase Jean Sturm de Strasbourg, établissement d’enseignement primaire et secondaire privé, aujourd’hui sous contrat avec l’État, se prête particulièrement bien à ce type d’enquête, d’abord à cause de sa très grande longévité. Fondée en 1538, au moment où la Réforme structurait ses institutions dans la ville passée au protestantisme, cette école confessionnelle luthérienne, élitiste par la réussite de ses élèves plus encore que par son recrutement social, peut s’enorgueillir d’un passé lointain et prestigieux. Elle porte le nom de Jean Sturm, son premier recteur. D’origine rhénane, mais passé par Paris, celui-ci la dota d’une organisation des études fondée sur une doctrine humaniste, qui fut un modèle pour l’enseignement secondaire au XVIe siècle, avant l’essor des collèges jésuites.

 

 

III. Le gymnase au temps du Reichsland (1888) ICI 

 

Cet idéal avait été mis à rude épreuve, lorsqu’en 1888 eurent lieu les célébrations du 350e anniversaire, alors que l’Alsace était devenue un Reichsland. On sait peu de choses sur les festivités. L’imposant volume de Festschrift en deux tomes qui parut à cette occasion est un travail d’érudition, qui ne fait que des allusions marginales à l’actualité.

 

[…]

 

Sous l’annexion. Auguste Schneegans en fit une critique vive dans un ouvrage paru en 1878. Selon lui, le Gymnase avait été avant 1870 « une oasis au milieu des établissements officiels », une école qui prônait la « méthode allemande » et qui, en prenant le « contrepied de la méthode officielle et jésuitique » avait fourni les preuves de sa supériorité ». Le Regulativ de 1873, qui fixait les nouveaux programmes, aurait par contre imposé le retour à l’ancienne méthode des jésuites, qui faisait de l’enseignement « un dressage », et remplaçait « l’éducation des humanités » par « une science de perroquet […] aussi inutile qu’indigeste », visant à faire de l’enfant « une recrue ».

 

Les souvenirs pleins d’ironie de Robert Redslob montrent le corps des professeurs et celui des élèves nettement divisés en « Alsaciens » et « Allemands immigrés », qui réduisaient leurs relations réciproques au minimum. À l’en croire, il vécut une jeunesse partagée entre deux mondes sans communication, celui de l’école et celui de la maison. Alors que généralement, depuis le temps de Jean Sturm, on insistait sur le fait qu’instruction et éducation devaient aller de pair au Gymnase, il s’écrie: « À l’école, nous faisions un apprentissage, c’était tout. Instruction, mais non pas éducation. Nous étions élevés, non par nos maîtres, mais par nos parents. Nous grandissions à un foyer qui était une enclave spirituelle de la France »

 

 Il se pourrait que ce témoignage ne soit pas totalement représentatif. Le régime prussien s’était en effet assoupli, et une partie des élites strasbourgeoises avait alors accepté le compromis avec les Allemands. Robert Ernst, fils de pasteur libéral et ancien élève du Gymnase, devait aller plus loin, en adhérant au nationalisme pangermanique. Il devait s’engager volontaire à 17 ans en août 1914, puis vivre à Berlin, avant de se mettre au service du régime nazi, qui en fit un temps l’Oberbürgermeister de Strasbourg. Dans ses mémoires, rédigés dans une prison française en 1951, il confirme néanmoins l’attachement de la bourgeoisie protestante strasbourgeoise à la France, à sa langue et à ses mœurs, encore que, selon lui, l’esprit de résistance et le culte de la patrie perdue, caractéristiques d’une étroite classe sociale, se fussent atténuées à partir des années 1900.

 

En 1888, il devait en tout cas être difficile d’envisager, par exemple, une participation massive des anciens élèves, organisés en association, alors que beaucoup avaient quitté la région en « optant » pour la France, et que, parmi ceux qui vivaient encore sur place, le traumatisme de 1871 n’avait pas été surmonté. La reconstruction rapide du Gymnase après l’incendie de 1860 avait été possible grâce à la souscription de nombreux donateurs, surtout locaux, qui, en retour, avaient exigé une place plus grande dans la gestion de l’établissement, aux dépens des autorités de l’Église luthérienne. Ils avaient affirmé notamment l’autonomie de l’établissement par rapport à l’administration publique de l’enseignement, en même temps que son caractère laïque, qui devait éviter de le concevoir comme un séminaire protestant.

 

L’ouvrage d’Auguste Schneegans qui avait rendu compte des fêtes d’inauguration, avait présenté l’école de Sturm comme « le bien de tous les protestants, de l’ancienne bourgeoisie ou plutôt de l’ancienne population protestante de Strasbourg, de l’Alsace, de la France entière ». Il avait proposé une implication plus large des anciens élèves et de la communauté protestante, regroupés en association, dans la vie de l’établissement, pour « former un corps compact », « qui aurait voix au chapitre non pas aux heures de crise seulement, mais encore et surtout aux heures de prospérité et de réorganisation ».

 

Cette vision du Gymnase était complètement dépassée en 1888. Le directeur Charles-Frédéric Schneegans, qui avait voué toute sa vie à l’école strasbourgeoise, appartenait à la tendance libérale et laïque du protestantisme, qui s’était imposée lors de la reconstruction. Pendant le terrible siège de la ville en 1870, il avait dû payer de sa personne pour empêcher la destruction des nouveaux bâtiments, lorsque des bombes s’abattirent sur sa toiture pendant les violents bombardements allemands.

 

Lors de l’installation de l’administration allemande, il avait tenté coûte que coûte, en s’appuyant sur une partie des enseignants et sur les parents d’élèves, de sauver l’autonomie de son établissement et le caractère original de son programme de formation. Préserver un enseignement de valeur du français devait en particulier permettre aux élèves de se présenter au baccalauréat français. En 1872, le comité de l’Association des anciens élèves et amis avait d’ailleurs adressé une lettre au directeur, dans laquelle il demandait de ne pas accepter l’ingérence de l’État dans la direction de l’établissement, de veiller à conserver son caractère « libre et international », d’empêcher la diminution, voire la disparition des « cours de langue française ».

 

Ces appels ne furent pas entendus par la nouvelle administration, et, au moment des festivités de 1888, l’école avait en fait été mise au pas.

 

À partir de 1873, la désignation d’un Konrektor allemand à côté de C. F. Schneegans réduisait l’autorité de celui-ci, et fut le point de départ d’une normalisation.

 

En 1883, il ne restait plus que 9 Alsaciens sur un total de 34 enseignants : tous les autres étaient immigrés du Reich. Il faut dire que ces derniers se caractérisaient par leur professionnalisme, alors que les autochtones étaient jugés de formation inférieure, et voués aux petites classes. En contrepartie, la plupart des professeurs allemands ne faisaient que des passages brefs au Gymnase, avant de poursuivre leur carrière ailleurs. Le volume de Festschrift témoignait de ce nouvel état de fait dans le corps enseignant. Si l’histoire de la Haute École protestante, exclusivement dans sa période allemande, y faisait l’objet de nombreuses contributions, dans un esprit positiviste peu polémique, l’ouvrage accordait aussi de la place à des articles qui illustraient la science allemande, sans aucun lien direct avec Strasbourg et sa région.

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6 février 2021 6 06 /02 /février /2021 08:00

 

Les agros, les purs, la crème de la crème, les futurs hauts-fonctionnaires du 78 rue de Varenne, pas tous, les futurs IGREF, sortaient non de la cuisse de Jupiter mais de l’INAPG Institut National Agronomique Paris-Grignon.

 

Je les ai côtoyé, j’ose : commandé, j’ai même eu l’outrecuidance de dresser avec le vice-président du corps, le président étant le Ministre qui s’en tamponnait le coquillard, leur tableau d’avancement, atteindre le Graal du grade d’Ingénieur Général.

 

Depuis, les appellations ont changées :

 

  • L’INAPG  a disparu se fondant dans AgroParisTech en fédérant sous sa belle ombrelle : l’institut national agronomique Paris-Grignon, l’école nationale du génie rural, des eaux et des forêts (ENGREF) et l’Ecole nationale supérieure des industries agricoles et alimentaires (ENSIA)

 

  • Le corps des IGREF est devenu celui des IPEF : Ponts, des Eaux et des Forêts, créé en 2009, est issu de la fusion de deux corps d’ingénieurs, celui des ponts et chaussées et celui du génie rural, des eaux et des forêts. Sans être mauvaise langue nos IGREF atteignaient ainsi un nouveau Graal : le sommet des échelles lettres.

 

Dernier acte du drame, celui du décès de l’Agro coupé en deux, les locaux du 16 rue Claude Bernard, le château et le domaine de Thiverval-Grignon vont être vendus.

