Avec cette troisième chronique Sophie s’installe tranquillement sur mon espace de liberté. Elle s’y meut avec aisance car je crois qu’elle s’y sent bien pour y faire entendre sa différence, sa petite musique, et pour vous livrer son approche du vin loin des batailles stériles de chapelles. Sa quête patiente et précise de vigneronnes et des vignerons originaux qui occupent discrètement, mais avec passion, les plis et les replis de nos territoires participe bien sûr à la mise en avant, à la découverte de leurs vins mais surtout elle esquisse une approche plus attentive du quotidien de leur métier d’artisan, « de ce que fait la main », loin du tam-tam médiatique, dans cette solitude qu’évoquait ici-même Hervé Bizeul.
(En bonus Sophie vous invite à une conférence-dégustation le 14 mars à Paris. C'est tout en bas de la chronique)
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Sur les conseils avisés et bienveillants de Michel Smith, après mon passage chez Thierry Rodriguez le chasseur de cru link je reste à fureter dans le Languedoc.
Je dois l’avouer, je suis née à Bordeaux. J’ai fait du vélo à Léognan, bu mes premières lampées en Saint-Emilion et fait mon premier stage de vinification à Haut-Brion. Et si le nouveau monde était juste un peu plus à l’Est ? Nul besoin de franchir d’autres frontières que celles du chauvinisme viticole atavique que porte encore si bien ma grand-mère… Donc c’est vrai… je découvre le Languedoc après l’Afrique du Sud et il était temps.
Je m’arrête sur le vin de Costes-Cirgues pour plusieurs raisons. www.costes-cirgues.com
La première est qu’il est bon, la deuxième est qu’il est sans soufre, la troisième est qu’il est fait par une femme.
Commençons par la troisième raison non pas que je crois en une opposition sexiste des modes de vinification (la virilité dans un chai peut engendrer des vins très féminins) mais parce qu’il s’agit tout simplement d’une femme atypique. Béatrice Althoff a cette douceur et cette discrétion qui dissimulent assez bien la ferme volonté qu’elle a dû exercer, tout d’abord comme dirigeante d’une entreprise de construction en Suisse, puis, en guise de conversion professionnelle, comme viticultrice suisse allemande exilée en Languedoc… sans parler des trois enfants qui se glisseront dans son parcours. « Etre une femme, étrangère et faire du bio il y a dix ans… » me dit-elle avec une moue modeste et amusée.
Ma perplexité s’accroît lorsqu’elle poursuit sur le thème du sulfitage. « Vous savez c’est une question d’habitude… dès le départ, j’ai travaillé sans soufre ». L’audace de la débutante? Et là j’en viens à ma deuxième raison. Je ne vous apprendrai rien sur l’utilité du sulfitage des vins, aussi bien à l’arrivée de la vendange que pendant l’élevage. Là n’est pas la question. Sur Costes-Cirgues 2007, pas d’altération, pas de note oxydative qui sont les risques inhérents (parfois recherchés) à toute vinification sans soufre.
Les dégustateurs d’Autrement Vin avaient salué un vin « bien fait ». Car Béatrice « fait » bien son vin. Non pas dans l’idéal confiant de laisser faire une nature bienfaisante, mais dans le réalisme d’une approche technique éclairée. Analyses microbiologiques, microscopie par épifluorescence pendant l’élevage et avant la mise en bouteille… l’absence de SO2 implique une vigilance extrême pour prévenir la foultitude de dangers microbiologiques qui guettent un vin en fermentation ou en élevage (brettanomyces, bactéries acétiques, …). La clé ne serait-elle pas avant tout dans l’action bien pensée de l’homme sur la nature ?
Mais écartons-nous d’un scientisme qui pourrait effrayer et revenons à la vigne. Car c’est là l’origine du vin. C’est là que se jouent les vrais enjeux de la viticulture. Le respect des équilibres, l’écoute de l’écosystème et la conduite en bio sont une règle d’évidence à Costes-Cirgues… et la biodynamie un corolaire, sans être une fin en soi. Les photos d’étiquettes nous rappellent que la vigne est une partie d’un tout, d’un monde végétal vivant et protecteur. C’est cette vibration que nous aimons retrouver dans le verre. Subtile et sans ostentation, il me semble l’avoir perçue dans Costes-Cirgues.
Sophie
INVITATION SOIRÉE CONFÉRENCE - DÉGUSTATION LE 14 MARS À 19h00 - PARIS SAINT-GERMAIN-DES-PRÉS
STRATAGÈME : une balade géologique et sensorielle dans les vins du Languedoc.
Thierry Rodriguez, vigneron et chasseur de crus, Jean Natoli, œnologue-conseil et Philippe Combes, géologue, vous invitent à découvrir leur travail de recherche géologique et œnologique entrepris dans le cadre du projet Stratagème : 11 terroirs, 11 expressions minérales, 11 vins.
Programme de la conférence :
Philippe Combes :
Origine et histoire géologiques des terroirs du vignoble languedocien : de la mer à la terre.
Roche-mère et terroirs : comment s'est effectué le travail de sélection des terroirs.
Jean Natoli :
La vinification : accompagner l'expression des terroirs.
Dégustation commentée de quatre Stratagème : Poudingue, Calcaire, Marne et Basalte.
Détail de l'évènement
Lieu : Hôtel de l’Industrie, Salle Lumière, 4 place Saint-
Germain-des-Prés (face à l’église, à deux pas des « Deux
Magots »), 75006 Paris - métro Saint-Germain-des-Prés
RSVP : réponse rapide recommandée auprès de Victorine Crispel par mail à v.crispel@lagencevinifera.fr ou par téléphone au 05 34 55 88 06 ou 06 09 84 97 14.