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7 mars 2007 3 07 /03 /mars /2007 07:00

Assis en terrasse Brejoux m'attendait. Me tendant la sienne il me broyait la main. L'homme massif, carré, respirait la bonhommie. Tout en lui rassurait : ses cheveux poivre et sel taillés en brosse qui encadraient un front haut, intelligent ; ses longs sourcils broussailleux surmontant des yeux d'un bleu de ciel pur, attentifs ; son nez et ses lèvres charnues, jouisseuses ; un menton franc et des machoires saillantes, volontaire. Seules ses fringues grisâtres et ses pompes écrase-merde évoquaient la maison poulaga. Flic à l'ancienne, républicain et proche des gens, à son âge il aurait du occuper une place plus élevée dans la hiérachie mais, son peu de goût pour les arrangements et les coups fourrés lui valait de végéter aux RG. En cette fin des années 60, la chaîne de commandement, restait dominée par la droite dure, celle qui avait servi Vichy sans état d'âme, parfois même avec un zèle suspect, et celle, plus versatile, qui penchait toujours du côté du manche. Les évènements de mai avaient exacerbé la paranoïa des tapes-durs et des barbouzards. Que ces gosses de riches osent s'offrir une révolution, en s'attaquant aux biens, les bagnoles incendiées surtout, les rendaient hargneux. L'après-mai favorisait leurs desseins. Entretenir une atmosphère de guerre civile larvée leur convenait. Ils étaient aidés en ce cela par les outrances, surtout verbales et écrites, des groupuscules gauchistes.

Brejoux, pour moins fumer, suçottait en permanence une allumette. Homme de terrain, contre vents et marées, il livrait à sa hiérarchie des analyses subtiles, décortiquant finement la littérature touffue et un poils délirante de la galaxie révolutionnaire. Pour lui, l'enflure des textes marquait une forme de désespoir romantique face à un monde qui n'offrait plus de grandes causes ; les références aux révolutionnaires exotiques : le Che par exemple, ou même l'arrimage au grand timonier, en étaient les signes les plus probants. Toutes ces jeunes pousses d'après-guerre, dans un désir de pureté exacerbé, idéalisaient le peuple, les travailleurs. Pour eux les intellectuels, pour la plupart inféodés au PC, avaient trahi la classe ouvrière. Eux, en sacrifiant études, honneurs et confort, allaient briser les chaînes. En dehors de quelques débordements violents, nerfs de boeuf ou poing américain, la confrontation restait dans les limites du raisonnable. D'ailleurs, comme le soulignait Brejoux, la plupart d'entre eux restaient dans le giron familial et continuaient leur parcours universitaire. Tout cela a des vertus curatives, insistait-il, une thérapie qui fera que beaucoup retrouveront des chemins plus conventionnels. A trop vouloir jouer le jeu des rares extrémistes, ses chefs, favorisaient la radicalisation et la manipulation, qui déboucheraient sur la pose de bombes, des enlèvements ou des coups de mains sanglants. On soupçonnait Brejoux d'avoir le coeur à gauche.     

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7 mars 2007 3 07 /03 /mars /2007 00:25

C'est la suite d'hier...

Comme au rugby, le britannique ne renonce jamais. Passé le rush de la meute j'entrainai ma chère anglaise à un truc qui m'a toujours plié de rire : un cocktail sur un stand d'une grande institution (je ne donne pas de nom car je me ferais encore des amis). Moi j'adore ! Tout d'abord il faut montrer patte blanche pour pénétrer dans l'enclos - bien que moi, comme je suis connu comme le loup blanc, on me laisse entrer les mains dans les poches - enclos où, bien sûr, se pressent les happy few qui gravitent comme des planètes autour des hautes personnalités présentes. Presque toujours les mêmes (là ce n'est pas la peine que je donne des noms vous pouvez le faire tout seul) qui se bourrent de canapés et de petits fours, picolent du champagne ou du whisky (boissons syndicales) et, bien sûr, échangent de hautes pensées sur le devenir de notre planète ou, parfois, du lumbago qu'ils ont récolté après leur partie de tennis. Je suis très mauvaise langue. Ce qui me plaît par dessus tout c'est que le chaland, celui qui traîne ses guêtres et des kilos de prospectus, qui cherche la dégustation gratuite, qu'en a plein les bottes, qui va machonner un mauvais sandwich en buvant de la bière dans un gobelet en plastic, au lieu de regarder le jeune veau, tout juste né, de Flambeuse la belle Normande aux yeux tendres, y zieute tout ce beau monde qui se fait des ronds de jambes. Parfois, je sens dans son regard comme des envies de... 