 

Avant de proposer à votre lecture un article bien documenté, deux anecdotes :

 

  • Lors de l’examen du budget de fonctionnement du Ministre, en épluchant celui de la Direction de l’enseignement et de la recherche je m’étonnai de l’importance des frais de déplacement de celle-ci. Le directeur n’y alla par quatre chemins, il m’expliqua que les professeurs parisiens de l’INAPG bénéficiaient de frais de déplacement lorsqu’ils allaient enseigner à Grignon. France paradis de la bureaucratie, de la paperasserie, des ordres de mission, signés, tamponnés, les dépenses ordonnancées, visées par le contrôleur financier et bien sûr payées…

 

  • Lorsque je fus nommé professeur-associé de l’Université de Nantes pour 3 ans, en accord avec les autorités compétentes il fut convenu que devraient des heures à mon Ministère de rattachement en dispensant des cours à l’INAPG et à l’ENSA de Nantes. Ce que je fis, mais je ne le fis qu’une fois dans chacun de ses établissements. Bien sûr je m’étonnai auprès du Directeur de l’enseignement et de la recherche de l’absence de propositions, celui-ci, un grand courageux, me répondit en se tortillant « Tu comprends, tes interventions ne sont pas du goût du corps professoral… » Traduction, comment un pauvre docteur en droit, même s’il fut directeur du cabinet du Ministre, peut-il avoir la prétention d’aller transmettre son expérience de la prise de décision dans les instances communautaires, à la future crème de la crème des ingénieurs. Heureuse France des corporatismes, celle des enseignants est assez haut placée sur l’échelle de Richter du ne viens pas picorer dans mon écuelle.

 

 

 Thiverval-Grignon, le 20 janvier. Le domaine de 310 ha sur lequel se trouve le château est en vente.

Thiverval-Grignon : la vente du domaine bientôt scellée

Les candidats retenus pour le rachat des locaux que se partagent AgroParisTech et l’Inrae seront connus le 8 février. Parmi ces projets : celui d’un site de recherche agronomique mélangeant tourisme et innovation

 

 

Des logements sortiront-ils de terre sur le domaine historique de Thiverval-Grignon? Si ce n'est clairement pas la volonté des élus locaux, le destin de ce vaste parc de 310 ha est encore incertain. Appartenant à l'Etat, il est officiellement en vente depuis mars 2020. Les étudiants d'AgroParisTech et les chercheurs de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae), qui l'occupent depuis 1826, plieront bagage en 2022 pour faire leur rentrée à Paris Saclay (Essonne).

Gérée par le ministère de l'Agriculture et la direction de l'immobilier de l'Etat (DIE, c'est-à-dire Bercy), l'acquisition avait un temps intéressé le PSG en 2016 avant qu'il n'opte finalement pour Poissy. À l'époque, l'annonce avait fait grand bruit et suscité une vive opposition.

« On nous proposait 400 logements, c'est non ! »

Depuis, le processus est tenu confidentiel « afin de garantir une égalité de traitement entre les porteurs de projets », indique le ministère en précisant que « la commune de Thiverval a été régulièrement informée de l'avancement de la procédure de cession ». Pourtant, la maire elle-même révèle ne savoir que très peu de choses « car l'Etat ne dit rien ». Nadine Gohard a bien reçu des promoteurs immobiliers dans son bureau il y a plusieurs mois ; il s'agissait de Nexity et Cogedim qui seraient toujours en lice pour le rachat du domaine. Depuis, plus rien.

Lors de cette rencontre, l'édile est restée ferme : « On nous proposait 400 logements, c'est non ! Ce domaine est dévolu à l'agriculture, c'est l'identité du village. On ne changera pas le fond du plan local d'urbanisme qui le préserve. » Ce PLU, c'est justement la contrainte majeure pour les promoteurs. Sur les 310 ha, 288 se trouvent en « zone naturelle à protéger en raison de la qualité du site ». Sur les 22 ha restants se trouve également le Château de Grignon, classé monument historique. Les possibilités d'aménagements sont donc limitées.

« Faire un mini Davos permanent dédié à l'agriculture »

« Le seul projet d'intérêt général qui respecte le PLU c'est le nôtre », lance Hervé Planchenault, président (DVD) de la communauté de communes Cœur d'Yvelines. La collectivité propose, en partenariat avec l'association Grignon 2000, de préserver les activités de recherche agronomique tout en ouvrant les lieux au public. Un hôtel avec des espaces d'accueil pour des séminaires, un incubateur d'entreprises innovantes et un lieu de recherche regroupant laboratoires privés et publics sont notamment prévus. Les bâtiments, eux, seraient en partie transformés en musées pour valoriser les vestiges de deux siècles d'histoire. « L'idée est de faire un mini Davos permanent dédié à l'agriculture et l'environnement », résume Hervé Lecesne, président de Grignon 2 000.

Les étudiants d’AgroParisTech rêvent d’un site consacré à la transition écologique. LP/Julie Ménard
Les étudiants d’AgroParisTech rêvent d’un site consacré à la transition écologique. LP/Julie Ménard  

Les étudiants rêvent d'un haut-lieu de la transition écologique

 

Mais pour les étudiants en 1re année d'AgroParisTech qui occupent le domaine nuit et jour, cette réflexion ne va pas assez loin. « On se coupe trop de la recherche agronomique, si on était cynique on pourrait dire que c'est du green washing », tacle l'un d'eux. « C'est trop partial, développe Boris qui souhaite un projet plus social et scientifique. Grignon pourrait devenir une référence de la transition écologique en créant un centre de permaculture pour alimenter tout le secteur et approfondir les recherches dans ce domaine. » Une position en faveur de la production intensive dans le respect des sols que défendent ces jeunes, conscients d'être « les inventeurs de l'agriculture de demain ».

 

« Tous ceux qui passent à AgroParisTech sont marqués par Grignon, enchaîne Elsa. On voudrait qu'il y ait une gouvernance partagée avec les étudiants, que l'on garde des chambres étudiantes. On a récemment rencontré Grignon 2000 à ce sujet, ils se sont montrés bienveillants et à l'écoute, ça nous rassure. » L'association, en majorité constituée d'anciens élèves d'AgroParisTech (NDLR : les Alumnis), se dit « tout à fait dans la ligne de ce qu'ils proposent là », confirme Hervé Lecesne.

 

Du côté de la communauté de communes en revanche, ces suggestions font plutôt sourire. « Il faut un peu de réalisme… Qui payera le chèque ? », interroge Bertrand Hauet, vice-président à Cœur d'Yvelines, en charge des finances. « Ce site est non viable pour maintenir une activité purement agricole, tranche d'emblée François Moutot, vice-président au développement économique et maire de Thoiry. Le château est dans un état déplorable, il faudrait plus de 20 M€ pour le rénover. Ce n'est pas la permaculture qui permettra ça. »

 

La crainte d'une logique économique

 

Quoi qu'il en soit, élus et étudiants s'accordent sur un point : ils redoutent que seuls les arguments économiques ne scellent la transaction dont la finalité est attendue au second semestre 2021. D'autant que sur les 130,7 M€ d'objectif que l'Etat s'est fixé pour la liquidation des 4 sites franciliens d'AgroParisTech, la somme de 110 M€ a déjà été atteinte avec la seule vente des locaux de la direction à Paris.

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6 février 2021 6 06 /02 /février /2021 06:00
Les planteurs entourent Catherine

Les planteurs entourent Catherine

Catherine est née sur des terres proches de l’océan Atlantique où, à l’heure des marées, portée par une brise marine, une pluie fine s’égoutte sur les vertes prairies cernées de haies vives. Mémé Marie disait : « ça guenasse » 

 

 

 

Issu du radical gaulois wadana : “eau”. - Dans la région de Redon : guenasser = bruiner. C’est le pied de cuve du climat breton.

 

 

 

Vous comprenez alors pourquoi, exilée sous des cieux sans nuages où règne un Dieu soleil implacable, ce Languedoc qui fut une mer de vignes, Catherine a vécu, plus encore que les « indigènes », le coup de sirocco du 28 juin 2019.

 

 

 

Alors, passé le moment de l’émotion, de l’impuissance face au déchaînement du climat, 44° à l’ombre un 28 juin, de ce texte qui a beaucoup circulé sur la Toile, écrit sous le choc, qui mettait en mots le doigt sur ce que beaucoup d’entre nous avons ressenti ce jour-là, ou les jours précédents ou suivants, j’en suis : le sentiment de vivre la fin de l’ère climatique dans laquelle nous sommes nés et avons vécu jusqu’à ce jour, naît dans son esprit fertile, le contre-pied au découragement, de ne pas l’art et la manière de ne pas baisser les bras, de laisser tomber, de fuir.

 

 

 

 

Bien sûr, Catherine vit dans un milieu hostile, qui n’est pas propre au Languedoc mais largement partagé par les dominants qui se disent les gardiens d’une agriculture nourricière, défenseurs d’une productivité à tout crin garante de l’indépendance alimentaire, des gens qui ont les deux pieds sur terre loin  des bobos urbains, des nantis des bureaux, vieille rengaine des agrariens des grandes plaines tenant en laisse les agriculteurs qui ne sont plus des paysans.

 

 

 

Romantisme, éternel couplet du “c’était mieux avant”, que nenni, il ne s’agit en rien d’un retour au passé,  une resucée de la terre ne ment pas, mais d’embrasser à bras le corps les réalités du jour, d’agir, d’anticiper, d’expérimenter des voies nouvelles, d’emprunter des chemins de traverse, de se prendre en main plutôt que de se réfugier derrière les tares du système.

 

  

 

« L'avenir ne sera pas ce qui va arriver, mais ce que nous allons faire » Henri Bergson

 

 

Pour se prémunir des lazzis, des quolibets, de l’arrogance des sachants, Catherine avoue : « Oui, je divague, mais divagant, je m'extrais du carcan du raisonnable, ce raisonnable qui nous a, au fil du temps, conduit à la rationalité, laquelle nous a plongés dans le primat de l’économie… » 

 

 

Que faire?

 

 

Faire !

 

 

Agir !

 

 

Retrouver de l’ombre, celle des canopées des arbres, de la fraîcheur captée, rompre la monotonie des vignes en rangs alignées au cordeau, arrimées à des piquets, des fils, prisonnière, condamnée à la réclusion d’une rigidité mortifère.

