Rappelez-vous la chanson de Guy Béart LES GRANDS PRINCIPES !
Et les PETITS ARRANGEMENTS… avec bien sûr de BONS SENTIMENTS...
Par-delà le jugement sur l’affaire du dernier classement de St Émilion opposant des plaignants, exclus de celui-ci, à l’État, il n’en reste pas moins vrai que, sur le fond du règlement du classement, le cahier des charges de l’AOC « saint-émilion grand cru » homologué par le décret n°2011-1779 du 5 décembre 2011, JORF du 7 décembre 2011, le ver est toujours dans le fruit.
Selon les juges du TA de Bordeaux tout a été fait et bien fait… dans les formes… Le jugement souligne « la légalité de la procédure d’élaboration du règlement de classement et la qualité des travaux de la commission de classement »
Dans son communiqué l’INAO pousse un large soupir de soulagement tel Ponce Pilate : « près de trois ans après la fin des travaux de classement des vins de Saint-Émilion « Grand cru » (…) un jugement du tribunal administratif de Bordeaux vient de valider les propositions formulées en 2012. Par cette décision, le tribunal administratif confirme la validité de la démarche suivie, la fiabilité des procédures mises en place, la rigueur avec laquelle elles ont été appliquées. »
Mais sur le fond, motus, les gardiens du temple de l’INAO, en bons Tartuffe qu’ils sont, ferment les yeux sur la tripotée de critères, hors terroir, inclus dans le règlement de classement du Grand Cru à la sauce Sainte Émilionnaise.
Comme le constate avec humour un bon expert, Jacques Dupont : « Tout cela validé par l'Inao, l'institut national des appellations d'origine, dont la vocation, nous semblait-il, était davantage de garantir l'origine justement, les terroirs, plus que de certifier la présence d'hôtesse et de salle de séminaire... »
Mais rappelons que pour être un grand cru il faut d’abord être un cru tout court.
« Faut-il redire que ce classement des St Emilion n'a rien à voir avec un classement de terroirs comme en Bourgogne – ce que je regrette à titre perso – mais dont le but était de mettre en avant des domaines prêts à offrir une nouvelle approche de la clientèle. »
C’est signé Mauss non suspect de Bordeaux bashing.
Nous sommes donc dans une stricte affaire de biseness : comment mieux draguer une certaine clientèle ?
Mais alors que vient faire le bras armé de l’État dans cette affaire ? Pourquoi ces signatures ministérielles au bas d’un décret pour officialiser une procédure de classement ? Est-ce bien nécessaire et surtout n’est-ce pas une faille, un coin introduit dans les grands principes de l’AOC, au nom de petits arrangements entre amis ?
Il va m’être répondu que le classement de St Émilion a toujours été de cette nature. J’en conviens aisément mais la dernière mouture accentue plus encore ses vices originels. De plus, nous ne sommes plus entre nous, dans notre étroit hexagone si habitué aux petits arrangements, mais confrontés aux débats au sein de l’OMC sur la protection de nos AOP. Alors attention de ne pas nous donner des verges pour nous faire fouetter par les merveilleux chicaneurs que sont les lawyers étasuniens.
Vu par ces ardents défenseurs du droit des marques nous sommes face à des marques : les châteaux saint-émilionnais en l’espèce, qui viennent, tels des poussins, se réfugier sous l’aile de mère poule : l’État via l’INAO, pour faire acter une procédure qui devrait relever du droit privé. Belle acrobatie juridique certes mais qui, à mon sens, vide de sa substance nos belles pétitions de principes sur la supériorité du terroir.
Les beaux chais, la qualité de l’accueil, la communication via le cinéma, et patati et patata sont des valeurs commerciales que nos concurrents du Nouveau Monde peuvent mettre en avant et exploiter tout comme nous qui souhaitons faire acter par l’OMC la spécificité de nos châteaux.
À mon sens, c’est agir avec beaucoup de légèreté que de persister à mettre sous la coupe du droit public une procédure de strict droit privé.
La référence au classement de 1855, fait par des courtiers, est sans objet, c'était en un temps où l'AOC était dans les limbes, l'INAO même pas en gestation. Ce classement est une antiquité dont certains songent à la faire classer au Patrimoine de l'UNESCO.
Celui de StÉmilion, taillé sur mesure sous la houlette des principaux bénéfiaires, n'a rien à devoir ni de près ni de loin à l'INAO. Les partisans du trop d'État n'aiment rien tant que de revendiquer son aide quand ça les arrange. Ce type de classement doit être le fit d'un club qui définit et gère ses règles de notoriété. En relevant du droit privé il s'éviterait des contentieux longs et de nature à jeter du discrédit sur les motivations de ceux qui en profitent.
Je l’ai déjà écrit, je persiste et je signe.
« N’en déplaise à ceux qui se pavanent en traitant ceux qui ne pensent pas comme eux d’esprits faibles, sous-entendant ainsi qu’ils sont des esprits forts, en dépit de la signature de 2 Ministres en bas de cet arrêté, les critères du nouveau classement de saint-émilion sont contestables en droit public. L’Etat n’a pas à cautionner une pure opération commerciale qui débouche sur un enrichissement patrimonial. Ce type de compétition, je le répète relève du droit privé, de la liberté des parties de se soumettre à des règles qu’ils se sont données.
Il est très important de rappeler que le texte de l’arrêté du 6 juin 2011 a été rédigé par le syndicat de saint-émilion sous l’œil bienveillant de l’INAO, puis approuvé par le Comité National de l’INAO avant d’être soumis à la signature des 2 Ministres qui n’ont eu pour seule alternative : signer le texte en l’état ou le rejeter sans pouvoir d’amendement. »
Je sais, ou me doute, que mon point-de-vue n’intéresse plus personne dans les hautes sphères mais, en revanche, il est jugé digne d’intérêt en d’autres lieux. Et si j’occupais ma belle retraite en mettant ma vieille expérience des AOC au service de ceux qui ne les transforment pas en « chiffons de papier »
En cette fin d’année j’y songe sérieusement car je suis un drôle d’oiseau… et qui plus est une belle perruque blanche couvrirait ma tonsure originelle... Ce serait d'un chic so british !
Quelques chroniques traitant du classement de Saint-Émilion :