Revenons à Mary. Mon pince-fesses semble lui plaire. Elle écoute aux portes si je puis m'exprimer ainsi. Je sens que je vais en prendre pour mon grade. Tiens cette année, certains qui m'ignoraient l'année dernière me saluent. Bizarre vous avez dit bizarre... Moi je bois un hypocrite : du jus d'orange au champagne. Fendant la galaxie de plusieurs directeurs mon anglaise fond sur ma pauvre petite personne. " Vous les Français vous adorez jeter l'argent du contribuable par les fenêtres..." me sussure-t-elle perfidement. J'ai beau lui dire que des fenêtres y'en a guère Porte de Versailles, elle ne goûte pas mon humour qui n'a rien de britannique. Pourtant, l'air de rien, je lui porte une attaque à laquelle elle ne s'attendait pas. " Voyez-vous, chère amie, c'est moi, si je peux m'exprimer ainsi sans vous paraître un peu outrecuidant, qui ai privatisé le Salon de l'Agriculture..." puis l'estocade " et en plus ce sont des anglais qui ont failli l'acheter..." Là, la pauvre, telle une carpe du bassin du Château de Windsor, arrondit sa bouche, manquant d'air. Je me venge d'Azincourt, lui expliquant que le CENECA (un zinzin public dirigé par un fonctionnaire) perdant de l'argent à pleins tuyaux, nous les spécialistes des poches percées, les adorateurs des déficits,  avions sans coup férir mis fin à la gabegie. Le tonneau des Danaïdes s'était trouvé un fond, pas de pension, mais un fond tout de même.

La donzelle sonnée avait trouvé son maître. Elle se vengeait en razziant les éclairs au chocolat. Moi, faux-derche de lui dire " et si nous allions faire un tour sur le stand de votre beau pays..." Déjà déconfite par ma perfidie de mercanti, elle sombrait dans la mélancolie. Et savez-vous ce qu'elle m'a dit quand on s'est retrouvé là-bas : " en tant qu'anglaise, je suis rouge de confusion devant l'échantillon de nos produits. On les dirait tout droit sortis du placard de ma grand-mère dans le seul but de confirmer le cliché selon lequel la Grande-Bretagne est une contrée barbare située loin au-delà des limites du monde culinaire connu..." Bien sûr, j'ai fondu face à une telle détresse et pour me faire pardonner ma méchanceté je l'ai emmené sur le stand du CIV (Centre Interprofessionnel des Viandes) et nous nous sommes offerts - pour être franc c'est eux qui nous l'ont offert - une entrecôte à la bordelaise avec une bonne Folle Noire de chez Mourat - le ragoûtant -  des côteaux de Mareuil. Après, comme on était un peu flappi, sous les arbres de l'Office des Forêts on s'est endormi pour une petite mariénée...

à suivre demain...   

Et toujours, le produit du jour, l'opus 5, toujours dans articles récents : Brejoux, un flic à l'ancienne

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6 mars 2007 2 06 /03 /mars /2007 07:01
C'est la suite d'hier...

La moutarde me piquait le nez, des larmes fluides dégoulinaient jusqu'à mes lèvres. Pour éteindre le feu je sifflais au goulot une grande lampée de bière. Dans sa camionnette un peu pourrie empestant l'huile de friture, juché derrière son comptoir graisseux, Ali Berkane, préposé à la graille ambulante, se gondolait. " C'est de la vraie mon frère. C'est comme les lacrymo de tes potos CRS ça chatouille le pif..." J'opinai en enfournant une nouvelle bouchée de brûlot. " Un enragé que t'es mon frère. On te dit fais gaffe c'est de la nitro et paf ! tu remets ça..." Il m'offrait le spectacle de ses dents capotées d'acier inoxydable. Ali, ses frites molles, sa harissa et ses merguez, je l'avais convaincu d'élargir son offre au hot-dog. " Mais c'est du cochon mon frère m'avait-il objecté ? C'est péché..." Avec mes copains très férus de dialectique nous lui avions démontré qu'en tant qu'Infidèle, commerçant de surcroît, qui ne crachait pas sur le jaja par ailleurs, dans une Terre de Vieille Chrétienté l'absence de hot-dog à sa carte serait perçu comme une forme insidieuse de racisme anti-français. Depuis, Ali nous bénissait. Son chiffre d'affaires montaient en flèche. " Même des anciens bidasses d'AFN viennent maintenant se fournir ici..." ajoutait-il pour se rassurer.

