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Je viens de t'envoyer un article de MAS très intéressant. Il est extrait
de la revue des oenologues. Il décrit assez bien une impasse actuelle.
Olivier
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Vin & Cie, en bonne compagnie et en toute liberté ...
Extension du domaine du vin ...
Chaque jour, avec votre petit déjeuner, sur cet espace de liberté, une plume libre s'essaie à la pertinence et à l'impertinence pour créer ou recréer des liens entre ceux qui pensent que c'est autour de la Table où l'on partage le pain, le vin et le reste pour " un peu de douceur, de convivialité, de plaisir partagé, dans ce monde de brutes ... "
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Mon impertinence revendiquée me permet d’affirmer, il me le pardonnera, qu’il y a chez Jean Viard un petit côté Carrefour, celui du fameux «quart d'heure d'avance »* et de son célèbre slogan « Avec Carrefour je positive »
*« Mais au lieu de prendre les forces de chacun, on a complexifié l'organisation, au siège et dans les filiales. Le résultat, aujourd'hui, en est un fonctionnement trop lourd, trop coûteux et pas assez réactif. Carrefour a perdu son quart d'heure d'avance. Il est temps de remettre les pendules à l'heure. » déclarait le nouveau PDG Lars Olofsson en 2009.
Jean Viard ne délivre pas dans ses interviewes un mince filet d’eau tiède, il a des angles vifs, prend des risques, s’expose, « … nous avons choisi de casser l'économie pour "sauver les vieux", pourtant improductifs, ce qui est extraordinaire. », pan sur le bec au petit protégé de la Saporta : Maxime Lledo, représentant auto-proclamé de la génération sacrifiée auditionné par les députés (je ne nie pas les difficultés des étudiants, j’ai des petits-enfants, mais les jeunes ne sont pas un magma indifférencié), il n’est ni dans le camp des contre, ultra-majoritaire sur les réseaux sociaux, ni de celui des pour trop souvent dernier carré des militants du Président, il sort des autoroutes de la bien-pensance, ne néglige pas les chemins de traverse qui me sont chers, iconoclaste, provincial : La Tour-d’Aigues, citoyen engagé mais pas verrouillé, « L'avenir va maintenant dépendre de la capacité du politique à accompagner ce mouvement, à créer des tiers-lieux, à assurer partout un excellent équipement numérique, à nous faire basculer dans un monde écologique, plus humaniste, à faire vivre l'Europe, à décentraliser la santé...Nous allons disposer d'une énorme énergie à utiliser ; la question est de savoir si nos dirigeants sauront en faire une énergie créatrice et non destructrice. La réponse n'est pas écrite. »
Lisez-le, d’accord ou pas d’accord, qu’importe, ce qui importe c’est de renouer les fils du dialogue citoyen, d’échanger, de s’écouter, de s’entendre au sens de la compréhension, sortir de nos tranchées, de notre immobilisme mortifère, revenir à l’essentiel : ce vivre ensemble si déchiré…
Le sociologue en est persuadé : l'après-Covid sera positif et marqué par une "soif de vie" comparable à celle qui a suivi la Libération.
- Il y aura selon vous un avant et un après 2020. En quoi ?
Jean Viard : Pour la première fois dans l'Histoire, cinq milliards d'humains ont mené un combat contre un ennemi commun. C'est gigantesque ! Ce combat, de surcroît, peut-être à ce jour qualifié de victorieux : avec des millions de morts et de malades, certes, mais sans doute 50 à 100 millions de vies sauvées. Et nous avons choisi de casser l'économie pour "sauver les vieux", pourtant improductifs, ce qui est extraordinaire. On impute généralement à Hitler 50 millions de morts. Ici, on a le même ordre de grandeur, mais inversé !
La suite ICI
Première séance de négociation des travaux du sommet de la gauche, le 14 septembre 1977, au siège du Parti socialiste à Paris, sous la présidence de François Mitterrand. ImageForum/AFP
Loin des affres du choix du postulant à Sciences-Po : plan en 2 ou en 3 parties, thèse-antithèse puis conclusion ou thèse-antithèse-synthèse, ma prose de billettiste occupe l’entame, les écrits des autres suivent, aucune conclusion.
Il était beau le temps, que les gens de vingt-ans ne peuvent pas connaître, du trio Mitterrand-Marchais-Fabre, François, Georges, Robert et les autres aurait titré Claude Sautet…
Aujourd’hui, du côté gauche, de la sinistra, c’est plutôt plus on est de fous plus on rit, Yannick, Olivier, Anne, Julien, les 2 Éric, Sandrine, Ian, Benoît, Raphaël, 10,ils auraient pu arriver à la douzaine en ajoutant le bel Arnaud (Montebourg) et l’inconnu de Bourg-en-Bresse Guillaume (Lacroix) le chef des radicaux de gauche, mais où sont donc passés les radicaux de gauche, cher au pharmacien de Villefranche-de-Rouergue, sans doute auraient-ils pu prêter aux invités du beau Yannick Jadot leur cabine téléphonique…
Un hôtel sans fard ni artifices au 68 quai de la Seine dans le 19e arrondissement de Paris.
C'est le lieu choisi par l'entourage de Yannick Jadot pour accueillir la réunion des principaux leaders de la gauche samedi à 10 heures, en vue d'une hypothétique alliance pour la présidentielle de 2022.
« C'est un lieu qui n'a aucun intérêt particulier et c'est d'ailleurs pour ça que nous l'avons choisi », ironise un lieutenant du candidat écologiste.
Bien vu camarade, puisque cette réunion ne présente, à mon sens, aucun intérêt particulier, c’est du mou pour chat, un ensemble vide, de la geste médiatique pour occuper le terrain, d’où mon titre en attendant Jadot…
Jugez-en !
Après un propos introductif de Yannick Jadot, à l'initiative de la rencontre, les échanges seront libres. Seule limite : le temps. « Il n'est pas prévu de plateaux repas », précise un proche de l'écologiste, pour qui les débats ne devraient pas dépasser « deux à trois heures », sans accoucher d'une déclaration commune.
Autour de la table, une personne par parti ainsi que les candidats déclarés – ou pressentis – à l'élection présidentielle : Olivier Faure et Anne Hidalgo pour le Parti socialiste, Julien Bayou, Yannick Jadot, Éric Piolle et Sandrine Rousseau pour EELV, mais aussi Éric Coquerel (LFI), Ian Brossat (PCF), Benoît Hamon (Génération.s) ou encore Raphaël Gluksmann (Place publique).
Coquerel, Mister No ?
« Laisser croire qu’on va pouvoir s’arranger autour d’une table entre candidats, ce n’est pas crédible… Pour l’instant, il y a de vraies différences de fond qui existent entre les différents mouvements »
Une vingtaine de dirigeants et cadres de la gauche, dont Sandrine Rousseau (EELV), Benoit Hamon (Generation.s), Olivier Faure (PS), Anne Hidalgo (PS), Julien Bayou (EELV), Yannick Jadot (EELV), Corinne Lepage (Cap Ecologie) après leur réunion en vue de la présidentielle 2022, le 17 avril 2021, à Paris. — Thomas SAMSON / AFP
La jauge a monté :
Ils étaient une vingtaine, même si le MRC cher au coeur de JP Chevènement qui a rallié Montebourg absent n'était pas de la partie...
UNION Après trois heures de réunion à huis clos, la plupart de la vingtaine de dirigeants et cadres de gauche affichaient leur satisfaction de voir dialoguer une famille souvent émiettée
A gauche, derrière l’unité, un axe social-écologiste se dessine pour 2022 ICI
Les formations de gauche doivent se réunir samedi 17 avril à Paris, à l’initiative de l’écologiste Yannick Jadot, pour discuter de la présidentielle.
Par Abel Mestre et Sylvia Zappi
C’est son moment. Même s’il n’est pas le candidat officiel d’Europe Ecologie-Les Verts (EELV) – le parti doit désigner son représentant à la présidentielle lors d’une primaire en septembre –, Yannick Jadot agit comme s’il l’était déjà. Jeudi 15 avril, il était l’invité principal de « Vous avez la parole », l’émission politique de France 2, où il a débattu avec le ministre de l’économie, Bruno Le Maire. Un coup de projecteur bénéfique pour le député européen qui réunira, samedi 17 avril dans un hôtel parisien du 19e arrondissement, l’ensemble des forces politiques de gauche et écologistes.
Ce rendez-vous fait suite à son appel à l’union lancé le 29 mars sur France Inter. « On doit se parler franchement, clarifier les divergences et se mettre d’accord sur une perspective pour construire un rassemblement, précise aujourd’hui M. Jadot. On doit d’abord travailler sur le fond, les idées. Il faut un pacte de législature. La question d’une candidature commune viendra après. » L’idée est donc de créer les conditions d’une candidature sociale-écologiste commune qui permette à cette famille politique de ne pas partir divisée au premier tour en 2022.
Socialistes, écologistes, communistes, « insoumis »… si les principales formations seront représentées samedi – ainsi que des partis de taille plus modeste –, certaines n’y vont pas avec un grand entrain. La France insoumise (LFI) a posé très tôt des conditions à sa participation : que de la rencontre émergent un « pacte de non-agression » et une volonté de « lutte contre l’extrême droite et pour les libertés publiques ».
Après des échanges épistolaires, LFI sera finalement présente mais sans son leader, Jean-Luc Mélenchon, qui est à l’étranger. « Yannick Jadot est l’un de ceux de la gauche d’accommodement qui rompt avec le “tout sauf Mélenchon” », estime toutefois le député LFI de Seine-Saint-Denis Eric Coquerel. Cependant, pas question de se ranger derrière une bannière commune qui ne serait pas portée par M. Mélenchon. « Au premier tour, il y aura une candidature de la gauche d’accommodement et une candidature de la gauche de rupture, continue M. Coquerel. Mais il ne faut pas oublier le deuxième tour. Nous ne sommes pas des adversaires. » Pas question, donc, d’insulter l’avenir.
