- Et qu’est-il devenu ? demanda-t-il.
- Il est écrivain, répondis-je. Il écrit des romans.
- Il en écrivait déjà à l’époque. Mais personne ne voulait les publier.
- Maintenant c’est différent, dis-je. C’est un écrivain à, succès.
- C’est vrai ? Je m’en réjouis : j’ai toujours pensé que c’était un type qui avait du talent, en plus d’être un sacré menteur. Mais je suppose qu’il faut être un sacré menteur pour être un bon romancier, n’est-ce-pas ?
Javier Cercas
Écrire un roman, des romans, se glisser dans la peau d’un romancier, mentir, travestir, mêler, emmêler, démêler, fiction et réalité, étaler son érudition, laisser aller son imagination, n’être qu’un simple scripteur, imposer un style, être Guillaume Musso ou Robbe-Grillet, collection blanche ou P.O.L ?, passer à Apostrophes, bouffer de la vache enragée, n’écrire que sous l’emprise de la nécessité ?
Haruki Murakami se raconte et nous raconte sa drôle de profession : romancier ! L'auteur dévoile les ficelles de ses créations, s'interroge sur l'avenir du livre, et prodigue conseils et encouragements aux écrivains en herbe. Dans cet essai drôle et passionnant, il se raconte et porte un regard aussi rafraîchissant que sincère sur le métier de romancier. Tout en explorant ses plus chères obsessions et en distillant des réflexions sur la littérature, la lecture et plus largement la société japonaise, l'auteur dévoile les coulisses de son quotidien, où s'imposent persévérance, patience et endurance. Une œuvre généreuse et sensible qui s'adresse à tous ceux qui sont en quête de l'homme derrière le maître, mais aussi aux curieux ou aux écrivains en herbe en mal d'inspiration !
« Le romancier n'a pas pour rôle d'exposer des idées ou même d'analyser des caractères, mais de présenter un événement interhumain, de le faire mûrir et éclater sans commentaire idéologique, à tel point que tout changement dans l'ordre du récit (...) modifierait le sens romanesque de l'événement » Merleau-Ponty.
La langue vulgaire est d'abord utilisée pour raconter la vie des saints, mais très vite la fiction s'en empare. Le nouveau genre littéraire ainsi créé, « le roman », prend alors le nom de la langue qu'il utilise. Le sens courant du mot « roman » demeure assez longtemps celui de « récit composé en français », même si Chrétien de Troyes substitue à l'expression « mettre en roman » celle de « faire un roman », qui met l'accent sur son activité créatrice. Tandis que la chanson de geste est toujours populaire, la nouvelle génération, celle de Chrétien, fera la fortune du roman, qui triomphera finalement de l'épopée.
Au temps du papier, depuis Gutenberg, écrire, produire un manuscrit, le relire, le faire relire, le proposer à un éditeur, se le voir refusé, s’accrocher, ne pas désespérer ou céder au compte d’auteur, le reposter, espérer, et puis un jour peut-être le voilà édité, signé sous un pseudonyme, broché, diffusé, noyé dans le flot des nouveautés, souvent ignoré de la critique, acheté à quelques exemplaires, rejoindre le pilon...
Aujourd’hui, il est facile de mettre en ligne ses écrits, de les jeter sur la Toile, au jour le jour, c’est en accès libre, gratuit, et lorsqu’on prend le risque de publier sans le filtre d’un pseudo c’est ouvrir la porte à l’autocensure, « Je ne peux pas écrire ça, ceux qui me connaissent vont n’y voir que du vécu, de la réalité, c’est ce qui m’est arrivé lorsque j’ai relu l’épisode que je devais publier ce matin : Un baiser presque volé… « Dans la pénombre du couloir leurs corps se frôlèrent, il lui enserra la taille, elle se laissa faire. »
Censuré !
Alors est-ce bien raisonnable de continuer ?
Je crois que non…