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23 février 2011 3 23 /02 /février /2011 00:03

Et pourtant bien avant de vous noyer ici même sous la pluie fine de mes mots, le déluge diront certains, Dieu sait que j’ai commis – normal pour un Grand Commis de l’État : j’adore cette appellation car je ne me souviens plus quand je me suis gagé pour le compte de ce gars-là – des brouettés de « gros mots » sur Bordeaux. Pas la ville aux Chartrons délaissés mais ses environs pleins de châteaux où, comme vous le savez, il est de bon ton de ne pas mélanger les torchons avec les serviettes. S’il y avait eu une place de Grève en lieu et place de celle des Quinconces les maîtres du « troupeau » de l’époque m’y auraient bien vu exposé publiquement à la vindicte populaire. Mais, si puis dire, la roue a vite tournée et je fus l’invité de tous les plateaux, colloques, assemblées générales, numéros spéciaux (1), de la ville de Bordeaux en grands travaux. J’eus pu en tirer une légitime satisfaction, peser sur la tête repentante de certains, me payer la tronche d’autres, non je continuais mon petit bonhomme de chemin. L’essentiel était ailleurs et les analyses, même jugées pertinentes, ne font pas forcément une bonne politique si les intéressés eux-mêmes ne s’en emparent pas.

 

Bref, aux premiers temps de cet Espace de Liberté je me penchais souvent sur les écrouelles du Géant Malade comme le montrent ces deux chroniques « Mes biens chers frères » link  et « Victime du système » link Si vous ne souhaitez pas lire ces 2 chroniques je vous signale que la première avait trait à un document de réflexion d'un groupe de travail réuni autour du cardinal Ricard  Archevêque de Bordeaux Evêque de Bazas : «  La crise viticole n'est pas une fatalité ». Il était daté du 5 mai 2006 et la seconde était un extrait du témoignage de Jean-Luc D recueilli par Catherine Mousnier dans le Paysan Vigneron revue régionale viti-vinicole des Charentes et du Bordelais  N° de janvier 2007 consacré à la Crise des vins de Bordeaux : Une prise de conscience collective.  Le temps passant bien sûr je m'en retournai à Vinexpo que je fréquentais en y allant à vélo, je me pointais  même dans les châteaux pour le faire le beau en primeurs, même qu'on m'invitait à l'AG d'une ODG. Le maire de Bordeaux répondait à mes 3 Questions alors que Bordeaux fêtait le vin link 

 

Comme je ne vais pas vous infliger l'énumération de toutes mes chroniques bordelaises j'en reviens à l'objet de celle-ci : pourquoi ne ratiocinai-je plus sur les heurs et les bonheurs de notre vignoble amiral (au sens du vaisseau) ? Il faut que je vous avoue qu'une fois que je me fusse posé la question et que je l'eusse couchée en titre, aucune bonne ou mauvaise raison de cette abstinence ne vint exciter mes neurones fatigués. Tout irait-il dans le meilleur des mondes à Bordeaux ? Ce serait faire injure à ceux des vignerons qui sont dans la difficulté que de répondre oui. Cependant, à propos de monde à Bordeaux, sans vouloir ironiser, y'en a bien au minimum trois qui se côtoient sans toujours vivre ensemble. Pour me dédouaner je pourrais écrire, l'air pincé, que plus personne ne m'invite à gloser, à délivrer mes oracles éclairés. Trop facile, et de plus inexact car si j'en avais le temps je pourrais aller éclairer la lanterne d'un Président. Alors, pourquoi diable cette disette ? Avant de répondre je dois confesser l'inavouable : je voulais un jour placer dans un titre de chronique le verbe ratiociner, couper les cheveux en 4, et ce fut l'occasion lorsque l'idée me vint de m'interroger sur mon abstinence bordelaise. Comme je déteste les ratiocineurs c'était une façon pour moi de pratiquer l'auto flagellation.