 

Le plaisir du hot-dog je l'avais découvert grâce à l'une de nos voisines dans mon pays crotté et ignare, une alsacienne émigrée là par le hasard d'un mariage avec un Parisien qui lui ne savait pas trop pourquoi il était resté là à faire le garagiste après la Libération. Ce fut par le truchement de la choucroute que j'arrivai à la saucisse. La Strasbourg ou la Francfort, je ne sais plus très bien, mais ce que je sais c'est que le jour où, la mère Raymonde - la femme du pompiste donc - glissa dans une baguette de pain, transformée en une sorte de tuyau tiède, une saucisse qu'elle venait d'oindre de moutarde, je tombai sous le charme du hot-dog. Un sandwiche qui porte bien son nom. Cette histoire je l'avais bien sûr raconté à Marie en m'extasiant sur l'étrange alliance sous la dent du mou et du fort. Elle avait beaucoup ri mais elle aussi s'était convertie. Nos envies soudaines et irrépressibles de hot-dog nous voyaient nous précipiter, sitôt la séance de ciné terminée, au comptoir de notre pote Ali. Aujourd'hui, il n'a rien dit Ali. A voir ma gueule de déterré il a du se dire : elle est partie. Alors il a fait comme si notre pote Ali. Marre des souvenirs, j'étais mal. Et puis merde, c'était le saucisson-beurre de notre premier jour au Conti qui me prenait la tête. Ali m'a dit " c'est moi qui t'offre aujourd'hui. J'ai répondu " merci " et je suis parti. Face à moi le bitume de la Place du Commerce m'apparaissait comme un lac gris, hostile. Traverser, gagner la Place Royale, affronter la serre vitrée du Conti. Que des souvenirs heureux... Fuir ? Y aller ! J'y allais d'un pas décidé et le rire de Marie m'y accompagnait.

à suivre demain...   

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6 mars 2007 2 06 /03 /mars /2007 00:03

suite de la chronique d'hier...

Pour faire couler la miette, mon anglaise et moi, en plus du Pti Chablis de nos amis de la Chablisienne, nous nous enfilions un grand café puis un pousse-café : une rincette au Calva (pardon dans ce cas-là c'est la bonne orthographe). Bien sûr ça donnait des couleurs à ma pâlotte du Surrey qui, dans cette douce euphorie, trouvait le moyen de penser que l'heure était venue de me balancer quelques vacheries. Y sont comme ça les britishs, peuvent pas s'en empêcher. Je pourrais ironiser sur les vaches anglaises mais ce serait de mauvais goût. Bref, voilà t'y pas que la Mary, tout en sauçant son sucre dans le jus de pomme du pays d'Auge, me dit " vous les Français vous êtes drôles. Les citadins et leurs enfants viennent s'extasier devant les animaux au Salon une fois par an. En dehors de ce moment de rêve, à les entendre ceux qui les élèvent polluent leurs belles rivières, ceux qui font du blé en font tellement qu'ils cultivent plus les primes de l'Europe que des céréales, que de toute façon les paysans ne sont jamais contents, trop chaud, trop froid, trop mouillé, trop sec, qu'ils barrent les routes à tout bout de champ, que les viticulteurs jettent à tous propos leur vin au caniveau... Tout ça n'est pas très cartésien monsieur je sais tout..." Comme je suis de bonne humeur je ne lui en tiens pas rigueur. Je pourrais évoquer les primes de sa Très Gracieuse Majesté mais je suis fair play. De plus je n'ai pas envie de discuter. Alors je la prends par le bras et d'un bon pas nous partons nous immerger dans la profondeur des terroirs de France.