  

 

Un jardin pour commencer encore écrit-elle.

 

 

 

Pour moi c’est son, et aussi un le nôtre, « jardin extraordinaire »

 

 

Avant de la lire, moi qui suis de ces fameux baby-boomers couverts d’opprobre, profiteurs des 30 Glorieuses, corrupteurs de la jeunesse, chouchoutés par les pouvoirs publics au détriment de la jeunesse dans ce moment confinement-couvre-feu de la Covid19, des futurs dépendants coûteux pour la Sécu, de ceux qui vont léguer une montagne de dettes à leur descendance, je pose ici le brevet de mon vaccin post Covid 19 :

 

 

« Mes sous, ma thune, mon bas-de-laine, mon blé, je ne les emporterai pas pour engraisser la terre du cimetière, je préfère en faire des petites graines à semer, à germer, à s’élancer vers le ciel, à s’enlacer pour former des haies, des ronceraies piquetées de mûres - je m’emporte - à abriter des petits oiseaux, des rongeurs, des reptiles, à servir d’ombrelles à un tapis de prairies naturelles constellées de fleurs oubliées, plein de petites bestioles, de la vie quoi ! Pour parodier la formule-culte de Michel Rolland dans Mondovino “oxygéner, oxygéner…” de l’air, de l’air, pour en avoir manqué avec mon poumon perforé, je ne vois pas au nom de quoi, la vigne qui fait le raisin que l’on pressera pour faire du vin, dont on me dit que c’est le symbole de la convivialité, dont je n’ai nul besoin pour m’alimenter, devrait être conduite comme une formule 1, sous perfusion, à fond à fond, dans une solitude mortifère, laissons-là vivre au milieu des siens, même s’il faut lui tenir la main : n’en déplaise aux chanteurs du terroir c’est la main de l’humain qui l’a créée, implantée, sculptée, c’est elle qui fait le vin, alors je la souhaite douce et soucieuse de l’avenir, avoir la tête dans les étoiles, rêver, accoucher d’un monde plus respectueux, est porteur de la future valeur du PIB face à l’impérialisme de la Chine, au conservatisme des anciens dominants, à l’émergence des anciens pauvres, investissons, tels des chercheurs s’aventurant sur des pistes jugées iconoclastes, dans ce qui affleure sous la chape du convenu...Même je ne suis pas un grand admirateur d’Ernesto Che Guevara, au nom de la marque d’infamie que fut mai 68, en tordant le slogan, j'inscris au fronton du jardin extraordinaire :

 

 

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Soyons réalistes, divaguons, égarons-nous, défions l'impossible. »

 

 

Une suite au coup de chalumeau du 28 juin 2019

 

 

Un après-midi de janvier 2021, tandis que l’hiver que nous n’avions pas connu dans le Midi depuis 2017 s’est installé avec des températures nocturnes négatives, Jacqueline Bellino m’a appelée. Nous nous étions rencontrées il y a, j’ai envie de dire, bien des années, puis la vie nous avait depuis tenues éloignées. Pas la pensée. Cet après-midi de janvier, elle m’a demandé si j’acceptais que le texte que j’ai écrit en 2019 après un coup de chalumeau qui a brûlé les vignes et s’est avéré être un coup du sirocco, soit publié sur le site des écrivains-paysans. Outre la joie d’échanger avec elle, j’ai non seulement dit oui, mais je lui ai proposé d’écrire pour les écrivains-paysans une suite. 

 

 

 

 

Le texte écrit en juillet 2019 a beaucoup circulé. Il a touché des citadins, des paysans, des jeunes, des vieux, des Français, des étrangers. Écrit sous le choc, sans doute mettait-il en mots le doigt sur ce que nous sommes nombreux à avoir ressenti  le 28 juin 2019 ou les jours précédents ou suivants : le sentiment de vivre la fin de l’ère climatique  dans laquelle nous sommes nés et avons vécu jusqu’à ce jour. Ce phénomène exceptionnel (44° à l’ombre un 28 juin, aux jours les plus longs de l’année quand le soleil est au zénith, associé à des courants d’air brûlants comme il y en a dans le Sahara) incarnait tout d’un coup non seulement les prévisions du GIEC, jusqu’alors abstraites, mais aussi et surtout la dimension essentielle et déterminante du climat dans le cours de la vie. Il a suffi d’un jour pour que nous nous souvenions que nous vivions entre ciel et terre. Il a suffi d’un jour pour que nous prenions conscience de la douceur de notre climat, dit tempéré, c’est-à-dire qui épargne la nature comme les hommes et les animaux de la violence des extrêmes. Il a suffi d’un jour pour réaliser que ce climat tempéré avait aussi beaucoup aidé au confort dans lequel nous vivons, et que nous étions dès lors nous, j’entends par nous, nous les occidentaux universalistes, peu de chose au regard de la puissance des quatre éléments d’Empédocle, la terre, l’eau, le feu, le vent, auquel Aristote ajouta l’éther. 

 

 

 

Empédocle, Aristote, Platon, la Bible, voilà à qui, à quoi, ce mauvais coup du ciel m’a ramenée. Il me fallait retourner aux sources pour appréhender le présent, retourner, non pas à l’essentiel, notion que la pandémie du Covid-19 a remise au goût du jour, mais à l’essence. Renouant avec l’essence, et non pas l’essentiel, qui est du ressort vulgaire du besoin, j’ai recommencé à voir briller l’étincelle de la vie. Vous me direz que nous sommes là bien loin d’une préoccupation agronomique, agricole, ou paysanne, que je m’écarte du sujet, que je m’égare, que je perds la raison.

 

 

Oui, mais non. 

 

 

Oui, je divague, mais divagant, je m'extrais du carcan du raisonnable, ce raisonnable qui nous a, au fil du temps, conduit à la rationalité, laquelle nous a plongés dans le primat de l’économie, soit, concrètement pour nous travailleurs de la terre, dans la monoculture, ici de la vigne, là des céréales, ailleurs de l’élevage. Et c’est précisément cette monoculture qui détruit l’équilibre des écosystèmes, menace le vivant, et fait tomber le ciel sur nos têtes, localement, le 28 juin 2019, le coup de sirocco, globalement aujourd’hui le coronavirus Sars-Cov-2. Dans notre rêve prométhéen, dans notre quête babylonienne, nous avons oublié que les éléments sont puissants et la vie fragile. Nous avons tout simplement oublié de lever les yeux vers le ciel et nous ne voyons plus briller les étoiles. Nous ne voyons plus l’évidence. J’entends par évidence, l’evidentia de Cicéron, c'est-à-dire la manière dont le monde se donne à voir à l’homme, mais aussi le evidence anglo-saxon, c’est-à-dire la preuve qui fait force de loi. Je dirais que nous sommes au point de rencontre de ces deux sens de l’évidence : ce qui nous est donné à voir et ce qui fait voir.

 

 

 

A dire vrai, depuis quelques années déjà, j’observais le changement du climat, les étés de plus en plus longs, de plus en plus chauds, de plus en plus secs, des vents que plus rien n’arrêtent, la sensibilité de plus en plus grande des vignes aux maladies, au stress hydrique, leur dépérissement précoce, l’affaiblissement de leur vigueur, le dérisoire de la haie de fruitiers plantée au milieu. J’étais la spectatrice interdite de ces évolutions, ne sachant plus à quel saint me vouer, aucun n’étant à la hauteur du défi à relever, nonobstant les solutions tonitruées de tous bords comme autant de mirages dans le désert. Bientôt l’expérience ne me serait plus d’aucun recours. C’est ce que disent les suicides d’agriculteurs, la fin de l’expérience sur laquelle jusqu’alors on pouvait s’appuyer.

 

 

 

Peu à peu, j’ai commencé à ne plus supporter la vision des vignes en rangs, arrimées à des piquets et des fils. J’ai même fini par y trouver de la laideur. J’ai commencé à y voir la rigidité mortifère de notre pensée, la croyance en notre suprématie, et au bout du compte l’avidité et la cupidité qui nous a fait oublier que vitis vinifera est une cousine descendante de vitis sylvestris.

 

 

Qui est vitis sylvestris ?

 

 

Une liane vigoureuse qui vit en lisière des bois, entre ombre et lumière, comme un trait d’union entre deux contraires. C’est ce qui a fait dire à Goethe que la vigne est une plante de l’échange, échange entre la terre et le ciel.

 

Notre lien à la vigne est d’abord philosophique, métaphysique même. Avec la vigne, nous essayons de vivre stricto sensu entre terre et ciel, et c’est dans le vin, son fruit transformé en éther, que nous décryptons notre humanité comme une gitane lit dans les lignes de la main. 

 

 

 

La crise phylloxérique est le premier avertissement aveuglant que les vignerons ont reçu de la Terre. Elle surgit en 1866 quand la vigne achève de couvrir le relief de la campagne française et a quasiment les traits qu’on lui connaît, c’est-à-dire seule dans son champ, en rangs, et en bien des endroits déjà sur fil.

