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1 mars 2011 2 01 /03 /mars /2011 00:03

C’est quasiment un sujet tabou. Dans l’imaginaire des buveurs authentiques le vin, qui ne peut-être qu’un vin de propriétaire, transite en ligne directe du tonneau, de la cuve du vigneron, à la bouteille. Le vrac ça fait tache, ça fait navire vraquier en port de Sète du genre Ampelos, péniches venant dépoter le liquide par pipe-line sur le quai 5 du Port de Gennevilliers, train entier de wagons-citernes sur un autre quai de Gennevilliers, litanie de camions citernes sur l’autoroute A62 (je n’indique pas le sens du transit). Tout ça c’est encore un coup des coopés se récrient les abonnés aux tables étoilées ! Désolé les biens embouchés le vrac vient aussi des particuliers : les VIF quoi. Comme j’ai la flemme de piocher dans les statistiques je conseille aux longs nez et aux becs fins d’aller vérifier mes dires dans les grandes crèmeries se shootant à la CVO : c’est leur boulot ! En plus, grâce à la mention « mis en bouteille à la propriété » et par le truchement de gros semi-remorques, tout équipés, prévus à cet effet, le vrac s’efface derrière la bouteille quand il ne se transforme pas en un embouteillage au château.

 

Le vrac c’est la ressource du négoce, je n’ose écrire le minerai, et même si certains mettent la main sur le raisin bien avant qu’il ne soit pressé, le vrac existe et je ne l’ai pas inventé. Oui, même si ça semble enfoncer une porte ouverte, lorsque le vin est fait il faut le vendre et comme un négociant achète pour revendre il n’achète que ce qui se vend. Bien sûr certains ne vendent que du prix pour les adorateurs du moins cher du moins cher : appel d’offres, bataille féroce au centime d’euro, ce sont les faiseurs de miracle qui sévissent, bradent, détruisent de la valeur. Des noms ! Non, ils sont connus de tous. Restent ceux qui exercent leur métier de marchands de vin en cherchant à mettre à la disposition de leur clientèle des vins qui les satisferont. Bref, je ne vais pas ici rabâcher ce que j’ai si souvent écrit sur ce sujet car ça énerve les grands amateurs qui ne lichent que du GCC ou des vins de propriétés. Cependant, permettez-moi de proférer une autre évidence : avant le vin il y a le raisin. Ne serait-il pas judicieux de se poser la question : ce raisin va-t-il faire un vin que je saurai vendre, moi-même ou par le truchement d’un négociant. Vin voulu ou vin subi, le couplet est connu donc je ne reviens pas dessus.

 

Dans une prochaine chronique je reviendrai sur le « renouveau » du vrac lié au développement de la consommation dans les pays émergents. Les assembleurs : le retour ! L’embouteillage de proximité avec des vins transportés sur les monstres des mers en des conditions techniques optimales. En Chine on parle de Domestic Wine c’est plus sexy que MVDPCE (Mélange de Vins de Différents Pays de la Communauté Européenne). J’entends déjà bramer le chœur des grands amateurs, vitupérer le professeur P, tempêter les gars de la Conf’Pé, mais moi je ne fais que mon métier : relater ce qui se passe sur les marchés de notre monde mondialisé. Ceci écrit je reviens à mon minerai, ce vrac dont il ne faut surtout pas causer. Si j’y reviens ce n’est pas pour vous faire le nième couplet sur les coopés du Languedoc qui, au cours de ces 15 dernières années ont réussi la performance d’être incapable de se regrouper en un pool de ventes pour peser face à la poignée des gros metteurs en marché faiseurs de prix. Chacun dans son coin, les directeurs se tirent la bourre, font joujou à la bouteille pour le caveau et ce pour le plus grand bénéfice des distributeurs.

photo W1 

Non ce matin je vais de nouveau vous causer de Bordeaux. En début février l’ami César Compadre publiait dans SO un article «  Mercure doit éviter les prix à la casse sur le marché du vrac » link En effet, à l’initiative de Bernard Farges, Président de l’ODG Bordeaux et Bordeaux Supérieur, une plate-forme d'achat de vrac vient d’être créée sous forme de SAS dénommée Mercure. Elle ne concerne, dans un premier temps, que l'AOC Bordeaux rouge (millésime 2010), celle qui représente le plus de volume et qui impacte le revenu du plus grand nombre de viticulteurs. Action de court terme présentée comme la première mesure concrète mise en place dans le cadre du plan anticrise construit par la filière en 2010. Bernard Farges indique qu’« Elle achètera le tonneau de vrac (900 litres) aux vignerons à au moins 800 €, un prix en dessous duquel on estime que le marché ne doit plus descendre » Prix plancher donc qui exige qu’à un moment l’opération puisse se dénouer sans plomber le marché. Pari sur l’avenir pour arrêter la spirale baissière car c’est en janvier que commence la campagne des transactions sur le millésime 2010. Lors de la précédente campagne  en dépit des prix bas Bordeaux n’a pas  augmenté le volume de ses ventes.