Accélérer le calendrier
Les « insoumis » espèrent même retourner la réunion de samedi à leur avantage : ils sont persuadés que les écologistes sont divisés et veulent les pousser au bout de leurs contradictions, pour récupérer l’aile la plus à gauche. « A EELV, beaucoup sont plus proches de nous que d’Anne Hidalgo [la maire socialiste de Paris]. On peut attirer ceux qui veulent une rupture », veut encore croire M. Coquerel.
Du côté des communistes, on estime « qu’il est toujours utile de se parler », résume Ian Brossat, porte-parole du Parti communiste. Eux aussi demeurent très circonspects quant à l’éventualité d’un candidat commun : ils sont en plein processus de désignation de leur représentant, qui devrait être leur secrétaire national, Fabien Roussel. Prudence, donc. « On doit dire que la clé pour sortir la gauche de la nasse est de renouer avec les classes populaires et leurs préoccupations. C’est-à-dire le pouvoir d’achat, l’emploi, la désindustrialisation. Mais la question présidentielle ne doit pas nous empêcher d’aborder les législatives », précise M. Brossat.
Problème pour M. Jadot : la direction de son propre parti ne se montre pas non plus très allante… « On continue d’avancer dans les discussions, mais on se voit tous [les partis de gauche et écologistes] très souvent. Mais au lieu d’être en bilatéral, là, on sera plusieurs », temporise Sandra Regol, numéro 2 d’EELV. Cependant, plusieurs cadres des Verts ont signé un texte pour se féliciter de l’initiative de M. Jadot. Ils demandent par ailleurs d’accélérer le calendrier pour entrer au plus vite dans la bataille.
« Un signal clair »
Finalement, ceux qui se montrent les plus enthousiastes sont sans doute les socialistes. Le PS, qui sera représenté, notamment, par son premier secrétaire, Olivier Faure, et sa candidate putative Anne Hidalgo, entend que la réunion soit plus qu’une photo de famille. « Il faut envoyer un signal clair. Montrer que nous sommes prêts à conclure, dès cet automne, un contrat de gouvernement, une coalition et un mode de désignation d’un candidat commun. Nous avons l’obligation d’avancer pour les électeurs qui se désespèrent de voir cette division de la gauche dérouler le tapis rouge au duel Macron-Le Pen », plaide M. Faure. Une position qui n’est pas nouvelle pour lui. Il ne cesse de répéter qu’une alliance autour de la social-écologie est vitale et que les divergences ne justifient pas la présentation de candidats différents.
Derrière cette belle façade de l’unité, une sorte de « noyau dur » se dessine entre le PS et EELV. Avec un objectif : parvenir à afficher ensemble la volonté d’union et se mettre d’accord sur un calendrier dans la foulée. Les deux partis veulent tirer dans le même sens pour ficeler un agenda précis afin de parvenir à l’automne à un « accord de gouvernement, un contrat législatif et un mode de désignation d’un candidat commun », selon les vocables socialistes.
Depuis l’annonce de la proposition de M. Jadot, des rendez-vous de préparation ont été organisés et les téléphones ont chauffé. La maire de Paris a rencontré les trois candidats à la primaire écologiste – Yannick Jadot, le maire de Grenoble Eric Piolle, l’universitaire Sandrine Rousseau –, le secrétaire national d’EELV Julien Bayou, la présidente du groupe PS à l’Assemblée nationale Valérie Rabault, le sénateur socialiste Patrick Kanner et les anciens ministres socialistes Benoît Hamon et Arnaud Montebourg, pour s’assurer que la réunion déboucherait sur un engagement.
La date de la rencontre a même été plusieurs fois repoussée pour y parvenir. Le schéma final a été arrêté, mercredi 14 avril, lors d’une visioconférence entre Olivier Faure, Anne Hidalgo, Yannick Jadot et Julien Bayou. Socialistes et écologistes semblent être tombés d’accord sur le fait que le rapprochement devait se faire autour du socle social-écologiste et donc de leurs deux sphères d’influence. L’unité, oui, mais pas trop.
Le chef de file des écologistes a proposé lundi une grande réunion de toute la gauche, allant de Jean-Luc Mélenchon à Anne Hidalgo, pour discuter projet et éviter de partir divisée face Emmanuel Macron lors de la prochaine élection présidentielle.
« Je veux lancer un appel à Anne Hidalgo, à Olivier Faure, à Julien Bayou, à Christiane Taubira, à Jean-Luc Mélenchon : il faut que dans les jours qui viennent, on se mette autour d’une table et qu’on se mette d’accord pour construire le grand projet d’espérance dont nous avons besoin pour 2022 », a-t-il plaidé sur France Inter, car « si nous y allons divisés, nous n’avons aucune chance de gagner ».
« J’invite depuis Cédric Villani à Fabien Roussel, Delphine Batho, Benoît Hamon, Raphaël Glucksmann. Toutes et tous, aujourd’hui, nous devons avoir la responsabilité historique de nous parler. Peut-être qu’on n’y arrivera pas, mais tentons et puis on verra », a-t-il ajouté pour compléter sa liste d’invitation.
Objectif : avoir une candidature unique de la gauche en 2022 ?
« On définira ensemble peut-être un processus de désignation pour avoir une candidature unique, mais parlons du fond, construisons cette espérance pour les Françaises et les Français » car « il n’y a pas à se résigner à l’extrême droite dans notre pays, il n’y a pas à se résigner à Emmanuel Macron » qui, selon lui, « n’est ni un rempart à l’extrême droite ni un rempart au dérèglement du climat ».
« Ce n’est pas possible que dans ce pays on ne puisse plus trouver des compromis, qu’on ne puisse plus débattre en respectant le concurrent ou le contradicteur », a-t-il déploré à propos des vifs échanges à gauche sur l’Unef et les réunions non-mixtes.
« Une primaire qui devient une primaire identitaire, qui n’est pas une primaire qui se tourne vers les Françaises et les Français, mais qui se regarde le nombril pour savoir quelle est l’identité de la gauche ou de l’écologie serait une primaire de la défaite, ce serait une machine à perdre », a-t-il mis en garde. « Ce dont nous avons besoin c’est d’un processus de désignation et d’un projet de conquête », a-t-il ajouté.
Les éditions Liana Levi sont la garantie d’un choix d’auteurs étrangers de qualité.
Elles publient notamment Milena Agus, Andreï Kourkov et Iain Levison.
Liana Levi a fondé sa maison d’édition du même nom en 1982. Cette maison parisienne et indépendante est le fruit de l’envie et du travail de sa fondatrice. Journaliste en France pour des publications italiennes, Liana Levi souhaitait se lancer dans l’édition.ICI
Grâce à elle j’ai découvert Milena Agus (dernier opus, Une saison douce ICI , et Andreï Kourkov
J’avais remarqué dès le départ qu’il tenait à la main un livre sur la jaquette duquel trônait une jeune vache pie noire dans un décor de papier vert d’eau très bucolique, « Laitier de nuit » d’Andrei Kourkov. J’avais lu son désopilant best-seller « Le Pingouin » qui racontait l’histoire, à Kiev, de Victor Zolotarev, un journaliste sans emploi et de son pingouin Micha rescapé du zoo de la ville en pleine débine. Tous deux tentaient péniblement de survivre, entre la baignoire et le frigidaire de l'appartement. C’est alors que le patron d'un grand quotidien offrit à Victor d'écrire les nécrologies - les « petites croix » - de personnalités bien portantes. Bien évidemment, Victor s’empressait d’accepter ce job tranquille et bien payé. Mais comme à Kiev la vie est loin d’être un long fleuve tranquille, un beau jour, les fameuses « petites croix » se mettaient à passer l’arme à gauche, de plus en plus nombreuses et à une vitesse alarmante. Victor et son pingouin neurasthénique se trouvaient alors plongé dans la tourmente d’un monde impitoyable et sans règles, celui d’une république de l’ancien empire soviétique.
Lors de ma dernière fournée de livres, c’est Attica Locke qu’elle m’a fait découvrir avec Bluebird, Bluebird
Née à Houston (Texas) 1974 Attica Locke est scénariste pour le cinéma et la télévision. Enseignante au Sundance Institute, elle travaille actuellement pour une série de HBO sur le mouvement des droits civiques. Black Water Rising (Marée noire), son premier roman, est nominé pour le Edgar Award 2010. Elle vit à Los Angeles avec son mari et sa fille.
Bluebird, Bluebird", le blues d'Attica Locke ICI
Le 15 janvier 2021 par Karen Lajon
LA VIE EN NOIR - Attica Locke débarque chez Liana Levi. C'est une prise de guerre. Au moment où les éléments les plus radicaux de la frange trumpiste ont pris d'assaut le Capitole à Washington DC, le nouveau livre de la romancière américaine, "Bluebird, Bluebird", pourrait presque avoir l'air d'un vieux disque rayé. Sauf qu'il colle aux événements récents comme jamais.
Bluebird, Bluebird a été écrit en 2016, date à laquelle Donald Trump accède à la Maison-Blanche, sous les yeux effarés du monde entier qui pense encore que c'est un clown que l'on va facilement gérer. En réalité, c'est l'Acte 1 d'une nouvelle Amérique. Il faut venir de l'East Texas pour comprendre la portée de de la victoire du milliardaire. Il faut s'appeler Attika Locke. La région appartient à la Bible Belt. Les fondamentalistes chrétiens s'y sont épanouis. Au plus fort de la ségrégation, alors qu'ils avaient servi pour l'Oncle Sam, beaucoup d'anciens soldats noirs ont quitté en masse le Sud pour le Nord afin d'échapper aux lois Jim Crow. Certains, propriétaires de leurs terres, n'ont pas voulu quitter leurs fermes. C'est le cas de la famille de l'auteur. "La terre, ils savaient que c'était le pouvoir", a-t-elle expliqué dans un entretien avec un journal américain. Alors, ce Sud texan, elle le connait, bien, elle l'a vécu dans sa chair.