 

 

 

Le vin, lui, vient consacrer l’éclosion du citadin, ou plus exactement incarne la réponse au mystérieux mais puissant désir de la ville, à ses lumières qui percent le voile de l’obscurantisme rural. Ainsi, plante-t-on des vignes, et commence-t-on à asservir vitis vinifera au rendement. C’est précisément à l’apogée de ce moment de l’histoire qu’un minuscule nématode, phylloxera vastratrix, au cycle de reproduction redoutable, va foudroyer le vignoble, français d’abord, puis en dix ans seulement, européen, et finalement mondial. Une pandémie. La réaction fut à la hauteur du choc et de la peur. En moins de dix ans, on isola l’agent pathogène, on le nomma, et on trouva la parade : la greffe de vitis vinifera sur ses cousines américaines porteuses asymptomatiques du phylloxera, une sorte de vaccin. Ainsi put-on continuer à s’enfoncer dans la monoculture, usant bientôt du bras armé de la sainte trinité NPK (Azote, Phosphore, Potassium) et des pesticides. On crut au miracle. On s’émerveilla de notre génie scientifique. On resta sourd et aveugle à l’avertissement. 

 

 

 

D’Eden à Epicure, tout commence toujours par un jardin. Au dernier soir des vendanges 2019, regardant sur les marches de la cave le soleil se coucher sur le Pic Saint Loup et la lune monter rouge dans les derniers feux du jour, nous décidâmes, Nicolas, mon fils aîné, et moi-même, de faire des cinq mille mètres carrés où s’érige la cave, un jardin. Nous avons rêvé les yeux ouverts, c’est-à-dire avec la connaissance des plantes, de leurs propriétés, des contraintes du climat méditerranéen, la représentation de ce que pouvait être le jardin d’Eden, ceux que nous avons vus dans nos voyages, ceux de mon enfance, les jardins fleuris, nourriciers, royaux, bucoliques, au cordeau, folâtres, insolites. Les jardins depuis l’Eden sont des oasis dans le désert, des ailleurs familiers. 

 

 

 

Nous avons imaginé ce jardin. Il serait planté d’arbres, forestiers et fruitiers, d’arbustes, de vivaces, aromatiques et médicinales, dans lesquels les vignes grimperaient. Il n’y aurait pas que des grenadiers, nouvelle sirène du Midi, mais des grenadiers, des arbousiers, des jujubiers, des pêchers et, leur tenant compagnie, des érables, champêtres et de Montpellier, des caroubiers, des arbres de Judée, des mûriers, des schinus molle, des romarins et des sauges, des lavandes, de l’origan.

 

 

 

Nous avons regardé de l’autre côté de la Méditerranée. Nous avons fait de l’ombre au soleil, retenu la pluie torrentielle des automnes et des printemps pour les jours sans des étés, ralenti la vitesse des vents. Nous avons décidé d’œuvrer au beau en soi, c’est-à-dire à ce qui est dicté par le juste. Entendons-nous, œuvrer au beau n’est pas retourner béatement à la nature, mais renouer avec l’intelligence de la main, en l’espèce celle du jardinier, car en agriculture, juchés sur des machines et inféodés à la technologie, nous l’avons perdue. 

 

 

 

Et après ?

 

 

Me demanderez-vous. Et après ?

 

 

« Rappelle-toi, écrit, de son jardin au nord d’Athènes, Epicure à Ménécée, que l’avenir n’est ni à nous, ni pourtant tout à fait hors de nos prises, de telle sorte que nous ne devons ni compter sur lui comme s’il devait sûrement arriver, ni nous interdire toute espérance, comme s’il était sûr qu’il dût ne pas être ». Ni Nicolas, ni moi, ne doutons que nous trouverons dans la confiance du vivant le concours de la bonne fortune et les voies de l’inventivité pour commencer encore. Car c’est bien de cela dont il s’agit. Commencer encore, pour vivre en intelligence avec la vie dont, nous qui, les pieds dans la terre, sommes les premiers témoins et acteurs de son évolution. Voilà qui occupe mes jours et mes nuits depuis lors. Nous venons de planter quelque six cents arbres et arbustes. Nous avons nommé ce jardin : Jardin expérimental de conduite radicalement différente de la vigne pour vivre de la terre en Languedoc. 

 

 

Catherine Bernard 


 

 

 

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5 février 2021 5 05 /02 /février /2021 08:00

 

Depuis la dernière Coupe du monde de football il existe un contentieux entre nos voisins belges et nous, du moins ceux qui courent derrière la baballe ronde et ceux qui braillent dans les tribunes. Les boys de Dédé Deschamps auraient volé la finale aux gars du plat pays.

 

 

@thibautcourtois sur la @RTBFinfo) : « C'était un match frustrant, la France a joué à rien, a joué à défendre avec onze joueurs à 40 mètres de leur but (...) c'est dommage pour le foot qu'aujourd'hui la Belgique n'ait pas gagné. »

 

Nos amis belges avaient la SEUM.

 

Mais voilà t’y pas qu’en plein Covid 19 une nouvelle tombée sur les télescripteurs risque de raviver les plaies entre les bouffeurs de grenouille et les amateurs de frites.

 

En plus, provocation inutile, ça se passe à la Pointe du But.

 

L’Île-d’Yeu. À la pointe du But, le permis de construire au nom du roi des Belges fait du bruit

L’accord d’un permis de construire sur une propriété située en zone naturelle fait polémique. Un permis au nom du roi Philippe de Belgique.

 

Sur la route de la pointe du But, c’est un joli coin dans une des parties sauvages de L’Île-Yeu.

 

 

 

Les élus de l’opposition de L’Île-d’Yeu rassemblés sous M’Yeu Ensemble (sans étiquette politique), ont allumé la mèche. « Lors du conseil municipal du mardi 26 janvier 2021, nous avons soulevé la question d’un permis, délivré en août 2020, pour la construction en zone naturelle d’une annexe d’environ 40 m², ce qui est rigoureusement interdit par le Plan local d’urbanisme de L’Île-d’Yeu » affirment les élus islais de la liste minoritaire.

 

En séance le maire Bruno Noury, embarrassé, a avoué être au courant, mais réfute sa responsabilité, ayant agi sur ordre de la préfecture. Il a affirmé que ce permis lui a été imposé. Il n’a pas pu être joint ce vendredi soir 29 janvier pour évoquer le sujet.

 

OLIVIER POLET/ GETTY IMAGES Le roi Philippe de Belgique et la Reine Mathilde lors de vacances sur l'Île d'Yeu, en juillet 2013.

 

Un permis de construire au nom du roi des Belges

 

Pour l’équipe d’opposition : « Nous sommes écœurés par cette décision injuste. Il s’avère que ce permis est établi au nom de M. et Mme Philippe Legrand de Belgique. Suffit-il d’être une Majesté pour transgresser la loi et bétonner librement notre patrimoine naturel avec la complicité des autorités ? » s’insurgent les opposants.

 

« Nous sommes tombés par hasard sur ce scandale et nous espérons qu’il n’y en a pas d’autres, car faute de commissions Urbanisme, nous ne pouvons pas l’affirmer. Nous déplorons aussi que la municipalité n’en ait pas informé la population » poursuit M’Yeu ensemble.

 

C’est pourquoi l’équipe milite « pour une plus grande transparence et un meilleur contrôle, notamment par le rétablissement de la commission d’urbanisme. » Une instance qui passe en revue les demandes de permis de construire. Depuis les dernières élections, cette commission n’a siégé que deux fois, pour revoir des cas problématiques selon les opposants. « Etudier systématiquement en commission tous les dossiers permettra aux élus de l’opposition d’alerter en cas d’infraction flagrante. »

 

En zone naturelle

 

Les élus de la liste minoritaire s’étonnent de l’issue d’un dossier sollicité par un proche voisin du même quartier. « Il avait aussi des projets d’urbanisme et a souhaité comprendre pourquoi il y a, dans ce cas précis, deux poids, deux mesures. Après son rendez-vous à la mairie, il a été incité à ne pas poursuivre ses démarches. » 

 

Du côté de la préfecture de Vendée, les services confirment que la parcelle citée est située en zone naturelle boisée. Mais une dérogation conforme aux « dispositions du plan local d’urbanisme de L’Île-d’Yeu autorise un permis de construire lié à la construction d’équipements collectifs d’intérêt général. »

 

Sur place, la population réagit vivement à cette situation comme en témoignent « les réactions à notre publication sur les réseaux sociaux » constate M’Yeu demain.

 

Située à l’extrême Ouest de l’île, la Pointe du But accueille une petite bâtisse, érigée face à la mer, qui abritait jadis une corne de brume. En retrait, gisent les ruines d’un ancien sémaphore détruit en 1944. Le site offre un point de vue magnifique. Au large on aperçoit  le récif des Chiens Perrins, surmonté de sa balise à feu fixe. Au nord du plateau rocheux de Basse Flore arrive le courant marin qui contourne l’île et crée un remous permanent, particulièrement dangereux pour les navigateurs entraînant parfois des naufrages dramatiques. 

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5 février 2021 5 05 /02 /février /2021 06:00

 

 

 

Qui se souvient de António de Oliveira Salazar le «moine-dictateur» du Portugal ?

 

Tout le long du XXème siècle, le monde a connu une multitude de dictateurs avec des profils similaires : harangueurs de foules, orateurs d’un certain talent, hommes à poigne avec le soutien de l’armée ou de milices fidèles,…

 

L’Espagne sous Franco en est un bon exemple. Et pourtant, son voisin ibérique, le Portugal, semble faire bande à part. Salazar a réussi à accéder au pouvoir de façon très technocratique, comme ministre des Finances, nommé par une dictature militaire qui entendait « nettoyer les écuries d’Augias ».

