Le Bordeaux d’Alain Juppé lui ressemble : ordonné, toujours un petit peu froid mais placé par lui sur une belle trajectoire conjuguant son histoire avec le XXIe siècle. Ce lundi, en deux coups de tram, me voilà à la Cité Mondiale du Vin. Le soleil est au rendez-vous. J’ai garé mon vélo (pas celui de la photo d’hier, un moderne) près de la porte de Pessac pour la suite de mes aventures. Au dernier étage de l’hôtel Mercure, comme j’arrive pile poils à l’heure dite, la ruche des femmes vigneronnes s’affaire pour m’accueillir, pardon pour recevoir les plus beaux nez du vin. Face à 72 femmes je me sens désarmé. Que faire ? C’est trop pour un seul homme. Les satisfaire toutes m’épuiserait. Choisir ? Inélégant. Prendre un parti. Je réfléchis. Ce sera celui du blanc de femme.
Mon dévolu je le jette sur la N°51 : Magali Couvignou&Delphine Combard du domaine St André de Figuière www.figuière-provence.com . Sa cuvée – en blanc bien sûr – confidentielle 2008, un pur Rolle, une petite merveille de fraîcheur, une friandise matinale aux fragrances qui m’enchantent. Bien évidemment mes neurones connectent Rolle et Michel Smith Post-it de Michel Smith : Rolle, pigeon, truffe… Rolle Over Provence ! http://www.berthomeau.com/article-29526441.html . Nous levons notre verre à la santé de Michel et aux bons vivants, premier accroc matinal à ma blanche résolution, je goûte la cuvée rosé confidentielle 2008 c’est un Lalonde. Very Good ! Comme diraient nos djeunes : « pas de soucis… » pour notre rosé national avec de tels représentants. Bref, si je continue à ce rythme mes exploits cyclistes resteront dans les annales de Bordeaux au même titre que celui d’Anquetil dans Paris-Bordeaux.
À ce stade de ma chronique je me dis : si je déballe tout ce que j’ai en magasin je risque de lasser. Que faire ? Tout d’abord vous confier que, même en ne ciblant que les blancs, je sentais bien que j’étais présomptueux. Alors dans ma petite Ford intérieure je décidai de zapper les bourguignonnes, non que je les snobasse, mais tout bêtement parce la Bourgogne n’a nul besoin de mes petites écritures pour exister et que ça me permettait de tenir dans le créneau horaire que je m’étais imparti. Mon parti était pris : la Vallée du Rhône puis le Languedoc pour finir sur l’unique champenoise et zou ! Concentré, sans me laisser aller à mon goût immodéré pour le papotage j’ai, au mieux de mes possibilités de dégustateur cycliste, engrangé pour la suite de mes aventures une bien belle liste de domaines. Laissez-moi le temps de mettre de l’ordre dans mes notes et vous aurez droit à des chroniques sur ces beaux blancs du Sud. Je dois avouer que j’ai été bluffé. Je dirais même réconcilié avec ces vins blancs du Sud qui égrènent : Roussane, Marsanne, Viognier, Bourboulenc, Grenache blanc…etc. Bonne pioche donc.
L’heure tournait. Cap sur la champenoise, qui est auboise, Lucie Cheurlin du domaine L&S Cheurlin www.champagne-ls.com . Elle travaille en viticulture intégré et naturelle. J’ai adoré son Brut 2006 Coccinelle&Papillon, 50% Chardonnay et 50% Pinot Noir avec ses demi/bulles et son faible dosage. Excellent dopant pour l’amateur de vélo à Vinexpo que je suis. Tout en me gavant de bulles je sentais bien que les voisines alsaciennes de la champenoise m’attendaient au virage. Je cédai donc à leurs avances avant d’aller me restaurer au buffet. Tout est dans mon disque dur mais pour l’heure il me fallait des sucres lents : des pâtes et, par bonheur, le buffet proposait une belle salade de pâtes au pesto. C’était sans compter sur l’œil exercé de Marie-José Bireaud du Domaine les Hauts de Riquets www.domainelesriquets.com . Les Côtes de Duras par son entremise m’avaient reçu après mon rapport. Souvenirs, souvenirs… Je déguste donc sa cuvée R de fête 2008. Oui ce matin c’est vraiment la fête, ces dames ont mis les petits plats dans les grands. Moi je suis en retard sur mon planning je vais courir derrière l’horloge. Avant de partir, pour compléter ma ration de sucres lents je bois un excellent Rasteau 2007 Cuvée « La Souco d’Or » de Marie-France Masson. Très beau vin et très beau sourire.
Quelques abricots en poche je pédale vers le château Luchey-Halde où se déroule la première rencontre des vignerons blogueurs. Le plan fournit est minimaliste. Je sens que je vais me perdre. Par bonheur une ligne de tramway suit le parcours. Je longe l’hôpital Pellegrin. En face, des petits commerces fleurs&couronnes, c’est gai. Je doute. Un pompier me rassure, ses indications sont précises. Je passe sous le pont de chemin de fer et… Je pédale gaiement. La piste cyclable se subdivise comme le delta du Rhône. Bien sûr aucune indication : le cycliste a un GPS dans la tête. J’me perds ! Un monsieur à chien me rassure j’y suis presque. Enfin la première pancarte Luchey-Halde. Belle bâtisse du Ministère de l’Agriculture : c’est l’ENITA de Bordeaux. Je gare mon vélo devant. De charmantes demoiselles en blanc m’accueillent. Je retrouve Francis Boulard et quelques membres de l’ABV. Dégustation. Restauration : un gâteau excellent. Mon carnet de notes déborde. Je repars vers le Lac pour rejoindre Vinexpo.
Dans ma petite tête de chroniqueur pédaleur je ne peux m’empêcher de me dire que si Vinexpo existe c’est pour rassembler sur un même plateau les vins de notre vaste monde et que tous ces off c’est bien mais ça ne nous facilite pas la tâche. Moi j’aurais bien aimé aller partout mais la perspective de passer des heures le cul dans une bagnole, cul à cul, avec d’autres réchauffeurs de la serre ça n’est pas très écologique. Bien sûr, le m2 de Vinexpo n’est pas à la portée de la première bourse venue mais il serait intéressant que les mouvances diverses et variées se concertassent pour nous offrir sur un même plateau, pas trop éloigné de Vinexpo, un off communautaire avec grillades le soir et groupe de rock pour teuffer le soir au clair de lune avec les belles vigneronnes. La fête quoi ! Moi je pourrais ainsi, avec mon petit vélo, honorer de mon auguste présence – je m’achèterai des pinces pour faire chic – toutes ces intéressantes manifestations. J’arrive cette fois-ci du côté de la passerelle. Je traverse le lac sous le soleil avec un léger roulis sous le pied. Avec mon retour du soir vers Bordeaux je me serai enfilé une bonne vingtaine de kilomètres à vélo. Pour un senior c’est pas mal : vive les papy-boomers, surtout ceux qui aiment les femmes…