La suite ICI
Précision importante : il est Noir, il boit trop et sa hiérarchie veut le virer. N’empêche que c’est un bon et qu’il va faire surgir une incroyable vérité, sur les crimes d’aujourd’hui et sur ceux oubliés d’hier… Voilà toute l’histoire. Elle est magnifique et complexe, d’une effrayante actualité, peuplée de personnages puissants et plus vrais que nature. Pas étonnant. Attica Locke, qui a produit cette merveille est originaire du Texas. Mais ça ne suffit pas à écrire un polar du niveau de Bluebird, Bluebird, la chanson de John Lee Hooker qui passe régulièrement dans le troquet de Miss Geneva. Il faut du talent. Ce dont Attica Locke est amplement pourvue.
Bernard Poirette
Une poignée d’hommes déterminés à protéger la frontière texane.
Une poignée d’hommes déterminés à protéger la frontière texane.
Sans Dénomination Fixe, ils ne faisaient ni partie de l’armée, ni de la garde nationale ni de la milice, et n’étaient pas une force de police. Qui sont-ils ? Patrouilleurs solitaires, ils sont discrets, mais terriblement efficaces et gardiens de la frontière mexicaine : Ce sont les Texas Rangers, surnommés les « Diables Texans ». Présentation en quelques coups de colt.
Selon une légende de l’ouest qui circule dans le vent du désert, une émeute a un jour enflammé une petite ville du Texas, submergeant rapidement les autorités locales. Paniqué, le sheriff a alors contacté le gouverneur d’Austin, réclamant un peu d’aide. Un jour plus tard, un Texas Ranger débarquait du premier train, prêt à stabiliser la situation. Au sheriff s’inquiétant qu’il n’y avait qu’un seul Ranger, celui-ci lui rétorqua qu’il n’avait qu’une seule émeute.
Les premiers Texas Rangers sont apparus en 1823, lorsque le bon samaritain Stephen Fuller a sélectionné une poignée d’hommes forts pour protéger des centaines de familles tout juste arrivées au Texas, en bordure du Mexique. 12 ans plus tard, le corps était officiellement constitué, avec 3 compagnies, dirigées par un Capitaine et 2 Lieutenants.
Leur mission ? Protéger la frontière texane des Mexicains, et défendre les familles texanes contre les Cherokees et les Comanches. Leur réputation s’est faite à cette période, lorsqu’ils ne reculaient devant rien pour arriver à leurs fins, et connaissant tellement les régions et les conflits qu’ils servaient même d’éclaireurs et de guides à l’armée fédérale pendant les années de République du Texas (1836 – 1845).
J’apprécie beaucoup mes rencontres avec JPK, au détour de pages d’un grand auteur, ici avec David John Moore Cornwell, dit John le Carré, alors que dans la vie mes rencontres avec lui se comptent sur moins des doigts d’une seule main.
Dans son livre : Histoires de ma vie, Le tunnel aux pigeons, au chapitre 32 Déjeuner de prisonniers, John le Carré évoque sa rencontre avec JPK au début du nouveau millénaire, chez François Bizot qui « reste le seul Occidental à avoir été fait prisonnier par les Khmers rouges de Pol Pot et à avoir survécu. »
Le Carré, note : « Nous étions tous suspendus aux lèvres de Bizot pendant l’exposé de son raisonnement, sauf un convive qui restait étrangement impassible. Il était assis juste en face de moi. C’était un petit homme nerveux au front large dont le regard sombre et vif ne cessait de croiser le mien. On me l’avait présente comme étant l’écrivain Jean-Paul Kauffmann. J’avais lu son dernier livre, La Chambre noire de Longwood, avec un grand plaisir.
Le Carré, n’ayant pas été prévenu qu’il allait le rencontrer exprima, selon ses dires, sa joie de façon très spontanée, alors « pourquoi diable me regardait-il donc avec une telle sévérité, alors ? Avais-je commis un impair ? Etc.
« Je dus lui poser la question, ou bien mon attitude la lui posa indirectement pour moi. Et un soudain renversement des rôles, ce fut à mon tour de le dévisager. »
« S’il m’avait dévisagé pendant tout le déjeuner, c’est que, dans l’une de ses caches où il était confiné, il était tombé sur un de mes livres en édition de poche tout abîmé et l’avait dévoré à de nombreuses reprises, l’investissant sans doute d’une plus grande profondeur qu’il n’en avait jamais contenu. Il m’expliqua tout cela de ce ton neutre que j’avais déjà entendu chez d’autres victimes de torture, dont le quotidien inclus à jamais cette expérience indélébile. »
Le Carré se replongea, après le déjeuner dans La Chambre noire de Longwood, et a fait le lien qui lui avait échappé à la première lecture « il s’agissait là d’un prisonnier traumatisé qui écrivait sur une autre, peut-être le plus grand de tous les temps. » Il en garda un souvenir marquant même si ils ne revirent jamais ni entretinrent une correspondance.
Lorsque le Carré se lance dans l’écriture des Histoires de sa vie, il cherche sur internet comment le contacter. Il obtient son adresse mail assortie d’un avertissement sur le fait qu’il était possible qu’il ne réponde pas.
Je ne sais si JPK lit encore mes graffitis mais, pour la première fois, à propos de Napoléon, il n’a pas saisi la perche que je lui avais tendue.
« Avec moult précautions, je lui écrivis, et au bout de quelques semaines me parvint la généreuse réponse ci-dessous :
Pendant ma captivité, j’ai manqué cruellement de livres. Nos geôliers nous en apportaient parfois. L’arrivée d’un livre constituait un bonheur sans nom. J’allais non seulement le lire une fois, deux fois, quarante fois, mais aussi le relire en commençant par la fin ou au milieu. Je prévoyais que ce jeu allait m’accompagner au moins deux mois. Pendant mes trois ans de malheur, j’ai connu d’intenses instants de joie. L’Espion qui venait du froid en fait partie. J’y ai vu un clin d’œil du destin ; nos geôliers apportaient n’importe quoi : des romans bon marché, le deuxième tome de Guerre et Paix de Tolstoï, des traités illisibles. Cette fois un écrivain que j’admirais… J’avais lu tous vos livres dont l’Espion mais dans ma condition ce n’était pas le même livre il n’avait même plus rien à voir avec le souvenir que j’en avais. Tout était changé. Chaque ligne était lourde de sens. Dans une situation comme la mienne, la lecture devenait une affaire grave et même dangereuse car le moindre fait se trouve relié à ce quitte ou double, qui l’existence même de l’otage. La porte de la cellule qui s’ouvre annonçant un responsable du Hezbollah signifie la délivrance ou la mort. Tout signe, toute allusion deviennent présages, symboles ou paraboles. Il y en a beaucoup dans L’espion.
Avec ce livre, j’ai ressenti dans mon être le plus profond ce climat de dissimulation et de manipulation (la taqqiya chiite). Nos ravisseurs étaient des experts en paranoïa : méfiance maladive, interprétation délirante, agressivité systématique, goût névrotique du mensonge. L’univers aride de Leamas, où les vies humaines ne sont que des pions, était le nôtre. Que de fois me suis-je senti comme lui un homme abandonné, désavoué. Et surtout usé. Cet univers de duplicité m’a appris aussi à réfléchir sur mon métier de journaliste. Finalement nous sommes des agents doubles. Ou triples. Il nous faut entrer en empathie pour comprendre et se faire accepter, puis nous trahissons.
Votre vision de l’homme est pessimiste. Nous sommes des êtres dérisoires ; individuellement nous ne pesons pas lourd. Heureusement, tout ne se vaut pas (voir le personnage de Liz).
J’ai puisé dans ce livre des raisons d’espérer. Le plus important c’est la voix, une présence. La vôtre. La jubilation d’un écrivain qui décrit un monde terne et cruel et se délecte de parvenir à le rendre si gris et désespérant. On le ressent presque physiquement. Quelqu’un vous parle, vous n’êtes plus seul. Dans ma geôle, je n’étais plus abandonné. Un homme entrait dans ma cellule avec ses mots et sa vision du mode. Quelqu’un me communiquait son énergie. J’allais m’en sortir…
2015 JPK
Le Carré note : « Voilà ce que c’est. Voilà comment fonctionne la mémoire, celle de Kauffmann, la mienne, les deux. J’aurais juré que le livre dont il m‘avait parlé au déjeuner était Les Gens de Smiley, et non L’espion qui venait du froid, et mon épouse en garde le même souvenir. »
De mon côté je penche pour la version JPK et ce pour deux raisons :
Gelée noire !
Ce n’est pas un terme météo mais l’illustration très parlante d’une différence d’intensité entre la gelée blanche moins forte et surtout associées à de l’humidité, ce qui donne cette couleur blanche qui est de la rosée gelée ; la gelée noire est équivalente en force à la gelée d’hiver. L’effet d’une gelée noire en plein printemps est dévastateur sur des végétaux en pleine croissance mais encore très fragiles : Elle brûle les supports des futurs fruits, feuilles et tiges qui sont déjà sortis.
Dans mon souvenir, je me rappelle une descente éclair, en 1985, au lendemain d’une gelée noire sur les rives, pourtant réputées pour la douceur de son climat, de la Côte d’Azur, les champs de fleurs carbonisés, les roses des serres froides grillées, mais c’était en janvier et ce n’était que des fleurs me dira-t-on, impressionnant et surtout le désarroi des producteurs face à un tel sinistre.
Le 6 janvier 1985, -11°C à Hyères dans le Var. À Cannes, il fait -12°C le 9.