 

 

Perçu comme modeste et profondément pieux, o professor fut bien souvent autoritaire et impitoyable envers ses adversaires. Et tout au long de son règne de près de quarante ans, malgré les conflits mondiaux ou encore les guerres coloniales de « l’empire », Salazar a réussi à faire durer son Estado Novo sans pour autant susciter de nostalgie particulière dans le Portugal démocratique depuis la Révolution des œillets le 25 avril 1974.

 

  • En quoi le Salazarisme diffère des autres régimes conservateurs et fascistes ?

 

Question compliquée. Les principaux facteurs de différenciation tiennent à la fois à la singularité de la nature du régime et à la nature même du personnage, celui qui incarne le régime, António de Oliveira Salazar (1889-1970). Il s’agit d’un personnage atypique par son parcours personnel. C’est un universitaire, professeur d’économie politique à l’université de Coimbra, qui devient chef du gouvernement et dictateur, parcours peu courant dans l’Europe de l’entre-deux-guerres. Ce n’est pas un militaire et il n’a jamais porté l’uniforme.

 

 

 

Salazar n’est pas non plus un grand orateur en public ou un leader charismatique. Pourtant c’est un personnage à la fois habile, retors, implacable qui va conquérir le pouvoir, sans « marche sur Rome » ni élection, de façon technocratique comme « magicien des Finances » et en tissant sa toile petit à petit, avec pour seul soutien, au départ, une petite formation politique, le Centre catholique.

 

 

Sur le régime lui-même et son ADN : Il s’agit d’un nationalisme non-expansionniste, non francobelliqueux. Le but n’est pas de s’agrandir ou de conquérir mais de préserver les colonies (Goa en Inde, vastes territoires en Afrique, notamment Angola et Mozambique). C’est un « nationalisme d’empire » avec une forte instrumentalisation de l’histoire.

 

 

La matrice est ultra conservatrice et catholique, très répressive avec une justice et une police politique consacrant l’arbitraire et l’absence de libertés publiques. Salazar ne se reconnaît pas non plus dans ce que Philippe Burrin nomme « le champ magnétique du fascisme ». Il essaye même de s’en démarquer à sa manière. Salazar ne se reconnaît pas dans les figures du Duce, du Führer ou du Caudillo.

 

 

La suite ICI 

 

La PIDE surveillait tout et pouvait soupçonner quelqu’un qui n’allait plus à la messe, suffisant à en faire un suspect. C’était une police implacable de la pensée et du quotidien.

 

 

 

La Polícia internacional e de defesa do estado en français : Police internationale et de défense de l'État, plus connue comme PIDE, était la police politique de l'État portugais pendant l'Estado Novo sous António de Oliveira Salazar.

 

« Trop exposés, les bars à fado du quartier de l’Alfama n’étaient pas des lieux de rendez-vous pour les opposants ; ils préféraient des lieux de réunion discrets et en changeaient souvent pour éviter d’attirer l’attention du voisinage. C’est la période où les violences du régime s’expriment pour la première fois. Même s’il y avait déjà à Lisbonne tous les ingrédients du bonheur et de la douceur de vivre, je voulais montrer la difficulté même d’exister. Il n’y a pas de « dictature douce », c’est une vue de l’esprit.

 

Parce que vous pissez contre arbre, parce que votre tête ne revient pas aux miliciens, ils sont libres de vous passer à tabac. Il y a des informateurs partout, de la délation à tous les étages. Aujourd’hui encore, beaucoup de Portugais qui ont vécu à cette époque parlent en se masquant la bouche pour qu’on ne puisse pas lire sur leurs lèvres. Il y a une dizaine d’années encore, sur un plateau télé j’avais noté que le grand écrivain portugais António Lobo Antunes avait gardé cette habitude.

 

Nicolas Barral, auteur et dessinateur de Sur un air de fado, plongée dans le Portugal de Salazar. 

BD : “Sur un air de fado”, quand la dictature donnait le ton au Portugal ICI

Propos recueillis par Stéphane Jarno

Publié le 17/01/21

 

C’est en partant d’une observation précise de la société portugaise, qu’il connaît bien, que Nicolas Barral a réalisé son premier album en tant qu’auteur et dessinateur. Une plongée humaniste dans le Portugal fasciste, dans un sépia propre à la remémoration.

 

Lisbonne, 1968.

 

Entamée trente-cinq ans plus tôt, la dictature de Salazar s’essouffle, mais la « révolution des œillets » n’aura lieu que six ans plus tard. Comme beaucoup de Portugais, le Dr Fernando Pais a la conscience en berne et préfère regarder ailleurs. Mais le destin est mutin et prend parfois les traits d’un gamin des rues…

 

Avec Sur un air de fado, Nicolas Barral signe son premier album en tant qu’auteur et dessinateur. Avec ses personnages complexes et attachants, sa narration maîtrisée de bout en bout, ce « coup d’essai » s’inscrit dans la lignée des meilleures fictions historiques à hauteur d’homme, du type Les Phalanges de l’Ordre noir, de Christin et Bilal.

 

« J’ai voulu montrer ce que c’est de vivre sous une dictature, comment la plupart des gens s’en accommodent. »

 

« Traiter de l’engagement sous une dictature »

 

Il se trouve que j’ai épousé une Portugaise et donc Lisbonne et la culture portugaise étaient dans le trousseau de mariage. Et dans ce trousseau de mariage il y avait un certain nombre d’auteurs dont Antonio Lobo Antunes et Antonio Tabucchi, auteur italien lusophone, qui a fait paraitre en 1994 'Pereira prétend',  que j’ai lu au moment de sa parution, qui racontait l’histoire d’un personnage falot sous la dictature qui vit sans beaucoup s’impliquer, retranché dans ses amours perdus. Un jour, il est amené à se prononcer, à prendre position. Cette thématique m’intéressait beaucoup. Parce qu’elle me renvoyait à moi-même et à l'attitude que je pourrais ou ne pourrais pas avoir si mon pays, la France en l’occurrence, tombait en dictature. C’est une problématique qui s’était posée sous l’Occupation.

 

Même si vous n’êtes pas amateur de BD achetez Sur un air de fado, de Nicolas Barral, éd. Dargaud, paru le 22 janvier.

 

Sur un air de fado, page 42, de Nicolas Barral.

 

Sur un air de fado, page 135, de Nicolas Barral.

Cet album, je l’ai porté longtemps, c’est le premier que j’écris et que je dessine. Auparavant, j’ai travaillé avec beaucoup de scénaristes, dont l’excellent Tonino Benaquista ; j’ai adapté aussi des Nestor Burma – passer après Tardi n’a rien d’évident. La première mouture date de 2005, et puis au fil du temps, de mes connaissances et sans doute de mon âge, elle s’est enrichie, affinée, les personnages sont devenus plus complexes et l’histoire moins manichéenne. Lorsqu’on n’a pas de compte à rendre à un scénariste, on peut modifier l’album jusqu’au dernier moment, intégrer de nouveaux éléments. Le scénario ne précède pas toujours le dessin. Certains personnages souvent prennent vie : initialement ils devaient être muets ou secondaires, et puis ils vous entraînent, vous donnent envie de les développer, les faire parler.

 

Emigrés surveillés

La PIDE et les Portugais en France

 

Víctor Pereira

 

En filigrane apparaît une représentation du migrant portugais en France : celle d’un révolutionnaire potentiel, transportant avec lui - consciemment ou non - les germes de la Révolution et de la subversion. Outre le fait que la migration soit intrinsèquement une rupture avec l’ordre établi et que les migrants s’initient, en France, à la démocratie et découvrent une société moins inégalitaire et moins hiérarchisée, les élites salazaristes craignent une politisation des migrants par le PCP ou d’autres partis d’opposition. La France, et en particulier Paris, sont considérés par les élites salazaristes comme une base arrière du communisme inter-national où des militants apatrides et antipatriotes tentent de convertir les travailleurs portugais. Le déracinement, les conditions misérables dans lesquelles vivent des migrants coupés de leurs campagnes, de leurs familles et de l’encadrement traditionnel censé les protéger de la propagande subversive, favorisent la tâche de ces trublions

 

Or, à en croire les journaux d’extrême-gauche (français ou portugais), la PIDE était omniprésente. Politique-Hebdo, par exemple, dans son numéro du 20 juillet 1972 révélait que “3 000 agents et indicateurs de la police portugaise opèrent en France. Ils sont infiltrés partout : dans les usines, les universités, les services publics. A la suite de la répression particulièrement dure qui a sévi au Portugal au cours des derniers mois, plusieurs cas de perquisitions ont été signalés à Paris au domicile de Portugais. Les policiers français sont parfois accompagnés de leurs confrères portugais ; de même les militants portugais arrêtés lors de manifestations sont questionnés en présence d’agents de la Direction Générale de Sûreté, DGS portugaise. Dans certains cas, la famille de ces militants reçoit la visite de la DGS au Portugal quelques heures après leur arrestation en France. Par ailleurs, des renforts auraient été demandés par la police française à la DGS pour faire face à l’agitation grandissante qui se développe dans les milieux émigrés portugais.

 

ICI 

 

 

 

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4 février 2021 4 04 /02 /février /2021 08:00

 

Ça fait un bail que je liche de la bière au chanvre ICI

 

 

Ça désoiffe bien…

 

Alors, lorsque je découvre que dans le grand vignoble de Bordeaux qui ploie sous un bashing d’enfer des bobos parisiens Le Burdi W, se présente comme le premier vin français au cannabis, je me marre grave…

 

Ce nouveau produit sera lancé lundi prochain sur le marché, via une campagne de commercialisation sur la plateforme KissKissBankBank. Quelque 500 bouteilles sont mises en vente, et d’autres devraient être produites très rapidement.

