Se loger lorsque je baguenaude dans les plis et replis de la France profonde des terroirs est souvent un casse-tête chinois. Où crécher ? En rase campagne, dans un petit bourg, au chef-lieu du canton, à la sous-préfecture, c’est la hantise du sommier qui grince, du matelas qui a rendu l’âme depuis des lustres, du papier peint qui vous donne des cauchemars, de la douche qui émet des sifflements de locomotive à vapeur, de la chasse d’eau qui s’égoutte inexorablement…
Certes, mais souvent l’accueil est chaleureux, le service attentionné, le petit-déjeuner de qualité alors que dans les grands ou moyens zinzins aseptisés t’as l’impression d’être assimilé au numéro de la carte magnétique de votre chambre.
L’hôtel de charme se meurt et se contenter de pleurer ne fait rien à l’affaire. Reste à lire le constat dressé par Mark Watkins Président-Fondateur du Comité pour la Modernisation de l'Hôtellerie Française www.comitemodernisation.org et Président-Fondateur de Coach Omnium www.coachomnium.com
Que nous dit-il ?
« Dans le secteur de la petite hôtellerie, souvent peu rentable, 59 % des propriétaires souhaitent vendre rapidement leur affaire, selon une étude Coach Omnium. L'obligation qui est faite aux propriétaires de moderniser leur établissement (sécurité incendie et accessibilité) contribue à accentuer les difficultés du secteur. Mais plus largement, les pénibles conditions de travail, le manque chronique de moyens et la faible rentabilité des petits établissements poussent les hôteliers à vouloir vendre leur affaire, tout en sachant qu'ils auront peu de candidats à la reprise, explique l'étude. »
Si l'hôtellerie française, dans sa globalité, est plus ou moins suivie en termes d'activité et d’offre, on ne savait pas grand-chose sur la petite hôtellerie, celle de moins de 25 chambres, pourtant très majoritaire en France : près de 9.000 sur 17.000 hôtels en France. Le Comité pour la Modernisation de l'Hôtellerie Française et Coach Omnium ont voulu éclairer le sujet et trouver des informations destinées à abattre des idées reçues ou encore d’en confirmer d’autres.
Cette 2e édition, après la première étude de 2008, de ce dossier totalement exclusif à cette échelle, n’est peut-être pas totalement représentative, car nous nous sommes basés uniquement sur la bonne volonté d’hôteliers ayant accepté de répondre à cette lourde enquête — par le nombre de questions —, dont certaines sont assez personnelles. Nous voulons les en remercier, d’autant que grâce à eux, un pas de plus dans la connaissance d’un secteur, aussi occulté jusqu’à ce jour, aura été franchi. Mais, si le contenu de cette étude paraîtra peut-être frustrant à certains, il correspond à une tendance très fiable, qui pourra servir à bon nombre d’opérateurs pour aider la petite hôtellerie, qui en a largement besoin. Actuellement, 2 hôtels indépendants ferment chaque jour en France, depuis 3 ans.
Cette enquête économique fait partie des missions que le Comité pour la Modernisation de l'Hôtellerie Française s’est attribuées. Sa diffusion est totalement gratuite et elle est également délivrée aux pouvoirs publics. Elle représente un grand nombre de journées de travail qui a mobilisé les équipes du Comité, ainsi que celles de Coach Omnium qui a gracieusement réalisé le traitement et l’analyse de ce dossier.
J’espère à présent que les fruits de cette enquête ne resteront pas dans un tiroir et qu’ils serviront à soutenir la petite hôtellerie, dont nous avons besoin et que réclame avec force la clientèle hôtelière.
Ce qu’on peut retenir de cette étude…
La petite hôtellerie française, de 25 chambres et moins, selon le thème de notre étude, vit des moments difficiles. Si elle n’est pas obligatoirement déficitaire sur un plan économique, elle n’en demeure pas moins très fragilisée, voire dans une situation très précaire, où l’on constate tout de même que près de 6 hôtels sur 10 sont en bilans négatifs ou en petit équilibre économique. Notre étude confirme sans surprise que plus les hôtels sont grands, meilleure est leur rentabilité (car un hôtel à une majorité de frais fixes alors plus faciles à amortir) et que les hôtels en ville vivent généralement bien mieux que les hôtels isolés à la campagne, faute de marché dynamique pour ces derniers, dont les voyageurs d’affaires. Nous savions cela, mais l'enquête le rappelle parfaitement.
Parmi les bonnes nouvelles, on retiendra que les hôteliers qui exploitent de petites unités sont le plus souvent des passionnés de ce métier et des débrouillards, ne comptant pas leurs efforts et leur peine. Gagner de l’argent n’est le plus souvent pas leur première motivation professionnelle. S’ils reconnaissent qu’avec davantage de possibilités de financement leur sort serait plus facile à supporter, beaucoup assurent que l’expression de la satisfaction de leur clientèle est leur première récompense. Leur souci de maintenir leur hôtel à un bon niveau de prestation semble réel et ils comprennent parfaitement que c’est une des clefs de voûte de leur pérennité.
Parmi les mauvaises nouvelles, face à leur situation mitigée, mais toujours fragile, voire préoccupante, la petite hôtellerie au global souffre d’un grand nombre de problèmes et de complications. Certaines sont conformes à ce que vit plus ou moins toute l’hôtellerie française, comme par exemple la dépendance envers les OTAs (agences de voyages en ligne), la complexité d’Internet ou encore l’obtention de financements par les banques ; mais d’autres sont nettement plus spécifiques à la vie des petites structures. Ainsi, on trouvera en vrac :
• Des taux d’occupation faibles pour 63 % des hôtels, lesquels ne dépassent pas 50 % de taux d’occupation annuel, ce qui les met en situation d’extrême vulnérabilité. D’une manière générale, à peine 13 % des hôtels interrogés dépassaient les 60 % de taux d’occupation en 2012, réputée être une relativement bonne année pour l’hôtellerie française en période de crise économique.
