Paul Douard est Rédacteur en chef de Vice ICI
Spécialiste monde moderne
Le vieux cycliste parisien que je suis, 40 années au compteur, signe des 2 mains cette adresse de Paul Douard aux nouveaux cyclistes parisiens :
Le cycliste de fin 2020 est une fusion entre tout ce qui se fait de pire dans nos villes : les scooters à trois roues, les trottinettes électriques et les chauffeurs de taxi. Ils veulent toujours être les premiers au feu, ne respectent aucune règle basique de circulation et, si le besoin se fait sentir, lâchent une petite insulte avant de monter sur le trottoir pour gagner quelques centièmes de secondes.
Le confinement a amené avec lui des néo-cyclistes, qui en bon piétons parisiens qu’ils étaient jusque-là, n’ont pas encore pris conscience des concepts de sens de circulation, de feux rouges ou encore de mortalité sur la route. Cela donne des choses invraisemblables : un carrefour entier devient une sorte de fourmilières de suicidaires à vélo qui traversent au milieu des bus, les yeux rivés sur leur téléphone, le tout en pédalant comme des hamster cocaïnomanes dans leur roue. Au milieu, je me trouve souvent à me faire conspuer, voire insulter, par la foule de cyclistes pour avoir laissé des piétons traverser.
Un certain nombre de choses me donnent envie de voir notre monde disparaître dans nuage atomique. Par exemple, les films de François Ozon, les escape games entre collègues et les gens qui parlent fort à leur fenêtre. Mais depuis le déconfinement et l’envie de vivre autrement, rien ne m’aura plus poussé vers la haine de mon prochain qu’une sonnette de vélo qui s’excite frénétiquement derrière moi, un peu comme des coups de taser cherchant à me faire comprendre dans un morse aléatoire « DÉGAGE CONNARD JE VEUX TE DOUBLER », le tout à 35 km/h sur une piste cyclable large de quinze centimètres et à proximité d’un feu rouge. À force de subir cette agression quotidienne, il m’arrive la nuit de rêver que je propulse cette personne sous un bus de la RATP en souriant.
Avant que vous vous emportiez d’un commentaire du type « lol encore un automobiliste de droite qui veut une ville pleine de bagnoles », sachez que je suis cycliste et que j’aime les animaux. Je suis donc des vôtres. Moi aussi je veux une ville moins bruyante, moins polluée et réservée aux riches.
Depuis le début de l’épidémie de Covid-19, j’avais pris l’habitude de me balader en vélo – parce que j’aime faire du vélo et que c’est moins pénible que le métro. Et s’il est vrai les cyclistes parisiens se sont longtemps retrouvés tout en bas de la liste des priorités de la ville de Paris, loin derrière les jardins partagés posés sous des lampadaires et les projets de barrières anti-SDF, force est de constater que des efforts ont été faits. Pour faire face à la pandémie sans pour autant empêcher les gens de se déplacer, la mairie a créé de plus grandes pistes cyclables, balisé le sol en vert et fermé certaines rues à la circulation le weekend. À partir de là, je me suis dit, « super ».
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