Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
10 novembre 2008 1 10 /11 /novembre /2008 00:04

Michel Bataille, je l'ai rencontré la première fois pendant l'hiver 2001 lors de la commémoration du 100 ième anniversaire de la création de la première coopérative vinicole à Maraussan, à l'époque j'étais un conférencier très prisé car je succitais la polémique - prononcer pau/lémi/ke -, surtout auprès de ceux qui n'avaient jamais lu mes écrits. L'homme sortait d'un combat à la Languedocienne où les alliés ne sont pas toujours les plus fiables. Poignée de main énergique, belle prestance, sourire qui devait plaire aux filles, regard droit, ce garçon pouvait avoir un avenir si les caciques ne lui cassaient pas les reins. Toujours adepte du mauvais esprit, comme il faisait frisquet, je m'étais étonné qu'il n'y eut point de vin chaud. Ensuite nos chemins se sont souvent croisés et, même si le "bougon des cépages" raybanné s'enracinait dans son fauteuil de président à la Fédé des caves, Michel, à l'image de son patrononyme, bataillait pour que l'on sorte du discours historiquo-romantique avec manifs incorporées pour faire des choix difficiles et passer à l'acte. L'entreprise, "son entreprise", Foncalieu, j'y suis allé lors de la signature d'un contrat de partenariat avec Carrefour, au temps où ce grand groupe de distribution, avec Jean-Louis, se voulait avoir le 1/4 heure d'avance sur ses concurrents. Et puis y'avait aussi une histoire très belle d'une espèce d'oiseau dont j'ai oublié le nom. Bref, même si ça le compromet, je l'écris, j'aime beaucoup Michel Bataille mais j'ai aussi un faible pour les communiqués, qui ont, en général, un goût de béton armé, une saveur de littérature du temps du réalisme socialiste, en bouche des aromes de langue de bois. Je n'ai jamais compris que les zinzins continuent, au XXIe siècle, de publier ce genre de littérarture pré-formée. Michel a suffisament d'humour pour me suivre sur ce chemin lorsque je retranscris celui concernant son élection à l'UEVM..."

"Suite au départ de Guy Sarton du Jonchay, l’Union des Entreprises Vinicoles Méridionales (UEVM) annonce que Michel Bataille, président exécutif des Vignobles Foncalieu dans l’Aude a été élu à sa présidence. Le nouveau président, qui devra œuvrer au rapprochement de la production et des entreprises de l’aval, travaillera avec un nouveau bureau composé des vice-présidents Gérard Bertrand (SPH Vins Gérard Bertrand) et Gilles Gally (Groupe Jeanjean), ainsi que Louis Lazutte (Clarac et Clauzel) et Claude Courset (Ducasse SAS). Dans le cadre de la nouvelle OCM, l’UEVM affirme sa volonté d’améliorer la valeur ajoutée de la filière viticole. A ce titre, ses membres veulent assumer leur leadership sur l’organisation régionale de la filière, d’une part en augmentant les volumes et la valeur des produits vendus par le Languedoc-Roussillon et d’autre part en s’appuyant sur le plan d’action à 5 ans défini dans le plan stratégique InterSud. « Cette action ne peut se faire qu’avec le développement d’un lien fort avec les autres acteurs de la filière et en totale cohérence avec la coordination nationale de l’Association Générale des Entreprises Vinicoles (AGEV) » annonce l’Union dans un communiqué. Les membres de l’UEVM annoncent vouloir renforcer leurs relations avec la Région Languedoc-Roussillon afin de promouvoir les marques aptes à générer de la valeur ajoutée et à occuper tous les segments du marché. Quant au nouveau cadre de l’OCM, ils affirment leur volonté de veiller à ce qu’ils puissent « exercer le plus librement possible leurs activités commerciales ». Par ailleurs, ils rappellent que pour la nouvelle catégorie des vins sans IG, ils souhaitent un espace de liberté le plus large possible. Enfin, l’UEVM souhaite renforcer ses actions en faveur de la recherche et du développement en étroite collaboration avec les acteurs économiques et institutionnels engagés dans ce domaine."
 

 

Question N°1 : Bonjour Michel Bataille, l’élection d’un Président d’un groupe coopératif à la tête de la représentation du négoce languedocien, l’UEVM, c’est une première. Pourquoi ? Est-ce le début d’une réelle unité des metteurs en marché qui vendent l’essentiel des volumes pour que triomphent des solutions tenant compte de la réalité de la demande aussi bien en France que sur les marchés extérieurs ?

 

Réponse de Michel Bataille : « J’ai trouvé au sein de l’UEVM, malgré des tailles d’entreprises fort différentes, une réelle volonté d’avancer dans l’intérêt des entreprises. Il m’apparaît que cette cohésion du négoce languedocien ne se fait plus par opposition à la production, qui a été longtemps le ciment des entreprises du négoce. Il en va de même pour la production qui opérait sur le même mode de mise en cohésion. J’espère que ces changements des deux côtés sont le prélude à un fonctionnement plus équilibré. Mon élection au sein du négoce est surtout le fruit d’une volonté des entreprises de se rapprocher de la production tout en faisant valoir leurs prérogatives et leur spécificités. De là à penser que s’ouvre une ère nouvelle de consensus généralisé, c’est un pas que je ne franchirai pas. »

 

Question N°2 : L’observateur extérieur que je suis, intéressé mais non impliqué dans les grandes décisions, a de plus en plus de mal  à décrypter la réalité languedocienne où le verbe semble toujours tenir le haut du pavé. La nouvelle donne de l’OCM vin exige que des choix rapides soient faits : AOP-IGP par exemple. Le spectre d’un arrachage massif est agité alors que l’immobilisme prévaut depuis presque dix ans. Le regroupement interprofessionnel se transforme en étage supplémentaire. Que faut-il faire pour que le Languedoc retrouve une dynamique qui en fasse enfin le cœur de notre rebond de grand pays généraliste du vin ?

 

Réponse de Michel Bataille : « L’arrachage massif est le résultat d’une pyramide des âges très défavorable, elle-même découlant de 30 ans d’errements des politiques viticoles où la plupart des responsables de la filière -à part quelques visionnaires - n’ont pas su anticiper les changements qui se préparaient. Au lieu d’anticiper ces changements, ils les ont refusé, construisant jour après jour des lignes Maginot qui étaient submergées à chaque reprise. Au contraire, il aurait fallu prendre les devants par une politique résolument offensive, accepter d’abandonner certains pans de notre activité traditionnelle pour en refonder d’autres avec dynamisme et passion . Nous n’avons fait que reculer et atteindre le bord du gouffre, au point que la maxime de Frédéric IIde Prusse « Celui qui veut tout défendre ne défend rien » est une cruelle réalité en Languedoc. La dynamique du Languedoc ne passera que par des entreprises innovantes, à l’écoute de leur environnement, aptes à répondre à tous les segments de marché. Ce n’est pas une question de taille d’entreprise mais d’état d’esprit. Il faudra de grandes entreprises, de taille internationale, pour occuper les grands marchés mais cela n’exclut pas les petites entreprises et celles de taille moyenne pour occuper les segments de marchés spécifiques de différenciation. Cela passe par une capacité à faire évoluer la production en lui conférant une compréhension des marchés et agilité qu’elle n’a pas eu jusqu’à aujourd’hui. »

 
Question N°3 : Michel tu occupes dans ton entreprise Fontcalieu une position originale à la jonction entre les producteurs et le management qui doit te permettre mieux que d’autres de mesurer les difficultés de la gouvernance de notre vignoble. A-t-on avis que faut-il faire pour aider « les gazelles » du vin à se développer pour qu’elles puissent être plus présentes et plus compétitives sur les marchés en expansion ?

 

Réponse de Michel Bataille : « La gouvernance de la filière reste un problème majeur en Languedoc Roussillon. Du défaut de consensus sur l’analyse concurrentielle découle des incompréhensions politiques et des erreurs stratégiques. Cependant certaines entreprises réussissent.

Ces « gazelles » du Languedoc Roussillon doivent pouvoir exercer leur activité en toute liberté, faire preuve d’imagination et d’innovation, l’agilité étant un facteur-clé de succès majeur.

Il faut les appuyer en finançant leur développement notamment commercial et  marketing par le renforcement des actions et des équipes. Ces actions doivent s’inscrire dans une démarche fédératrice de communication sur les produits du Languedoc (y compris les cépages sans IG qui seront essentiellement issus du Languedoc et commercialisés à travers des marques), en faisant taire les querelles de chapelles par produit. »

Partager cet article
Repost0
9 novembre 2008 7 09 /11 /novembre /2008 00:09

Notre villa, nichée dans une végétation luxuriante et bien entretenue, nous offrait un accès direct à la plage par un petit escalier de pierre. Depuis la terrasse, là où je m’installais au petit matin pour écrire, l’encorbellement de la baie par les flancs de la montagne m’offrait un spectacle dont je ne me lassais jamais. Nous étions coupés du monde et ça m’allait bien. La Corse dépayse. L’insularité, l’irrédentisme, l’identitaire, proclamés à propos de tout et de rien, le mépris affiché vis-à-vis du pouvoir central, du « peuple corse » m’indifféraient. Je ne me sentais ni agressé, ni concerné, sur ce confetti aux dimensions de village où tout résonnait, s’enflait, s’autoalimentait, prenait des allures d’une tragédie surjouée par des acteurs peu crédibles. Par construction le nationalisme me donne des boutons, des démangeaisons. C’est le repli sur soi, le refus des autres, le petit pré carré, la consanguinité, le règne des grandes gueules. Je déteste toutes les frontières. J’aime par-dessus tout aller et venir sans présenter de passeport, justifier de la pureté de mon sang ou de mes origines. Pour autant, je connaissais trop les plis et les replis du dossier Corse pour savoir que le clanisme fournissait aux cagoulés les arguments les plus crédibles pour alimenter leur logorrhée et, bien sûr, justifier leur radicalisme et, si je puis dire, leur explosivité. Dans ma traversée des soupentes de la République j’avais « travaillé » avec les uns et avec les autres, sans jamais me lier avec l’un ou avec l’autre. Leur monde, leurs mots, leur geste, m’étaient étrangers. Je n’arrivais ni à les respecter, ni a les mépriser. Ils m’étaient indifférents.

