C’est le 9ième !
Et pour moi le plus accompli, bien construit, « galerie de personnages hauts en couleur, des dialogues imprégnés de gai savoir et d'allègre insolence, de la force et de la fierté qu'affichent, comme dans tous les récits de Milena Agus, ses héroïnes féminines… »
Milena Agus, que je l’ai découverte grâce aux conseils de ma libraire d'Ajaccio. Totalement inconnue à la sortie de son premier livre en 2007 : Mal de pierres, grâce aux libraires et au public français elle va connaître un succès foudroyant qui va se propager en Italie. Elle est aujourd'hui traduite dans treize pays et vient de sortir son second roman Battements d'ailes. Succès mérité, ses romans sont de petits bijoux. L'écriture est sans afféterie, concise, ciselée, intense, je me suis régalé. Romans étranges, envoûtants, pleins de senteurs et de saveurs, de sentiments vrais, que l'on dévore d'une seule traite et qui vous font du bien à l'âme. C'est publié aux éditions LIANA LEVI
Depuis ce jour, j’ai guetté la sortie de ses livres dans la vitrine des éditions Liana Levi ICI, les ai acquis dès leur parution, lus et presque toujours chroniqué sur eux.
6 juin 2008
Vino di Tavola rosso di Sardegna biologico ICI
16 mars 2012
Sexe et Vin l’accord parfait : « Écarte les jambes. Mouille-toi le joni avec du vin et lèche tes doigts. Dis-moi quel goût ils ont. » ICI
29 janvier 2015
C'était toujours mieux que cinquante ans auparavant, quand les journaliers qui allaient vendanger se voyaient affubler d'une muselière pour les empêcher de manger le raisin. ICI
31 janvier 2015
Les sœurs Porro qui appelait les culottes « les premières » et les soutiens-gorge « les seconds » Milena Agus « Prends garde » ICI
22 mai 2016
SENS DESSUS DESSOUS : la vieillesse ne m’apparaît plus comme une ombre mais comme un éclat de lumière, le dernier peut-être. ICI
7 mars 2018
La Sardaigne, l’Aga Khan, le prix de l’Arc Triomphe, le Meurice, Milena Agus, Terres promises, le pecorino… ICI
À propos
«Tout est formidable dans cette radioscopie.» L’Express
«Milena Agus parle avec vitalité de choses graves et privilégie une écriture pétillante.» Télérama
«Sa tendre ironie fait des étincelles.» Le Figaro Magazine
«Une version très personnelle et drolatique de la mondialisation.» La Vie
«Un grand moment d’humanité.» Le Soir
«Un roman qui rend heureux.» Quatre sans Quatre
«Milena Agus réussit le miraculeux équilibre entre humour caustique ravageur et profonde humanité.» Le Maine libre
«Déjouant les clichés du choc des cultures, Milena Agus nous plonge dans un récit choral, aux allures de conte ou de tragédie grecque.» Page des libraires, Librairie Jeanne Laffitte Les Arcenaulx
«L’auteure réussit l’exercice difficile de transformer la grande et douloureuse question des migrants en une histoire simple, avec un regard tendre et décapant.» Il Manifesto
EXTRAITS
Sardo campidanese Sardu campidanesu |
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parlée | Italie |
régions | Sardaigne ( ville métropolitaine Cagliari Une partie du centre-sud Province de Oristano Province de Sardaigne Sud une partie du sud de la Province de Nuoro) |
… ou sur le fait que nous, les Sardes, nous sommes incapables de rébellion et qu’à cause de notre stupidité et de nos rivalités mesquines, l’île est toujours aux mains des spéculateurs étrangers ; que quand un Sarde a une idée, elle à jeter aux orties tandis que la dernière foutaise venue d’ailleurs est forcément un projet génial. Page 47
Et grâce à eux, nous qui en avions par-dessus la tête des moutons sardes, nous commencions à les voir d’un autre œil. Nous découvrîmes que nos moutons étaient magnifiques et que chaque troupeau composait un paysage différent. Certains étaient blancs sur le fond gris des pierriers, en route pour le pâturage, d’autres, des taches dorées à flanc de colline. L’un d’eux, solitaire, à l’écart de ses compagnons, nous observait. De loin, vous pouviez confondre certains troupeaux avec les floraisons printanières. Des brebis formaient une couronne autour de leur berger, qui procédait à la traite vespérale, d’autres, en chemin, traçaient des géométries le long des chemins de terre. Page 48
En filtrant la lumière, les tuiles brisées du toit créaient un clair-obscur semblable à celui des tableaux flamands que nous avions vus dans nos livres d’école ; à travers leurs trous, voilés de pans d’étoffe fine que le vent remuait, on voyait trembler les étoiles du ciel qui apparaissait, comme dans un planétarium, dans toute sa perfection et sa mystérieuse harmonie. Page 55
Nous, nous sentir bonnes nous faisait du bien, même si la vraie bonté est une toute autre affaire. Nous avions simplement eu la chance du bon larron crucifié à côté de Jésus, un individu de petite vertu auquel fut offerte une occasion inespérée de changer. Page 55
Après une bataille ente dieux (NDLR. Allah, Notre Dieu, celui des Évangélistes) le Professeur déclara : « Comment pouvons-nous juger Dieu, et comment peut-il nous juger s’il est une fractale ?