 

Certains ironiserons que si je ne coupe pas les cheveux en quatre en revanche je délaie un tantinet la sauce pour masquer le vide sidéral de cette chronique. Détrompez-vous, même si ce ne fut pas une position réfléchie, volontaire, mon abstention est le fait d'un besoin de prendre de recul, de la distance, d'observer. En effet, le 19 juillet 2010, lors de sa dernière AG, a présenté un plan nommé « Bordeaux demain » pour redresser la situation économique de la filière. En effet, je cite « La filière vitivinicole bordelaise a souffert ces dernières années d’une baisse des prix en grande distribution – y compris sur des marchés comme les Pays-Bas ou l’Allemagne – et d’une baisse des ventes en restauration. Ses parts de marché ont reculé en France et à l’exportation. La « marque » Bordeaux elle-même « s’abîme ». De nombreux opérateurs sont en situation précaire. Parmi les raisons évoqués l'«impasse » des modèles « de production et de vinification », des problèmes de transmission d’exploitations, des produits qui ne sont pas en phase avec les attentes des consommateurs et des soutiens bancaires incertains. Pour autant les professionnels croient « aux opportunités du marché actuel et a dressé un plan pour permettre à la filière, d’ici 5 à 8 ans, de « réaliser un chiffre d’affaires de 4,6 milliards d’euros et commercialiser 6,3 millions d’hl », en développant ses ventes notamment en Chine, États-Unis et Royaume-Uni. » en resserrant la gamme autour de trois segments et en supprimant les vins dont les « niveaux de qualité » ne sont pas « cohérents avec l’image de la marque ». Et de conclure « qu'à moyen-long terme, le volume des vins basiques bordelais devra reculer. »

 

Ce plan est très complet. Je l'ai lu et analysé. J'ai eu le projet d'écrire sur le sujet et puis je me suis ravisé. Quelle légitimé aurais-je à venir mettre mon grain de sel dans un processus bien calibré, bien formaté par des hauts spécialistes jugés bien plus aptes que moi à déterminer la stratégie et à conduire la manœuvre ? Aucune ! Comme je sais parfois être sage j'ai gentiment rangé mes petits outils dans leur mallette pour me consacrer à d'autres occupations. Voilà, vous avez la réponse à une question que vous ne vous posiez même pas mais que je me devais de me poser car Bordeaux reste Bordeaux et la maison Berthomeau, qui ne rechigne jamais devant le boulot, va se réveiller un de ces quatre et faire un retour en force, sans passer en force, au pays des châteaux... Si d'ici là quelques bordelais ou bordelaises veulent venir s'exprimer sur mon petit espace de liberté ils seront les bienvenus. Bonne journée à vous tous.

 

(1) Extrait du N° Spécial Sud-Ouest Aquitaine Eco : Vins d’Aquitaine des Trésors à défendre d’octobre 2003 où j’occupais une belle surface dans le Gotha du tonneau des châteaux de Bordeaux  et en plus j’avais droit à l’Appellation que j’adore « Haut Fonctionnaire »