Bon, comme je ne veux vexer personne, je ne peux citer tout ce qu'on s'est enfilé, mais je puis vous assurer qu'on les a tous fait les terroirs de France, DOM-TOM compris. On a commencé par des huîtres de Bouzigues avec un coup de Picpoul de Pinet, puis on s'est tapé de la Poutargue. Puis on s'est dit qu'on allait faire dans le fromage : Boulette d'Avesnes, Fourme d'Ambert, Banon, Gaperon, Langres, Beaufort, Livarot, Niolo,Osso-Iraty, Epoisses, j'en passe... avec de la fougasse et les liquides locaux qui vont avec. Et puis, j'ai du céder au désir de femme et nous sommes allés nous taper un Chabichou avec un blanc du Haut-Poitou, cuvée La Surprenante. Très drôle ! Pour compenser jl'ai emmené boire un Pacherenc-de-Vic-Bilh en lui disant que c'était bon contre le bégaiement. Puis comme j'avais un petit creux on est allé se taper un aligot - qui kom voul savé éfé avek du Laguiole fré - arrosé d'un Marcillac acidulé. Après ça, elle avait envie de sucré alors on s'en est allé chez les Bretons pour savourer un Kouign Anam - ki kom voul savé cé du beurédusuc - avec une bolée de Cidre de Cornouailles de Christian Toullec qu'a eu une médaille d'or au Concours Général de 2004. C'est alors que je me suis dit qu'il fallait que j'aille revoir ma Normandie. On n'a pas fait de chiqué : un tarrasson de Teurgoule avec un cidre du Père Jules. A ce moment là Mary m'a dit " où allons-nous aller déjeuner ? "

 

Je n'ai pas eu le temps de lui répondre, une vague, un raz-de-marée, un tsunami a failli nous emporter. C'était le cortége de l'homme qui depuis longtemps savait parler à l'oreille des animaux. Les paysans avaient le coeur gros, leur grand Jacquot allait tirer le rideau. C'est alors que mon petit doigt m'a dit " mon garçon, fait attention, pas de panique, elle va te brancher sur la politique..." Le coquin ne s'était pas trompé, alors qu'on venait tout juste d'échouer du côté de la Martinique et qu'on sirotait un rhum agricole, mon emmerdeuse patentée du Surrey a attaqué. " Mais qu'est-ce qu'ils viennent chercher là ? " Bêtement j'ai répondu " des voix..." Ca ne la satisfaisait pas elle m'a rétorqué " que nous les Français on adorait se défiler..." Bon, j'ai fait le dos rond, évité d'évoquer Mers-El-Kébir ou d'autres mauvais souvenirs et, pour faire diversion je lui ai dit, d'un air un peu niais, " cette année vous savez on peut à nouveau admirer les poulets..." D'accord, avec une sortie comme ça, je n'ai pas fait progresser d'un pas l'Entente Cordiale mais, comme je suis un besogneux, tout en nous tirant des profondeurs de nos terroirs je me suis dit que j'allais m'en tirer en lui racontant une histoire...

à suivre...  

Et toujours en ligne l'opus 4 de mon petit roman juste pondu, tout frais, sous la rubrique articles récents : ce matin c'est le mou et le fort

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5 mars 2007 1 05 /03 /mars /2007 07:00

Brejoux, je l'avais rencontré au comité de grève. C'était le seul dans l'assistance qui n'ouvrait jamais sa gueule, vu qu'il était là pour faire son boulot. En bout de table, sur un petit calepin de chantier à élastique, avec un crayon pointu, il noircissait des pages de pattes de mouche serrées. Nous préférions qu'il soit des nôtres car, avec lui, nous avions la certitude que les infos sur nos activités seraient de première main. La haute hiérarchie des flics était tellement vérolée par le SAC ou autres officines barbouzardes que c'était du pain béni que d'avoir affaire à un type des Renseignements Généraux aussi réglo. Quand je lui téléphonai, après avoir glandé pendant deux jours dans ma chambre d'hôtel, pour lui demander un rendez-vous, sans préciser pourquoi, il ne parut pas surpris. De sa voix qui roulait les R, comme le font tous les natifs de Carcassonne, Brejoux, toujours aussi laconique, me répondait " ce sera pour moi un grand plaisir de vous revoir Benoît. Plutôt qu'à mon bureau je vous propose que nous nous retrouvions autour d'un verre au Conti. Ca vous rappellera de bon souvenir..." Ma gorge se nouait. Brailler. Crier. Expulser ma rage froide. A l'autre bout du fil, le brave homme dut percevoir mon trouble, il s'inquiétait :
- Benoît vous avez des soucis ?
- Non, non, pas des soucis, mais juste le besoin de parler à quelqu'un...
Cette marque de confiance ébranlait Brejoux. Il pressentait l'urgence. " Si ça vous est possible, retrouvons-nous dans une heure au Conti..." Même s'il me prenait de court, je l'avais appelé, comme ça, avec une vague idée derrière la tête, j'acceptai sa proposition.