 

Dans cette affaire, comme je l’écrivais dans le titre de ma chronique : quand le vin est fait il faut le vendre alors comme le dit justement César Compadre dans sa conclusion « Si la création de Mercure est louable - le bilan sera fait cet été -, c'est dans l'équilibre entre production et ventes que se trouve la sortie de crise. Et aujourd'hui la Gironde n'est plus capable de vendre ses récoltes, y compris si elles sont réduites en volume. Du coup, d'autres mesures sont dans les tuyaux, comme une possible sortie de volumes de vin de la famille des AOC. » Sans vouloir ramener ma science, n’était-ce pas là l’une des voies préconisées par un parisien, qualifié de HF par le driver du CIVB, lui qui osait déclarer dans Sud-Ouest en octobre 2003 « Ce qui est nouveau pour nous Français, c’est que nous allons subir la première crise des vins dit de qualité qui ne trouveront plus preneurs car ils ne correspondront plus à la demande du marché. » Tout ça me direz vous c’est du passé et comme le dirait notre Charlier du Sud « du passé faisons table rase ». J’en conviens aisément mais pour réguler, mot très tendance, il faut maîtriser la mécanique des fluides et la fameuse volatilité des prix n’est que la conséquence de l’absence de maîtrise, et des capacités de production ou/et des volumes mis sur le marché. À Bordeaux, comme dans tous les vignobles volumiques, les outils pour réguler le vrac sont à portée de mains encore faut-il que les faiseurs de vins, coopératifs ou individuels, sortent des schémas d’un autre âge.

 

Affaire à suivre sur mes lignes...

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commentaires

G
<br /> <br /> assez d'accord avec les deux commentaires précédents ! J'ajoute cependant que le système Mercure a au moins le mérite de tenter quelque chose pour casser un cercle vicieux à la baisse. Quant à<br /> savoir si cela fonctionnera ...<br /> <br /> <br /> <br />
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S
<br /> <br /> c'est dans l'équilibre entre production et ventes que se trouve la sortie de crise. Et aujourd'hui la Gironde n'est plus capable de vendre ses récoltes, y<br /> compris si elles sont réduites en volume.<br /> <br /> <br /> Le soucis majeur du "plan" Mercure tient au fait que les opérateurs qui mettent les volumes en marché, les négociants, sont pour le moment absents du système.<br /> Pourquoi, ils savent à quel prix ils pourront vendre et auprès de qui, malheureusement les prix d'achat préconisés par Mercure sont au dessus des offres du marché. On comprend pourquoi le négoce<br /> de vrac reste frileux! Une autre idée avancèe par le CIVB consistait à créer une centrale d'achat dont le but est d'obtenir les meilleurs prix selon les volumes, il me semble que les viticulteurs<br /> ne sortiront pas gagnants de ces nouvelles structures.<br /> <br /> <br /> <br />
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T
<br /> <br /> Si j’y reviens ce n’est pas pour vous faire le nième couplet sur les coopés du Languedoc qui, au cours de ces 15 dernières années ont réussi la performance<br /> d’être incapable de se regrouper en un pool de ventes pour peser face à la poignée des gros metteurs en marché faiseurs de prix. Chacun dans son coin, les directeurs se tirent la bourre, font<br /> joujou à la bouteille pour le caveau et ce pour le plus grand bénéfice des distributeurs.<br /> <br /> <br /> ce couplet est le même pour Bordeaux.<br /> <br /> <br /> Cette plateforme Mercure est intéressante, et il faut voir à l'usage.<br /> <br /> <br /> Mais ça fait bientôt dix ans que l'on clame à Bordeaux qu'en dessous de 1000€ le tonneau il n'y a point de salut, alors....<br /> <br /> <br /> <br />
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