Rassurez-vous je ne veux pas raviver la polémique ouverte par ma présence à l’inauguration du nouveau chai de Cheval Blanc link et link. Ce matin c’est une belle histoire que je vais vous conter, une histoire comme on peut en trouver quand, comme moi, on baguenaude en notre beau pays de vignes. Pour vous la conter j’ai choisi de le faire en prenant le ton d’une vieille contine.
Je ne doute pas que celles et ceux pour qui je suis le guide éclairé éclaboussant de lumière leur lever matinal de mes écrits élevés (c’est beau comme un ego, non ?) et qui m’ont suivi comme un seul homme dans ma croisade pour le cochon libre entonneront avec moi la contine : Scions du jambon/à quat' sous la livre/scions du jambon/à quat' sous l'bonnet d'coton/dansons la capucine/y'a pas de pain chez nous/y'en a chez la voisine/mais ce n'est pas pour nous.
Donc, sous ma brillante plume – nouvelle couche de cirage perso sur mon ego – qualifier un vin de beau petit vin à quat ’sous la livre est un compliment.
Explications :
Je sors de la Grande Epicerie du Bon Marché passablement vénère des chichis des petits épiciers link je reprends mon vélo attaché à son piquet pour remonter la rue de Sèvres et virer rue Vaneau. Il faut que vous sachiez que ce quartier je le connais comme ma poche car ce fut le lieu de mes premières expériences parisiennes lorsque je bossais rue Barbet de Jouy au temps de Méhaignerie. (Lire le Pied de Fouet link) Là, face aux travaux de construction sur le site de l’ancien hôpital Laennec subsiste une cave à l’ancienne : « les établissements vinicoles de France » Par bonheur, comme elle se trouve en retrait du flux commercial elle n’est pas menacée par les marchands de fripes qui polluent tous les quartiers. Reste qu’elle ne vit que de la fidélité de ses clients. J’abandonne mon fier destrier face au champ de ruines. J’entre. Une jeune vendeuse novice et seule affronte une plantureuse américaine, avec lunettes de soleil incorporées, du type chiante, gonflante et se foutant, comme de son premier chemisier nase, de ceux qui patientent derrière elle (mais la France étant pour beaucoup d’étasuniens un pays de type soviétique, une queue c’est dans l’ordre des choses). Donc, petit à petit, le magasin s’emplit pendant que l’étasunienne poursuit son travail de sape auprès de la charmante et inexpérimentée vendeuse. Alors moi qui ne tiens pas en place, pour patienter, je cherche mon bonheur en fouinant dans les recoins de la vieille boutique. Et là, je tombe sur le vin du mois SAUVEUR à un prix canon : 3€.
Bonne pioche, je me saisis d’un flacon. Je le tripote. Belle présentation : étiquette classe avec un beau cheval blanc qui broute paisiblement. Cependant mes vieux yeux peinent à décrypter le bas de l’étiquette pour savoir d’où provient ce vin. C’est vin de table, dénomination revendiquée de plus en plus comme un espace de liberté par les vignerons inventifs, ce qui vous le savez, n’est pas pour me déplaire. La pouffe étoilée poursuit son engeance et je raffute deux autres flacons à petits prix. Enfin la chieuse nous quitte après avoir exigé qu’on emmaillotât ses boutanches. Je patiente encore car je suis en seconde position mais le couple qui me précède sait ce qu’il veut. C’est mon tour. Je tends mes 3 quilles à p’tit prix. A côté de la caisse j’aperçois une bouteille de dégustation de mon vin à quat ‘sous la livre. Sauvé par Sauveur – facile, je sais ! - je me sers, je fais les figures imposées et je suis étonné de la fraîcheur et du fruit de mon vin à quat ‘sous la livre. Tout en payant je tire les vers du nez de la jeune vendeuse débordée : elle me dit que c’est le petit frère d’un vin de château du côté de Bordeaux : c’est www.vignobleslandeau.fr
De retour at home je ponds une petite bafouille électronique aux vignobles Landeau pour en savoir plus sur ce mystérieux Sauveur. Et je reçois une réponse qui me met le rouge au front mais qui me ravit car c’est franc et direct :
« Nous sommes en vendanges et je n’ai pas trop de temps. Sauveur est un vin construit comme vin de soif, où le nom de Vin de table ne me choque pas. L’idée première était de proposer un vin simplement savoureux à un prix léger pour les gens peu fortunés…Et finalement ce sont les grands amateurs financièrement à l’aise, qui se régalent de ce vin. On prend quand même … !! Issu de jeunes vignes, macération très courte voire inexistante, capter le fruit et mise en bouteille après six mois. Je reviens vers vous plus tard. Meilleures salutations. Xavier Landeau.
J’ai localisé le domaine : il est sis à Saint-Vincent-de-Paul dans l’Entre-Deux-Mers, donc ce Sauveur est un petit bordelais à quat ’sous la livre. Sans vouloir tirer la couverture à nous : c’est un vin très Cap 2010. Sympa, attrayant et qui démontre que dans notre beau pays, Bordeaux y compris, sortir des sentiers battus est à notre portée. Bref, comme je suis très canaille j’ai servi ce Sauveur à des « qui ont une dent contre les vins de Bordeaux… » (C’est très tendance). Ils ont adoré. Un détail le millésime est indiqué sur le bouchon : 2009 mis en bouteille au château - vignobles Landeau. Vous allez me rétorquer que ce Sauveur n’est pas un Bordeaux. J’en conviens mais il n’empêche qu’il y ait né, que c’est un petit fil rouge tendu à tous ces petits nouveaux pleins de préjugés. Bravo donc à Xavier Landeau pour ce Sauveur de Saint-Vincent-de-Paul.
J’aurais pu en rester là mais ce patronyme : Sauveur, ce cheval blanc broutant sur l’étiquette me turlupinaient. Et si Sauveur était le nom de ce meilleur ami de l’homme ? Je pose la question et c'est bonne pioche :
Bonjour,
Oui Sauveur est le nom du jeune percheron que nous avons été sauvés dans le Vendômois, pour servir de compagnon au cheval de ma fille. Aujourd’hui je l’ai confié à un centre hippique pour le former au trait. Quelques photos de sa jeunesse au milieu des vignes. Cordialement.
Merci Xavier Landeau de m’avoir permis de conter à partir d’un p’tit vin à quatre sous la livre la belle histoire de Sauveur sauvé d’une destinée, sans doute bouchère, par vous et qui va vivre sa vie de travailleur des vignes du côté de Saint-Vincent-de-Paul. Je dédie cette histoire à toutes celles et ceux qui nous noient sous des communiqués de presse incolore, inodore et sans saveur. Dans notre monde du vin les belles histoires ne se ramassent pas à la pelle, il suffit de se pencher pour les ramasser une à une…