Comme j'étais crade je me précipitai sous la douche. L'eau, tiédasse et jaunasse, se déversait en une alternance de trombes et de pluie fine. Je me récurrai au savon de Marseille. La mousse me piquait les yeux. Mon estomac criait famine et mes jambes molles flageollaient. Il faut dire que, depuis deux jours, je me contentais de boire de l'eau du robinet. La serviette était rèche. Je me frictionnai jusqu'au sang. Le miroir piqué me renvoyait une gueule flétrie bouffée par une barbe de trois jours. Me raser me parut au-dessus de mes forces. Je me brossais les dents pour tenter de me défaire d'une haleine fétide. Dans la chambre d'à côté, un client limait une fille en gueulant " t'es qu'une pute ma salope..." ce qu'à l'évidence, elle était. De la brume dans les yeux... la peau de Marie... de la rage... je fourrageais dans mes cheveux humides pour domestiquer ma tignasse frisée... jamais plus... alors des filles comme ça... pourquoi pas... Une envie monstrueuse de hot-dog m'emplissait.

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5 mars 2007 1 05 /03 /mars /2007 00:06

Les gars de chez moi, quand y montaient à Paris pour le Salon c'était pour deux raisons avouables : voir les bêtes et le matériel et deux, qui ne l'étaient pas : se prendre quelques muflées carabinées dans le couloir de la mort (l'actuel hall des provinces) et aller trainer du côté de Pigalle. Je ne veux pas être mauvaise langue mais, comme leur moyen de transport exclusif dans Paris était le métro, beaucoup d'entre-eux, en dehors du quartier de la Porte de Versailles et des lieux de perdition, ne connaissaient rien des splendeurs de notre capitale, exception faite peut-être de l'Eiffel Tower. Ces temps sont révolus, la machine agricole a émigré à Villepinte et notre Salon de l'Agriculture attire plutôt les urbains, les enfants des écoles et les étrangers, que les agriculteurs. Alors j'ai décidé, ce matin, de vous narrer la visite d'une anglaise au SIA (le sigle est déjà la preuve qu'on est en présence d'une grande vitrine plutôt que d'un salon professionnel).

Pourquoi une anglaise ? Parce que celle-ci, par commodité je la prénommerai Mary, m'a écrit " Il est des moments où l'on ne peut s'empêcher d'aimer les Français. Comme samedi prochain, le 3 mars, jour d'ouverture à Paris du Salon International de l'Agriculture..." Venant d'une ressortissante de la perfide Albion ça mérite réflexion. Pour elle c'est la France profonde* qui débarque à Paris. Les Français ont les pieds dans le terroir*. Et d'ajouter rien de tel qu'une visite au Salon pour comprendre tout ce qui sépare culturellement les Britanniques et les Français. Bigre ! Et pour enfoncer le clou : même si ses enfants étaient fourbus lors de leur première visite, le lendemain il la suppliait d'y retourner. " Rendez-vous compte : même les enfants adorent y aller ! " s'extasie-telle... Alors pourquoi bouder ce plaisir, au front, quand faut y aller faut y aller...

* en français dans le texte

L'épicentre du Salon c'est bien évidemment le grand Ring de présentation des animaux. Des bêtes bichonnées comme des top models, des taureaux Limousins couillus, des Pies rouges pimpantes, des Parthenaises rosissantes, des Blondes d'Aquitaine aguichantes, des gorets de Bayeux noir et blanc, des biquettes poitevines : de bien belles grisettes, des brebis de Lacaune, celles qui font, sans que José y prête la main, du Roquefort alter, des béliers Southdown altiers, j'en passe bien évidemment : la France est un pays Jacobin assis sur de belles provinces qu'il glorifie lorsqu'elles montent à Paris. C'est ce que je dis à mon anglaise pour faire l'intéressant. Mais elle me dit qu'elle a un petit creux. On va donc se faire un petit mâchon : rillettes, grattons,saucisson à l'ail, andouille de Vire, y manque que de la fressure, sur de bonnes tartines de pain enbeurrées (kivopa bien sûr le beurre salé de mémé Marie) arrosées d'un pti coup blanc (je ne dis pas lequel pour ne vexer personne) Comme je suis un gars qu'a des relations on est allé, ma nénette du Surrey et ma pomme, poser nos fesses sur le stand d'une organisation. Eux, les gars des zorganisations, y distribuent que du papier mai yzon des salons pour VIP. Donc on s'est vautré sur des canapés et, tout casse-croûtant on s'est mis à bavasser...