Le président Pompe se méfiait, à juste raison d’ailleurs, l’affaire Markovic le démontrera, des « demi-soldes » du SAC où se mêlaient, autour du noyau dur de la diaspora corse, d’authentiques héros de la Résistance et de vrais truands. Comme l’heure n’était plus aux combats de l’ombre contre les « soldats perdus » de l’OAS ou à la défense de la Vème menacée, alors Pompidou avait demandé à Marcellin de débarrasser le SAC des éléments les plus douteux. Tâche malaisée car ce petit monde de reitres désœuvrés, naviguant en marge de la légalité, vivant d’expédients, cultivait un sentiment de toute puissance, au nom des services rendus au Général, et pensait que leur impunité ne saurait être remise en cause. La cellule « MR », Mouvements Révolutionnaires, créée au sein de la DST par le Fouché du Morbihan, dont je dépendais, allait, par le biais d’une de ses recrues les plus prometteuses, en provenance de Lorient, un « pistonné », à qui je donnerai, par commodité et par souci de sécurité, c’est un nuisible de chez nuisible, le nom de code de Guide, plus exactement de Bertrand Guide, jouer un rôle actif dans l’infiltration du SAC. L’irruption du père de Marie dans ma vie souterraine avait, bien évidemment, facilité mon double positionnement. Familier de Claude, l’épouse du président Pompe, et gros poisson des réseaux gaullistes de la Résistance, mon fugace « beau-père », m’inséra avec un savoir-faire remarquable dans les filières où l’on ne vous pose pas de questions lorsqu’on est adoubé par un référent de cette dimension. Au tout début la complexité et l’embrouillamini de ma situation me rendait un peu paranoïaque mais, grâce à la complicité de Chloé qui me bordait sur mon flanc gauche, je pris de plus en plus de plaisir à jouer un double ou même parfois un triple jeu.

 

Pour la première fois, depuis la disparition de Marie, je retrouvais foi en ma destinée. Bien sûr ce n’était plus le bel avenir de ma jeunesse : la résistible montée vers les sommets, la griserie du pouvoir, le grand amour, que j’avais en ligne de mire mais, de nouveau, même si ça peu paraître étrange et paradoxal alors que je pataugeais plus encore dans les égouts de la République, de nouveaux repères balisaient ma route et je me sentais rasséréné, optimiste même. À l’origine de ce brutal revirement : le père de Marie qui, sans le vouloir, m’avait investi d’une nouvelle responsabilité. Lorsque nous étions sortis du Harry’s Bar, en dépit de nos protestations, il nous avait ramené chez lui. En ouvrant la porte de son appartement il m’avait dit « tu es ici chez toi ». Paroles sympathiques de fin de beuverie qui n’effleuraient qu’à peine mon esprit embrumé. Chloé et lui passèrent le restant de la nuit à converser sous la verrière de son grand atelier. Moi je m’effondrai d’un bloc, tout habillé, sur le grand lit où j’avais dormi avec Marie. Au petit déjeuner, Chloé, tout en trempant des mouillettes dans son œuf coque décapité, m’annonçait comme si c’était dans la nature des choses « qu’elle était allé en moto chercher mes affaires dans mon gourbi de la Butte aux cailles… » À mon grand étonnement je ne protestais même pas. Sans me l’avouer, au fond de moi, cette prise en mains me convenait. Sous mes grands airs je cachais l’extrême plaisir que me procuraient toutes les formes de protection tissant autour de moi les invisibles limites de ma bulle première. Ensuite, tout était allé très vite. Le lundi suivant, nous nous retrouvâmes Chloé, lui et moi dans le bureau de Me Dieulefit, notaire, dont l’étude, avenue de Breteuil, fleurait bon l’encaustique et la respectabilité de cet arrondissement aux fortunes discrètes. L’homme affichait tous les attributs de sa charge : costume sombre bien coupé, petites lunettes cerclées d’or, chemise sur mesure immaculée, boutons de manchettes en nacre, cravate sans fantaisie, richelieu impeccables, mais sa coupe de cheveux romantique, son sourire discret et l’acuité de son regard bleu égayaient son austérité de façade. Il faut dire que, sans aucun doute, le père de Marie devait détonner quelque peu par rapport à sa clientèle traditionnelle. Son clerc, un éphèbe blond, moulé dans un pantalon de flanelle se tortillait sur sa chaise et risquait, à chaque fois que son patron cessait de le solliciter, des œillades enamourées en direction du vieux fripon qui, de plaisir, se rengorgeait. Le speech introductif du cher maître Dieulefit, allusif et flou, ne nous éclairait guère sur les raisons de notre présence en ce lieu.

 

Partager cet article
Repost0
8 novembre 2008 6 08 /11 /novembre /2008 00:03
Un de mes amis vigneron, la semaine dernière est revenu tout tourneboulé de chez son banquier. Le gars, d’ordinaire, décontracté et sur de lui, très golden boy de la City, qui tenait devant lui des propos truffés de mots anglais, du genre : « moi mon bon je traite sur les marchés OTC over the counter des credit default swaps CDS ou des collateralised debt obligations CDO et je dégage des retours carabinés. Vous avec votre jaja vous jouez dans la cour des petits bras, vous ne savez pas faire du profit, faire péter les compteurs… Même qu’il ajoutait avec hauteur face aux objections de mon ami vigneron, qui est un champion de l’exportation, que notre buisiness manquait de visibilité à moyen terme (sic)… » Bref, il le prenait pour un con. Alors, comme on n’est pas des gars à tomber en dépression on se contentait, quand il rentrait de Calyon, de s’envoyer des petits gorgeons au bistro du Patron. Quand on était un peu gais mon ami déclarait « un jour je lui dirai, de mon air le plus niais, que pour moi, bien sûr, le CDS c’était l’ancien parti de Méhaignerie et que toutes ses conneries ripolinés en rosbif de cuisine c’étaient tout bêtement du gré à gré comme sur le marché aux bestiaux de Parthenay et qu’au bout du bout, entre filous, y’en avait toujours un de lésé avec un grand B… »   

 

Donc ce jour-là, balloté, comme un naufragé réfugié dans un canot Bombard, par le grand maelstrom de milliards, alors que ses idoles de Wall Street et de la City, ces jeunes et arrogants traders, tombaient de leur piédestal, que ses veaux d’or adulés, les fameux hedges funds domiciliés off shore (39% aux Îles Caïmans, 11% aux Îles Vierges) s’effondraient avec pertes et fracas, dans la bouche de notre gars la terminologie financière prenait des allures de nomenclature d’hygiène alimentaire : produits pourris, toxiques. Dans un état de déréliction avancé notre banquier psalmodiait  sans rire que la crise financière allait gangrener l’économie réelle. Notre ex-timonier qui raillait nos petites boutanches exportées et trouvait que notre secteur manquait de visibilité, tout bêtement nous avouait qu’il naviguait dans l’irréalité. Terrible aveu que l’existence d’une économie « irréelle » ou « virtuelle » c’est plus chic. Le journal « Le Monde », plus sérieusement que nous, écrit noir sur blanc ce que nous pensions en buvant notre petit blanc : « les innovations financières des dernières années : investissements dans des produits titrisés opaques et toxiques, négociations de produits dérivés de gré à gré – hors les marchés organisés – pour spéculer sur les prix des matières premières, les taux d’intérêt, les risques de défaut de paiement, etc. »

 

Notre banquier, contrairement à la publicité de sa maison où le gars, avant de vous faire signer, derrière son bureau pousse un petit couplet du tube de l’été, a fait à mon ami vigneron une étrange déclaration «In girum imus nocte et consumimur igni.. » qui est un palindrome latin signifiant : « Nous tournons en rond dans la nuit et nous sommes dévorés par le feu ». On aurait pu se le tenir pour dit mais, comme on est des gars qu’avons des lettres, nous on sait que Marcel Lapierre, au mitan des années 70, a croisé un certain Guy Debord qui lui faisait remarquer que « la vie d’ivrogne devenait difficile », et donc que « In girum imus nocte et consumimur igni » est le titre d’un film de Guy Debord sorti en 1978. C’est pour ça qu’on s’est écrié en chœur « merde ! Notre banquier est situationniste !»