• Une saisonnalité trop prononcée, surtout pour les hôtels situés à la campagne, dans des stations balnéaires ou à la montagne, avec de toute façon un manque de clientèle d’affaires capable de lisser l’activité annuelle.
• Des prix de chambres orientés vers le bas, à cause d’une demande insuffisante, irrégulière ou très saisonnière.
• Une rentabilisation compliquée, où 59 % des hôteliers répondants déclarent ne dégager aucun bénéfice d’exploitation ou encore être en perte et où 60 % ont constaté un recul de leur chiffre d’affaires depuis 2 ans.
•Une gestion complexe du personnel. Les petites unités ont bien sûr peu de salariés, et avec le temps, leurs patrons ont fait le maximum pour en employer le moins possible, compte tenu des coûts salariaux. Ainsi, ces derniers augmentent fortement, par compensation, leur temps de présence dans l’entreprise et font souvent appel à des apprentis et à des stagiaires. La difficulté à trouver du personnel compétent et motivé est générale dans l’hôtellerie. Mais, elle est exacerbée dans la petite hôtellerie, d’autant que les salaires y sont particulièrement bas et que les conditions de travail n’y sont pas toujours parmi les meilleures. Dans 70 % des cas, les hôteliers répondants à cette enquête travaillent avec leur conjoint et dans 17 % avec leurs enfants.
• Des hôteliers parfois trop isolés. A peine 38 % des hôteliers de petites unités adhèrent à une chaîne hôtelière volontaire et 34 % à un syndicat hôtelier.
• Une méconnaissance des bonnes pratiques commerciales et de marketing hôtelier & peu de moyens promotionnels mobilisés. Faute de temps, par manque d’argent, par choix d’autres priorités, mais aussi sans doute par une prise de conscience insuffisante, il y a au final très peu d’hôteliers exploitant des petites unités qui réalisent des opérations commerciales pour leur hôtel (moins de 1 sur 5). En résumé, l’action commerciale n’est pas leur fort et du coup, ils subissent les conséquences délétères d’un attentisme prononcé. Par ailleurs, leur politique tarifaire se réduit à la plus simple expression et les hôteliers répondants sont majoritaires à définir leurs prix surtout par rapport à la concurrence (qui elle-même les définit par rapport à la concurrence, et ainsi de suite). Les prix sont rarement calculés par rapport au marché.
• Les outils informatiques de gestion sont plutôt peu utilisés et soit la gestion est faite à la main, soit tout bonnement elle est peu suivie.
• Des travaux de modernisation insuffisants en volume. Si les hôteliers cherchent tant bien que mal à rénover leur établissement et au moins à le maintenir en bon état, leurs manques de moyens les réduisent à la frustration. Les programmes de rénovations sont le plus souvent modestes ou parcellaires. D’autant que les professionnels disent souffrir du manque de soutien bancaire, alors qu’heureusement beaucoup bénéficient de subventions ou d’aides publiques pour accéder à des travaux de rénovations. Mais, avec 20 % ou 25 % d’aides sur les montants d’investissements nécessaires, il faut encore trouver le complément, ce qui se révèle souvent impossible. D’une manière générale, si 3/4 des hôteliers répondants sont propriétaires de leurs murs et du fonds de commerce, ils sont une majorité (84 %) à avoir des emprunts bancaires qui courent et l’autofinancement n’est pas toujours à leur portée quand il s’agit de réinvestir.
• Un alarmant manque de temps. Le modèle économique de la petite hôtellerie, qui demande un profil bien particulier et un sacrifice de toute vie privée, conduit les exploitants à un manque de temps et de recul, qui les fragilise d’autant plus. Il leur est difficile de vivre autrement qu’au jour le jour ; ils ne peuvent anticiper dans leur affaire et doivent tout régler au fur et à mesure que les problèmes se présentent, avec à la clef, une pression énorme à surmonter.
• Le modèle économique des exploitants de petits hôtels est plutôt simple et se base essentiellement sur des choix économiques ardus : travailler avec peu ou pas de personnel, travailler beaucoup (en nombre d’heures et de jours) en tant qu’exploitant, avec le plus souvent son conjoint et parfois ses enfants, se rémunérer mal, en profitant si possible du logement et de la nourriture sur place pour amoindrir les besoins matériels privés (ce qui suppose aussi que les conditions de vie et de logement ne sont pas forcément des meilleures), réinvestir quand vraiment cela devient nécessaire, en cherchant à l’extérieur (emprunts, subventions,…) les moyens de financer ces besoins.
• Vendre leur affaire. Au final, le plus alarmant des constats issus de cette étude est la proportion d’hôteliers qui souhaitent vendre à très court ou à court terme leur hôtel, soit 59 %. Les échéances de mises aux normes (sécurité incendie pour 2011, accessibilité pour 2015) sont devenues un accélérateur de cette situation. Mais plus largement, les pénibles conditions de travail déclarées, le manque chronique de moyens et la faible rentabilité des petits établissements poussent les hôteliers à vouloir vendre leur affaire, tout en sachant qu’ils auront peu de candidats à la reprise.
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