Chroniquer, pour reprendre, en la tordant un peu, l’image utilisée par l’un des pères de la chronique, Alexandre Vialatte, c’est comme faire pousser une herbe dans les fentes d’un mur.
Enfant, lorsque j’allais me promener ou allait rentrer les vaches du pépé Louis pour la traite, sur le chemin de la Garandelière, j’étais fasciné par toutes ces plantes qui poussaient entre les fentes des vieux murets de pierre qui bordaient le fossé. Indestructibles, vivaces, elles résistaient à tout, la sécheresse, le froid, les intempéries. Lorsqu’à l’école d’agriculture nous allions herboriser avec notre prof de sciences naturelles, Mr Girard, flore en mains, j’ai pu les identifier, depuis j’ai tout oublié.
Beaucoup de mes chroniques, 7492 au compteur, n’ont pas survécu à l’usure du temps, mais certaines restent encore vivaces et, en m’envoyant des fleurs, qui d’autre le ferait mieux que moi, elles recelaient à la fois une curiosité de bon aloi et une belle capacité d’anticipation. T toc, il a le melon !
J’adore le melon, alors j’assume, y compris mes erreurs.
Pour étayer mes dires je prends un exemple :
Je lis dans les ÉCHOS
Le modèle social français entretient la défiance
Par Pierre Cahuc (chroniqueur | professeur d'économie à Sciences po),
Yann Algan (doyen de l’Ecole d’affaires publiques de Sciences Po)
Publié le 25 sept. 2007 Mis à jour le 6 août 2019
La Sécurité sociale fabrique-t-elle de la solidarité... ou la détruit-elle ? Dans une chronique publiée dans « Les Echos » du 18 septembre 2007, intitulée « Pour une protection sociale durable », François Ewald affirme que « certains, comme Yann Algan et Pierre Cahuc, en viennent à soutenir que, loin de produire plus de solidarité et de confiance, la Sécurité sociale est au principe d'une société de défiance. En d'autres mots, la Sécurité sociale désolidarise. Elle engendre une sorte d'individualisme méfiant et jaloux. » Nous remercions François Ewald de faire référence à notre ouvrage, « La Société de défiance - Comment le modèle social français s'autodétruit », à paraître aux Editions de la rue d'Ulm le 8 octobre. Néanmoins, loin de suggérer que la Sécurité sociale désolidarise en soi, nous montrons que c'est son mode de fonctionnement spécifiquement français, fondé sur une logique corporatiste et peu transparente, qui désolidarise et conduit, en fin de compte, à un manque plutôt qu'à un excès de sécurité sociale. Nous soutenons aussi que le modèle social des pays scandinaves, fondé sur des règles transparentes et égalitaires, explique une grande partie de la confiance mutuelle des citoyens de ces pays.
En effet, depuis plus de vingt ans, des enquêtes menées dans tous les pays développés montrent que les Français, plus souvent que les habitants des autres pays, se méfient de leurs concitoyens, des pouvoirs publics et du marché. Cette défiance va de pair avec un incivisme plus fréquent. Ce sont dans les pays scandinaves, dont les systèmes de protection sociale sont les plus généreux, que les citoyens sont les moins méfiants et les plus civiques. Or, en France, défiance mutuelle et incivisme persistent depuis plusieurs décennies. Grâce à une étude détaillée de l'évolution des attitudes sociales sur la longue période, nous constatons que le civisme et la confiance mutuelle des Français se sont dégradés après la Seconde Guerre mondiale. Nous montrons que cette dégradation est intimement liée au fonctionnement de leur Etat et de leur modèle social. Après la Seconde Guerre mondiale, le modèle social français s'est construit sur des bases corporatiste et étatiste. Le corporatisme, qui consiste à octroyer des droits sociaux associés au statut et à la profession de chacun, segmente la société, opacifie les relations sociales, favorise la recherche de rentes, entretient la suspicion mutuelle et mine les mécanismes de solidarité. Il conduit à un éclatement des régimes de retraite, de santé, de sécurisation des parcours professionnels, qui empêche la mise en place d'une Sécurité sociale transparente et efficace. L'étatisme, qui consiste à réglementer l'ensemble des domaines de la société civile dans leurs moindres détails, vide le dialogue social de son contenu, entrave la concurrence et favorise la corruption. Le mélange de corporatisme et d'étatisme est au coeur du cercle vicieux de la défiance actuelle et des dysfonctionnements du modèle social.
La faiblesse du dialogue social rend nécessaire l'intervention de l'Etat. Mais selon une logique dirigiste et corporatiste, l'intervention de l'Etat français aboutit généralement à accorder des avantages particuliers aux groupes qui en font la demande, souvent au détriment du dialogue social, du respect des règles de la concurrence et de la transparence. Ce type d'intervention entretient la défiance mutuelle et favorise, en retour, l'expansion du corporatisme et de l'étatisme. C'est cette spirale de la défiance qui rend si difficile l'évolution du modèle social français vers un système socio-démocrate que nous envions tant aux Scandinaves et qui assure une protection sociale efficace.
Ainsi, loin d'affirmer que la protection sociale mine la solidarité, comme semble l'avoir compris François Ewald, nous montrons au contraire qu'une protection sociale efficace, fondée sur des règles transparentes et équitables, peut entretenir le civisme et la confiance, comme l'illustrent les pays du nord de l'Europe. C'est bien parce que notre modèle social est corporatiste, opaque et inéquitable qu'il entretient l'incivisme et la défiance.
