Le plus long fleuve italien ICI
J'aime beaucoup les polars de Valerio Varesi... Chronique dédié à un Crémonais occasionnel...
Notre ami Soneri est envoyé par son chef caractériel et pas bien malin, surveiller des pêcheurs/braconniers d’origine étrangère (hongrois, russes, ukrainiens …) sur les bords du Pô. Les habitants s’en plaignent, ils pêchent des silures, campent, font du bruit, et puis, ils ne sont pas d’ici. On imagine facilement avec quel zèle Soneri va transformer ça en balade dans le brouillard le long d’un fleuve en crue, avec arrêt dans une bonne auberge.
« Tu l’aimes, toi, cette société où les arrogants et les malhonnêtes dirigent les gens bien ? où les pires gouvernent les meilleurs ? où la méchanceté est toujours victorieuse ? Tu l’aimes ce monde où tout s’achète ? La justice, la respectabilité, le droit d’être aux commandes ? (…) Tu le sais ou tu le sais pas que tu es payé par ceux qui font les guerres et qui affament les peuples ? »
Le ton est donné par cet ami de Soneri qui vit sur une maison flottante et écoute Verdi à plein volume sur le fleuve déchaîné. Un fleuve qui est de nouveau l’un des personnages principaux du roman. Mais un fleuve à l’image du moral de Soneri : gavé de pollution et de saloperies. Un fleuve qui sent la mort, littéralement, et que même une belle grosse crue a du mal à nettoyer.
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Valerio Varesi exhume les macabres secrets d’un fleuve indocile ICI
LIVRES
Un petit tour sur les berges du Pô, ça vous tente? Valerio Varesi et son commissaire Soneri nous servent de guide dans «La Maison du commandant»
Le Pô pue! Par temps de crue, son lit sent la charogne, les déchets innommables, la pourriture et la mort. Des exhalaisons méphitiques qui littéralement empreignent comme un signe du destin l’atmosphère et les pages de La Maison du commandant, le dernier polar traduit en français de Valerio Varesi, un livre qui date de 2008.
Fragile et déstabilisé jusque dans son amour pour la pétillante Angela, doutant plus que jamais de la possibilité, voire de la légitimité, de faire appliquer la loi, le commissaire Soneri lui-même s’interroge sur la signification de «ces odeurs qui le persécutaient depuis le début de l’enquête». Rassurez-vous, cela ne l’empêche pas de partager avec vous son amour inconditionnel pour les magiques paysages de brume et d’eau de la Bassa, cette plaine du Pô qu’il connaît par cœur et où il sait, comme personne, dénicher le petit bistrot qui fait à merveille les anolini au bouillon, les tortelli aux blettes ou les tripes. Le tout arrosé d’un bonarda, «un bon vin charpenté qui vous console comme une grosse femme».
Pétarade inattendue
Tout commence d’ailleurs par une course-poursuite épique et, à sa manière, passablement alcoolisée. «Dans la lumière citrine» d’un début d’après-midi, notre commissaire parmesan enquête mollement sur un trafic d’armes censées circuler parmi des groupes de pêcheurs de silure, des anciens militaires slovaques et hongrois mal vus dans la région. Il n’y croit pas trop et, profitant de la balade, s’achète deux caisses de fortana de la dernière vendange, un vin nerveux qu’il faut ménager.
Or voilà que la bande dite «des distributeurs» vient de commettre un nouveau casse dans une agence de la périphérie. Envoyé par son chef sur la trace des voleurs, Soneri en oublie les bouteilles qui, dans son coffre, se mettent «à danser la samba». Après un brusque coup de frein et un zigzag improvisé sur l’asphalte, un premier bouchon saute, suivi de plusieurs autres. On imagine l’angoisse du collègue de Soneri qui suit la traque par téléphone et imagine qu’on vient de tirer sur le commissaire.
Fausses pistes à la pelle
Après cet épisode d’une indéniable drôlerie, la mort à son tour s’invite dans l’histoire. Deux cadavres sont retrouvés dans le même périmètre: un jeune Hongrois tué d’une balle dans la tête dans une peupleraie et un ancien partisan devenu garde-chasse, le commandant Libero Manotti, décédé de mort naturelle dans sa maison isolée, depuis quelque temps déjà. Y aurait-il un lien entre les deux hommes? Soneri est chargé de l’enquête. Sa tâche sera rude, car les indices sont minces et les fausses pistes nombreuses.
Et comme toujours chez Valerio Varesi, mais tout particulièrement dans ce polar-ci, c’est la société tout entière qui est mise en examen. Une comparution dont elle ne ressort pas grandie surtout quand, dans la peau de l’accusateur, se trouve l’intransigeant Nocio, un vieil ami de Soneri qui vit sur le fleuve dans une maison soutenue par deux chalands, et qui écoute La Force du destin de Verdi à plein tube quand les eaux du Pô se déchaînent.
Roman
Valerio Varesi
La Maison du commandant
Traduit de l’italien par Florence Rigollet
Agullo, 310 p.
Le film se nomme 1900. Mais son titre original, Novecento, « le vingtième siècle », paraît plus juste puisqu'il n'est jamais question ici de l'année 1900. Cette foisonnante saga débute à la mort du compositeur Giuseppe Verdi, le 27 janvier 1901, et s'achève le jour de la libération de l'Italie, le 25 avril 1945. Novecento est une œuvre d'une ambition folle, embrassant un demi-siècle d'histoire italienne, de conflits sociaux et de lutte des classes. Un film-fleuve de 5 h 18 divisé en deux actes (2 h 43 et 2 h 35) où le réalisateur Bernardo Bertolucci, décédé ce lundi 26 novembre, accomplit un tour de force cinématographique. Cette fresque sur l'éclosion du communisme et la montée du fascisme, qui ont déchiré son pays, se hisse au niveau d'une grande œuvre littéraire ou picturale.