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commentaires

G
<br /> <br /> Mon post avait entre autres objectifs celui de créer la polémique sur un thème qui s'y prête : Bordeaux. Il me semble que cet objectif est atteint.<br /> <br /> <br /> En ce qui concerne la réponse de Luc Charlier, qu'il se rassure, je ne me sens pas personnellement attaqué et j'apprécie au contraire sa franchise. Ces commentaires sont bien là pour partager des<br /> points de vue différents non ?<br /> <br /> <br /> Quelques éléments pour expliquer ma position et répondre à Luc.<br /> <br /> <br /> 1- concernant l'anecdote et la personne qui me l'a racontée. Je maintiens que cette personne est bien un grand connaisseur et professionnel. Comme il n'y a pas besoin d'être professionnel pour<br /> être connaisseur mais qu'être professionnel confère tout de même une certaine légitimité, j'ai tenu à préciser qu'il était les deux. Autrement dit, une personne qui fait du vin, connait le vin<br /> bien au delà des frontières bordelaises, et l'apprécient amoureusement.<br /> <br /> <br /> 2- sur le fond, il est vrai que mon commentaire était "bordelo centré" ! Mais il me semble que c'était bien le sujet de l'article non ? Je n'ai aucunement prétendu donner une quelconque leçon à<br /> portée universaliste mais au contraire apporter une contribution assez simple (et donc forcément un peu simpliste) au malaise des vins de bordeaux.<br /> <br /> <br /> 3- certes les CC du Médoc ou d'ailleurs ne sont pas toujours excellents et le fait d'être CC ne signifie pas de facto être un bon vin. J'ai quand même un certain respect pour le marché et quand<br /> un produit se vend cher sur une certaine durée c'est qu'il est nécessairement d'une certaine qualité. Autrement dit on ne trompe pas le consommateur bien longtemps ! Cependant la question qui se<br /> pose est : pourquoi les CC se vendent-ils si chers pour la plupart ? et pourquoi des vins d'une qualité comparable se vendent-ils beaucoup moins chers ?? et pourquoi tant de producteurs de vins<br /> d'un très bon rapport qualité / prix ont ils du mal à boucler les fins de mois ?<br /> <br /> <br /> Ma réponse n'est qu'un élément de réponse, ou tout au plus un élément de réflexion. Elles concernent justement ce que vous appelez les "overheads". Ce "overhead" correspond justement à l'essence<br /> même d'une marque. Pourquoi acheter plus cher un produit d'une qualité comparable à un autre ? En raison de sa notoriété, du statut qu'il vous confère. C'est la valeur créée par la marque.<br /> L'anecdote que je décris souligne donc ce point. Pour durer, il faut que les bons vins gagnent en notoriété, que leur marque (individuelle ou collective ? c'est un autre débat) créée de la<br /> valeur. C'est tout l'enjeu du plan bordeaux .... on en revient au point de départ !<br /> <br /> <br /> <br />
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L
<br /> <br /> J’ai dû lire 3 fois l’anecdote de Gilles B., pourtant bien exposée, ce qui prouve ce que je savais déjà à mon sujet: même les<br /> individus moyennement intelligents au départ deviennent plus cons en vieillissant. Attention, Jacques, nous sommes en danger ! Finalement, je pense avoir compris le sens : un vin, même<br /> bon, qui n’atteint pas le prix d’un CC du Médoc, ne pourra pas se maintenir à ce niveau de qualité car les coûts liés à la production d’un tel vin sont trop élevés. Il y a une logique interne à<br /> ce raisonnement mais je m’inscris totalement en faux contre lui. En outre, il traduit un centrage bordelais dont seuls les membres de ce microcosme ne perçoivent pas le côté artificiel et décalé.<br /> Or, je ne sais pas si Gilles B. évolue dans ces sphères. On ne va pas faire dans le gougnafier et le simplisme, genre anti-Bordeaux primaire. Donc, je vous donne les deux raisons, sans<br /> développer plus avant : elles invalident l’anecdote à elles seules.<br /> <br /> <br /> 1) Celle-ci présuppose la qualité inhérente et intrinsèque des « grands vins » de Bordeaux, une affirmation que de moins en<br /> moins de gens sont en mesure de soutenir et qui est INDEMONTRABLE – qu’on soit de bonne ou de mauvaise foi.<br /> <br /> <br /> 2) Elle attribue ipso facto à la production de bons vins un coût extrêmement élevé. Je ne nie évidemment pas qu’obtenir une<br /> quantité raisonnable de raisins sains et mûrs coûte plus cher que de laisser pousser un océan de raisins viciés. Mais il y a une limite à ce coût incompressible, tout le reste sont des<br /> « overheads » dont on peut se passer.