la suite demain... en attendant cliquez sur  http://www.salon-agriculture.com/index773c.html?id=2328

Pour ceux qui suivent mes écrits romanesques je leur rappelle que l'opus 3 est en ligne. Ils peuvent le consulter en allant dans la liste des articles récents avec pour titre Brejoux un mec réglo

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4 mars 2007 7 04 /03 /mars /2007 00:05

A mon arrivée à Nantes, avec l'argent de Jean, mon du, une poignée de billets frippés - si je l'avais écouté il m'aurait donné tout le liquide du coffre - je louais une chambre, pour une semaine, dans un hôtel miteux du quai de la Fosse. La patronne, déjà intriguée par ma dégaine de mal rasé et mon étrange balluchon, me regardait d'un drôle d'air quand j'insistai pour payer d'avance en petites coupures. Pour l'amadouer je lui souriais. Ma tronche de chien battu devait la rassurer. Elle me tendait une fiche de police que je remplissais. Son parfum de pacotille, mêlé au suif de sa peau, épandait des remugles fades. Elle me donnait une grosse clé pendue à une étoile de bronze "la 18 est au premier gauche..." L'escalier recouvert d'un tapis élimé grimpait sec. Les immeubles du quai, étroits et de guingois, empilaient des pièces hautes de plafond. Ma chambre, qui donnait sur une cour intérieure, n'échappait pas à la règle. Je tirais les doubles rideaux jaune pisseux. La lumière les traversait sans peine tant ils étaient élimés. Je m'allongeais tout habillé sur le lit recouvert d'un dessus de lit d'un blanc douteux. Le plâtre du plafond, bouffé par le salpêtre, partait par larges plaques en lambeaux. Je pleurais. Je pleurais doucement, en silence, les yeux rivés sur un petit tableau aux couleurs défraichies.

Sur la dalle de ciment, avec Jean, nous avions fixé une petite plaque émaillée - c'est un de nos amis potier qui nous l'avait confectionné - où j'avais écrit Marie fleur de mai . Quand ils étaient tous repartis, au bateau du soir, même le regard implorant de maman n'avait pu ébranler ma détermination. Jamais plus je ne les reverrais. Ma survie en dépendait. Je voulais vivre dans ma plaie ouverte. Jamais elle ne devait cicatriser. Ne croyez pas que c'était pour me complaire dans le malheur. Je n'étais pas malheureux. Je n'étais plus rien. Reprendre le cours d'une vraie vie sans Marie était au-dessus de mes forces. Me restait à vivre une vie de merde, y patauger, m'y souiller, m'y perdre pour que l'oubli, ce grand laminoir impitoyable, ne puisse jamais m'atteindre et m'essorer de ma vie d'avec Marie. Avant de partir je suis allé sur la lande cueillir une brassée de fleurs. Jean m'attendait devant le portail du cimetière avec un grand vase rouge. Nous avons offert à Marie ce bouquet puis nous sommes descendus nous bourrer la gueule au port. Les marins piquaient le nez dans leurs verres. C'était l'un des leurs qui avait écrasé Marie.

la suite demain...

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3 mars 2007 6 03 /03 /mars /2007 00:02

Chers lecteurs,
Dimanche dernier, le coeur gros, après avoir longtemps hésité, mais comme mes personnages ne m'appartiennent pas, ils vivent leur vie - si je puis m'exprimer ainsi à propos de Marie qui elle vient de la perdre - j'ai du me résoudre à précipiter Benoît dans le malheur et, par le fait même, à clore le premier chapitre de cette histoire, publiée le week-end, que j'écris au jour le jour, en direct.
Certains d'entre vous me disent - ceux que je rencontre - que le format rend la lecture un peu décousue. Alors, pour le chapitre 2, que je commence aujourd'hui, je vous propose une livraison journalière, en sus de la chronique normale, sans message pour vous en prévenir afin de ne pas encombrer vos messageries, sauf les week-end où mes écrits romancés continueront de constituer le billet du jour.
Bonne lecture pour les fidèles, afin de faciliter votre lecture les chroniques du chapitre 2 seront numérotées de 1 à ... Pour le chapitre 1, je suis en train de le défaire de quelques scories et, si certains d'entre vous, souhaitent en recevoir livraison d'ici quelques temps je pourrai leur faire parvenir sous forme de pièce jointe à leur adresse e-mail...

