Enchaîner sur la vache folle à la suite d’une chronique sur le bœuf和牛wagyū le « caviar de la viande » c’est osé mais l’actualité prime : des chercheurs pensent avoir établi l’origine possible de la maladie de la vache folle.
La vache folle ma première gestion de crise.
Nous venions juste de nous installer au 78 rue de Varenne, en 1986, lorsque la nouvelle nous est tombée dessus. J’étais directeur-adjoint du cabinet d’Henri Nallet (j’occupais le plus beau bureau de l’hôtel de Villeroy au rez-de-jardin, c’est aujourd’hui celui du Ministre, c’est Edgar Faure qui pour des motifs frivoles s’était installé à l’étage). Avec le Ministre, Jean Nestor le directeur du cabinet, Gilles Pelsy un brillant ingénieur passionné de ce nous appelions encore l’informatique (c’est important car le jeune homme maniait l’internet naissant et va nous dire sue des études évoquent la transmission au chat, donc une transmission inter-espèce) nous décidâmes de proposer au Premier Ministre de fermer la frontière aux importations de viandes et de bovins britanniques. Ébraiements des gnomes des Finances, des gens chez nous « Bruxelles va voir rouge», doutes de nos vétérinaires : « ça ne se transmet pas à l’Homme, c’est la bonne vieille tremblante du mouton », mais Rocard nous suit.
Bien sûr, fermer la frontière faisait plaisir à nos producteurs de viande bovine mais le doute jeté par Gilles Pelsy dans nos esprits avait joué un rôle important dans cette décision qui se révélera, 10 ans plus tard, comme la bonne. La Commission nous intima l’ordre de lever le blocus, ce que nous fîmes avec lenteur et mauvaise grâce.
Simple remarque à l’attention de celles et ceux qui affirment aujourd’hui que les décideurs politiques doivent suivre les yeux fermés, sans contester, les avis des autorités scientifiques, que dans le cas de l’ESB leur absence de curiosité a fait qu’ils furent de mauvais bergers. Par charité chrétienne je ne citerai pas de noms.
Le titre de ma chronique L’Affolante histoire de la vache folle est celui d’un livre, publié en 1996 lorsque l’ESB quitta son simple statut de maladie animale, des scientifiques évoquaient la possibilité de sa transmission à l'Homme par le biais de la consommation de produits carnés, la maladie de Creutzfeldt-Jakob, une maladie de même nature que l'ESB.
Ce fut en effet l’affolement.
Le 21 mars 1996, une déclaration officielle du gouvernement du Royaume-Uni, évoqua la transmission de la maladie bovine à l'Homme. Les médias s’emparèrent de l'affaire, les réseaux sociaux n’existaient pas mais ce fut une traînée de poudre, le grand public, les consommateurs prirent conscience de pratiques courantes en élevage jusqu'alors ignorées : l'utilisation de farines animales issus de l’équarrissage pour l'alimentation des bovins.
Ce fut une crise sans précédent.
Tout ça parce que le gouvernement de madame Thatcher avait abaissé les températures de chauffage des farines.
Le premier cas de « vache folle » en Grande- Bretagne date de 1985. En 1988, Margaret Thatcher interdit les farines animales dans l'alimentation du bétail mais les fabricants obtiennent un délai de cinq semaines pour écouler leurs stocks. Ainsi furent semés des germes de mort. En 1989, un embargo sur le bétail né avant le 18 juillet est décrété. Mais en 1996, le gouvernement britannique annonce que l'ESB pourrait être transmise à l'homme. Aussitôt est décidé un embargo sur toutes les viandes bovines provenant d'outre- Manche. La Commission européenne se révèle alors incapable de créer un organisme de contrôle scientifique indépendant des pressions de toutes sortes qui s'exercent à Bruxelles.
Pendant dix ans, les conservateurs au pouvoir à Londres ont martelé que la viande bovine britannique était inoffensive. Un ministre de l'Agriculture s'est même exhibé à la télévision offrant un hamburger à sa petite-fille!
Publication d'un rapport sur l'épidémie britannique, 16 volumes pour dénoncer l'incurie des autorités.