<br /> <br /> <br /> Je m’attends – présomption de ma part – à une série de réactions toutes plus convenues les unes que les autres et non-étayées, ou à<br /> l’indifférence la plus totale. Dans les deux cas, j’en resterai là, Jacques : mars approche et c’est le moment de tailler les grenaches, j’en ai 5 hectares à faire. N’y vois aucune lâcheté,<br /> il y a simplement des priorités.<br /> <br /> <br /> En guise de révérence (oui, avec « f », car je la tire), un petit commentaire cette fois, pas une réfutation : pour<br /> Gilles, les « spécialistes » sont les oenologues, négociants, producteurs et il tient son anecdote d’un « grand connaisseur et professionnel ». Je ne manie évidemment pas<br /> parfaitement votre langue, mais c’est ce qu’on appelle « l’argument d’autorité », je pense.<br /> <br /> <br /> Gilles, ce post te contredit, bien sûr, mais ne constitue pas une attaque personnelle. Ce que tu as écrit se situe réellement à<br /> l’opposé de tout mon perçu et de tout ce à quoi je crois et aspire, c’est donc pour cela que je veux, non pas combattre tes affirmations, mais proposer une autre vision. Et la définition d’un<br /> professionnel est bien « quelqu’un qui gagne de l’argent avec telle ou telle chose ou activité ». Cela n’a rien à voir avec un<br /> connaisseur !<br /> <br /> <br /> <br />
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T
<br /> <br /> - le "basique" (par opposition au fun, exploratoire et art) est il condamné à Bordeaux ?<br /> <br /> <br /> - le plan Bordeaux est il aussi ambitieux pour le négoce que pour la viticulture ?ah bon! ya un plan<br /> <br /> <br /> - les chinois vont ils sauver Bordeaux ?Non<br /> <br /> <br /> - y a t'il trop de vins à Bordeaux ?oui ou pas assez de commercialisation, ça dépend du point de vue<br /> <br /> <br /> - Le problème de bordeaux est il un problème de qualité ?oui, et cela va pas aller en s'arrangeant<br /> <br /> <br /> <br />
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G
<br /> <br /> PS : votre photo en en-tête de ce blog me fait incroyablement penser à l'acteur américain John MALKOVICH<br /> <br /> <br /> <br />
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J
<br /> <br /> Lire dans la peau de John Malkovitch http://www.berthomeau.com/article-7016754.html<br /> <br /> <br /> <br />
G
<br /> <br /> Il s'en passe des choses à Bordeaux ! Et les sujets de chronique ne manquent pas !<br /> <br /> <br /> Comme je ne suis pas capable, et ce serait de toute façon une gageure, de vous livrer une analyse exhaustive de la situation dans les quelques lignes imparties aux commentaires, je vous propose<br /> bien modestement quelques sujets :<br /> <br /> <br /> - le "basique" (par opposition au fun, exploratoire et art) est il condamné à Bordeaux ?<br /> <br /> <br /> - le plan Bordeaux est il aussi ambitieux pour le négoce que pour la viticulture ?<br /> <br /> <br /> - les chinois vont ils sauver Bordeaux ?<br /> <br /> <br /> - y a t'il trop de vins à Bordeaux ?<br /> <br /> <br /> - Le problème de bordeaux est il un problème de qualité ?<br /> <br /> <br /> etc etc ...<br /> <br /> <br /> Pour finir, une petite anecdote qui me semble intéressante à méditer. Elle n'est pas de moi mais d'un grand connaisseur et professionnel du vin en général et du bordeaux en particulier.<br /> Savez vous comment faire la différence, à Bordeaux, entre un grand, un bon et un petit vin. Prenez un vin de bordeaux de bonne qualité, acheté 7-12 € chez un caviste. Faites le goûter à<br /> l'aveugle par un jury de spécialiste (oenologues, producteurs, négociants...) autour de 4 crus classés (pas des premiers mais des bons 3èmes...) que vous avez évidemment payé au minimum 3 ou 4<br /> fois plus cher. Si le jury reconnait l'intrus, c'est un petit vin dont l'avenir est bien incertain. Si le jury ne parvient pas à identifier l'intrus, c'est que c'est un bon, équivalent à un<br /> grand vin par son prix de revient mais pas par son prix de vente. Le problème est que ce bon vin aura naturellement tendance à glisser vers la catégorie inférieure car son prix de vente ne permet<br /> pas la plupart du temps d'assurer la survie à long terme de l'exploitation... Question : comment amenez les bons vins dans la catégorie des grands vins ....?<br /> <br /> <br /> <br />
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J
<br /> <br /> Attendez mardi prochain<br /> <br /> <br /> <br />

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