Au début de ma carrière, petit contractuel au Ministère, avec mon collègue et ami Claude Sauser, avec un petit ordinateur Wang dressé des cartes de l’intensité de la grande sécheresse de 1976 que nos IGREF ignorèrent avec superbe. Ça m’a aussi beaucoup marqué, Chirac légua à Barre un impôt sécheresse, qui alla dans des poches céréalières guère sinistrées. Par la suite, le Fonds des calamités fut mis à contribution de façon quasi-permanente et devint un fonds sans fonds. Il a été plusieurs fois réformé et fonctionne ainsi ICI
Après un épisode extrême de gel, Jean Castex promet « des enveloppes exceptionnelles » pour aider les agriculteurs
Le gel qui a couvert une large partie de la France cette semaine s’annonce comme l’un des pires de ces dernières décennies.
Le Monde avec AFP
Face à un épisode de gel extrêmement difficile qui a touché cette semaine dix des treize régions métropolitaines, le premier ministre, Jean Castex, a promis, samedi 10 avril, « des enveloppes exceptionnelles » pour aider les agriculteurs, annonçant dans l’immédiat le déplafonnement du régime d’indemnisation des calamités agricoles.
Le gouvernement compte également « utiliser tous les moyens dont [il] dispos[e] en pareilles circonstances, notamment par rapport aux charges », pour répondre à cette crise, a ajouté M. Castex après la visite d’une exploitation dans l’Ardèche. Le premier ministre a annoncé qu’il allait à cet effet « réunir les banquiers, les assureurs et l’ensemble des acteurs qui [peuvent] être mobilisés ».
De son côté, le chef de l’Etat, Emmanuel Macron, a fait part dans un tweet de son « soutien plein et entier » aux agriculteurs
La suite ICI
Les mains dans le cambouis mais pas un genou à terre 2019 – Hommage à La Canaille signé Valentin Morel vigneron du Jura
La métaphore « Les mains dans le cambouis mais pas un genou à terre » s’approprie particulièrement au contexte actuel de dérèglement climatique appliqué à la vigne.
Disons-le, « la galère est journalière » pour les vignerons aussi ! Les gels de printemps se répètent et risquent de s’intensifier. En été, les canicules sont plus virulentes allant jusqu’à brûler les vignes. Les raisins, malgré un ensoleillement exceptionnel ne sont pas mûrs puisque la vigne bloque ses mécanismes de maturité pour résister au chaud. Simultanément, le degré de sucre augmente par concentration et desséchement, ce qui entraîne des taux d’alcool plus élevés. Le tout engendrant des vinifications plus complexes.
L’exceptionnel va-t-il devenir la règle ?
Faut-il en rester au curatif étatique, guère adapté à un produit comme le vin car c’est le futur raisin qui est détruit, ou d’hypothétique assurances, fort coûteuses et elles aussi pas à la hauteur ?
Bien sûr que non, en restez-là ne répondra pas aux enjeux présents et futurs, réfléchir, se projeter, mobiliser des fonds importants, investir dans de nouveaux modes de conduite de la vigne, dans son environnement, accepter d’envisager des inflexions pour sortir de la vision purement productiviste, le volume faisant le revenu, et revenir à des pratiques commerciales, le vin est produit stockable qui peut vieillir, qui ne s’en tiennent plus à l’écoulement d’un millésime, rappelons que le secteur du vin d’appellation a distillé massivement en 2020.
S‘en tenir à des rustines, certes nécessaires pour panser, d’ailleurs fort mal, les plaies, c’est condamner à terme toute une frange de viticulteurs, mettre à mal un secteur qui depuis deux décennies vit dans le déni de la réalité de son métier.
Et, la fameuse opinion publique, sur les fameux réseaux sociaux, n’est pas toujours dans l’empathie, on peut le regretter, mais les appels à la tolérance ne changeront rien à l’affaire, pour beaucoup de nos concitoyens le vin n’est pas un produit essentiel.
Je laisse la plume à Catherine :
Le coup de gel, l’indemnisation et l’impunité
Chers tous, que je connais et ne connais pas, vignerons et pas vignerons,
Vous êtes nombreux à avoir manifesté votre compassion ou votre émoi, souvent les deux à la fois, après le coup de froid qui a gelé les espoirs du printemps, tué dans l’œuf les vendanges de l’année.
Il vous a été donné de vivre quasiment en direct la lutte des vignerons contre le gel, et nul n’a pu ignorer les images spectaculaires de milliers de points lumineux dans les nuits d’avril comme un ciel étoilé d’août, tragiquement belles comme peuvent l’être celles des incendies.
Puis, au matin du 8 avril, vous avez appris que le froid, de la Bourgogne à Bordeaux, du Languedoc au Muscadet, a été plus puissant que les vignerons, comme les incendies géants de Californie, d’Australie, du Portugal ont été plus puissants que les pompiers pendant des jours et des semaines, laissant les uns et les autres épuisés, désarmés après des nuits de vain courage. Face aux jeunes rameaux brûlés gelés, les vignerons ont sorti le grand mot, calamité agricole, et l’Etat le grand remède, la reconnaissance, c’est-à-dire l’indemnisation pour perte de récolte.
Ce même jeudi 8 avril, à 13 heures, le philosophe italien Roberto Esposito était l’invité de « La grande table idées » sur France Culture à l’occasion de la parution en français de son livre Immunitas : protection et négation de la vie paru en Italie en 2002. Notons au passage qu’il a fallu attendre presque vingt ans et probablement le Sars-Cov 2 pour qu’il soit traduit et devienne pour nous d’actualité. J’ai posé ma fourchette et vite pris un stylo pour noter : « Communauté et immunité, puisent à la même racine latine, munus, don, devoir. L’Immunité c’est le mot clé de notre époque ». J’ai immédiatement associé les vignes en feu de la nuit précédente à notre quête d’immunité, contre les virus couronnés, le gel et tous les fichus aléas que la vie nous réserve.
En réalité, à bien regarder ces vues aériennes, on peut aussi voir dans la reproduction terrestre d’une nuit d’août étoilée offerte par les milliers de bougies, l’emprise de la monoculture sur le territoire. Depuis plus d’un siècle, la vigne est seule dans ses parcelles, sans arbres ni arbustes, glyphosatée, dénudée d’adventices, sans culture intercalaire, sans cochons ni poules, bientôt sans oiseaux et sans insectes. Elle a mangé et continue à manger des terres qui avaient, ici vocation à cultiver des céréales, là des légumes, ici et là un troupeau. Nous vignerons sommes tout autant prisonniers de la pensée productiviste que les éleveurs ou les céréaliers. Nous sommes tout autant des bourreaux de la monoculture qui mène à mal les défenses immunitaires de la vigne, et en revers, ses victimes amères. Seule l’auréole du vin nous préserve (encore) de l’agribashing.
Dans les baux ruraux, héritage et survivance du Théâtre d’agriculture et ménage des champs d’Olivier de Serre, il est toujours stipulé que le fermier s’engage à conduire la terre « en bon père de famille ». L’expression « mettre tous ses œufs dans le même panier » nous vient d’une vieille prudence paysanne qui, considérant l’aléa comme la règle en agriculture, consiste justement à ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier. Que nous reste-t-il de la gestion « en bon père de famille » ? De la sagesse proverbiale qu’il y a à ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier ?
Le 28 juin 2019, un coup de chalumeau avait brûlé les vignes du Midi. Le 8 avril 2021 le gel a touché presque tous les vignobles, conséquence pas tant d’un phénomène exceptionnel, que de journées exceptionnellement chaudes et ensoleillées en mars, l’un et l’autre énièmes symptômes du dérèglement climatique à l’oeuvre. Néanmoins, nous continuons à faire comme si nous pouvions tout, bougies, feux de paille, chaufferettes, hélicoptères, aspersion, tours anti-gel, éoliennes, fils électriques chauffants, et comme si nous n’y étions pour rien, implorant l’indemnisation qui est une forme d’impunité.
Hypnotisés par la beauté cruelle des images, pris dans l’étau de l’émotion, nous versons des larmes de crocodile sur ce que nous croyons avoir perdu, mais demeurons aveugles à ce que nous avons réellement perdu. Par exemple, cette scène peinte par Jakob Philipp Hackert que je partage avec vous.
Texte de Valentin Morel publié sut Facebook
Chers clients et amis,
C'est avec le cœur lourd que je m'adresse à vous aujourd'hui pour vous faire part de l’état de mes vignes à la suite des trois nuits où un gel intense (et même de la neige !) s'est abattu cette semaine. Je profite également de ce courriel et de la gravité de cette situation pour vous faire part de mes questionnements au sujet de cette belle plante que nous chérissons tant.
Les dégâts sont considérables, plus graves qu'en 2017 et 2019, et nous avoisinons sans doute un taux de perte aux alentours de 80%.
De toute évidence, ces enchaînements d'intempéries nous questionnent et nous font douter, voire nous découragent parfois. D'un point de vue météorologique, un gel début avril ne semble pas spécialement anormal. Ce qui l'est davantage est plutôt l'anormale douceur de la fin février et un temps estival durant 10 jours fin mars qui ont fait débourrer la vigne bien trop tôt.
D'un point de vue plus viticole, une vision un peu critique me conduit de plus en plus à assimiler notre façon de pratiquer notre viticulture comme ce que les soignants appellent un acharnement thérapeutique. Par une ironie mordante dont seule la vie a le secret, j'ai passé une bonne partie de l'hiver à lire des ouvrages et réfléchir à la question de la « dégénérescence de vitis vinifiera », notre famille de vigne européenne si fragile et que nous nous évertuons à faire pousser malgré tous les signes de faiblesse qu'elle nous renvoie. Ce débat anime en effet un certain nombre de vignerons et de chercheurs. Finalement, par une action bassement revancharde, pour adopter un point de vue anthropomorphique décalé et, certes, absurde, cette vigne, en milieu de printemps, nous fait comprendre que "nous n'avions qu'à pas" penser qu'elle était dégénérée et se sacrifie face à une vague de froid venue de l'arctique ! Singulier retour de bâton…
Plus sérieusement, notre conduite de la vigne interroge et il suffit de remonter au mitan du XIXe siècle pour s'en rendre compte, époque où l'oïdium est identifié en Europe. Depuis lors, ce champignon dévastateur ne sera combattu qu'au prix de nombreux traitements à base de soufre. Petit bonus de notre époque, l’oïdium semble être de plus en plus virulent ces dernières années caniculaires. Deuxième petit bonus pour nos confrères conventionnels, l'oïdium réussit régulièrement à contourner les nouveaux produits de synthèse de lutte chimique forçant ces confrères à revenir à la bonne vieille lutte biologique au soufre !