Christophe BOLTANSKI — 27 octobre 2000
Les conservateurs, au pouvoir pendant toute la période couverte par l'enquête, ont présenté hier leurs «excuses». Pas moins de quatre anciens ministres figurent dans la liste des personnalités «critiquées» à titre personnel. Ils ont pris des mesures souvent «sensées», mais «pas toujours à temps» et sans vérifier leur mise en place.
«Nourriture infectée». Certains retards se sont avérés fatals pour l'élevage bovin britannique qui, au total, a dû sacrifier 4,3 millions de têtes. En juin 1988, le gouvernement de Margaret Thatcher a bien interdit l'utilisation de protéines animales dans l'alimentation du bétail. Mais sous la pression du lobby agricole, les fabricants de farines animales ont obtenu un délai de cinq semaines pour écouler leurs stocks, alors que chaque jour supplémentaire se traduisait par des centaines de bêtes infectées. Même après la date butoir du 18 juillet 1988, les équarrisseurs n'ont pas respecté l'interdit, faute de contrôle. «Il est clair que de la nourriture infectée a continué à être donnée au bétail dans des quantités substantielles.»
Alors que les scientifiques nourrissaient des craintes pour la santé humaine dès la découverte en 1986 de l'encéphalopathie spongiforme bovine, les conservateurs ont répété pendant dix ans que le boeuf ne présentait aucun danger. C'est l'époque où le ministre de l'Agriculture, John Gummer, offrait à sa fille un hamburger devant les photographes. «Le gouvernement n'a pas menti au public. Il pensait que le risque posé par l'ESB aux humains était faible et voulait prévenir une réaction de panique. Il est clair que cette campagne de réconfort était une erreur.»
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L’affolement fut immense car des chiffres prédictifs Creutzfeldt-Jakob : jusqu'à 50 ans d'incubation
«Il y aura des millions de morts.» La prophétie a résonné dans tous les médias du Royaume-Uni et par-delà les mers. Elle était proférée par le microbiologiste Richard Lacey au printemps 1996.
«Il faut s'attendre à voir au minimum 5 000 cas par an au début du siècle prochain.» «Et cela jusqu'en 2015», assène-t-il en mars 1996. Professeur de microbiologie à l'université de Leeds, spécialiste de la transmission de la salmonelle de l'animal à l'homme, Lacey a eu le mérite de compter parmi les scientifiques qui ont mis en garde, dès 1990, contre le risque d'une contamination humaine par l'ESB.
Cinq ans et demi plus tard, alors que l'Angleterre comptabilise 113 cas et la France 5, deux équipes de biostatisticiens répondent, dans Science (1): l'épidémie sera vraisemblablement de faible taille. Quelques centaines de morts, voire quelques milliers, en une vingtaine d'années. «Si ces prévisions sont exactes, on se retrouve dans l'ordre de grandeur d'un risque alimentaire classique, comme la listériose», commente Martin Hirsch, directeur de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments. Subit optimisme? Non. Ces deux dernières études confirment la discrète mais régulière érosion du nombre de cas de v-MCJ prédits par les modèles épidémiologiques depuis deux ans. Ainsi, on reviendrait de loin. De l'apocalypse.
Creutzfeldt-Jakob : un nouveau cas détecté en France 11/06/2012
C'est le premier en 3 ans, et le 26e au total recensé dans l'Hexagone.
Un nouveau cas du variant de la maladie de Creutzfeldt-Jakob (vMCJ), la forme humaine de la maladie de la vache folle, a été signalé en France, portant le total à 26 cas répertoriés depuis 1996, selon le dernier point du réseau national de surveillance de la maladie. Il s'agit du premier cas signalé depuis trois ans en France.
Le vMCJ, forme humaine de l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), est lié à l'ingestion de produits bovins contaminés, comme la cervelle. Cette maladie cérébrale rare est due à un agent infectieux de type particulier, le prion. Elle évolue vers une démence puis, en 6 à 18 mois, vers la mort.
Sur ces 26 cas de vMCJ (12 hommes, 14 femmes) certains ou probables identifiés en France, à ce jour, tous sauf le dernier sont décédés.
Les 25 décès sont intervenus en 1996 (1 cas), 2000 (1 cas), 2001 (1 cas), 2002 (3 cas), 2004 (2 cas), 2005 (6 cas) en 2006 (6 cas), 2007 (3 cas) et 2009 (2 cas).