 

Là, je rends les armes, je crie halte au feu : ça a la couleur et la saveur  des méthodes de bobos…

 

 

Pour ajouter une touche très GCC, ils ne peuvent pas s’en empêcher, ils nous sortent : L’œnologue-médecin Alain Raynaud, qui a validé le produit, et le célèbre œnologue bordelais Michel Rolland se sont prêtés au jeu de la dégustation, samedi dernier. « C’est une première expérience, je n’ai jamais goûté ce genre de produit, explique ce dernier dans une vidéo. Ce n’est pas tout à fait du vin, d’ailleurs c’est marqué dessus, mais ce qui me plaît, c’est que ça ressemble à ce que je connais, à ce que je déguste depuis quarante ans. C’est une boisson que je bois avec plaisir. »

 

Précision d’importance : légalement, on ne peut pas parler de vin, mais de boisson aromatisée à base de vin. Comme le rosé pamplemousse, quoi. Il y a plusieurs raisons à cela, la plus importante étant que le vin est transformé, puisqu’on lui rajoute du cannabidiol, ou CBD, une molécule présente dans le chanvre. Contrairement au THC, cette molécule est autorisée en France car elle ne provoque pas d’effet psychotrope mais possède des vertus relaxantes.

 

Burdi W est composé de 100 % de petit verdot [un cépage que l’on trouve habituellement dans moins de 10 % des compositions de certains grands crus classés du Médoc], et a été élaboré comme un vin classique », soutient le Bordelais Raphaël de Pablo, à l’origine du projet, et qui exploite par ailleurs La Ferme médicale, un champ de chanvre bio en Gironde. Sa culture est destinée à la production de cannabis bien-être, et a bien entendu servi à l’élaboration du Burdi W. La conception du vin a par ailleurs été supervisée par le directeur « d’un célèbre château bordelais », initiateur du projet également avec Raphaël de Pablo, et qui souhaite pour l’heure rester anonyme.

 

Garanti sans effet secondaire

 

Créer un vin au cannabis est une affaire sérieuse qui nécessite un savant dosage pour trouver le bon équilibre. Il a fallu plus de trois mois pour élaborer le Burdi W. « C’est très compliqué, car le cannabis est fort en terpènes il faut donc trouver la bonne association » explique Raphaël de Pablo. Il assure que le mélange cannabidiol/vin procure « un réel intérêt au niveau du goût », « surprenant ». « On obtient des notes très fruitées, avec une pointe de cassis [ce qui est assez classique avec le cépage petit verdot], et surtout on ressent vraiment cet effet relaxant après la dégustation… » Une boisson de 33 cl à base de CBD contient en moyenne 20 mg de cannabidiol, « là il y en a 250 mg par bouteille, en partant du principe qu’elle se boit à trois ou quatre personnes. » La dégustation est garantie sans effet secondaire, « puisqu’il n’y a pas de THC », la molécule du cannabis qui fait « planer ».

 

 

15 octobre 2018

 

Et vous prendrez bien un petit vert, le cannabis, nouvel eldorado des géants de l'alcool ? Qu’en pensent les chefs de l’ANPAA adeptes de la lettre ouverte à Mme Buzyn ? ICI

 

Pendant ce temps-là « … par peur de voir les jeunes délaisser bières et cocktails pour les joints ou les boissons à la marijuana, ou pour simplement profiter d'un marché prometteur, le cannabis est devenu un continent à explorer pour les géants de l'alcool.

 

 

 

Certains ont résolument sauté le pas, à l'image de Constellation Brands, la maison mère des bières Corona et de la vodka Svedka, qui a investi plus de 4 milliards de dollars dans une société canadienne spécialisée dans la drogue douce, Canopy Growth.

 

 

 

Le secteur du cannabis est "potentiellement l'une des opportunités de croissance les plus importantes de la décennie à venir", expliquait son PDG, Robert Sands, début octobre. Le marché devrait atteindre 200 milliards de dollars dans quinze ans et "s'ouvre beaucoup plus rapidement que prévu", faisait-il valoir.

 

 

 

Après l'Uruguay, le Canada deviendra mardi le deuxième pays au monde à autoriser l'usage récréatif du cannabis. Aux États-Unis, si la consommation récréative et/ou thérapeutique de la marijuana reste illégale au niveau fédéral, elle est autorisée dans plusieurs États.

 

 

 

Et, au-delà des traditionnels joints et brownies à l'herbe, les amateurs de haschisch deviennent de plus en plus créatifs. Fumer du cannabis reste le plus courant, mais on peut aussi le vaporiser, le manger sous forme de bonbons ou de glace, l'appliquer en crème. Ou le boire.

 

 

 

"Sans lendemain difficile"

 

 

 

Diageo, le numéro un mondial des spiritueux avec par exemple la vodka Smirnoff et le whisky Johnny Walker, serait selon l'agence Bloomberg en discussions avec des producteurs canadiens de cannabis. Contactée par l'AFP, la société a seulement indiqué qu'elle surveillait le secteur "avec attention".

 

 

 

Le brasseur Molson Coors a aussi annoncé cet été la création d'une coentreprise avec le groupe canadien The Hydropothecary Corporation (THC, comme le principe actif du cannabis).

 

 

 

D'autres hésitent encore.

 

 

 

Le PDG de Pernod Ricard, Alexandre Ricard, a ainsi expliqué fin août que son groupe regardait "de près" ce marché et cherchait surtout à comprendre si la légalisation du cannabis pouvait déboucher sur une éventuelle "cannibalisation" de la consommation des spiritueux haut de gamme.

 

 

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4 février 2021 4 04 /02 /février /2021 06:00

 

Environnement Archives | Chappatte.com

Jean-François, vert un jour, vert toujours, ce qui ne l’empêche pas d’être un expert pointu, sans concessions, sur les difficiles questions touchant l’environnement, le climat. Merci à lui pour ce remarquable travail de décryptage des propositions de la conférence citoyenne pour le climat voulue par le président de la République et de leurs traductions dans la loi.

 

Pour sourire un peu dans ces temps anxiogènes : primo j’ai moi-même compris, c’est dire la faculté de Jean-François à éclairer les nuls dans mon genre ; deuxio je n’ai pas modifié son titre pour attirer le chaland puisqu’il y a le mot-clé pour un blog  de vin : SOIF.

 

Bonne lecture.

 

 

 

En réponse à la crise des gilets jaunes, le président de la République a organisé une conférence citoyenne pour le climat chargée de proposer des solutions acceptables à la crise environnementale. Mais cette conférence n’est-elle pas un simulacre plutôt que la démocratie retrouvée ? 

 

L’une de ses propositions phares, la création d’un crime d’écocide dans notre droit pénal, n’empêche pas la régression de notre droit environnemental consacrée par la loi ASAP (accélération et simplification de l’action publique). Quant à la proposition de réviser, une fois encore, notre Constitution, faite par cette conférence, elle ne pouvait pas mieux tomber pour le pouvoir exécutif. Les juges ne pourront pas se substituer au peuple pour assurer notre futur. Seule la délibération démocratique dans un cadre réinventé nous permettra de trouver et de mettre en œuvre des solutions aux crises environnementale, sociale et économique que nous traversons.

 

La tentation de mettre les sociétés en pilotage automatique 

 

Nous vivons un lent processus d’enfermement de nos sociétés dans un ensemble de règles juridiques toujours plus précises, nombreuses, ne laissant plus de place à la délibération et aux choix collectifs des citoyens, et instaurant à leur place une sorte de pilotage automatique de nos vies sous le contrôle de juges - dans le meilleur des cas - ou d’autorités indépendantes - dans le pire des cas - ne rendant de comptes à personne.

 

Ce processus est presque achevé s’agissant de la politique économique. 

 

Les gouvernements européens ne peuvent plus intervenir sur la politique monétaire, désormais conduite en toute indépendance par la Banque Centrale Européenne. 

 

Ils sont autorisés à s’affranchir des règles budgétaires européennes lorsque survient une crise d’une ampleur exceptionnelle, comme en 2008 - crise financière- ou en 2020 – crise sanitaire. Mais c’est pour être rapidement rappelés à l’ordre lorsque la crise s’éloigne. Alors reviennent les examens des budgets nationaux par les instances de l’union européenne et les recommandations adressées au gouvernement, auxquelles ils devront se soumettre sous peine de sanctions financières « automatiques ».

Les politiques de préservation de l’environnement et de lutte contre le changement climatique sont l’objet d’une même passion de la réglementation, de la sanction, et de la restriction des possibilités de délibération démocratique que les politiques économiques.

 

La conférence citoyenne pour le climat : démocratie retrouvée ou simulacre ?

 

Emmanuel Macron a annoncé, en avril 2019, en conclusion du « grand débat » qu’il avait lancé pour mettre fin à la crise des gilets jaunes, l’organisation d’une Conférence Citoyenne pour le Climat. Elle a été constituée en octobre 2019, par tirage au sort de 150 citoyens auxquels il était demandé « de définir des mesures structurantes pour parvenir, dans un esprit de justice sociale, à réduire les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 40 % d’ici 2030 par rapport à 1990 ».

