Comme vous pouvez le penser, la hantise de la page blanche hante les nuits sans sommeil du pauvre chroniqueur bi-journalier. Vais-je un jour être en panne d’inspiration se dit-il en se rongeant les sangs ? Comment ferais-je le jour où surviendra la panne sèche ? Malheureusement comme il n’existe pas de Viagra pour l’inspiration il lui faudra alors se rabattre sur les agences de communication qui, chaque jour que Dieu fait, entendent pourvoir à son alimentation. Bien sûr, c’est du tout préparé, même pas besoin d’un micro-onde, tu manies ta souris et en trois coups de cuillère à pot t’as fait le boulot.
Mais, à force de passer son temps devant son écran, dans l’ombre d’un bureau tout gris, le chroniqueur manque de couleurs, faut le sortir, le transbahuter en TGV, le promener, l’oxygéner, le cultiver, le substanter, le coucher, ça s’appelle dans le jargon organiser un voyage de presse. Je ne critique pas même si moi je n’en fais pas. Pourquoi ? Tout bêtement parce que je n’aime pas ça.
Ceci écrit les gens du Luberon m’ont soumis à une odieuse et perverse tentation puisqu’ils m’ont mis sous le nez un programme baptisé « INSPIRATIONS ». Sont forts les vignerons du Luberon de venir à mon aide en me proposant des sources d’inspiration puisque c’est au pluriel. Imaginez-vous votre sémillant Taulier rentrant encore plus bronzé de son après-midi passé au bord de la piscine de l’hôtel de la Bastide à Lourmarin, tout revigoré par ses marches dans les vignes du château Fontvert, qui face à son clavier pourrait vous tartiner vite bien fait sur le gaz deux chroniques dans le genre critique sur France-Culture et France-Musique :
1- De Cézanne à Matisse où serait abordée la question de la forme avec Cézanne, « père » de l’art moderne tel que le considéraient Braque, Matisse ou Picasso. Les termes de « forme » et de « couleur », qui peuvent paraître opposés, se trouvent intimement mêlés dans une complémentarité révélée par Cézanne : « quand la couleur est à sa richesse, la forme est à sa plénitude ». Le Midi est aussi un lieu de villégiature pour les artistes liés au mouvement dada et au surréalisme. Avec en chute une belle tirade sur l’émergence d’une nouvelle écriture qui mène aux différentes formes de l’abstraction lyrique ou géométrique : Miró, de Staël, Van Velde...
2- A La Roque d’Antheron Parc Du Chateau De Florans le pianiste BEHZOD ABDURAIMOV lauréat du Concours de Londres en 2009, jeune pianiste ouzbek Schubert : Sonate n°15 en la majeur D. 664 Beethoven : Sonate pour piano n°23 en fa mineur opus 57 "Appassionata" Chopin : Fantaisie en fa mineur opus 49 Liszt : Bénédiction de Dieu dans la solitude Liszt/Saint-Säens/Horowitz : Danse macabre.
« Behzod Abduraimov n’a que 22 ans, mais se produit sur scène depuis l’âge de 8 ans et a donc des idées très arrêtées sur certaines œuvres. «Le n°1 de Tchaïkovski a beau être ultra célèbre, les orchestres ont toujours des problèmes aux mêmes endroits, notamment dans le troisième mouvement», explique-t-il en début de soirée, ajoutant : «Je ne fais que suivre la partition, mais on a chacun notre idée du rubato et c’est mieux si l’on s’y prépare en répétition.»
« J’adore Beethoven, j’aimerais apprendre la sonate Hammerklavier et les cinq concertos. Mais ce ne fut pas toujours le cas. Après avoir appris l’opus 109 à 13 ans, je n’ai plus jamais joué de Beethoven, car je n’étais pas à l’aise avec sa musique. Ses sonates sont intimidantes, très orchestrales. Si on les transcrivait, ça ferait des symphonies géniales»
Vous pouvez facilement comprendre mon immense désarroi face à la perspective de si beaux appâts culturels. J’aurais frisé l’extase, une forme de jouissance vive et intense, irrépressible, de destruction massive. Je me demande même si après de tels ravages j’eus pu me livrer à mes habituelles digressions sur l’excellence des vins du Luberon. Peut-être qu’après le pique-nique à Marrenon, soit du côté de la Tour d’Aigues, ayant enfin repris mes esprits, pas vrai Jean-Louis, j’aurais commis la folie de commettre une troisième chronique en ce 25 juillet fête de mon saint patron : Jacques le Majeur.
Même si les voyages forment la jeunesse et égaient la vieillesse, j’irions point du côté de Lourmarin chercher mes Inspirations. Adieu donc chroniques en chapelet, je me contenterai de besogner du côté du boulevard Saint-Jacques en compagnie d’un Amoutanage du Luberon.link