La médiane des âges lors du décès ou du diagnostic est de 37 ans (entre 19 et 58 ans). Parmi eux, huit patients résidaient en Ile-de-France et 18 en province. Une des victimes avait séjourné très régulièrement au Royaume-Uni pendant une dizaine d'années à partir de 1987.
La Grande-Bretagne, où est apparue l'épidémie de la vache folle, compte, selon les derniers chiffres arrêtés au 11 juin 2012, un total de 176 cas du nouveau variant, tous décédés.
Vache folle. Des chercheurs pourraient avoir identifié l’origine de la maladie
Des chercheurs pensent avoir établi l’origine possible de la maladie de la vache folle. Un résultat qui montre, selon eux, l’importance de maintenir les mesures de précaution en vigueur pour éviter une réémergence de cette maladie.
Si plusieurs hypothèses ont été émises pour expliquer l’apparition de l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), ou « maladie de la vache folle », au Royaume-Uni dans les années 1980, aucune n’a jusqu’ici pu être vérifiée de façon expérimentale.
L’ESB appartient à la famille des maladies à prions, des maladies neurodégénératives qui existent chez de nombreux autres animaux (tremblante du mouton, par exemple) comme chez l’être humain (maladie de Creutzfeldt-Jakob). Les prions, des protéines qui peuvent devenir pathogènes en adoptant une forme anormale, sont différents dans chaque espèce.
Étude concluante sur des souris
En injectant une variante particulière de tremblante du mouton (« l’AS pouratypical scrapie ») à des souris fabricant le prion d’origine bovine (à la suite d’une manipulation génétique), les chercheurs ont montré non seulement que cette maladie avait la capacité de franchir la barrière des espèces, mais que les rongeurs transgéniques développaient l’ESB, selon leur article publié dans la revue scientifique américaine PNAS .
Les souris génétiquement modifiées de la sorte sont un très bon modèle, qui fonctionne bien pour savoir ce qui se passerait si on exposait des vaches à ces prions-là, a expliqué à l’AFP Olivier Andreoletti, chercheur à l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), qui a dirigé l’étude.
Ces résultats s’expliquent par la présence de faibles quantités d’ESB classique de façon naturelle dans les prions d’AS, détaille l’INRA dans un communiqué.
Pour la première fois, ces données apportent une explication expérimentalement étayée à l’apparition de la maladie de la vache folle au milieu des années 1980 au Royaume-Uni.
La « maladie de la vache folle » s’est propagée parmi les bovins dans toute l’Europe, l’Amérique du Nord et de nombreux autres pays.
Des mesures coûteuses pour lutter contre la maladie
L’ESB s’est ensuite propagée parmi les bovins dans « toute l’Europe, l’Amérique du Nord et de nombreux autres pays », vraisemblablement par le biais de leur alimentation comportant des farines de carcasses et d’abats d’animaux (bovins ou ovins) atteints d’encéphalopathie spongiforme.
L’exposition de consommateurs à des produits issus de bovins infectés par l’ESB a été à l’origine de l’émergence d’une forme variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakob.
En Europe, les mesures sanitaires prises dans les années 1990 (interdiction des farines animales, surveillance des contaminations croisées, destruction des tissus à risque le plus élevé…) ont considérablement ralenti la courbe de l’épizootie.
« Ces mesures sont toujours en place, mais elles coûtent très cher », ce qui pousse les industriels et certains responsables sanitaires à pousser en faveur de leur élimination, pour recommencer à recycler ces protéines de bonne qualité au lieu de les jeter, y voyant une alternative à l’importation de soja, observe Olivier Andreoletti.
Mais s’il y a une source avérée d’ESB, le fait de recommencer ces pratiques non vertueuses fait courir le risque de voir réémerger la maladie, avertit le chercheur.
La transmission de la tremblante atypique (maladie à prion des petits ruminants) à des souris exprimant la protéine prion d’origine bovine entraîne la propagation de la forme classique de l’encéphalopathie spongiforme bovine. C’est ce que démontre une équipe européenne menée par des chercheurs de l’Inra et de l’ENVT dans une étude publiée dans PNAS le 16 décembre 2019. Ces résultats pourraient expliquer l’apparition au milieu des années 80 de cette zoonose bovine et interrogent sur sa possible réémergence.ICI