- Pardon ?
- Vous voyez le chou romanesco ? Eh bien c’est une fractale. Les fractales, expliqua-t-il, sont des objets mathématiques, des figures qui présentent une structure similaire à n’importe quelle échelle : on les dit « auto-similaires », parce qu’en agrandissant une partie de la figure, on la retrouve tout entière. Dieu ne nous a-t-il pas créés, nous les humains à son image ? Ne sommes-nous pas la répétition de Dieu à l’infini ?
- Vous êtes en train de dire que Dieu, c’est nous ? » Page 65
La placidité de la nature fait toujours un effet dans les moments d’inquiétude et de tourment, elle semble confirmer qu’un ordre universel gouverne toutes choses. Réconfortées (NDLR le chœur des villageoises, dont la narratrice) par cette clarté pacifique et par l’idée que tout, dans l’univers, qui que fût son créateur, avait un sens, nous rentrâmes chez nous. Page 74
« Ils ne s’entendent pas, pourquoi iraient-ils se marier ?
- Sottises ! La vie, c’est l’art de s’adapter au mieux que rien. Page 76
Nous nous sentions négligés, ainsi réduites à ne produire que des artichauts et de la biomasse pour le gaz, tandis qu’autrefois, sachant écouter la nature, nous avions instauré un rapport d’amour et de solidarité avec les végétaux que nous cultivions. Vous nous prendrez peut-être pour des folles, mais nous parlions avec les tomates, les laitues, les choux, les melons, le fenouil, et eux, nous répondaient. C’était passionnant et amusant. Notre relation avec la biomasse, en revanche, restait aride, quant aux artichauts, ils nous ennuyaient. Page 79
- À cinquante ans bien sonnés, Lina n’a jamais vu de pillona, c’est certain.
- Qu’est-ce qu’une pillona ? demandèrent ceux qui ne comprenaient pas le sarde.
- En sarde, pillona signifie pénis, répondit docte l’humanitaire du sex-shop. « Elle n’a jamais vu de pillona » se dit d’une femme qui n’a jamais fait l’amour. » Page 88
La dernière soirée fut la plus surprenante. Un bal serait organisé dans la demeure de ces Dames. De nombreux Noirs refusèrent hélas l’invitation. Ils ne voulaient pas perdre un temps précieux et préféraient refaire leurs bagages pour être prêts à partir. En Europe ! Enfin, en Europe ! Mais ils tinrent à nous saluer avec un chant que les humanitaires traduisirent pour nous, sans pouvoir masquer leur émotion ; il racontait la fuite, le désert, la faim, la soif, la prison et les tortures, la décision d’embarquer et de défier la mort en mer.
Nous en conçûmes un grand désarroi, et nous eûmes honte d’avoir jugé ingrats leurs visages fermés. Au fond, ils avaient raison, risquer leur vie pour finir dans ce trou perdu, à reboucher les fissures d’une ruine et à cultiver quelques mètres carrés de potager, ça ne valait pas le coup. Mais ce qui nous chagrinait le plus, c’était que nous savions bien que l’Europe, leur terre promise, ne serait pas à la hauteur de leurs attentes.
Mais peut-être que si, en fait ? Que savions-nous au juste de l’Europe, nous autres ? Et l’Europe, que savait-elle de nous ? Nous n’étions sûrs que d’une seule chose : l’Europe ne voulait pas d’eux. Page 148
Afin de ne pas me faire avoiner par qui vous savez, puisque ce blog est baptisé Vin&Cie je vais consacrer à la suite de celle-ci un petite chronique au bien manger sarde… dans Une saison douce de Milena Agus.
Traduit de l’italien par Marianne Faurobert, éd. Liana Levi, 176 p., 16 €.
Une saison douce ICI
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