Ensuite, l'arrivée du phylloxera nous conduit à greffer nos vitis vinifera sur porte greffes américains. Pratique totalement contre-nature mais cruellement nécessaire dont nous ne sommes jamais sortis et qui nous cause de nouveaux ennuis : Fin de la plantation par bouturage surplace, au début greffage de qualité par les vignerons puis industrialisation des pépinières : sélection clonale, traitement à l'eau chaude, greffage, forçage, plantation en pépinières, arrachage, passage en chambre froide, replantation à la vigne... Malgré tous les points de vigilance, les virus se développent tout de même et aujourd'hui la flavescence dorée est une épée de Damoclès planant au-dessus des vignobles.
Je passe sur l'arrivée du mildiou, le manque de renouvellement génétique lié à la reproduction par la seule voie végétative, la plantation à 6000 pieds/ ha (voire 12 000 ) d’une plante qui s'épanouissait en poussant sur des arbres dans des forêts alluviales (biotope primaire de vitisvinifera) etc. Malgré tout, et parce que nous aimons tout de même boire du vin, il nous faut encore et toujours nous adapter et chercher de nouvelles pistes. Et de mon point de vue, feu de paille, bougies, hélicoptères, tour antigel, autant de pratiques que je respecte mais qui s’apparentent à un énième acharnement thérapeutique, ne peuvent constituer la panacée. Comme certains d'entre vous le savent, les variétés résistantes ou dites interspécifiques (inexactement appelées hybrides) soulèvent chez moi de nombreux espoirs en même temps qu’elles charrient aussi des questionnements. Outre qu'elles résistent aux principaux champignons (ne nécessitant donc aucun traitement) et virus qui frappent vitis vinifera, les variétés interspécifiques ont aussi l'atout majeur de résister au gel. Plus précisément, elles ne résistent pas au gel car elles gèlent comme vitis vinifera. En revanche, lors de la repousse après un gel, elles sont capables de refaire des fruits, ce dont n'est pas capable vitis vinifera. M'interrogeant sur ces cépages avec quelques confrères, j'ai réalisé récemment à quel point ceux-ci étaient controversés. Étrangement, ils parviennent à unir contre eux du vigneron productiviste le plus conservateur au vigneron biodynamiste pionnier le plus pointu de son domaine. Le productiviste leur reprochant l’atteinte au terroir et aux AOC, et le biodynamiste dénonçant des tripatouillages génétiques (pourtant totalement naturels puisqu’issus de croisement sexuels et non pas de manipulation génétique de type OGM) et le sang américain de cette vigne venue de l’ouest et produisant des breuvages qui ne seraient jamais de grands vins de terroir…
Au-delà de ces deux visions caricaturales, se trouvent de nombreux collègues et clients dont vous êtes, curieux et intéressés par cette question. Ces variétés résistantes ont représenté en France des proportions considérables de notre vignoble entre les deux guerres mondiales avant d’être abandonnées. Sans doute que les vins n’étaient pas à la hauteur de ce que pouvait permettre la qualité de ces cépages probablement en raison de la sous maturité mais aussi des mauvaises conditions de vinification de l’époque. Deux problèmes aujourd’hui résolus et qui nous incite à penser qu’il est grand temps de réaccorder à ces variétés, injustement mises sur la touche, la place qu’elles ont eue et qu’elles méritent.
Il me paraît important de ne pas reproduire à l’envers la même erreur qu’il y a 80 ans où l’on a imposé l’arrachage des variétés interspécifiques. Ainsi, il serait absurde de se débarrasser définitivement de vitis vinifera, et tous les essais de régénération, de sélection massale, de différentes façons de greffer etc. doivent être précieusement poursuivis et encouragés. Mais, parallèlement, si nous avions tous 25 % d’interspécifiques dans nos parcellaires, cela constituerait une assurance gel/mildiou/oïdium non négligeable. Puis, lors des belles années viticoles, elles offriraient un vin d’entrée de gamme populaire écologique et sain.
En outre, la perspective d’une vigne qui ne serait pas « phytodépendante» et, ne nécessiterait absolument aucun traitement, ne peut nous laisser indifférent à une époque où l’on parle tant d’agro écologie et où notre pays demeure l’un des plus gros consommateurs de pesticides.
Je sais que la situation est difficile pour nombre d’entre vous en raison du contexte sanitaire et que je vous adresse également tout mon courage et toutes mes pensées chaleureuses.
Vivement que reviennent les jours heureux où nous pourrons nous revoir et déguster de bons vins, même issus de vignes « dégénérées » !
Chaleureusement,
Une société du tout-immunisé est-elle souhaitable ? ICI
Se protéger oui, mais à quel prix? Le philosophe italien Roberto Esposito est notre invité à l'occasion de la parution de "Immunitas : protection et négation de la vie" (Seuil, 2021), traduction d'un de ses ouvrages paru en 2002, où il se penche sur le lien entre "communauté" et "immunité".
lya Kabakov (b. 1933)
Self-Portrait
1959
Oil paint on canvas
605 x 605 mm
Private collection
© Ilya & Emilia Kabakov
De tous les artistes que j’ai rencontrés, Ilia Kabakov est le seul qui aurait indubitablement survécu quelles que soient les restrictions qu’on lui imposait et qui s’en serait même délecté. Au fil des ans, il était entré dans les bonnes grâces des officiels soviétiques aussi souvent qu’il en était sorti, au point de devoir signer ses illustrations d’un pseudonyme. Pour avoir accès à son atelier, il fallait s’être montré digne de confiance, il fallait connaître quelqu’un et il fallait suivre un garçon armé d’une lampe torche sur un long gymkhana de planches branlantes posées sur des poutres de plusieurs greniers contigus.
Quand enfin on arrivait, on découvrait Kabakov, ermite exubérant et peintre de génie, avec son entourage de femmes et d’admirateurs. Et là, sur la toile, le monde merveilleux de son auto-incarcération, ridiculisée, pardonnée, embellie et rendue universelle par l’œil aimant de son créateur indomptable.
John Le Carré lors de son premier voyage en 1987 dans une URSS qui agonisait grâce Mikhaïl Gorbatchev et que tout le monde le savait sauf la CIA.
Ilya Kabakov (né en 1933 à Dnepropetrovsk, Ukraine, ex-U.R.S.S) partage son temps, depuis les années 1990, entre Moscou et New York. Depuis 1989, il travaille en collaboration avec son épouse Emilia (née en 1945 à Dnepropetrovsk), diplômée en piano classique de la faculté de musique et ayant étudié la littérature espagnole à l’université de Moscou. Diplômé en illustration en 1957, il commence sa carrière en dessinant près de 150 albums pour enfants. Mais dans les années 1970, alors qu'il vit à Moscou dans un appartement communautaire sous le régime soviétique, il commence à rédiger et peindre des albums inspirés par des personnages imaginaires.
Il donne à ses personnages imaginaires un espace à partir des années 1980 lorsqu'il commence à concevoir les intérieurs de ses Dix Personnages (1981-1988), sa première installation d'envergure dans laquelle il utilise des mécanismes littéraires tirés d'ouvrages de Gogol. « Je me vois forcé d'incorporer l'espace environnant dans l'installation. Cela conduit à ce que j'appelle une installation totale. » Kabakov construit alors des pièces d'appartements, des chambres, des cuisines, des ambiances complètes, théâtres d'une vie, entre remémoration et imagination.
L'Union soviétique bruisse alors de changements politiques, mais la vie quotidienne de ses habitants évolue peu. Kabakov s'attache à documenter ce quotidien confiné, en créant des espaces détaillés et spirituellement animés. Il y plonge un spectateur manipulé, et victime quasi consentante venue tenter une expérience empathique. Les installations totales de Kabakov ne sont pas des dioramas, ni même des reconstitution d'endroits réels, mais bien des projections mentales qu'il faut parcourir, dont il faut s'imprégner. Pour cela, l'artiste joue de ressorts dramatiques quasi systématiques comme une lumière glauque, un hermétisme spatial, des atmosphères psychologiques lourdes, elliptiques bien que fournies de détails. Pour lui, l'esprit du lieu est primordial : ses œuvres sont comme des pièges, [...]
Entre turbulence et résilience: l’art en question par Ilya et Emilia Kabakov ICI
Quel sens donner aujourd’hui à la Russie soviétique et surtout quelle image proposer au moment du centenaire de la Révolution de 1917 ?
Peut-on y accoler les mots nostalgie, utopie, monotonie, avant-garde, censure ?
Et faut-il y faire référence quand on est un artiste russe qui cherche à s’adresser à un public au-delà de toutes les frontières ?
Né en Ukraine (1933), comme Emilia (1945) qui deviendra sa collaboratrice et son épouse à la fin des années 1980, Ilya a toujours créé (peintures, dessins, installations, textes théoriques) dans un contexte de turbulence idéologique même si le couple réside aujourd’hui au calme à Long Island. Alors que le rouleau compresseur du réalisme socialiste a vite mis au pas l’énergie avant-gardiste révolutionnaire, que l’approche subjective et individualiste ne correspond plus à la culture du prolétariat collectiviste, que la perestroïka et les années Poutine ouvrent un futur qui aura vu s’effondrer de nombreuses utopies (communisme, fascisme, capitalisme), Ilya et Emilia Kabakov ont une grande estime pour l’art comme porteur de culture. Dans un monde où règnent en roi la consommation, l’individualisme et le matérialisme, la question de l’utopie reste pertinente pour contrer la pauvreté spirituelle et trop simpliste qui fait de l’œuvre d’art une commodité de marchandage plutôt qu’une proposition d’élévation. Voilà quelques repères pour entrer dans l’univers des Kabakov et penser l’art entre turbulence et résilience. ICI
Je me voyais déjà en haut de l’affiche,
En dix fois plus gros que n'importe qui mon nom s'étalait
Je me voyais déjà adulé et riche
Signant mes photos aux admirateurs qui se bousculaient
Je me voyais déjà
Sortant de chez Drouant,
Face aux journalistes
Mon premier roman
Journal d’un con fini
Ayant reçu le prix
Et patatras
Les éditeurs submergés
Ont coupé le robinet
Je devrai me contenter
D’en faire des cocottes en papier…
Après des reports de parution en cascade à cause des confinements successifs, les apprentis écrivains se bousculent aux portes des maisons d'édition.
