Brasser ses souvenirs c’est souvent pour les vieux radoter un peu mais ce matin je le fais sans honte puisque c’est pour l’édification des jeunes pousses acculturées.
La Sardaigne d’abord, une île au cul de la Corse, des corses qui prennent les sardes pour des péquenots, que j’ai découvert par ma bouche lorsqu’au bon vieux temps où, avec le Michel Rocard, devenu sur ses vieux jours corse d’honneur au point d’y séjourner pour l’éternité, nous passions nos nuits à négocier la fin du gros rouge qui tache du Midi, enfermé à Bruxelles, nous allions nous restaurer dans un petit resto sarde.
L’Aga Khan ensuite, son Altesse l’Aga Khan est devenu Imam (chef spirituel) des musulmans Shi’a Imami Ismaili le 11 Juillet 1957 à l’âge de 20 ans, succédant à son grand-père, Sir Sultan Mahomed Shah Aga Khan. Il est le 49ème Imam héréditaire des musulmans Shi’a Imami Ismaili et le descendant direct du Prophète Muhammad (que la paix soit sur lui et sa descendance) par son cousin et gendre , Ali, le premier Imam, et son épouse Fatima, la fille du Prophète. Lire ICI
« Passionné de chevaux comme ses aïeux, l’Aga Khan a gagné plusieurs fois les prix de Diane, il a financé en partie la rénovation de l’hippodrome et celle de l’Institut de France à Chantilly. Mais il a surtout créé l’Aga Khan Development Network (AKDN), qui emploie 80.000 personnes et développe des zones d’activités pour l’éducation, la santé, la culture dans de nombreux pays. Basée auparavant à Genève, la fondation doit siéger au palais Henrique de Mendonça, à Lisbonne, une construction qui date du début du XXe siècle. L’Aga Khan IV explique: « Nous nous sommes inspirés du concordat qui lie le Vatican et le Portugal. »
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L’Aga Khan je l’ai connu par les chevaux, lorsque garçon dévoué et serviable j’allais représenter mon Ministre au dîner précédent le grand prix de l’Arc de Triomphe au Meurice. Au Meurice car le dit Aga Khan en était à cette époque le propriétaire.
À ce dîner je ne me contentais pas de faire tapisserie en vague doublure de mon Ministre, je prononçais le discours de clôture, exercice que j’adorais. L’Aga Khan, homme fort civil était à cette époque marié depuis le 28 octobre 1969 avec Sarah Croker-Poole, qui était devenue la bégum Salimah. Avant de divorcer en 1995, ils ont eu trois enfants, Zahra en 1970, Rahim en 1971 et Hussain en 1974. Son second mariage avec Gabriele Thyssen Homey ne durera que cinq ans, le temps d’un quatrième enfant, le petit Ali, né en juin 2000.
Mais quel lien entre l’Aga Khan et la Sardaigne me direz-vous ?
« La Sardaigne et sa « côte d’émeraude » est le joyau du littoral italien. Grandes plages désertes, criques sauvages, fonds marins cristallins, falaises de granit plongeant dans des eaux limpides. C’est le décor de conte de fées d’une des îles les plus pauvres et isolées d’Italie il y a encore quelques décennies et qui survivait essentiellement grâce à l’activité de ses bergers. Le prince qui a réveillé cette Belle au bois dormant s’appelle Karim Aga Khan Ismaili.
Tombé sous le charme de ses paysages, il fonde en 1962 avec un groupe d’industriels et de financiers internationaux, dont le propriétaire de San Pellegrino et le magnat de la bière Patrick Guiness, le consortium Costa Smeralda. Son but est la transformation de 55 km de côtes splendides mais presque inhabitées et sans aucune infrastructure moderne en un lieu de villégiature renommé.