 

Ceci dit, tout ça ne nous menait pas très loin car en ces temps chahutés où monsieur et madame tout le monde, hormis le fait qu’ils savent bien qu’un sou emprunté à ces messieurs les banquiers doit être remboursé rubis sur l’ongle avec intérêts, que le découvert y’a pas besoin de leur expliquer ce que c’est, face à cette volatilité qui leur semble un beau rideau de fumée, se disaient que nos « génies de la finance » les qui ont fait des choux gras en jouant l’argent des « courses » (les provisions pas le Tiercé) au Casino (pas celui de la GD), au lieu de nous la jouer la main sur le cœur « allez bonnes gens nous tenons tout sous contrôle » devraient nous expliquer pourquoi les Bourses s’effondrent. C’est écrit dans la presse britannique : « les hedges funds, ces fonds spéculatifs adulés des traders, sont en grande partie responsables du maelström boursier. À Londres c’est le sauve-qui-peut. Ils se délestent, en catastrophe et sans discernement, de leurs actifs en actions car ils sont pris à la gorge par la raréfaction du crédit. Leurs clients, les grosses fortunes comme les investisseurs institutionnels prennent peur et retirent leurs capitaux. En septembre, les sorties ont été estimées à 34 milliards d’euros. ¼ des 8000 hedges funds opèrent à Londres et selon le directeur de l’un des plus importants d’entre eux GLG Partners plus d’un ¼ disparaîtront « dans le cadre d’un processus darwinien ». Le rendement du secteur est tombé à 5% soit la plus mauvaise performance de leur histoire qui remonte à 1959. » On n’est peut-être des ignares mais dit comme ça on est tous capable de comprendre.

 

 

Vous allez me dire que tout ça ce ne sont que des élucubrations de buveur de Brouilly. Pas si sûr mes amis car il y a une poignée d’années me rendant à la Défense plaider un dossier de la wine industry, le Big chief, me répondit en soupirant « le secteur manque de lisibilité… » Sacré Édouard, dans sa retraite basque, il doit s’adonner à son loisir favori, la pêche au gros, en pensant que son successeur devait manquer de lisibilité quand il se goinfrait de « produits dérivés »…

Partager cet article
Repost0
7 novembre 2008 5 07 /11 /novembre /2008 00:07


À l’époque où j’étais au cabinet d’Henri Nallet, et que j’avais la haute main sur le secteur sensible et convoité des décorations, nous avons eu le grand honneur, si je puis m’exprimer ainsi, de proposer au président de la République d’élever Philippe de Rothschild au grade de Grand Officier de la Légion d’Honneur sur le contingent de notre Ministère de l’Agriculture. L’homme nous fascinait par son éclectisme, sa liberté et sa vision moderne du vin. Quelques années plus tard, en 2001, dans mon fichu rapport, j’ai eu l’outrecuidance d’écrire que le Mouton-Cadet du Baron Philippe, créé en 1932, était un exemple que certains auraient du suivre et, bien évidemment, cela m’a valu les flèches acérées des esthètes du vin. Bref, la maison « Baron Philippe de Rothschild » est pour moi une grande et belle maison et tout naturellement pour mes 3 mêmes questions à un œnologue j’ai sollicité Guy-Henri Azam, son homme du vin qui m’a de suite donné son accord. Sa position de Directeur Général, technique, négoce, démontre, s’il en était besoin, le rôle éminent des œnologues dans le pilotage des entreprises du vin. Lorsqu’il succède à Patrick Léon, en provenance du secteur coopératif, Guy-Henri Azam apporte, outre ses compétences professionnelles, sa parfaite connaissance des hommes et du vignoble bordelais. Il membre du Comité National Vins&Eaux-de-vie de l’INAO.


Question N°1 : Supposons que je sois un jeune bachelier passionné par le vin. Je cherche ma voie Sur le site du CIDJ je lis « L’œnologue, grâce à ses connaissances scientifiques et techniques, accompagne et supervise l’élaboration des vins et des produits dérivés du raisin. Sa principale activité concerne la vinification. Il conseille les viticulteurs dans le choix des cépages et la plantation des vignes. Il surveille les fermentations en cave, le traitement des vins et leur conditionnement. Il effectue des analyses et procède à des recherches technologiques visant à l’amélioration des cépages. L’œnologue peut également être chargé de la distillation ou fabrication des alcools à partir des marcs de raisins. Enfin, connaisseur et expert en dégustation, il participe à la commercialisation des vins en France et à l’étranger. En raison de la concurrence rencontrée désormais par la production française de vin sur le marché mondial, l’œnologue remplit une fonction stratégique pour le maintien ou l’amélioration de la qualité des produits de la viticulture française. »

 

Présenteriez-vous ainsi votre métier à une jeune pousse Guy-Henri Azam ?

Réponse de Guy-Henri Azam :

La définition que vous donnez de l’œnologue est assez exhaustive mais, peut-être même, trop exhaustive.

 

En effet, il est très rare qu’un œnologue cumule dans son activité toutes les fonctions que vous développez.

 

En général, un œnologue exerce son métier, soit avec une primauté technique, soit avec une primauté commerciale.

 

Dans le cas où l’activité technique domine, l’œnologue s’occupe en général davantage de l’aspect œnologique que de l’aspect viticole. Il semble que les nouvelles dispositions à l’octroi du Diplôme National d’Œnologue mettent plus l’accent que par le passé sur le volet viticole.

 

Hélas, il est relativement rare de voir un œnologue conseiller un viticulteur sur le choix de cépages, la plantation de vignes et, a fortiori, sur l’amélioration des cépages.

 

Pour l’œnologue à vocation commerciale ou technico-commerciale, compte tenu de son expertise en dégustation, il aura un rôle de plus en plus clé dans la commercialisation du vin.

 

L’on peut également parler d’une fonction stratégique pour l’amélioration qualitative des produits de la viticulture française, sachant que le maintien qualitatif sera désormais insuffisant.

 

 

Question N°2 : « Monsieur Seignelet, qui avait assis Bertrand face à lui, donnait à mi voix des leçons d’œnologie, récitait des châteaux, des climats, des millésimes, émettait des jugements, prononçait du vocabulaire : puis il voulut enseigner à son fils aîné le rite grave de la dégustation. » Tony Duvert « L’île Atlantique » éditions de Minuit 2005. Dans le fameux manga « Les Gouttes de Dieu » «  Le héros est présenté comme œnologue alors que manifestement c’est plutôt un œnophile doué et cultivé.

Quel est votre sentiment sur ce glissement sémantique Guy-Henri Azam ?

Réponse de Guy-Henri Azam : Effectivement, dans le manga « Les gouttes de Dieu »,  il s’agit bien d’un œnophile doué et cultivé mais qui n’a rien à voir avec un œnologue.

 

On observe parfois un glissement sémantique du même ordre entre les termes sommelier et œnologue. Je ne vois pas en quoi l’enseignement du « rite grave » de la dégustation serait à confier nécessairement à l’œnologue.

 

Bien entendu, l'œnologue devrait faciliter la pérennisation des volets culturels et conviviaux fondamentalement représentatifs du vin.

Question N°3 : Moi qui ne suis qu’un pur amateur aussi bien pour le vin, que pour la musique ou la peinture je place ma confiance non dans les critiques mais plutôt dans ma perception au travers de l’œuvre du génie du compositeur ou du peintre. Pour le vin l’affaire est plus complexe entre l’origine, le terroir, le vigneron, le vinificateur, le concepteur du vin, l’exécution est à plusieurs mains. La mise en avant de l’œnologue, une certaine starification, correspondant par ailleurs avec l’esprit du temps, à une forme de marketing du vin, ne risque-t-elle pas de nous priver d’une forme de référence objective, celle de l’homme de l’art, nous aidant à mieux comprendre l’esprit d’un vin ?

Réponse de Guy-Henri Azam : Bien difficile de répondre en quelques lignes à un sujet qui mériterait des pages de développement (ce sera pour une prochaine fois !).

 

Pour ma part, je crois qu'effectivement le rôle des critiques vinicoles est totalement surestimé par rapport aux choix des consommateurs en termes de vins et, a fortiori, par rapport à la conception des produits.

 

Je partage tout à fait l'idée de ressenti d'un vin avant tout au travers de celui ou ceux qui l'ont conçu.

 

L'exécution à "plusieurs mains" est bien une réalité. Cependant, je simplifierai les intervenants clés en deux grands groupes :

 

- le premier que je dénommerai Terroir comprenant le sol, la climatologie, l'origine géographique, le vigneron et son savoir-faire

 

- et un second groupe, le Vinificateur-concepteur qui ne peut s'exprimer sans la prise en compte entière et complète du terroir.

 

La starification du métier d'œnologue dont vous parlez est tout à fait inéluctable dans ce monde de Marketing mais n'est-elle pas avant tout le fait des journalistes avides de ce phénomène ?

 

Le point important est que l'homme de l'art, star ou grand professionnel, par son intelligence sur la matière première, permet l'obtention de ce qu'il est possible d'obtenir de meilleur dans un contexte déterminé.

 

 

J'espère que mes réponses ne sont pas trop élitistes ou, en tout cas, qu'elles ne s'adressent pas qu'à la réalisation de vins d'exception ! En effet, l'œnologue doit également être capable de vulgariser son savoir et son savoir-faire à un plus grand nombre, y compris sur des vins « plaisir ».

 

Les vins icônes sont, ô combien nécessaires, mais ne sont appréciés à leur juste valeur que si de nombreux vins "populaires" de bon niveau qualitatif sont présents  et consommés sur le marché désormais mondial.