AFP
LIVRES - De moins en moins de Français lisent, mais ils sont toujours autant de candidats pour être publiés. Et pour Gallimard, c’en est trop: l’éditeur prie les écrivains aspirants d’attendre avant d’envoyer leur prose.
“Compte tenu des circonstances exceptionnelles, nous vous demandons de surseoir à l’envoi des manuscrits. Prenez soin de vous toujours et bonnes lectures”, écrit la prestigieuse maison sur son site internet.
Ce conseil y est apparu début avril et a été relayé sur le compte Twitter officiel le 2 avril, un vendredi en fin d’après-midi. Pas sûr qu’il soit suivi unanimement, mais pour accroître ses chances, mieux vaut s’y plier. Et patienter.
Une situation compliquée pour les débutants
Le contexte est assez défavorable aux inconnus qui se rêvent en Michel Houellebecq ou en Amélie Nothomb. La fermeture des librairies à deux reprises en 2020, au printemps et à l’automne, a entraîné des reports de parution, provoquant un embouteillage en 2021. Si se faire publier est toujours difficile pour un débutant, c’est devenu encore plus compliqué.
Gallimard n’est pourtant pas avare en premiers romans dans sa fameuse Collection blanche: cinq à la rentrée de janvier, deux en mars, deux en avril... Interrogé par l’AFP sur les raisons de ce message au grand public, l’éditeur a évoqué l’immensité des volumes envoyés.
Les 30 manuscrits par jour ouvré reçus rue Gaston-Gallimard sont devenus 50, depuis près d’un an. “Nous tenons à accorder la même attention à tous les manuscrits que nous recevons et nous répondons à tous les envois. C’est un travail considérable qui demande de la minutie et de la disponibilité d’esprit. C’est pour toutes ces raisons que nous avons demandé de suspendre, tout à fait momentanément, l’envoi des manuscrits”, a expliqué Gabrielle Lécrivain, éditrice.
3500 manuscrits par an au Seuil
Certains concurrents avaient donné le même conseil dans un contexte très particulier: lors du premier confinement, au printemps 2020.
“Nous et d’autres éditeurs, nous avions mis un message sur le site internet pour demander d’attendre avant d’envoyer un manuscrit. Je m’attendais à un tsunami quand on l’a enlevé pour le déconfinement. Il n’a pas eu lieu, mais il y a un certain rattrapage actuellement”, dit à l’AFP Laure Belloeuvre, du service des manuscrits du Seuil.
Cet éditeur reçoit environ 3500 manuscrits par an, concentrés en début et en fin d’année. Entre janvier et mars, 1200 sont parvenus. “C’est beaucoup. Maintenant que tout le monde sait se servir d’un ordinateur pour écrire, nous voyons des gens qui écrivent et dont nous sentons qu’ils ne lisent pas. Ce n’est plus comme au temps où il fallait prendre sa Remington pour taper son manuscrit, ce que faisaient des passionnés de littérature”, raconte l’éditrice.
“Nous, on ne coupe pas le robinet”, indique Juliette Joste, éditrice chez Grasset. “On a des programmes ultrachargés, et on ne peut quasiment rien prendre qui vient de la Poste: un ou deux titres par an. Mais j’ai vu ce message de Gallimard avec étonnement”. Grasset, qui avait approché un record de 5.000 manuscrits reçus en 2018, en a déjà reçu plus de 1000 en 2021, à la mi-mars.
Un prix littéraire pour les écrivains non publiés
Quand les éditions Novice, qui n’avaient encore publié aucun livre, ont créé en janvier 2020 un prix littéraire destiné aux ”écrivains non publiés”, le jury a reçu pas moins de 150 manuscrits. “Je n’avais pas envie qu’on en reçoive un nombre ingérable, donc la fenêtre d’envoi était volontairement très courte, et on a communiqué assez peu”, explique à l’AFP Timothé Guillotin, le fondateur de cette maison.
Le nom du lauréat ou de la lauréate (qui sera publié) sera révélé vendredi. “C’est quelqu’un qui a essayé de publier, et qui a reçu pas mal de refus, même si les réponses étaient toujours encourageantes. C’est passé pas très loin chez Flammarion. Et notre jury a compris pourquoi, avec ce très beau roman”, a ajouté Timothé Guillotin.
Les éditions de L’Olivier constatent le même engouement. “Plus de 700 manuscrits sur les trois premiers mois, ce qui fait qu’on dépassera 2000 cette année, alors qu’on était à 1500 ou 1600 par an avant le prix Goncourt de Jean-Paul Dubois” en 2019, relève Jeanne Grange, du service des manuscrits.
“À deux éditrices pour les éplucher, on ne peut pas tout lire en entier, c’est certain. Mais je ne dissuaderais jamais personne. La vitalité d’un éditeur se voit au renouvellement de son catalogue”, ajoute-t-elle.
Détenant 8 % du capital de Moderna Therapeutics, Stéphane Bancel fait une entrée directement à la 23e place du classement Forbes. (Andrew Harnik/AP/SIPA)
Détenant 8 % du capital de Moderna Therapeutics, le PDG Stéphane Bancel fait son entrée dans le classement. Si le top 10 du classement des milliardaires français reste inchangé, tous ont vu leur fortune augmenter en 2020.
Le Monde avec AFP
La crise due à la pandémie de Covid-19 n’a pas pénalisé tout le monde. Quatre nouveaux milliardaires français font leur entrée dans le classement Forbes, selon la version française du magazine, qui publiera mercredi 7 avril son palmarès. Le trio de tête reste inchangé : Arnault, Bettencourt Meyers, et Pinault.
La France est passée dans le classement Forbes de 39 à 42 milliardaires entre 2019 et 2020 – Olivier Dassault, mort dans un accident d’hélicoptère en mars, étant sorti du classement.
Détenant 8 % du capital de Moderna Therapeutics, société américaine en pointe dans la course aux vaccins anti-Covid, son PDG français Stéphane Bancel fait une entrée directement à la 23e place. Sa fortune est estimée à 3,5 milliards d’euros.
Société de surveillance, camping-cars, laboratoires d’analyse
Deuxième entrée, celle d’Olivier Pomel, à la 34e place avec 1,5 milliard d’euros. Le PDG de la société de surveillance du cloud Datadog détient 6 % des actions qui ont vu leur cours s’envoler de 39 % après le premier jour de cotation au Nasdaq, selon le magazine. La capitalisation boursière de la société qu’il a cofondée et qui est présente dans 24 pays a déjà atteint 10 milliards d’euros.
Suit François Feuillet, à la 35e place, avec une fortune d’1,5 milliard d’euros. Le PDG de Trigano détient 58 % des parts de ce groupe leader européen des camping-cars et possède 9,5 hectares de vignes de grands crus, selon Forbes.
Enfin, Yves-Loïc Martin entre à la 36e place avec 1,4 milliard d’euros. Il est le frère de Gilles Martin, qui a fondé les laboratoires d’analyse Eurofins Scientific, positionnés dans l’agroalimentaire, la pharmacie, l’environnement et la biologie médicale. Il en est aujourd’hui administrateur et détient 11 % des parts, selon Forbes.
Les riches toujours plus riches
Si le top 10 du classement des milliardaires français reste inchangé, tous ont vu leur fortune augmenter en 2020.
Le président du leader du luxe LVMH, Bernard Arnault, reste en tête avec une fortune estimée par le magazine à 125,2 milliards d’euros, devant Françoise Bettencourt Meyers, héritière de L’Oréal (61,4 milliards), et François Pinault, du groupe de luxe Kering (35,3 milliards).
Suivent les frères Alain et Gérard Wertheimer, propriétaires de Chanel (28,8 milliards chacun), Emmanuel Besnier, héritier de Lactalis (15,9 milliards), Patrick Drahi, propriétaire, via Altice, de BFM, Libération et RMC (9,8 milliards), Rodolpe Saadé, de l’armateur français CMA CGM (9 milliards), Xavier Niel, propriétaire notamment d’Iliad-Free et actionnaire à titre individuel du Monde (7,3 milliards), et Alain Mérieux, de l’empire pharmaceutique bioMérieux (6,8 milliards).
Je viens de lire « L'Inconnu de la poste » de Florence Aubenas.
Le titre ci-dessous résume tout, je n’aurai pas l’outrecuidance de mettre mon grain de sel même si je reste un peu dubitatif sur la narration édifiante de Florence Aubenas, sur le modèle d'un nouveau journalisme littéraire à la française… J’en reste à Truman Capote…
Lisez-le !
« L’Inconnu de la poste » de Florence Aubenas fait briller les critiques du Masque & la Plume ICI
par France Inter publié le 1 mars 2021
Après "La méprise : l'affaire d'Outreau" et "Le Quai de Ouistreham", la grande reporter se plonge dans un fait-divers, l'histoire d'un crime dans le village de Montréal-la-Cluse il y a 7 ans. Un livre qui a conquis à l'unanimité les critiques, profondément touchés par la narration édifiante de Florence Aubenas.