 

Les efforts des gouvernements pour réduire les émissions de gaz à effet de serre sont engagés depuis 1992 et la signature à Rio, dans le cadre des Nations Unies, d’une convention internationale de lutte contre le changement climatique. Depuis lors, 24 conférences des pays signataires de cette convention, les fameuses « COP », ont été réunies et de nombreux textes additionnels à la convention ont été adoptés. Les objectifs fixés n’ont pas été atteints dans beaucoup de pays, ils ne l’ont pas toujours été en France non plus.

 

On peut se demander comment un groupe de citoyens tirés au sort pourrait trouver en quelques mois les solutions qui n’ont pas été trouvées par des milliers d’hommes et de femmes politiques, de fonctionnaires, de chercheurs et d’entrepreneurs en 30 ans ?

 

On peut aussi se demander quelle est la légitimité de ces 150 citoyens à faire des propositions que le Président de la République s’était engagé à reprendre « sans filtre » pour les transformer en textes législatifs, réglementaires, ou en action administrative ? 

 

Les députés et les sénateurs, les élus locaux, les responsables d’administration, les centres de recherche, les organisations non-gouvernementales et les institutions spécialisées de toute nature ne méritent-ils pas tout autant d’être entendus et respectés que ces 150 citoyens dont la légitimité résulte essentiellement du calendrier politique du président de la république ?

 

D’autant qu’il me semble exister un problème originel dans l’organisation de ce type de conférences. C’est le gouvernement qui décide de leur création, au moment où cela lui rend service dans son calendrier politique. Il en définit le cadre de travail. Il pose la question à laquelle la conférence doit répondre. La conférence pour le climat n’a pas fait exception. Par ailleurs, alors qu’un gouvernement, un parlement, un responsable d’administration doit traiter les différents sujets dont il a à connaître en prenant en compte l’impact de ses décisions sur l’ensemble de la gestion des affaires publiques, les conférences citoyennes ne doivent répondre qu’à une question et n’ont ni le temps ni les moyens de mesurer l’impact de leurs propositions sur la marche d’ensemble des politiques publiques. 

 

La conférence citoyenne pour le climat a présenté 149 propositions de nature très diverse, transformées en un projet de loi de 65 articles qui vient d’être transmis par le gouvernement au conseil national de la transition écologique. Certaines de ces propositions relèvent de la simple déclaration d’intention comme : « inciter à utiliser des moyens de transport doux et partagé, » ou bien généraliser les mesures tarifaires attractives pour l’usage du train. Comme nos lois sont de plus en plus bavardes et constituent trop souvent des déclarations d’intentions plutôt que l’énoncé de droit et d’interdictions, ce qu’elles devraient être, nos assemblées adopteront sans doute un ensemble de dispositions creuses, qui contribueront à l’inflation législative dont nous souffrons, mais vaudront témoignage de l’engagement du gouvernement en faveur de l’environnement à peu de distance de l’élection présidentielle.

 

La « conférence citoyenne pour le climat » a aussi proposé un grand nombre d’interdictions ou d’obligations, par exemple : « contraindre les propriétaires occupants et bailleurs à rénover de manière globale d’ici à 2040 leur logement », « obliger le changement des chaudières au fioul et à charbon d’ici à 2030 dans le neuf et le rénové » et beaucoup d’autres encore dont l’impact sur chacun d’entre nous mériterait d’être bien évalué avant de les transformer en loi ou en décrets. 

 

La création d’un crime d’écocide sera sans conséquences, tandis que la loi ASAP consacre un véritable recul du droit de l’environnement 

 

Parmi les propositions de la conférence citoyenne pour le climat, celle « d’adopter une loi qui pénalise le crime d’écocide pour sauvegarder les écosystèmes » a fait particulièrement débat

 

Cette proposition n’est pas nouvelle et le Parlement français a déjà rejeté à deux reprises la création d’un crime d’écocide dans notre droit pénal. Il avait de bons arguments pour cela, en particulier le fait qu’il n’y a pas de crime sans intention de le commettre dans notre droit pénal. Du coup, il sera difficile de définir le moment auquel une atteinte à l’environnement se transforme d’un simple délit en un crime.

 

La conférence citoyenne proposait de qualifier de crime « les atteintes aux écosystèmes dépassant les limites planétaires ». Ces limites n’étant pas connues et définies aujourd’hui, la même conférence proposait la création d’une « Haute Autorité des limites planétaires » qui serait chargé de fixer les seuils auxquels les juges pourraient se référer pour condamner les criminels. 

Cette proposition d’ajouter une nouvelle institution à un appareil bureaucratique qui n’en manque déjà pas, entre l’Office Français de la Biodiversité, le Haut conseil pour le climat, l’Autorité Environnementale, le Conseil National de la Transition Ecologique et beaucoup d’autres si l’on voulait être exhaustif, n’a pas été retenue pour le moment par le gouvernement. En revanche, l’article 65 de son projet de loi est consacré au crime d’écocide qui fera donc son entrée dans notre droit pénal si le Parlement adopte cette loi. Le juge devra alors déterminer l’intentionnalité des atteintes portées à l’environnement, ce qui sera plus compliqué qu’on ne peut le penser. Les auteurs des atteintes aux écosystèmes sont le plus souvent des personnes morales, des sociétés qui ne peuvent être mises en prison. Seuls pourront l’être leurs dirigeants à condition de démontrer leur implication et leur intentionnalité.

 

En bref, cette disposition, si elle est adoptée, constituera une victoire politique symbolique pour les militants écologistes et les associations. Mais sa portée réelle, en termes de protection de l’environnement, sera très limitée. 

 

Des mécanismes de pénalisation des atteintes aux écosystèmes existent déjà. Ils sont rarement mis en œuvre non pas en raison de la mauvaise volonté des juges, mais de la complexité des affaires. 

 

Il serait plus efficace de spécialiser des juges dans les contentieux de l’environnement qu’ils connaissent souvent mal, afin de les rendre plus efficaces dans le traitement de ces affaires, de recruter des magistrats et de leur donner les moyens de travailler. Mais cela, c’est beaucoup plus difficile et coûteux que d’adopter un texte de loi, et chacun aura compris que nous sommes dans une lutte symbolique et politique dont les protagonistes se soucient peu des résultats concrets.

 

La célébration de cette grande victoire permettra d’oublier que la loi « ASAP » (accélération et simplification de l’action publique), voulue par E Macron et qui vient d’être adoptée, rend moins contraignante la législation sur les installations classées pour la protection de l’environnement, permet au préfet de remplacer des enquêtes publiques par des consultations électroniques, ainsi que d’autoriser l’exécution anticipée de travaux de construction avant que l’autorisation environnementale ait été délivrée. Bref, sous couvert de simplification, la loi ASAP est un véritable recul par rapport à la législation environnementale existante avant 2020. Comprenne qui pourra…

 

Une nouvelle révision de la constitution, bien inutile…

 

Pendant qu’il détricotait le droit de l’environnement, le gouvernement a adopté un projet de loi constitutionnelle modifiant l’article premier de notre Constitution, ainsi rédigé : « Elle (NB : il s’agit de la France) garantit la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et lutte contre le dérèglement climatique. »

 

Le conseil d’État a rendu un avis très critique sur cette proposition. Il rappelle dans son premier considérant qu’il est saisi pour la troisième fois en un peu plus de trois années d’un projet de réforme constitutionnelle portant sur la question environnementale. Il rappelle également que la protection de l’environnement a déjà valeur constitutionnelle depuis que la mention en est faite dans le préambule de la constitution. C’est une façon de dire que cette révision de la Constitution est inutile.

 

On pourrait ajouter que la constitution de 1958, dont on ne cesse de nous rappeler qu’elle a instauré un régime politique stable et durable, a été modifiée 24 fois depuis 1958 et que son texte actuel n’a plus grand-chose à voir avec celui qui avait été adopté par référendum en 1958.

 

Non seulement le texte de la constitution a été modifié à de très nombreuses reprises, mais le Conseil constitutionnel n’a pas cessé d’élargir le « bloc de constitutionnalité », d’abord en rendant ses décisions non seulement au regard du texte de la constitution mais en prenant en compte des principes consacrés par d’autres textes : la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, le préambule de la Constitution de 1946, plus récemment la charte de l’environnement. Il ne s’est pas arrêté là et a progressivement consacré un certain nombre de principes comme ayant une valeur constitutionnelle (principe de continuité de l’État et du service public, liberté d’entreprendre, liberté d’aller et de venir, liberté personnelle du salarié, sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme d’asservissement et de dégradation, inamovibilité des magistrats du siège, principe pollueur-payeur, fraternité). Et comme il devenait difficile de concilier entre eux ces différents « principes à valeur constitutionnelle », le même Conseil constitutionnel a inventé des « objectifs à valeur constitutionnelle » comme l’objectif de sauvegarde de l’ordre public, la possibilité pour toute personne de disposer d’un logement décent, l’accessibilité et l’intelligibilité du droit, la lutte contre la fraude fiscale, le bon emploi des deniers publics, la bonne administration de la justice, la protection de la santé, la protection de l’environnement, etc. 

 

Ces « objectifs de valeur constitutionnelle » doivent permettre au juge constitutionnel de hiérarchiser en quelque sorte les principes de valeur constitutionnelle en assurant la cohérence entre eux.

 

En élargissant ainsi le référentiel à l’intérieur duquel il rend ses décisions, le conseil constitutionnel a renforcé progressivement son pouvoir sur le législateur.