Partager cet article
Repost0
6 novembre 2008 4 06 /11 /novembre /2008 00:08

Nos alcoologues officiels sont mécontents. Le coup qui les ébranle, les fâche ne vient pas d’un charlatan, d’un ennemi héréditaire lié aux pinardiers, mais d’un des leurs, d’un docteur en médecine, brillant cardiologue, tout juste sorti de l’enfer de l’addiction alcoolique par automédication. Touche pas à notre fonds de commerce de « sachant » ! Nous seuls sommes habilités à évaluer le bien-fondé de nos protocoles. Reste à ta place de malade souffrant ! Horreur tu te prétends guéri alors que nous nous ne savons fabriquer, en petit nombre, que des abstinents. Des souffrants quoi ! Des qu’il faut tenir en mains. Passe ta route toi qui ose réclamer une étude en double aveugle, sur un groupe de 250 personnes atteintes d'addiction, pour démontrer l'action positive d’un médicament bon marché, tombé dans le domaine public. De quoi je m’occupe nous qui pédalons lamentablement dans la semoule depuis presqu’un siècle ce n’est pas un ex-poivrot qui va orienter notre boulot. Pourquoi ce remue-ménage, ne serait-ce pas une tempête dans un verre d’eau d’une corporation mal dans sa peau ? Ma réponse est, je vous préviens, politiquement incorrecte. Le terrain est miné. Certains des protecteurs autoproclamés de notre santé ne supportent pas d’être contestés. Ils détiennent la vérité, la leur, vieille, poussiéreuse, obsolète, tels des meccanos bricoleurs de nos âmes et de nos douleurs.  

 

Qu’on le veuille ou non, qu’on cherche à s’en défendre, même dans nos sociétés policées et soi-disant compassionnelles, certaines maladies restent encore perçues dans notre inconscient collectif comme des maladies honteuses, liées à des comportements répréhensibles, « On est toujours puni par où l’on a péché » dit l’adage populaire liant ainsi la faute et le châtiment, avec même l’idée sous-jacente que plus le faux-pas est grave et plus la sanction est sévère. Mal commis et mal subit, hier les maladies sexuelles associées à la débauche, au vice, à des pratiques condamnables et aujourd’hui les addictions : à l’alcool, au tabac, à des drogues « illicites », au jeu, renvoient à des êtres asociaux, faibles, marginaux ou en voie de le devenir, coûteux pour la société, dangereux…etc. L’exemple de la perception, à ses débuts, du SIDA par l’opinion publique est à ce titre très éclairant. En effet, pour parler crument : « la maladie des homos » fut d’abord plus stigmatisée que perçue comme une véritable et dangereuse pandémie. Le retournement de l’opinion se fit à la fois grâce à l’engagement de leaders d’opinion et surtout par le fait que « ça n’arrivait pas qu’aux autres », que tout le monde pouvait être touché. La bataille juridique autour de la revendication de la découverte du VIH entre les équipes de Pasteur et les américains montre qu’en matière de recherche les enjeux économiques ne sont jamais loin ; l’accès aux traitements par les populations pauvres en est un autre exemple, les firmes pharmaceutiques tiennent à la valorisation de leurs brevets. Enfin, sans faire de parallèle avec ce qui va suivre, certains esprits « moraux » prônent l’abstinence ou la fidélité comme unique prévention du SIDA.

 

L’addiction, la dépendance, c’est quoi ? Pour répondre à cette question je reprends la caractérisation proposée par DSM-IV (voir livre d’Olivier Ameisen) : « il y a addiction ou dépendance lorsqu’on constate au moins trois des sept critères suivants durant une période de douze mois :

1-     Une tolérance envers une substance qui pousse quelqu’un à en augmenter les doses afin de continuer à en ressentir les effets.

2-    Une dysphorie (l’opposé de l’euphorie) en cas de sevrage (celui-ci pouvant être mortel dans le cas de l’alcoolisme).

3-    Une perte de contrôle concernant l’utilisation de cette substance, de telle sorte que l’utilisation est plus prolongée ou plus extrême que l’intention initiale.

4-    Une incapacité à limiter l’utilisation ultérieure de la substance.

5-    Une préoccupation constante pour cette substance et pour les moyens de se la procurer comme de s’en sevrer, activités qui peuvent occuper la majeure partie du temps du sujet.

6-    Un usage qui affecte les activités quotidiennes.

7-     Un usage qui se poursuit malgré la reconnaissance de la gravité de ses effets secondaires néfastes. »

 

C’est clair. Alors pour mieux comprendre le courroux des « alcoologues officiels » lisez attentivement ce qu’écrit un addict revenu de l’enfer de l’alcoolisme, le Dr Olivier Ameisen : « Comme ces symptômes et ces conséquences se manifestent dans l’esprit et la conscience du sujet dépendant, on est naturellement enclin à penser – ou à espérer – que la dépendance est soumise à un contrôle conscient. Cela conduit, d’une part, à porter un jugement moral sur la personne dépendante, en estimant par exemple qu’elle manque de force de caractère, de vertu, etc., et de l’autre, cela ouvre la voie à des approches comme le « programme en douze étapes » des Alcooliques Anonymes, les psychothérapies et les cures de désintoxication, dont le but est d’améliorer la capacité des personnes dépendantes à reconnaître et à modifier leurs comportements.

Ces traitements n’ont presque pas changé depuis la création des AA en 1935. Je ne connais pas d’autre maladie majeure pour laquelle le traitement soit resté inchangé depuis plus de soixante-dix ans. Ces traitements permettent à une minorité de sujets dépendants de rester abstinents. Mais ils échouent dans la très grande majorité des cas. »

 

L’alcoolisme a été considéré pendant le XIXe et le XXe siècle, à juste raison d’ailleurs, comme un fléau social, touchant principalement les couches laborieuses, les classes dangereuses aussi, son éradication s’est donc fondée prioritairement sur des mesures en limitant l’accès et l’abus : code des débits de boisson par exemple, la protection des mineurs… Le traitement des alcooliques restant la dernière roue du carrosse : sans vouloir être désobligeant, l’alcoologie ne constituait pas une spécialisation très valorisante pour les internes, et les recherches dans ce domaine n’ont jamais été prioritaires. Depuis le tournant des années 70, l’avènement d’une société tertiaire, urbaine, automobile, de loisirs, a profondément bouleversé le rapport des individus à l’alcool et à tous les produits pouvant déboucher sur une dépendance. Ma chronique sur les cas d’Anaïs et du fils de Véronique le démontre amplement. Et pourtant, en dépit de ces bouleversements, la médecine de santé publique, les spécialistes d’alcoologie, continuent de vivre dans des schémas du passé, appliquent les mêmes protocoles, croient ou feignent de croire que le « n’y touchez jamais » règlera la question par tarissement ou baisse du débit du flux (la pseudo-loi deLedermann), amalgament toutes les formes de consommation pour les stigmatiser, attaquent sans discernement par voie judiciaire le maillon faible pour se donner bonne conscience et masquer le peu d’efficacité de leurs méthodes, manipulent les statistiques pour disqualifier ceux qui osent prétendre qu’une consommation responsable est plus efficace qu’une prohibition qui ne dit pas son nom. Bunkerisés, ils balaient d'un revers de main une expérience humaine qui, même si elle s'avère une fausse-piste, doit être validée ou invalidée selon les procédures admises par la communauté scientifique (moi je ne suis ni enthousiaste, ni supporter, mais intéressé, ouvert. Que je sache Ameisen n'a pas écrit un livre pour soigner son ego mais pour sincèrement tenter de faire bouger les lignes et surtout - il est médecin - venir en aide à ses anciens compagnons de chaîne.)

 

L’alcoolisme n’a plus les mêmes causes mais il produit les mêmes effets désastreux sur les individus, leur entourage et bien sûr notre société mais pourquoi diable continuer de faire croire que c’est le flacon qui fait l’addiction. Alors l’affaire est trop grave pour s’en tenir à des oppositions d’un autre âge. À chaque extrémité de la chaîne deux points me semblent fondamentaux : tout d’abord protéger les plus faibles et les plus jeunes contre toute forme d’incitation ou de modes de consommation radicaux, ensuite soigner les malades comme des malades et non comme des pénitents. Si le baclofène guérit, tant mieux. Ça ne signifie pas pour autant que cela va inciter des individus à « tomber » dans l’alcoolisme sous prétexte qu’ils pourront en guérir. C’est inverser les facteurs et le témoignage d’Olivier Ameisen est, dans ce domaine, capital. Mais, comme il le souligne, alors que l’abstinent souffre, lutte pour ne pas reboire, lui est guérit. Ce n’est pas une rémission mais une guérison : il n’a plus envie de boire et, s’il boit, il ne repique pas. Bien sûr, l’ordonnance ne règle pas tout, l’accompagnement, le soin de l’âme font partis de la thérapie. Ce que je me permets de mettre en cause c’est à la fois le conservatisme et l’autisme d’un milieu qui devrait comprendre qu’il n’y a de notre part aucun double langage, aucune volonté de faire boire, de précipiter nos concitoyens dans l’addiction. Nous sommes des citoyens, des parents responsables, des producteurs de richesse et non des pourvoyeurs de misère sociale et des lobbyistes forcenés. Nous ne défendons que notre droit à vivre dignement d’un travail qui en vaut un autre. Nous revendiquons sans honte d’être un maillon essentiel de l’art de vivre à la française. Alors de grâce cessez de manipuler l’opinion en nous stigmatisant. Faites votre job, au mieux pour vos malades, dialoguez avec nous et le travail de prévention en sera largement facilité. Contrairement à ce vous vous entêtez à penser nos intérêts sont communs : l’alcoolisme est la pire des contre-publicités pour notre produit. En écrivant ceci je n’en jette pas pour autant l’opprobre sur les buveurs excessifs. Bien sûr nous avons, comme vous, aussi nos indécrottables, mais ne gâchez pas l’occasion unique de faire vraiment de la lutte contre l’alcoolisme une réelle cause commune.  

