Ce texte, simple coup de cœur personnel, publié ailleurs et rapatrié sur mon blog aujourd’hui pour en assumer seul la responsabilité ne donne aucune leçon à qui que ce soit. J’y exprime ma joie loin des bisbilles franco-françaises. J’y exprime aussi ma honte d’un silence assourdissant face à un pouvoir qui fait tirer sur son peuple. Je m’incline devant le courage des gens de peu. La joie dimanche soir de mes 2 épiciers tunisiens du Boulevard St Jacques m’a ému, surtout lorsque l’un d’eux à découvert que pour la première fois de sa vie il allait voter « pour de vrai ».Lire ma chronique sur le Vin de l'épicier du coin link
Vendredi soir je sortais du métro à Saint Placide, il pluviotait. Tout en haut de l’escalier un jeune homme me sourit et me dit «C’est un beau jour monsieur!» Je lui réponds «oui» sans hésiter car je le prends pour un jeune Tunisien – en fait il me dira être marocain – nous conversons. Du bonheur, de l’espoir, beaucoup d’intelligence, le dictateur, comme l’écrira Joffrin, n’était «qu’un pleutre et quand le peuple insurgé lui a signifié son congé, il est parti la queue basse». Je ne sens pas très fier de mon pays, du moins de ses représentants officiels qui, comme ceux qui ont tenu ce régime pourri à bout de bras au nom de la realpolitik, et j’ai honte comme l’écrit Jacques Camus dans La République du Centre «Cela a tout de même duré 23 longues années, marquées par un silence dont nous devrions avoir honte».
Alors j’espère que vous comprendrez que ce lundi, au lieu de vous raconter des histoires de vin, je préfère lever mon verre à la santé de mes amis tunisiens libérés du joug d’un régime féroce, prévaricateur, aux mains couvertes de sang, menée par une clique de profiteurs, en formant des vœux pour que le peuple tunisien, si accueillant, si joyeux, si émancipé – les femmes surtout – puisse prendre son destin en mains, vivre librement, et bâtir son destin. Je m’incline respectueusement devant la dépouille mortelle de Mohamed Bouaziz, 26 ans, vendeur ambulant à qui une police corrompue avait saisi sa charrette, qui en transformant son corps en torche humaine a allumé l’incendie qui a mit en fuite l’indigne successeur de Bourguiba. Le désespoir des gens de peu, leur sacrifice, leur courage me remettent à ma petite place de petit homme. Je les salue et leur tend la main au-dessus de la Méditerranée qui nous unit de liens d’amitiés et de destin commun