Double plaisir que d'avoir entre mes mains ce très beau livre, le premier intime niché tout au fond de mon petit jardin d’intérieur, le second surgit dès la première phrase d’Éric Guérin :
« À travers ces pages, je souhaite vous entraîner sur mon chemin de traverse, dans mon jardin secret, où je puise cette force que je traduis à ma façon en cuisine, sur mon île, en Brière, et jusqu’à Giverny aux portes de mon enfance. »
Des mots qui me touchent : « trouver chaque matin l’énergie pour animer cet univers*… le recul nécessaire que je prends ensuite sur les choses préserve en moi une certaine pureté enfantine… du dessin à la table, mes plats sont le récit d’une transmission dont les membres de mon équipe sont les passeurs… »
* L'héroïsme du quotidien
Les petites mains « C’est ainsi que l’on appelait les jeunes garçons qui entraient à l’atelier auprès d’un maître pour apprendre un métier manuel. Cette expression indiquait deux choses : le jeune âge et la totale inexpérience de l’apprenti, auquel on confiait les tâches les plus simples afin de lui permettre de se familiariser avec le métier sans provoquer de dégâts. »
Transmissions page 166
Sa cuisine : « … une forme de verticalité alchimique fondée sur trois principes :
- La terre pour les racines, l’histoire, la culture, le savoir-faire, le geste ;
- L’eau, toujours très présente autour de moi, élément conducteur d’échange, de partage, de mise en relation entre les choses ;
- L’air pour le voyage, le rêve, l’évasion et la liberté.
La Brière, l’île de Fédrun : dans mon petit roman du dimanche en décembre 2009 j’écrivais :
« Le lendemain matin, à la première heure, dans une fourgonnette Peugeot, que les services du Préfet avait dégottée je ne sais où, Chloé et moi prenions le chemin de la Grande Brière… La Grande Brière avec ses canaux, ses plans d’eaux peu profonds, ses roselières, ses prairies inondables et ses buttes où se perchent de minuscules villages est un monde clos, un monde consanguin, autarcique. Les Briérons pendant des siècles bénéficièrent d’un statut unique en France : ils étaient propriétaires du marais par la grâce du duc François II de Bretagne. Chassant, pêchant, pratiquant l’élevage et tirant l’essentiel de leur subsistance du marais, les habitants brûlant la tourbe extraite de leur sol manifestèrent toujours une franche hostilité à tout ce qui venait du dehors. Comme Chloé et moi ressentions un réel besoin de nous isoler pour mettre un peu d’ordre dans nos vies chaotiques, dans l’hostilité profonde de la Brière nous étions sûrs que les autochtones nous ignoreraient. »
« … Un seul accès menait à l’Ile de Fédrun, butte de terre au milieu du marais posée sur un lit de roseaux. Le jour se levait et, en des haillons cotonneux, la brume s’effilochait au-dessus de la curée, le canal cernant l’île sur le lequel les chalands familiaux étaient amarrés à des pontons donnant sur de minuscules jardinets collés aux maisons basses recouvertes de roseaux… Le premier soleil levait une part du mystère de l’île en la parant d’un camaïeu de vert et d’exhalaisons fortes de vases putréfiées et de mousse fraîche. Pas âme qui vive, le chant des oiseaux, le clapotis des eaux, loin d’être saisis par une impression d’échouage sur cette levée de terre, Chloé et moi, sans avoir à nous le dire, ressentions au contraire une grande paix nous envahir. À mille lieux de nos folies ordinaires nous nous arrimions à une terre de tout temps hostile aux étrangers ; une terre en train de mourir dans l’indifférence générale. »
Le point de départ du chemin de traverse d’Éric Guérin c’est sa Mare aux oiseaux, ouverte le 1er avril 1995 sur l’île de Fédrun, qu’il a construit à son image, modelant chaque détail de cette bâtisse devenue «sa maison»
Elle et lui depuis 20 ans : « un vieux couple » ?
Ce ne fut pas un long fleuve tranquille « Après un démarrage en douceur commence plusieurs années de galères où pour assurer le quotidien, en plus de son activité d’hôtelier-restaurateur, il installe au fond de son jardin au bord du marais une crêperie pour rassasier les touristes qui viennent visiter les marais. Mais malgré toute sa bonne volonté les hivers sont longs et rudes et en février 2000 au moment où il est prêt à raccrocher il décroche sa première étoile au Michelin. »
Ideemiam Anne Inquimbert vendredi 12 octobre 2012
Voyage, voyage…
Migrations c’est le carnet de bord d’un éternel voyageur… Mali, Sénégal, Brésil, Inde, Italie, Mykonos, New-York, Barcelone, Maroc, Japon, Miami, Laos, Languidic, Saint-Nazaire, Cambodge, Birmanie… avec les retour à Fédrun. C’est le journal intime d’un enchanteur, ses découvertes, ses joies, ses doutes, ses angoisses et ses espoirs… C’est une superbe invitation pleine d’émotions au banquet de la vie…
7 chapitres, 7 émotions : Amour, Joie, Désir, Angoisse, Amertume, Enchantement, Volupté…
De superbes photos et des recettes bien sûr…
RENCONTRE INSOLITE
Coup de cœur !
La sardine : « et moi tu m'adores comment ?
- comme le beurre de sardines...
Le canard de Challans : ma vieille Vendée maraîchine…
« Et puis, un beau jour de 1984, à la demande d’un certain Claude Evin, député de Loire-Atlantique, compagnon de route de mon Ministre Michel Rocard alors en charge de l’Agriculture, j’ai reçu dans mon bureau de la galerie Sully, au 78 rue de Varenne une délégation de paludiers de Guérande. Je les ai écoutés avec attention sur un sujet dont j’ignorais tout. Ils m’ont dit que leurs marais salants, les plus septentrionaux d'Europe, avaient failli disparaître dans les années 70, menacés par un projet de rocade. Que les paludiers guérandais s’étaient organisés en syndicat de producteurs en 1972 pour défendre le site et leur profession. Qu’ils étaient environ 180 paludiers entretenir l’architecture de leur marais. »
Cerise sur le gâteau je m’aperçois que cette rencontre insolite, entre un canard et une sardine (on dirait du Chaissac), est le premier plat signature d’Éric Guérin à La Mare aux Oiseaux.
Voilà, maintenant vous savez qui vous reste à faire : courir chez votre libraire acheter MIGRATIONS aux éditions de La Martinière je n’en connais pas le prix puisqu’on me l’a offert.
Faites de même en ce temps d’étrennes !
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