Les pouvoirs de ce malheureux législateur ne sont pas simplement limités par le contrôle du conseil constitutionnel, mais également par le développement d’un droit européen. La cour de justice de l’union européenne a décidé par un arrêt de 1963, Van Gend en Loos, que les traités européens s’appliquaient directement aux citoyens des Etats membres, renversant l’ordre juridique traditionnel dans lequel un traité n’entrait en vigueur qu’après sa validation par le Parlement national. En 1964, l’arrêt Costa contre Enel a considéré que désormais les règles juridiques européennes supplantaient le droit national y compris les constitutions. 

 

Les gouvernements n’ont pas protesté, ni les parlements nationaux. Le conseil constitutionnel français, puis le conseil d’État, après avoir traîné des pieds, ont fini par s’incliner. 

 

Ainsi, les directives sont-elles transposées en droit français après une approbation par le parlement, généralement sans débat. Lorsqu’une norme européenne est contraire à la constitution, nous modifions notre constitution, là encore sans que cela ne suscite de grands débats.

 

S’agissant du dernier projet de loi de réforme constitutionnelle, le conseil d’État attire l’attention du gouvernement sur les dangers qu’il comporte pour lui. En effet, en indiquant que la France « garantit la préservation de l’environnement et de la biodiversité et lutte contre le changement climatique », la Constitution ouvrira aux citoyens la possibilité d’exiger du gouvernement les résultats de cette garantie. Les formulations antérieures, y compris dans la charte de l’environnement étaient moins prétentieuses et se contentaient d’indiquer que pouvoirs publics « favorisaient » ou « concouraient » à l’action de préservation de l’environnement.

 

En imposant aux pouvoirs publics une obligation de résultat dans ce domaine, le droit ouvre un champ de contentieux considérable.

 

D’ores et déjà, une commune du littoral du Nord de la France, la commune de Grande-Synthe, a saisi le conseil d’État d’un recours pour inaction climatique, le maire considérant que les mesures permettant une réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre n’avaient pas été prises par le gouvernement. Le Conseil d’État a déclaré cette action recevable et a demandé au gouvernement des éléments d’information lui permettant de décider si les mesures prises avaient été, oui ou non, suffisantes.

 

Une mise en cause de la responsabilité du gouvernement sans proportion avec la capacité d’agir contre le changement climatique

 

On est en pleine absurdité à de nombreux égards. D’abord parce que la contribution de l’action du gouvernement à la réduction des émissions de gaz à effet de serre est assez difficile à évaluer. Ainsi, l’institut Rexcode a publié, le 18 janvier dernier, une étude dans laquelle il considère que la France est bien partie pour respecter ses objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il indique que la récession économique consécutive à l’épidémie de Covid-19 explique pour 70 % la forte baisse prévisionnelle des émissions de gaz à effet de serre dans les prochaines années. 

Faut-il considérer que le gouvernement, dès lors, a fait son travail ? 

 

Féliciter le virus pour ces résultats ? 

 

Exiger que le gouvernement se fixe de nouveaux objectifs plus ambitieux de réduction des émissions de gaz à effet de serre ?

 

Le conseil d’État explique l’accueil favorable qu’il a réservé à la plainte de la commune de Grande-Synthe par le fait qu’elle est particulièrement exposée aux effets du changement climatique, s’agissant d’une commune littorale.

 

Il n’est pas hors de propos de rappeler que la France compte pour 0,9% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Nous ne sommes décidément qu’une puissance moyenne… L'Union européenne à 27 représente 8,1 % des émissions mondiales, tandis que la Chine en représente 30 %, l’Amérique du Nord 16 % et l’Inde 7 %.

 

L’impact de l’action ou de l’inaction du gouvernement français sur le sort des communes littorales françaises, dans un contexte d’augmentation mondiale des émissions de gaz à effet de serre, est dérisoire. Cela ne signifie pas qu’elle ne doit pas être menée, mais la responsabilité du gouvernement français doit être proportionnée à sa contribution au problème et au bénéfice que la population peut tirer de son action. De plus, cette action n’a de sens que si elle est coordonnée avec les efforts conduits dans le reste du monde. Poursuivre pénalement tel ou tel responsable français, ou condamner administrativement le gouvernement n’a aucun sens dans ce contexte.

 

Les juges ne peuvent pas arrêter les choix collectifs à la place des peuples et de leurs représentants

 

Il n’est pas question de contester la nécessité d’une action de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Mais les pouvoirs publics la conduisent en tenant compte de toutes les dimensions de la situation économique et sociale du moment. 

Faut-il condamner pénalement Emmanuel Macron parce qu’il a reculé devant les gilets jaunes, c’est-à-dire respecté l’opposition d’une partie significative de la population à sa politique ? 

 

Quel serait le sens d’une telle condamnation ? 

 

Faut-il infliger une amende administrative à Édouard Philippe pour n’avoir pas poursuivi l’augmentation prévue de la fiscalité sur les carburants ?

 

L’action climatique est importante, mais elle n’est pas supérieure à d’autres impératifs. Le conseil constitutionnel a été confronté lui-même aux difficultés qu’il a créées en multipliant les principes à valeur constitutionnelle. 

 

Comment concilier par exemple le droit de chacun à disposer d’un logement décent et la lutte contre le changement climatique, alors que l’une des principales sources d’émission de gaz à effet de serre, à côté des transports, est la construction de logements ? 

 

Faut-il arrêter de construire des logements pour limiter les émissions de gaz à effet de serre ?

 

La consommation de « biogaz », c’est-à-dire de gaz obtenu par la dégradation biologique de matières organiques, est infiniment préférable, du point de vue des émissions de GES, à la consommation du gaz naturel fossile que nous utilisons depuis des décennies. Mais la production de biogaz n’est pas non plus sans inconvénients. Par exemple, la production d’électricité avec du biogaz coûte beaucoup plus cher que tous les autres modes de production d’électricité et la différence ne peut être comblée que par des subventions publiques. Or le Conseil constitutionnel considère que la bonne gestion des deniers publics fait partie des « objectifs à valeur constitutionnelle ». S’il est beaucoup moins cher de subventionner la production d’électricité d’origine éolienne ou solaire, subventionner le biogaz n’est pas forcément un bon usage de l’argent public. Il faut donc concilier deux objectifs contradictoires ayant tous les deux une valeur constitutionnelle. 

 

Des questions de cette nature ne devraient-elles pas être plutôt tranchées par une décision des citoyens, par leurs représentants ou directement, plutôt que par un juge ?

 

Le groupement « l’affaire du siècle », constitué de quatre ONG (Notre affaire à tous, Greenpeace France, Oxfam France et la Fondation Nicolas-Hulot), a saisi le tribunal administratif de Paris pour que celui-ci condamne l’État pour inaction climatique. La décision n’est pas encore rendue, mais la rapporteure publique a indiqué lors de l’audience que la demande des associations était légitime et que le retard de l’action publique par rapport au calendrier de réduction des émissions de gaz à effet de serre devait être justifié. Sans aller jusqu’à recommander de sanctionner le gouvernement, elle recommandait de verser un euro symbolique pour indemniser le dommage moral subi par les associations requérantes.

 

Rien ne peut remplacer la délibération démocratique pour trouver des solutions à la crise sociale, environnementale et économique que nous traversons

 

Les émissions de gaz à effet de serre ont des causes extrêmement nombreuses. La cause première, c’est l’existence d’êtres humains sur la terre. La croissance démographique et la consommation de ressources qu’elle entraîne est le principal facteur de dégradation des écosystèmes. La population est passée de 2 milliards à 7,6 milliards d’êtres humains entre 1950 et 2017. Nous pourrions être 11,2 milliards en 2100. L’Afrique comptera pour la moitié de la croissance de la population d’ici à 2050 et 85 % d’ici à 2100. 

 

Depuis le milieu des années 1970 jusqu’à la fin des années 1990, les émissions de CO2 par habitant sont restées stables grâce à leur diminution en Amérique du Nord, leur stabilité en Europe et une augmentation modérée en Asie, pourtant les émissions annuelles totales de CO2 sont passées de 14 à 20 milliards de tonnes. La croissance démographique est la principale raison de l’augmentation des émissions pendant cette période. Les perspectives démographiques laissent penser que même si nous continuons à progresser dans la réduction des émissions individuelles de GES, les émissions globales ont de fortes chances de continuer à augmenter.

 

Faut-il que les gouvernements imposent un quota d’enfants par famille ? 

 

Un budget carbone individuel et quels seront alors les moyens de contrôler le respect de ce quota et les sanctions prises en cas de dépassement du quota autorisé?

 

Toutes ces questions sont vertigineuses et ne peuvent assurément pas être réglées par la seule voie du droit et de décisions de la justice pénale ou administrative. Les solutions ne pourront être trouvées que lentement, péniblement, par le débat démocratique à l’intérieur des nations et dans les enceintes internationales.

 

Les associations qui réclament sans cesse plus de lois, de réglementations et de sanctions, entretiennent l’idée fausse que la solution est à portée de main, et que si nous ne l’atteignons pas c’est en raison de l’inconséquence de quelques-uns ou de l’irresponsabilité des dirigeants politiques qu’il suffirait de sanctionner pour régler le problème. 

 

Si elles avaient raison nous pourrions espérer avoir vite réglé le problème. 

 

Mais elles ont tort et leurs actions ne font que retarder la délibération politique nécessaire sur les voies et moyens qui nous permettront de sortir de la crise sanitaire, environnementale, sociale et économique dans laquelle nous nous trouvons. 

 

La démocratie n’est pas le problème, elle est la solution. 

 

Le 23 janvier 2021

 

Jean-François Collin

 

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