Partager cet article
Repost0
5 novembre 2008 3 05 /11 /novembre /2008 00:03

 

Paris, du gris sur gris, une pluie grasse qui dégouline, le macadam luit, des têtes de chrysanthèmes jaune pétant plein les trottoirs, un temps de Toussaint comme dit le garçon de chez Péret rue Daguerre. Dans cette rue piétonne, grouillante, commerçante, où trois cavistes ont pignon sur rue, la maison Péret est une institution. Elle jouxte les caves Péret. À l’intérieur, comme sur la terrasse, on y sert une cuisine roborative, tout particulièrement des spécialités régionales. La clientèle est très rue Daguerre, cosmopolite et intello chic. J’ai une faim de temps de Toussaint, alors pas d’hésitation des tripoux d’Auvergne. Chez Péret ils sont frais (selon arrivage comme le veut la formule) et goûteux à souhait. Je lorgne sur la petite affichette Vin du Moment. C’est un Côtes du Ventoux : "Quintessence" 2005 Château Pesquié. Connais pas ! Faut dire que je ne connais pas grand-chose. Le garçon est dithyrambique. Comme j’ai envie de me laisser convaincre j’opine. Je lui demande s’il peut m’apporter la bouteille car, comme je suis en solitaire je ne vais pas m’en descendre toute une, pour que fasse mes petites photos. Pas de problème. À une table au fond de la terrasse une solitaire amérindienne, avec un superbe bonnet andin, lis un bouquin sur les Buiseness School, en anglais bien sûr. Elle semble apprécier son verre de vin. Je me plonge dans mon John Le Carré, le dernier, « Un homme très recherché », ça m’évite de succomber à la tentation.

Quintessence 2005 du Château Pesquié
est superbe. Il est signé Frédéric Chaudière. Tout pour plaire : un nez à damner un saint et même tous les saints, une robe pourpre à dévergonder une nonne cloîtrée, une sœur tourière, un frère convers, un père abbé, en bouche c’est l’extase du premier baiser, une fraîcheur doublée d’un tempérament de feu, je fais corps. Pour les détails allez sur le site
www.chateaupesquie.com/ moi je reste sous le charme. Comme c’est jour férié je fais ci-dessous un copié collé de l’histoire des auteurs de cette petite merveille.
« Au début des années 1970, Odette & René Bastide, les grands-parents, rachètent le Château Pesquié qui appartenait alors à un descendant du célèbre écrivain Provençal, Alphonse Daudet. Ils sont des précurseurs car l’AOC Côtes du Ventoux ne sera finalement créée qu’en 1973. René & Odette vont alors très largement restructurer le vignoble permettant aujourd’hui d’avoir des vignes de 35 à 40 ans en moyenne (les plus anciennes ayant plus d’un siècle). Pendant près de vingt ans, les raisins du domaine seront portés à deux caves coopératives.

Edith & Paul Chaudière, fille et gendre de René & Odette, décident au milieu des années 1980 d’'abandonner leurs carrières médicales (kinésithérapeute et orthophoniste) pour reprendre l’exploitation familiale. Ils en profitent pour recommencer leurs études : examens de Sommelier-Conseil à l’Université du Vin de Suze-La-Rousse, mémoire sur la Sélection au Terroir, voyages d’études dans d’autres grandes régions viticoles (Napa Valley, Bordeaux, Oregon, Bourgogne…), formations professionnelles au lycée viticole d’Orange dans lequel le père de Paul, Charles Chaudière, était professeur d’œnologie. Du côté Chaudière, la viticulture est une tradition de pères en fils depuis le XIX° siècle.

Paul, Edith, René & Odette décident finalement de créer la cave du Château Pesquié en 1989 et auront la chance de faire leurs premières vinifications en 1990, fabuleux millésime. Le Quintessence 1990 est d’ailleurs toujours d’une étonnante fraîcheur. A l’époque l’Appellation compte moins de 10 caves particulières et la famille Chaudière est à nouveau un pionnier des Côtes du Ventoux.

Depuis 2003, les deux fils de Paul & Edith, Alexandre & Frédéric, ainsi que leur cousin Renaud, ont repris le flambeau et continuent désormais l’aventure familiale avec le même souci d’exploration et d’expression du terroir exceptionnel du Ventoux. Le Château Pesquié est aujourd’hui l’un des domaines phares de l’Appellation et du sud de la vallée du Rhône et la nouvelle génération entend bien maintenir le « feu sacré ».

Pour les ignares des merveilles de la cuisine de terroir le Tripoux d'Auvergne se présente sous la forme d'un "petit paquet rebondi".(je suis aussi un fan des pieds paquets provençaux)

Il est constitué :

 d'une enveloppe (pansette d'agneau uniquement) ;

d'une farce contenant au moins 20 % de fraise de veau et 80 % maximum de pansette de veau et/ou d'agneau, assaisonnée avec de l'ail, de l'oignon, du persil, du céleri, de la moutarde et d'autres épices.

 

En dessert chez Péret moi c’est flognarde à tout coup.  À mi-chemin entre le flanc aux pommes et la crêpe, la flognarde est une recette traditionnelle auvergnate. Un délice d’une légèreté extraordinaire, comme les tripoux d’ailleurs.

Voilà mes très chers lecteurs - ça fait très curé en chaire - en notre beau pays de France comment se faire plaisir simplement un jour gris de Toussaint. La belle amérindienne plie bagage et moi je suis resté sage comme une image. Et pourtant mes très chers frères la chair est faible. Mon Le Carré sous le bras je pense aux pentes du Ventoux, mont mythique que j’aperçois lorsque je suis sur les Claparèdes. Tom Simpson un grand et sympathique anglais, avec son beau maillot blanc à damiers Peugeot, que j’aimais bien, mais c’est loin. J’aime bien aussi Bédouin.

Partager cet article
Repost0
4 novembre 2008 2 04 /11 /novembre /2008 00:05

Mon ami César Compadre, journaliste à Sud-Ouest, qui suit mes écrits depuis les débats passionnés sur mon rapport, m’a confié il y a quelques temps « vous qui aimez les gens qui n’utilisent pas la langue de bois vous devriez interroger Stéphane Toutoundji… » Alors dans mon esprit éruptif l’idée de poser les 3 mêmes questions à des œnologues a fermenté. D’une certaine manière c’est à lui que vous devez cette série. Lorsque j’ai lancé ma bordée de questions, Stéphane Toutoundji a donné un accord rapide et enthousiaste. C’est un confrère de blog puisqu’il a ouvert  le sien « Ras la bouteille » www.stephane-toutoundji.com  en 2006. Sa vocation est née en visitant le Château Angélus C’est, dit-on, un œnologue qui monte. Il a réussi à se faire un nom en un temps record. Sa philosophie du métier d’œnologue est de réaliser des vins modernes en respectant les terroirs, les millésimes et les propriétés, sans perdre de vue les attentes des consommateurs. En dehors d’être bloggeur nous partageons un lien commun, nous avons tous les deux travaillés dans le groupe Pernod-Ricard, lui à ses débuts professionnels en tant qu’assistant Marketing Manager en Australie. En, 2002 : Stéphane Toutoundji a racheté la moitié du Laboratoire d’analyses viticoles de Gilles Pauquet à Libourne. Ce laboratoire est aujourd’hui en charge de près de 250 à 300 propriétés. En 2004 : Le Château Tournefeuille, propriété de 18 hectares en Lalande de Pomerol, qui produit chaque année près de 100 000 bouteilles, confie les conseils en œnologie à Stéphane Toutoundji. 2007 : collaboration pour les Vignobles Turasan, situés à Urgup dans la région de Cappadoce en plein cœur de la Turquie. Les vignobles Turasan font partie des 5 plus grosses propriétés viticoles turques. La liste des châteaux avec lesquels Stéphane Toutoundji collabore est impressionnante mais il travaille aussi bien avec des Grands Crus Classés que des propriétés moins connues. Cet éclectisme lui permet de prendre du recul et, sans doute d’aiguiser, son sens critique, une qualité que j’apprécie autant que le bon vin.


Question N°1
 : Supposons que je sois un jeune bachelier passionné par le vin. Je cherche ma voie Sur le site du CIDJ je lis « L’œnologue, grâce à ses connaissances scientifiques et techniques, accompagne et supervise l’élaboration des vins et des produits dérivés du raisin. Sa principale activité concerne la vinification. Il conseille les viticulteurs dans le choix des cépages et la plantation des vignes. Il surveille les fermentations en cave, le traitement des vins et leur conditionnement. Il effectue des analyses et procède à des recherches technologiques visant à l’amélioration des cépages. L’œnologue peut également être chargé de la distillation ou fabrication des alcools à partir des marcs de raisins. Enfin, connaisseur et expert en dégustation, il participe à la commercialisation des vins en France et à l’étranger. En raison de la concurrence rencontrée désormais par la production française de vin sur le marché mondial, l’œnologue remplit une fonction stratégique pour le maintien ou l’amélioration de la qualité des produits de la viticulture française. »

Présenteriez-vous ainsi votre métier à une jeune pousse Stéphane Toutoundji ?

Réponse de Stéphane Toutoundji : Cette définition de mon métier est assez juste pour expliquer son fondement. Notre métier parait simple comme l’indique la définition du CIDJ, mais en fait, il est complexe et cloisonné. L’œnologue en propriété n’a pas le même rôle qu’un œnologue œuvrant chez un négociant. L’un doit veiller à la qualité annuelle d’un vin alors que l’autre doit avoir un don pour l’assemblage au quotidien. Mon métier est mille et un à la fois.