 

Je lâchai prise, coupai tous les ponts, mais sans fuir. Sonné, KO debout, je me laissai glisser, comme ça, sans réagir, doucement, les yeux grands ouverts. Ce fut une glissade un peu raide mais toujours contrôlée, bien maîtrisée. Je savais ce que je voulais, mourir, mais à petit feu. Mon but, aller au bout de mon chemin, sans contrarier la nature, en me contentant de contempler ma déchéance. Simple spectateur de ma vie. Emmuré dans le chagrin, mes yeux restaient secs. Pleurer c'était prendre le risque de fendre ma carapace, de m'exposer à la compassion. Pour tenir je devais faire bonne figure. Alors, j'allais et venais, affrontant l'intendance qui suit la mort avec le courage ordinaire de ceux qui assument les accidents de la vie. Mon masque de douleur muette, souriante même, me permettait de cacher, qu'à l'intérieur je n'étais plus que cendres. La mort rassemble. Autour de la grande table chez Jean, le soir, nous parlions. Nous parlions même d'elle. J'acceptais même de parler d'elle. Nous buvions aussi. Le vin délie les langues et allège le coeur. A aucun moment nous étions tristes. Marie, couchée dans le grand lit de Jean, nous imposait son silence éternel.

On prit mon emmurement serein pour du courage. Aux yeux des autres, mes proches, mes amis, ceux de Marie, ses parents, j'étais admirable. Non, j'étais déjà mort. Seul Jean pressentais mon délitement intérieur. Il bougonnait, tournait en rond, maudissait le ciel et me pistait comme un vieux chien fidèle. Les mots des autres filaient sur moi sans y laisser de traces, alors que les miens, précis, menaient leur dernier combat. On me laissait faire. Avec Jean, nous décidions de porter nous-mêmes Marie en terre au cimetière de Port-Joinville. Qu'elle restât sur notre île, sans fleurs ni couronnes, relevait pour nous de la pure évidence. Ca ne se discutait pas. Le maire obtempérait, et c'est dans notre C4, au petit matin, avec Achille coincé entre nous deux, que nous sommes allés jusqu'au trou béant. De la terre remuée et ce ciel pur, cette boîte en chêne vernis à poignées argentées, un moment j'aurais voulu qu'on chantât le Dies Irae. Des mains serrées, quelques pelletées, des baisers, des étreintes, des sanglots étouffés, encore des mots échangés et nous sommes allé au café. Là, j'aurais bien voulu pleurer.

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2 mars 2007 5 02 /03 /mars /2007 08:07

A la lecture du titre de mon papier de ce matin je sens que certains ont du penser : " là, Berthomeau il va trop loin..." Pourtant, les guillemets auraient du les alerter : c'est une citation. Mais qui ose ? Le coupable c'est Duc l'auteur de la bande dessinée à qui j'ai emprunté mon titre de ce matin. Sans déflorer l'histoire, c'est une sombre histoire entre un grand prédateur à cigare tapis dans le building d'une multinationale "Real Toys" et notre José national, avec baccantes et bouffarde incorporées, qui refuse que l'on utilise son image : 

" et voilà que ce guignol refuse qu'on utilise son image ! Je ne suis pas une marchandise, et patati, et patata... Et mon cul ? C'est pas une marchandise peut-être ? " éructe le PDG de " Real Toys "

Comme le titre l'indique c'est une histoire de contrat. L'auteur, bien sûr, a un petit faible pour notre agitateur multicartes : démonteur de Mac Do, faucheur de maïs OGM, alter-tout et, ces jours-ci, faucheur de signatures (cf la suite ci-dessous) mais ça ne l'empêche pas de chambrer nos chers alters. Si vous avez un petit cadeau à faire ça peut plaire. Le dessin est excellent, la mise en pages claire et il y a quelques morceaux de bravoure. C'est publié chez Albin Michel en 2005 et c'est un réel succès de librairie.