«Le prince Aga Khan a carrément fait décoller le tourisme. Avant lui, les chèvres des bergers broutaient sur les collines et les habitants vivaient de l’agriculture»
Je résume, par deux fois je me suis rendu au dîner de l’Arc de Triomphe au Meurice, bien sûr j’étais placé à la droite du Président de la Société d’Encouragement à la Table d’Honneur et j’étais entouré des vieux barbons du Jockey Club alors que tout à côté l’Aga Khan présidait une table où se pressaient des beautés sardes.
Reste Milena Agus, et Terres Promises, « La terre promise, tout le monde la cherche. Pour Raffaele, de retour en Sardaigne juste après la guerre, elle se situe sur le Continent. Mais une fois là-bas, Ester, sa jeune épouse, a le mal du pays, elle qui était pourtant si pressée d’en partir… Alors la famille y retourne. Leur fille, Felicita, s’adapte aux humeurs locales et s’initie avec la même conviction au communisme et au sexe. De ses amours naîtra Gregorio, drôle de petit bonhomme qui trouvera sa voie dans la musique. Au fil des ans et des rencontres, ils avanceront dans leurs vies imparfaites, croisant la route d’autres êtres en quête de bonheur. Pour tous, Felicita est l’indispensable pivot. Car à ses yeux les gentils ne sont pas des perdants et la terre promise est au coin de la rue. Une saga familiale décalée, portée par une héroïne qui ressemble comme une soeur à Milena Agus. »
« C’est un roman magnifique. Il y a beaucoup d’amour, beaucoup de gentillesse, ce n’est pas la gentillesse mièvre et les gens idiots… C’est la bienveillance. C’est fait avec beaucoup d’intelligence et vraiment il y a quelque chose qui se dégage de ce roman. Elle nous parle de la Sarde avec des mots magnifiques. »
« Milena Agus, cet(te) auteur(e) sarde, a commencé à être traduite en français il y a une dizaine d’années, à l’occasion de son roman « Mal de pierres«. (Et si vous ne l’avez pas encore lu, lisez-le, c’est absolument magnifique). ICI »
Illustration de mon histoire matinale :
« Les jours passaient et Felicita attendait celui où ils iraient enfin à la mer, mais personne ne semblait s’en soucier de la mer. Sauf son père qui, à ce sujet, se disputait avec ses beaux-frères, lesquels considéraient que les foules de touristes envahissant les plages étaient une aubaine pour les Sardes. Il disait qu’il préférait l’époque où la Sardaigne n’était que monts, ravins sauvages, chênes courbés par le vent, ânes et brebis, et où la mer n’existait pas. Dans la génération de leurs pères, nombre de ceux qui habitaient l’intérieur des terres étaient morts sans l’avoir vue et puis hop, voilà que l’Aga Khan, surgi d’un conte oriental, avait inventé la Côte d’Émeraude… Et soudain, sur cette terre bénie, il n’était plus resté que la mer, et ses plages à vendre et à détruire. »
« Une terre promise, allons donc ! On construisait partout des villages touristiques et on bitumait les routes menant aux plages. Sans répit, sans l’ombre d’un regard amoureux et respectueux pour la nature. Ça déracinait, ça incendiait, réduisant en cendres des hectares et de maquis méditerranéen pour pouvoir bâtir.
Ses beaux-frères se moquaient de lui. Il voulait retourner dans la montagne avec les brebis ? Il préférait les besaces aux sacs, les habits d’orbace aux vêtements confortables, les ânes aux automobiles, l’odeur du pecorino aux parfums ? »
« Le dernier jour, ils s’embrassèrent, émus, mais ils rirent un peu aussi. Les beaux-frères allaient regretter les étonnantes gamelles à la continentale mitonnées par Ester, que Raffaele, naturellement, partageait avec eux : escalope et risotto à la milanaise, tourte de blettes, pâtes au pistou, osso bucco aux petits pois, poulet rôti et purée de pommes de terre. Désormais, ils devraient se contenter des robustes gamelles de malloreddus, les petites pâtes de blé cuites la veille, et du sempiternel morceau de pecorino. »