Métier de contact et d’écoute, mais également de connaissances sans cesse renouvelées, il n’est pas figé mais évolue. Il faut comprendre et anticiper le marché du vin, prendre en compte les objectifs commerciaux fixés avec le propriétaire, voyager  pour comprendre les peuples et leur consommation.

Cette nourriture s’acquière avec le temps et l’expérience. C’est en cela que la définition que vous citez est réductrice : un œnologue, c’est surtout un apprentissage et un vécu au-delà du diplôme.

Question N°2 : « Monsieur Seignelet, qui avait assis Bertrand face à lui, donnait à mi voix des leçons d’œnologie, récitait des châteaux, des climats, des millésimes, émettait des jugements, prononçait du vocabulaire : puis il voulut enseigner à son fils aîné le rite grave de la dégustation. » Tony Duvert « L’île Atlantique » éditions de Minuit 2005. Dans le fameux manga « Les Gouttes de Dieu » «  Le héros est présenté comme œnologue alors que manifestement c’est plutôt un œnophile doué et cultivé.

Quel est votre sentiment sur ce glissement sémantique Stéphane Toutoundji ?

Réponse de Stéphane Toutoundji : C’est un des problèmes de notre profession. Je trouve cela sclérosant.

Notre profession est jeune, et elle n’a jamais su se protéger contre l’usurpation du titre. Cela est révoltant car notre profession le mérite. Les études sont longues et difficiles et il est injuste que ce titre soit utilisé à tort et à travers. Mais c’est notre faute ! Nous ne pouvons nous en prendre qu’à nous même.

Si chaque fois que le titre était utilisé à mauvais escient dans un article ou par un individu et que l’avocat de l’union des œnologues l’attaquait, cela n’arriverait plus. Mais cela n’est jamais le cas.

Complexe de jeunesse ou manque de confiance dans notre profession…allez savoir ! D’autres, comme les avocats, les géomètres et les médecins ont tranché depuis bien longtemps.

Question N°3 : Moi qui ne suis qu’un pur amateur aussi bien pour le vin, que pour la musique ou la peinture je place ma confiance non dans les critiques mais plutôt dans ma perception au travers de l’œuvre du génie du compositeur ou du peintre. Pour le vin l’affaire est plus complexe entre l’origine, le terroir, le vigneron, le vinificateur, le concepteur du vin, l’exécution est à plusieurs mains. La mise en avant de l’œnologue, une certaine starification, correspondant par ailleurs avec l’esprit du temps, à une forme de marketing du vin, ne risque-t-elle pas de nous priver d’une forme de référence objective, celle de l’homme de l’art, nous aidant à mieux comprendre l’esprit d’un vin ?

Réponse de Stéphane Toutoundji : Cette question est primordiale et je n’ai toujours pas la réponse. Certains vinificateurs sont devenus des stars médiatiques en surfant sur le créneau « surtout pas œnologue » et ça a superbement fonctionné.

D’autres œnologues, peu nombreux, sont aussi des stars. Je crois que cette starification était et est toujours nécessaire pour certains marchés et certains consommateurs. C’est un peu une marque de fabrique qui rassure et conforte.

Mais ce système a ses failles : la référence objective n’existe plus et la recherche est réduite à un nom, garantie d’une qualité ou d’un goût. Je pense que l’avenir va apporter des changements profonds et durables : l’éducation des consommateurs se fait à grande vitesse à travers le monde et la curiosité humaine aura toujours le dernier mot.

Mais cette recherche de l’esprit d’un vin est longue et doit dépasser les guides et critiques qui assènent des vérités de dégustation. Mais en même temps, cette recherche par des critiques permet d’accélérer la connaissance car ils débroussaillent le terrain.

Donc, la réponse idéale n’existe pas. Le vin est fait pour être consommé. C’est un objet de plaisirs, d’échanges et de bonheur. L’objectivité dans la dégustation est toujours la plus compliquée. Je suis souvent effaré par tous ces vins ‘’bêtes de concours‘’ dont les bouteilles ne se vident pas car le plaisir n’existe pas en les buvant.

Ils ont trop de tout et l’humain n’aime plus ces excès. Je suis ravi quand les bouteilles sont bues à table et terminées. C’est signe qu’il  y a eu du plaisir ! C’est l’essentiel.

Partager cet article
Repost0
3 novembre 2008 1 03 /11 /novembre /2008 00:00

Olivier Ameisen, l’auteur du livre « Le dernier verre » chez Denoël, est un médecin sensible et talentueux. Deuxième enfant d’une famille parisienne aisée, d’origine juive polonaise, son parcours scolaire est fascinant : en 2d à l’Ecole Alsacienne il sollicite une dérogation, qu’il obtient d’Edgard Faure lui-même, pour passer son bac et le réussit brillamment. « C’était la première fois dans les annales, m’a affirmé le Ministère, qu’un élève réussissait son bac en classe de seconde. » Il veut être pianiste. Il a hérité du don de son père capable de jouer tout ce qu’il voulait au piano, « d’oreille car il n’avait jamais appris à lire la musique ». À sept ans, il dit à son père « Regarde, papa j’ai composé quelque chose de très beau, regarde.

-         C’est très bien, mais je crois que quelqu’un l’a composé avant toi, à dit son père.

-         Impossible !

-         - Bien sûr que si : c’est le Concert pour piano n°1 de Tchaïkovski. »


 

Bac en poche ses parents ne sont pas très disposés à le voir « passer tout son temps à travailler le piano ». Médecine alors, à l’exemple de l’ami de la famille le Pr Jean Bernard. Olivier décroche son premier job d’été comme pianiste à la Closerie des Lilas. Comme il fait plus vieux que son âge, les clients lui offraient des verres qu’il ne buvait pas. Un jour il décide sa mère à écrire à Arthur Rubinstein, »le pianiste des pianistes » pour qu’il le reçoive. Le maître accepte. Olivier joue, au 22 square de l’avenue Foch, sur le Steinway de son idole. Il confie à Rubinstein son intention de mener de front ses études de médecine et une carrière de concertiste et s’entend répondre « C’était possible du temps de Moritz Rosenthal, qui avait je crois un doctorat en philosophie, mais aujourd’hui c’est exclu. Il faut travailler comme un fou. Vous êtes un pianiste fabuleux, cher monsieur, vous êtes l’un des meilleurs. Vous me faites penser à moi-même, mais aussi à Samson François lorsqu’il a joué sur ce même piano. » Il choisit donc la cardiologie car « L’école française de « rythmologie » a une réputation mondiale, et ce sont les professeurs Slama et Coumel, mes maîtres à l’hôpital Lariboisière, qui ont guidé mes premiers pas. » Je dois avouer que ces références me touchent au cœur, au propre comme au figuré, car c’est à Lariboisière dans le service du Pr Slama que le Pr Coumel a soigné mon syndrome de Kent. Il est médecin-aspirant à Matignon au temps de Raymond Barre. New-York exerce sur Olivier « une singulière fascination » et, en octobre 1983, il choisit le service de cardiologie du prestigieux New York Presbyterian Hospital-Cornell University Medical Center. Quand l’alcool déboule dans sa vie il exerce aussi dans son propre cabinet de cardiologie à Manhattan.


 

Mais « Je suis hanté depuis toujours par un sentiment angoissant d’inadéquation, d’imposture. Alors que je dégage – selon ce qu’on me dit – une impression de force et d’assurance et même, pour beaucoup, de charisme, je me sens en totale inadéquation avec cette image. Pour moi, cette personne dont le CV épate tout le monde n’a rien à voir avec la personne que je suis réellement. Je vis dans la crainte d’être découvert. Un jour, forcément, quelqu’un comprendra que tout ce que j’entreprends, tous mes succès ne sont qu’une escroquerie, et le château de cartes s’écroulera en quelques secondes. » Là est la racine de sa maladie. Ce livre vous devez le lire. Je ne vais donc pas vous le résumer mais vous confier, dans l’ordre chronologique, des passages que j’ai soulignés lors de ma lecture.