Le Monde du 28 février page 10 : Rapine de signatures entre Bové et Besancenot (extrait)
" Empoignades pour le moment virtuelles(sur les forums) à la gauche du PS, et plus particulièrement chez les soutiens de José Bové, au sujet des parrainages.
Dans leurs échanges électroniques, les partisans de du leader altermondialiste se divisent désormais entre "pro" et "anti" braconnage. Certains officionados de M.Bové sont en effet allés démarcher des maires qui avaient promis leur signature à Olivier Besancenot, le candidiat de la LCR. Ces démarcheurs se félicitent d'avoir obtenu des élus ainsi visités qu'ils modifient leur promesse de parrainage en faveur de l'ex-syndicaliste paysan et au détriment du candidat trotskyste. Ils énumèrent au passage quelques exemples de ces "prises de guerre" (...)   Caroline Monnot

L'homme est un loup pour l'homme, si c'est ça l'autre monde de nos alter il ressemble furieusement au nôtre. C'est la loi du marché quoi ! C'est la guerre ! C'est la prédation ! C'est faire de la politique autrement. Et notre José qui dit " j'ai drôlement changé "dans le livre qu'il vient de sortir " Candidat- rebelle " je trouve ça, en effet, très drôle. Que voulez-vous j'ai mauvais esprit...  

 

 

 

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1 mars 2007 4 01 /03 /mars /2007 00:23

" Je m'appelle Léone Gémény. Mon grand-père était fou d'opéra. Il avait entendu la Callas, Tebaldi et tutti quanti. Pendant quarante ans il alla de Salzbourg à Vérone, de Bayreuth à Vienne et - surtout - à la Scala...
En septembre 1954, grand-père fêta ses quatre-vingts ans. Très affaibli : il marche difficilement, cherche querelle à sa gouvernante pour un rien et ne sort de cet état pitoyable que pour écouter des disques de bel canto. Le 6 décembre, coup de téléphone de sa gouvernante : il a disparu. La gendarmerie, prévenue, ne retrouve pas sa trace. Un avis de recherche est diffusé, avec sa photo, dans la Voix du Nord.
Le 10 décembre. Nouvel appel de Marthe. Il est réapparu cet après-midi extrêmement fatigué et s'est couché immédiatement. Il refuse de donner la moindre explication. Nous arrivons en hâte. Calé sur un oreiller brodé à son chiffre, grand-père raconte : " Je voulais m'offrir une escapade à Milan et je suis allé entendre le spectacle d'ouverture de la saison à la Scala." Puis, il s'endort. Nous rentrons à la maison.
13 décembre. Mme Marthe en pleurs, au téléphone. Elle a trouvé grand-père mort dans son lit." 

extrait de Opéra La diva et le souffleur Autrement juin 1985 La photo est celle de Giuseppe Verdi et non celle du pépé de la narratrice...

J'aime bien ce petit texte. J'aime bien les gens capables de prendre le premier train pour... J'aime beaucoup les grains de folie. J'aime beaucoup ceux qui gardent leurs passions intactes. J'aime beaucoup l'opéra, surtout celui de Verdi. Mon tube : Ernani du génial Giuseppe dans la version enregistrée le 7 décembre 1982 à la Scala de Milan avec à la baguette Ricardo Mutti et Romano Gandolfi comme maître du choeur. Pour les interprètes : Placido Domingo, Mirella Freni, Renato Bruson, Nicolai Ghiaurov... Si le spleen vous gagne en ces temps mous et gris, chargez sur votre Ipod le choeur de la scène 1 du premier acte, ça vous redonnera goût à ma vie. En traduction libre ça donne : Hourra ! Buvons ! Buvons !
                          Trouvons du plaisir au moins dans le vin !
                          Que reste-t-il d'autre au bandit,
                          évité par tous
                          S'il n'a pas un verre ?
                          Jouons, car l'or
                          est un trésor inutile,
                          qui vient et qui part.
                          Jouons, si la vie
                          n'est pas rendue plus agréable
                          par une beauté souriante.
                          Dans les bois et sur les collines
                          nous avons nos seuls amis,
                          le mousquet et le poignard.
                          Lorsque descend la nuit
                          dans la triste grotte
                          qui nous sert d'oreiller.
                          Soyons gais et buvons. Buvons !
                          Trouvons du plaisir au moins dans le vin.

Bien sûr c'est mieux chanté par le choeur de la Scala en italien. C'est édité chez EMI. Le livret d'Ernani est de Francesco Maria Piave d'après Victor Hugo. La première d'Ernani eut lieu le 1er mars 1844 à la Fenice de Venise (gravure ci-dessous) 

 

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