CRITIQUE
« L'Inconnu de la poste » : meurtre en terre de France ICI
Dans son nouvel opus aux allures de roman noir, Florence Aubenas passe au scanner un tragique fait divers de 2008 : l'assassinat d'une postière d'un village de l'Ain, pour lequel l'acteur Gérald Thomassin fut longtemps considéré comme suspect numéro un. Une enquête fouillée et sensible, modèle d'un nouveau journalisme littéraire à la française.
Publié le 15 févr. 2021
A quoi reconnait-on une « non-fiction » réussie ? A ce qu'elle a l'allure d'une fiction. Elle nous embarque, grâce à sa qualité littéraire, à son aptitude à raconter le monde au-delà du fait de société ou du fait divers. Le nouvel opus de Florence Aubenas est de cette eau. « L'Inconnu de la poste » a tellement l'air d'un roman noir qu'on hésite à en résumer l'intrigue, de peur de s'attirer les foudres du lecteur. Pourtant l'affaire qu'elle retrace a fait la une de plusieurs journaux pendant des années.
Catherine Burgod-Arduini (en haut à gauche) a été tuée de 28 coups de couteau à la poste de Montréal-la-Cluse le 19 décembre 2008. Depuis, Gérald Thomassin, qui s'apprêtait à bénéficier d'un non-lieu, a disparu et Florence Aubenas a écrit un livre à succès sur ce qui reste un mystère. Photo DR/Progrès/AFP
« L’Inconnu de la poste », de Florence Aubenas : du coupable idéal au faux coupable ICI
Critique
Florence Aubenas explore les zones d’ombre d’un fait divers dans l’Ain et signe un roman-vrai d’atmosphères, à la Simenon, dans la France d’aujourd’hui.
Dans ses reportages comme dans ses enquêtes, Florence Aubenas (Le Quai de Ouistreham) aime flairer dans les recoins obscurs d’une France délaissée. Ce fait divers, avec ses zones d’ombre, condense ses centres d’intérêt. Une décennie de fiascos, une unité d’élite, cinq juges d’instruction successifs, deux mis en examen relâchés, un troisième qui tombe du ciel… Avec méthode et empathie, Florence Aubenas s’attache à tous les personnages sans les juger, et leur rend leur humanité. Elle fore un mystère qui ne cesse de s’épaissir dans un village où tout inconnu est un étranger, scanné de la tête aux pieds, où traînent des marginaux à la dérive. Un roman-vrai d’atmosphères, à la Simenon, dans la France d’aujourd’hui.
Récit
L'Inconnu de la poste Florence Aubenas
On aime passionnément
Autour du fait divers criminel qui impliqua l’acteur Gérald Thomassin en 2008, la journaliste construit un récit sensible et captivant.
Éd. de L’Olivier, 240 p., 19 €.
Nathalie Crom
Ce scrupuleux et tenace travail d’enquête, Florence Aubenas en voile à dessein l’impressionnante méticulosité, en le fondant dans un récit grave et captivant, essoré de tout lyrisme, et où elle s’abstient d’apparaître — à l’exception du bref préambule —, narratrice omniprésente autant qu’invisible, s’effaçant derrière les protagonistes : le bouleversant Thomassin, ses compagnons de dèche Tintin et Rambouille, le père de Catherine Burgod, des gendarmes, des avocats… Des voix, des points de vue, des destins ancrés dans un paysage gris et entêtant — une vallée jurassienne précarisée et morose, vouée à l’industrie du plastique — dont Florence Aubenas fait bien plus qu’un décor : une atmosphère, à laquelle elle octroie parfois le premier rôle.
« Chaque chose est à sa place, mais tout est éclaboussé de sang » : les extraits du dernier livre de Florence Aubenas
Après quelques années de prison, l’acteur Gérald Thomassin a bénéficié en juillet 2020 d’un non-lieu pour le meurtre d’une postière, survenu douze ans plus tôt dans une commune de l’Ain. Florence Aubenas, grand reporter au « Monde », reconstitue ce fait divers dans « L’Inconnu de la poste », aux éditions de l’Olivier.
Par Florence Aubenas
Publié le 07 février 2021
Bonnes feuilles. Au centre du Haut-Bugey, une courte bande de terre se faufile entre les montagnes et permet de relier la France à la Suisse sans grimper sur les sommets. Pour qui s’y arrête, le premier saisissement, c’est un lac au milieu des à-pics. Il est plutôt petit, mais d’un bleu pas comme ailleurs, on le dirait intact, donnant à chacun l’impression d’être le premier à le découvrir.
Ce sentiment est d’autant plus vif que nul ici ne semble en faire grand cas. Le chemin de fer et la voie rapide ceinturent ses berges, avec ici une station-service, là un parking déprimant. Mais l’endroit est trompeur, d’une fausse innocence. Vous n’êtes pas là où vous croyez. Le lac de Nantua n’a rien d’une beauté cachée. Disons peut-être une beauté délaissée. Longtemps, il fut l’étape en vogue sur la route de Genève ou de l’Italie. Dans ses carnets de voyage, à l’été 1832, Alexandre Dumas se répand en pages flatteuses sur ce « lac bleu saphir », « comme un joyau précieux », etc. Plus tard, Edith Piaf, Louis Aragon ou l’Aga Khan ont eu leurs habitudes à l’Hôtel de France et au Belle-Rive, qui faisait aussi cabaret. Fernand Raynaud achetait ses Borsalino chez le chapelier de la rue du Collège, là où une mercière tente désespérément aujourd’hui de revendre son commerce.
Dans les années 1970, la construction de l’autoroute a mis en place le contournement du lac, et donc son abandon. Le dernier palace vient d’être transformé en appartements. Seuls rescapés de sa splendeur passée, les homards gravés sur les vitres de ce qui était jadis le restaurant. Une des nouvelles locataires aurait été incapable de situer Nantua sur la carte de France avant de venir s’y installer. Elle ignorait même que ce nom désignait une ville, croyant qu’il s’agissait seulement d’une sauce, « la sauce Nantua, vous savez, celle qu’on servait autrefois dans les banquets, épaisse et rose comme la porcelaine pour salle de bains ». Elle n’en repartirait plus. On ne quitte pas facilement le coin. Un jour, on voudrait aller voir ailleurs, mais c’est trop tard : quelque chose vous a attrapé ici et ne vous lâche plus. Vous restez.
« Bien que la haute saison démarre, Gérald Thomassin n’a aucun mal à trouver une place au camping de Port, près de Montréal-la-Cluse »
Donc ça commence au bord de ce lac, un jour d’été 2007, le 27 juin exactement. Bien que la haute saison démarre, Gérald Thomassin n’a aucun mal à trouver une place au camping de Port, près de Montréal-la-Cluse, un gros village en face de Nantua, sur l’autre rive. Mireille, la patronne, se souvient qu’il portait malgré la chaleur un coquet chapeau de feutre, des gants et un manteau mi-long, en cuir noir. Il lui tend ses papiers. 33 ans, 1,70 m, 52 kilos. Domicilié à Rochefort.
Une femme l’accompagne, un peu plus âgée, Corinne. La veille, on les a vus dormir dans une Renault Kangoo grise sur le parking du cimetière, à la sortie de Montréal-la-Cluse, là où commence la montagne. Maintenant, ils dressent leur tente sur l’adorable pelouse du camping. A vrai dire, ils n’en possédaient pas en arrivant. Ils sont partis l’acheter quand la patronne a refusé de les laisser dormir allongés dans l’herbe, au milieu des caravanes.
Le camping accueille des habitués, les mêmes chaque année, de génération en génération. On s’invite à boire l’apéritif, on partage le jambon au chablis et le gratin, spécialité de la maison. Des barques aux couleurs vives se dandinent sur l’eau au bout de leur chaîne, dans une gaieté naïve de vacances. La plage est à côté, au creux d’une anse que prolonge un ponton gentiment désuet. Tout l’été, les dames des villages déploient serviettes et paniers chaque jour au même endroit, bataillant avec les touristes qui empiéteraient sur leur territoire. Quoi d’autre ? Rien. C’est pour ça qu’on vient.
« La poste doit garder un rôle social, elle aime le répéter. On est humain, il faut aider, on est le service public, n’est-ce pas ? »
Personne n’a jamais vu Thomassin dans l’eau, ni même en maillot de bain. Les jours et les nuits, il les passe avec quelques gamins du camping, collé devant des jeux vidéo, à écluser des bières. C’est durant ce même été 2007 qu’il pousse la porte de la grande poste, à Montréal-la-Cluse. La conseillère financière remarque d’abord son allure. Sur ses vêtements, rien à dire, elle note même une certaine recherche. Pourtant, quelque chose cloche, elle ne saurait dire quoi. Un marginal, sans doute, ils débarquent dans les campagnes maintenant, moins que dans les grandes villes, bien sûr, mais on en voit passer au bord du lac, des jeunes, l’été surtout.
A l’agence, la conseillère a déjà reçu un type avec un bouledogue, un autre avec un rat. Parfois, elle s’arrange pour débloquer les quelques euros nécessaires à maintenir ouverts les comptes les plus tendus. La poste doit garder un rôle social, elle aime le répéter. On est humain, il faut aider, on est le service public, n’est-ce pas ? Thomassin lui annonce qu’il souhaite s’établir à Montréal et ouvrir un Livret A. Il ne semble pas saoul, mais elle lui trouve une odeur d’alcool. Ou alors est-ce une impression, à cause de ce manteau de cuir noir qui suffit à le désigner comme un étranger ? Le genre de client pénible qui vient, jour après jour, retirer trois sous sur son compte jusqu’au prochain versement des allocations. Elle en est sûre. A force, elle les repère.
Sur le formulaire, à la case « profession », elle le voit écrire « acteur ».