 

« Mes parents n’ont jamais été buveurs ; à la maison, il n’y avait jamais de vin à table ; mes parents ont donc failli car ils ont omis de m’enseigner comment boire convenablement. Ils ont commis une faute importante car ils auraient dû prévoir que cela me handicaperait sur le plan social et professionnel » page 14


 

« la dépendance met les médecins mal à l’aise parce qu’ils n’ont aucun traitement efficace à proposer. Cela explique aussi la stigmatisation morale qui accompagne la dépendance. Chaque fois que la médecine ne parvient pas à guérir ou à contrôler une maladie, elle en rejette la faute sur le patient, en l’accusant de manquer de force de caractère, de volonté, etc. » page 17


 

« J’ai découvert que l’alcool calmait mes angoisses comme jamais les benzodiazépines ne l’avaient fait, et sans effet secondaires. L’alcool me donnait de l’assurance. Je me sentais serein, extraverti, lucide, complètement à l’aise. Je pouvais bavarder sans retenue avec un parfait inconnu. » page 58


 

« Le grand avantage de la cure, c’est que ce n’est pas la « vraie » vie. Mais c’est également son grand inconvénient, et c’est la raison pour laquelle ses résultats sont si fragiles. » page 111


 

« Les racines non biologiques de cette maladie qu’est la dépendance sont à rechercher dans le besoin de changement individuel, de grandir, et surtout de se comprendre soi-même et surtout de comprendre son rapport à autrui. Encore une fois, il est crucial de comprendre le terrain qui prédispose certaines personnes à l’addiction (…) En d’autres termes, tout le monde ne peut pas devenir alcoolique » page 137


 

« personne ne semblait comprendre que je n’avais aucune envie de me détruire. Même dans les moments les plus atroces, j’avis envie de vivre. »

« Ce que j’ai toujours pensé, ce que je continue de penser, c’est que l’alcool, s’il a failli me tuer à d’innombrables reprises, m’a permis d’aller mieux, de survivre. C’est l’alcool qui m’a permis de vivre et je pense que je serais mort, ou bien fou. » page 141


 

« Dans l’addiction, en revanche, les symptômes sont la maladie. Le principal symptôme de la dépendance c’est la dépendance, c’est-à-dire le craving, l’envie obsessionnelle de fumer, de boire, de prendre de l’héroïne et ainsi de suite. Si le patient refume, reboit, etc., c’est à cause de ce symptôme. Pour dire les choses autrement, si le patient est dépendant de la substance, la maladie, elle, est dépendante de ses symptômes. Supprimez les symptômes, et vous supprimez la maladie. » page 214


 

« Mais le baclofène était tombé dans le domaine public depuis des années. On pourrait penser que c’est une bonne chose, mais ce n’est pas le cas : n’importe quel laboratoire peut fabriquer et vendre un générique du baclofène, et donc aucun laboratoire n’investira le moindre centime dans une étude sur ses effets. Comme ce sont les laboratoires qui financent l’essentiel de la recherche sur le traitement de la dépendance… » page 237


 

« Les traitements contre la dépendance ont toujours pour but déclaré de ramener les patients à leur vie d’avant l’addiction, à leur état de « préaddiction ». Non seulement cette méthode ne marche pas, mais elle comporte en outre une faille importante. L’état qui précède la plongée dans la dépendance n’est rien d’autre qu’un état d’extrême vulnérabilité à l’addiction : ce n’est pas un « avant » vers lequel on peut vouloir retourner. C’est pour cela que lorsqu’on me disait : »C’st bon de se retrouver comme avant », je répondais invariablement : »Ce n’est pas du tout comme avant. Avant j’avais peut-être l’air normal, mais je me sentais extrêmement mal. Aujourd’hui, je ne me suis jamais senti aussi bien. » page 247


 

Allez sur le site d’Olivier Ameisen  http://olivierameisen.e-monsite.com/ et bonne lecture avec des commentaires…

Partager cet article
Repost0
2 novembre 2008 7 02 /11 /novembre /2008 00:06

 À Ajaccio le samedi est jour de marché. Le soleil se levait, l’air était tendre et la lumière fine. Nous avons baguenaudé entre les étals et Raphaël a fait une provision de charcuterie et de fromages de brebis corses dans un grand cabas d’osier qu’il venait d’acheter au bazar qui jouxte le marché. Mon estomac criait famine. Jasmine, qui jusqu’ici planait dans la gaze de sa nuit blanche, me tirait par la manche en pointant son index sur des petites boules de pâte dorée constellées de sucre en poudre « j’en veux plein…je suis en manque de sucre… » La boulangère, femme accorte et souriante, repérant les continentaux, ignares et étrangers à la corsitude, comme une poule les poussins de ses voisines de basse-cour, nous indiquait que ces petites friandises étaient fourrées au brocciu. « Le brocciu c’est la Corse ma belle » Ma remarque allait droit au cœur de notre boulangère qui m’enveloppait d’un regard ému. Poussant mon avantage je me lançais dans une démonstration « ethnolo-technologique » sur la fabrication du brocciu. « Ici, le berger est une icône. C’est lui l’homme du maquis qui, après la traite de ses chèvres ou de ses brebis, doit fabriquer le fromage. Sans cela le lait tournerait, alors il le fait d’abord cailler en le chauffant. Ensuite il casse ce caillé pour le mettre dans moules pour qu’il s’égoutte. C’est avec le petit lait récupéré qu’il va faire du brocciu. Il le fait recuire doucement, loin de l’ébullition. Il le sale et rajoute du lait de chèvre entier tout en brassant et en continuant la cuisson en poussant un peu le feu mais sans faire bouillir. Puis le berger, à la louche, récupère le futur brocciu, qui s’est massifié en surface, et il le verse dans des canestris. Quand c’est refroidi, le brocciu est prêt… » Jasmine m’écoutait religieusement et la boulangère m’octroyait silencieusement la carte d’identité Corse. Grisé par mon succès j’ajoutais « profitons-en car le vrai brocciu ne se fabrique pas pendant les mois d’été… » Suite à ce morceau de bravoure un peu pédant, en dépit de mes protestations, je ne pus m’acquitter de notre dû. Je n’insistai pas pour ne pas froisser notre boulangère qui, en sus, nous offrit un pochon empli d’ambrucciata.

 

Sur la terrasse du bar PMU où nous nous étions assis Jasmine, les lèvres barbouillées de sucre, me taquinait « Toi mon coco je suis sûre que tu tires ta science d’un séjour prolongé dans les bras d’une femme de braise de ce beau pays… »

-         Tu te trompes jolie cœur. C’est pire !

-          

-         Je connais les moindres replis de cette île.

-         Et pourtant tu nous as dit n’y avoir jamais mis les pieds…

-         Exact ma belle sucrée…

-         Ne cherche pas à détourner la conversation en me flattant. T’as encore pataugé dans les égouts…

-         C’est mon fond de commerce, tu le sais bien !

-         Arrête ton char ! Ne fais pas ton Pasqua ! Je n’aime pas ça !

-         Canal historique ou canal habituel ?

Raphaël, tout en se délectant de figatelli, venait de s’insérer dans notre partie de ping-pong. Jasmine se récriait.

-         De quoi tu causes Rapha ?

-         De trucs de mec jeune nana, ici les gonzesses la bouclent. Leur place c’est à la cuisine et au pieu…

-         Tu surjoue mon Rapha. Tu n’es pas crédible…

-         Peut-être mais c’était pour te mettre en garde…

-         De qui, de quoi ?

-         De tout ma belle sucrée…

Mon air supérieur exaspérait Jasmine. Elle se renfrognait puis contre-attaquait « Moi, les rouleurs, chaîne en or sur torse poilu, ray-ban et marcel, je m’en tamponne. Le premier qui se présente, je le détruis. Aux burnes en piqué, la totale radicale et il me mange dans la main. Tenez-le vous pour dit… »

 

La diversion de Raphaël avait parfaitement fonctionné et notre Jasmine semblait avoir oublié ses questions. Le soleil montait. On s’acheminait doucement vers l’heure de l’apéro et les accros du Tiercé nous environnaient. Que des vieux comme seule la Corse sait en faire, en grappes, avec la somme de leurs petites habitudes. Jasmine s’est levée. Elle m’a souri en me caressant les cheveux puis, empoignant son sac, d’un pas décidé elle s’est engouffrée dans la salle du café. Les vieux n’ont pas levé les yeux. Je rêvassais. Raphaël dépiautait Corse-Matin. Et puis, alors que je m’assoupissais, une forme étrange de houle, imperceptible mais palpable, me ramenait à la surface. Les vieux avaient rectifié leur position. Il faut dire que le spectacle qui s’offrait à eux en valait la peine : Jasmine avait troqué son jean pourri et son sweet informe pour une ravissante et très courte robe à bretelles qui donnait un aperçu complet et convaincant de ses charmes. Sa peau mate déjà dorée, ses cheveux jais taillés courts, son air canaille et ses sandales de moines la plaçaient dans la catégorie des inaccessibles, celles qui choisissent. Elle se plantait face à nous « et maintenant que la fête commence ! » Elle ne croyait pas si bien dire car à la seconde, dans ma ligne de mire, se positionnait une silhouette massive que j’aurais reconnue entre mille dans un hall de gare. Fataliste je ne pouvais m’empêcher de lâcher : « il me manquait plus que cette enflure de Contrucci… »  

Partager cet article
Repost0
1 novembre 2008 6 01 /11 /novembre /2008 00:02

Le temps de gestation de mes chroniques ne répond à aucune règle précise : certaines sont du genre poule pondeuse, sitôt pensées sitôt pondues ; à l’autre extrémité, il en est de pachydermiques, elles restent un long moment nichées dans l’une des « briques », la JB 85 ag peut-être – j’ai visité l’hôpital Ste Anne pendant les journées du Patrimoine et je suis incollable sur la stéréotaxie fondée sur une vision 3D de notre cerveau – pour en être expulsées dans une mise-bas rapide. L’embryon de celle de ce matin date de Pâques 2007 http://www.berthomeau.com/article-6335576.html alors que j’étais descendu dans le Morvan, plus précisément à Quarré-les-Tombes. Sans doute est-ce la mélamine dans le lait des nourrissons chinois qui est à l’origine de cette soudaine remontée.