YANN ALGAN ET PIERRE CAHUC
21 février 2008
La société de défiance
C'est le titre d'un petit opus (99 pages format 14x18) qui a été élu par le magazine Lire MEILLEUR ESSAI 2007, il est sous-titré : "Comment le modèle social français s'autodétruit" il est signé par Yann Algan et Pierre Cahuc du Centre Pour La Recherche et ses Applications dirigé par un économiste dont j'apprécie les analyses Daniel Cohen. Même si je ne suis pas très amateur de grandes enquêtes internationales menées par des officines spécialisées, les grandes tendances qu'elles dégagent sont significatives et donnent une grille d'analyse intéressante. Pour avoir vécu en direct, les mains dans le cambouis, le blocage des routes par les camionneurs, le "siège" de Paris par les tracteurs de la "Coordination Rurale", les exactions en tout genre des CAV, des producteurs de pomme de terre bretons, des éleveurs de moutons contre les camions anglais... Je partage largement le diagnostic avancé par les auteurs dans la seconde partie de l'ouvrage. Comme à l'accoutumé je vous livre des extraits de l'introduction pour vous inciter à lire l'ensemble.
« Depuis plus de vingt ans, des enquêtes menées dans tous les pays développés montrent que les Français, plus souvent que les habitants des autres pays, se méfient de leurs concitoyens, des pouvoirs publics et du marché (...)
Comment expliquer un tel déficit de confiance en France ? Quelles en sont les conséquences ?
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Piqûre de Rappel
21 janvier 2015
La société de défiance « Quand les règles passent pour universellement tournées, ceux qui les respectent se sentent floués.»
Je ne vais pas vous faire le coup de « je vous l’avais bien dit » mais me contenterais de rappeler que souvent je vous ai demandé de réfléchir avec le recul nécessaire.
La profondeur chère à Alessandro Baricco, tout le contraire des barbares qui ont inventé l’homme horizontal qui consacre tout son temps, son intelligence à voyager en surface, au lieu de se damner à plonger en profondeur.
Le surf, l’instant, l’absence d’effort, le flux tendu, la superficialité…
La suite ICI
MERCREDI 21 JANVIER 2015
France, La société de défiance par Aredius44 ICI
« La France, selon un sondage du World Values Survey est le pays où la plus forte proportion de personnes interrogées ne trouvaient « pas injustifiables de réclamer indûment des aides publiques ». Et c’est aussi l’un des trois pays où la méfiance envers les autres et les institutions est la plus élevée.
Explication : dans une société où chacun soupçonne son voisin de tirer avantage du système, chercher à en faire autant n’apparaît pas comme fautif. Quand les règles passent pour universellement tournées, ceux qui les respectent se sentent floués. Quand les simples citoyens apprennent qu’un député, voire un ministre, ne paye pas ses impôts, ils sont incités à frauder eux-mêmes. Le niveau élevé de la fraude, fiscale et sociale, dans notre pays, qui contraste avec la vertu des Scandinaves, pourtant bien taxés, eux aussi, s’explique de cette manière. »
Georges de Ménil
Dans Commentaire 2008
Un aspect rafraîchissant de ce livre est sa démarche résolument comparative. Les attitudes civiques, la centralisation étatique, l’intensité de la réglementation des marchés – tous les sujets abordés sont systématiquement examinés à la lumière d’une comparaison internationale chiffrée.
Cette approche comparative a plusieurs mérites. D’abord, elle fait ressortir de façon dramatique le degré de « l’exception française ». Dans presque tous les tableaux et graphiques du livre – et il y en a une cinquantaine –, la France est un cas extrême. C’est l’un des deux ou trois pays du monde développé où la confiance en autrui est la moindre, où les systèmes de protection sociale sont les plus segmentés, où la représentation syndicale est la plus faible…
Peut-on se fier à la « société de défiance » ? ICI
Par Éloi Laurent le 13 janvier 2009
La confiance s’est envolée : tel semble être le constat qui s’impose en ces temps de marasme économique et d’effondrement du système bancaire. Il est donc urgent de mieux définir les contours de cette notion floue et insaisissable, ce qu’Éloi Laurent propose à travers une critique serrée de La Société de défiance de Yann Algan et Pierre Cahuc.
La crise globale, financière et économique, déclenchée au printemps 2007 a placé au centre du débat public mondial le thème de la confiance : confiance dans les relations interbancaires, confiance des ménages et des entreprises dans l’avenir, confiance des marchés dans la signature de la puissance publique. De cette profusion verbale émergent deux problématiques générales : l’importance, qui paraît considérable, de la confiance dans les « démocraties de marché » se manifeste par la disparition de celle-ci ; il semble en outre assez difficile de savoir ce que recouvre exactement cette notion, dont l’usage plastique paraît masquer une grande confusion. La confiance se signale par son absence et demeurerait insaisissable quand elle existe. L’importance accordée par une recherche de plus en plus volumineuse à la notion de confiance est d’ailleurs inversement proportionnelle à la précision, en moyenne, des conceptions théoriques et des instruments empiriques mobilisés. SUITE ICI