Elle n’a pas sursauté, l’habitude professionnelle. Une vedette ? Lui ? Comme Robert Lamoureux qui faisait sensation en descendant de sa décapotable en slip panthère ? Ou Charles Aznavour qui signait des autographes à la charcuterie de Montréal, quand il s’arrêtait acheter du pâté maison ? Encore un mythomane, elle pense. Mais Thomassin s’est déjà lancé, volubile, énumérant les tournages. Les anecdotes et les grands noms défilent, il parle d’une voix douce, pas désagréable. Il roule délicatement une cigarette, manque l’allumer, puis la range, s’excusant poliment. Plus rien ne l’arrête désormais, il raconte le film qu’il vient de terminer, il y a quelques semaines. Il tenait le rôle principal, sous la direction de Jacques Doillon. Est-ce qu’elle connaît Jacques Doillon ? Son cachet était de 20 000 euros, enfin 17 339 exactement, il précise. Il serait incapable de dire où ils ont filé en deux mois. Ses histoires s’étirent, filandreuses, pleines de détails enchevêtrés. Il est même question d’un César du jeune espoir qu’il aurait gagné au début de sa carrière.
« On en vient à ses revenus. Très naturel, il déclare toucher le RMI. Elle en était sûre : tout ce baratin pour en arriver là »
Elle se dit : ça y est, il délire. Elle le dévisage maintenant : des yeux possiblement verts, des cils épais. Elle ne peut s’empêcher de lui trouver quelque chose de profond dans le regard. La drogue, peut-être ?
On en vient à ses revenus. Très naturel, il déclare toucher le RMI.
Elle en était sûre : tout ce baratin pour en arriver là. Dès qu’il quitte l’agence – enfin ! –, la conseillère saute sur Internet. C’est vrai qu’il est acteur, elle le reconnaît sur un site spécialisé. Sa biographie recense plus d’une vingtaine de rôles, un tournage par an pour le cinéma ou la télé. Et le César non plus n’est pas une fable : il l’a gagné en 1991. Elle n’en revient pas. Tout serait vrai, et pourtant elle n’arrive pas à y croire. Pourquoi connaît-elle le nom des autres comédiens dont il a parlé et pas le sien ? De toute manière, qu’est-ce qu’un artiste viendrait chercher aujourd’hui sur les rives du lac de Nantua ?
Au camping, les vacanciers se plaignent de Thomassin. Certains commencent à en avoir peur. Le 14 juillet, il a tiré un coup de fusil en l’air. Un autre soir, emporté par un jeu vidéo, il a brisé son ordinateur en hurlant, comme un cavalier crève sa monture sous lui. C’était le seul objet qu’il s’était acheté avec l’argent de son dernier film. Son amie Corinne repart dans sa Kangoo grise. Trop de bruit, trop d’alcool, trop de disputes. Mireille, la patronne du camping, finit par lui demander de s’en aller aussi. Elle suppose qu’il a dû quitter la région, mais un samedi soir de septembre, à la messe de Montréal-la-Cluse, elle sursaute. Thomassin est là, agenouillé, à quelques bancs d’elle. On dirait qu’il prie. Il a emménagé dans le vieux village quelques jours plus tôt.
« Montréal-la-Cluse est devenu un bourg ouvrier, mais le temps s’y écoule toujours comme à la campagne, entre la maison et le jardin »
Cette partie-là du bourg garde son jus de campagne. Longtemps, il y eut des vaches, une rivière, une comtesse dans son château, qui semble parfois y être encore. Une venelle étroite se tortille à flanc de montagne, où les voitures se croisent à peine : c’est la rue principale qui passe devant l’église, puis débouche sur une placette avec une belle fontaine où les bêtes se relayaient pour boire. Les maisons se serrent les unes contre les autres, presque toutes semblables. On entre par ce qui était l’écurie, les animaux se tenaient en bas, le foin en haut. Derrière, vient la cuisine, servant à tout. Du linge claque sur un fil, les bûches coupées s’alignent en tas sous des bâches blanches. Les potagers finissent au ras des prés, les limites du village se fondent dans le paysage, la plaine et le lac d’un côté, la montagne et les sapins de l’autre. S’occuper du bois, savoir conduire très vite sur la neige ou éviter de nuit un sanglier garde ici tout son sens.
L’industrie du plastique fait maintenant vivre la région, des usines en chapelet, petites ou grosses, s’égrènent sur une vingtaine de kilomètres. La « Plastics Vallée », annoncent triomphalement les panneaux sur l’autoroute, premier pôle européen du secteur. Montréal-la-Cluse est devenu un bourg ouvrier, mais le temps s’y écoule toujours comme à la campagne, entre la maison et le jardin.
Thomassin a loué un studio dans une bâtisse ancienne près de la fontaine, deux étages, quatre petits appartements occupés en général par des gens sans grands moyens. « Des cas sociaux », commente un agent immobilier. Il l’a baptisée la « maison des catastrophes ».
« Au fond, elle n’est pas mécontente qu’un des locataires se révèle plus démuni qu’elle »
Le logement de Thomassin est au sous-sol, une sorte de cave, à laquelle on accède aussitôt après l’entrée. Il faut ensuite descendre trois marches pour pénétrer dans une pièce qu’éclaire péniblement un soupirail au ras du trottoir.
Depuis sa fenêtre, la voisine du premier étage le regarde vadrouiller, faire hurler sa musique, remonter les ruelles en parlant tout seul, une canette à la main, ses cheveux bruns très courts plaqués sur la tête. Ici, personne ne fait ça. Parfois, quand la voisine cuisine, il se coule sur son palier en reniflant comme un chat. « Ça sent bon », il dit. Alors, elle lui prépare « son » assiette, c’est devenu une habitude entre eux, du riz, des patates, du poulet, des plats du Cap-Vert, son pays à elle. Avec son mari, elle est arrivée il y a trente ans pour le travail, ouvriers dans le plastique, comme tout le monde.
Elle regarde Thomassin engloutir sa gamelle sous les photos de famille et les chromos éclatants des îles, où des Jésus s’arrachent le cœur de la poitrine. Au fond, elle n’est pas mécontente qu’un des locataires se révèle plus démuni qu’elle.
C’est en face que se trouve la petite poste, la seconde agence de Montréal-la-Cluse. (…)
[La responsable de cette agence est une femme de 41 ans, Catherine Burgod, mère de deux enfants, dont une fillette de 8 ans. En instance de divorce, elle attend un enfant de son nouveau compagnon. Ce matin-là, le 19 décembre 2008, elle arrive en voiture avec sa fille, qui s’apprête à aller à l’école.]
Catherine Burgod se gare à sa place habituelle, devant chez son père, au début de la rue des Granges. A midi, elle déjeunera avec lui, comme tous les lundis, jeudis et vendredis. S’il le décide, ils iront au Charron, en face de la mairie. Depuis des années, sa table lui est réservée chaque jour dans la deuxième salle, celle avec les nappes en tissu et plusieurs verres devant les assiettes.
La poste n’est plus qu’à quelques mètres, de l’autre côté de la fontaine. Un écolier aperçoit la mère et la fille, il reconnaît la Petite, qui lui semble marcher sur la pointe des pieds pour éviter la neige, amassée en croûte dure le long du trottoir. Elle a 8 ans.
8 h 24 et 31 secondes : l’alarme de l’entrée est désactivée. Les volets s’ouvrent, la lumière s’allume, le coffre est déverrouillé dans la salle de repos. Un des ordinateurs entre en fonctionnement à 8 h 32. Dans la salle derrière, la Petite chipote son pain au chocolat, puis quitte l’agence pour prendre le car scolaire à 8 h 40, sur le parking de l’école maternelle, cinquante mètres plus bas. La bande de copines [de Catherine Burgod] ne devrait pas tarder à débarquer. Ça sent déjà le café.
« Rien ne bouge de l’autre côté de la cloison. L’un finit par crier : “Y a quelqu’un ?” Le silence retombe »
Ce jour-là, le premier à entrer dans la poste est ébéniste, venu en bermuda malgré la neige, le temps de récupérer un paquet, le cadeau de Noël pour sa mère. Il est 9 h 05. Le bureau est ouvert, parfaitement en ordre, mais vide et silencieux. Au milieu de la pièce, il ne voit que le chien de Catherine Burgod, un bichon blanc, parfumé et toiletté comme un milord. Blague des copines : qui des deux, d’elle ou du petit chien, est le plus pomponné ? Pour attirer l’attention, l’ébéniste risque quelques toussotements d’usage. Le bichon le regarde, puis trotte vers la porte qui sépare le bureau de la salle de repos. Il la pousse du museau, à peine, juste un filet qui laisse entrevoir la lumière allumée. Le chien n’aboie pas, tranquille. Une dame entre à son tour dans l’agence, la secrétaire du cabinet médical à côté, qui vient pour un recommandé. On se salue entre voisins et, d’un même mouvement, tous deux lèvent la tête vers l’horloge.
9 h 07. Le jour devrait se lever, mais les nuages continuent de plomber l’horizon. Dans la poste, l’ébéniste et la secrétaire médicale parlent de plus en plus fort, volontairement. Rien ne bouge de l’autre côté de la cloison. L’un finit par crier : « Y a quelqu’un ? » Le silence retombe. Résolument, le bichon s’est campé devant la porte entrebâillée. L’ébéniste se décide à approcher. Lorsqu’il frappe, elle s’écarte toute seule. Le petit chien a bondi à l’intérieur de la salle de repos. Sur la table, il y a la tasse de café de Catherine Burgod avec la cuillère dedans, son paquet de Marlboro, un journal de mots fléchés ouvert et le crayon posé avec soin par-dessus. Sa chaise est à peine repoussée, comme si elle s’était levée tout naturellement. Chaque chose est à sa place, pas un papier n’a bougé, mais tout est éclaboussé de sang, une pluie de sang jusque sur les dessins d’enfants au mur, la vaisselle dans l’égouttoir, le pardessus en laine rouge ou le numéro du magazine Closer sur le guéridon qui proclame : « Alice : elle a déjà oublié Mathias. »
Le petit chien s’est assis à côté de Catherine Burgod. Elle gît entre l’évier et le coffre, dans une nappe de sang.
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