 

Mon titre est une citation de Marcel VIGREUX : Les nourrices du Morvan et enfants assistés au XIXe siècle Bulletin n°25 -1987 - ACADEMIE DU MORVAN, qui écrit par ailleurs  « De tout temps, le Morvan a été regardé comme la terre de lait par excellence. Déjà les romains rapportaient que les gauloises de Bibracte trempaient leurs seins dans une fontaine du Mont Beuvray pour obtenir en quantité le lait qui nourrirait leurs enfants. Depuis lors, les descendantes chrétiennes de ces femmes ont été constamment recherchées. A Dun-les-Places, on est venu quérir la nourrice du Roi de Rome. D'Empury, on a fait venir celle du fils de Napoléon III. C'est cette préférence connue et reconnue pour les nourrices du Morvan qui, au XIXème siècle, peupla de nouveau-nés le moindre hameau de leur petit pays... »

 

Le Morvan va donc être sous le Second Empire où la nouvelle bourgeoisie d’affaires et d’industrie de Paris, dans son besoin de paraître, le pourvoyeur de « l’industrie des nourrices », en 1865 plus de 52% (le canton de Montsauche entre 1858 et 1864 envoie 1900 jeunes femmes à Paris). Celles qu’on appelle les nourrices sur lieu deviennent un élément privilégié de la domesticité. À la fin du XIXe le Nord et la Bretagne pèseront aussi lourd. Ces jeunes femmes, sitôt la naissance de leur enfant, quittaient le pays pour une durée de 12 à 18 mois. Dans leur famille d’accueil elles s’apparentaient à des gouvernantes en s’occupant des enfants de la famille. Bien traitées, correctement habillées, parfois même dotée d’une domestique, elles suivaient la famille dans tous ses déplacements. Victor Petit écrit :

« Rendons-nous vers une des principales portes des Tuileries entre midi et quatre heures. Deux magnifiques chevaux lancés au grand trot et fièrement menés par un cocher à riche livrée, sont attelés à une voiture armoriée. Cette voiture s’arrête et, tout aussitôt, un valet de pied de haute taille s’empresse d’ouvrir la portière et d’abaisser le marchepied. Une jeune femme tenant un enfant de quelques mois seulement, descend lentement. Les vêtements de l’enfant sont d’une finesse extrême, ceux de la nourrice sont simples mais d’une irréprochable propreté. Le valet et une camériste de bonne tenue aident avec précaution et attention l’heureuse nourrice à descendre, puis l’accompagnent dans le jardin en portant gravement des châles, des tabourets de pied, des ombrelles et quelques menues friandises.


Et bien, cette nourrice entourée de tant de soins à qui chacun s’empresse d’obéir, à laquelle rien n’est refusé, pour laquelle rien n’est trop beau ni trop bien, c’est une "Morvandiaute" de l’Avallonnais, une "bourguignotte" des environs de Chastellux ou de Quarré les Tombes ; c’est enfin une jeune villageoise que nous aurions pu voir, quelques mois auparavant dans la chambre obscure d’une pauvre chaumière où, quelquefois, il n’y avait pas de pain pour toute la famille ».

 

Dans cette florissante industrie des nourrices, la part de marché la plus importante est celle des enfants assistés, ceux qui se déplacent vers la nourrice. Le phénomène des nourrices sur place est d’abord régional : « L’étude de l’agence de Château-Chinon est bien révélatrice à cet égard : sur 7.326 enfants envoyés par la Seine et par la Nièvre dans la première moitié du XIXe siècle, 4.375 viennent de Nevers. C’est seulement à partir de 1840 que la concurrence de Paris s’affirme : entre 1840 et 1850, la même agence reçoit 1.500 enfants de Nevers mais 2.650 de Paris. Le déséquilibre au bénéfice des “Petits Paris” ne cesse de se confirmer. » La mortalité des “Petits Paris”  très élevée, selon le Dr Monnot, entre 1858 et 1869, 33% d’entre eux décèdent : ces enfants perdent la vie entre huit jours et trois mois après leur arrivée de Paris. Les raisons en sont multiples : conditions de retour abominables (coche d’eau jusqu’à Auxerre puis sur des routes défoncées en des voitures où les nourrices sont assises sur des bancs en tenant l’enfant dans leurs bras), sevrages prématurés, brutalité des mœurs, « appât du gain des Morvandiaux », le trafic d’enfants…

 

« L’historiographie du XIXème siècle fait peser la responsabilité totale du manque de soins donnés aux enfants de l’Assistance Publique sur les familles d’accueil du Morvan, qui, indirectement, ont fait augmenter la mortalité infantile. De ce point de vue, il convient aussi de poser la question en tenant compte des mentalités de l’époque et des conditions offertes aux Morvandiaux par la médecine du temps.

L’univers mental des paysans est tel que la médecine scientifique ne peut guère pénétrer le pays : le poids de l’ignorance, l’attitude à l’égard du médecin, sont de sérieux butoirs. En effet, quand un enfant est malade (même s’il s’agit de son propre enfant), on n’appelle pas le docteur, le paysan demande plutôt le sorcier, le rebouteux, le “gôgneux” et utilise volontiers les amulettes. Un officier de santé de Moux, très proche des populations morvandelles, le docteur Despiotte, écrit en 1870 "Pour le Morvan, l’histoire de l’humanité n’a pas franchi le Moyen Age. A quand le déchirement des ténèbres ?".

Le comportement des familles n’est pas délibéré à l’égard des “Petits Paris”, mais il relève d’une mentalité générale ».

 

Pour le Morvan, « l’industrie des nourrices » est une manne pour les populations pauvres. « Vers 1840, une nourrice à Paris peut gagner entre 400 et 500 F pour une “nourriture” de quatorze mois. Elle reçoit aussi de nombreux cadeaux, offerts par la mère de l’enfant, estimés à 150 ou 200 F, pour les dons en espèces, auxquels s’ajoutent des vêtements et des chaussures. Déduction faite des dépenses, le gain net peut s’établir à deux ou trois fois celui de la nourrice à emporter et approcher le salaire d’un migrant masculin, bœutier ou “galvacher”. » Les nourrices des « Grandes Maisons » peuvent « gagner aux environs de 2.000 F par an, placés sur un livret de Caisse d’Epargne. » Ascension sociale, amélioration de l’habitat, une nouvelle autorité féminine, de nouvelles habitudes alimentaires et vestimentaires… le retour au pays des nourrices ayant fréquenté « les belles manières » de la bourgeoisie parisienne, bouscule ce pays arriéré. Quand aux enfants de l’Assistance Publique, ils sont aussi des vaches à lait : « d’environ 1.000 F pour un enfant élevé jusqu’à douze ans, le salaire versé à la famille passe à près de 1.330 F vers 1880. Les mois de nourrices sont régulièrement révisés à la hausse depuis 1889 et à partir de 1902, la pension versée pour les pupilles de un à deux ans et pour ceux de moins d’un an, augmente de 33 à 39% par rapport à 1876. En 1911, le salaire mensuel pour les “nourrissons” est de 33 F au lieu de 18 F en 1876. A ces mois de nourrices s’ajoutent la fourniture de tous les vêtements des pupilles, la gratuité de tous les soins (paiement par le percepteur) et de nombreuses indemnités, celle des neuf mois, celle d’habillement (chaussures, bas et coiffure). Plusieurs récompenses et indemnités sont versées aux familles : pour la garde d’un enfant depuis un an jusqu’à douze ans et jusqu’à treize ans pour l’obtention du certificat d’études primaires depuis 1885 (50 F au nourricier, 40 F à l’instituteur et 10 F à l’élève). »

« Quand les “Petits Paris” ont atteint treize ans. Ceux-ci sont alors embauchés comme valets ou servantes de ferme chez les exploitants, selon l’usage des “louées” de domestiques aux foires habituelles. Pour les anciens pupilles, le directeur de leur agence établit, depuis la fin du XIXème siècle, des contrats d’embauche avec les employeurs, si bien que la louée publique n’est plus qu’une formalité : le directeur a tenu une permanence dans les chefs-lieux de canton, annoncée par voix de presse ; s’y rendent les employeurs et futurs domestiques et servantes - tous anciens pupilles de l’Assistance Publique. La discussion aboutit à la signature du contrat, dit “Contrat de placement”, qui fixe toutes les conditions du travail, soit quatre principales :

  1. la nourriture, l’hébergement et le blanchissage du pupille
  2. le traitement du domestique “avec bonté, douceur et humanité”
  3. les soins médicaux nécessaires en cas de maladie
  4. l’interdiction du renvoi de l’employé sans avoir consulté le directeur d’agence au moins huit jours d’avance.

A ces conditions s’ajoute un salaire annuel payable à la fin de l’engagement et correspondant aux frais de vêtements et à l’argent de poche remis à la fin de chaque mois. »

 

Pourquoi ce retour en arrière me direz-vous ? Deux raisons principales :

-         lors de mes 3 jours à Blois, avant le service national, j’ai rencontré des « gagés » du Morvan et, comme l’institution militaire est toujours d’une extrême délicatesse, à la suite des tests, ils étaient regroupés dans le bataillon des « illettrés » dans lequel 2 gars de mon village étaient aussi. Ça m’a marqué.

-         C’est un fait de société peu commun d’une ampleur difficile à imaginer aujourd’hui « De nombreux milieux sociaux sont concernés en Morvan, le monde médical, les journaliers agricoles et les petits exploitants; à Paris, les nobles et les bourgeois. Plusieurs milliers d’enfants de tous âges sont venus vivre en Morvan, des milliers de nourrices ont été chargées de les allaiter et de les élever ; d’autres sont allées à Paris et dans les grandes villes, même étrangères, vendre leur lait ». Ça remet en perspective l’intensité de certains de nos malheurs…

 

Partager cet article
Repost0

  • : Le blog de JACQUES BERTHOMEAU
  • : Espace d'échanges sur le monde de la vigne et du vin
  • Contact

www.berthomeau.com

 

Vin & Co ...  en bonne compagnie et en toute Liberté pour l'extension du domaine du vin ... 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



 

 

 

 

Archives

Articles Récents