Crise de l’élevage : non !
Faire l’amalgame entre les difficultés des éleveurs de porc, des éleveurs de bovins du troupeau viande et celles des producteurs de lait relève du raccourci journalistique et d’une méconnaissance des réalités de ces productions.
Je retiens ma plume car je ne suis plus dans le coup et je n’ai pas envie de faire le ramenard mais ça me démange.
Pour les éleveurs de bovins du troupeau allaitant le mal est ancien et endémique, ils ont toujours été les parents pauvres de la paysannerie française et les tendances de la consommation sur le marché domestique ne vont pas arranger les choses…
Pour les producteurs de lait, jusqu’ici plus ou moins protégés par les quotas laitiers, c’est depuis le démantèlement des mécanismes de régulation de la PAC, la seconde bourrasque engendrée par la volatilité des prix. Ce n’est qu’un début…
Pour le cochon, c’est une vieille histoire que j’ai vécu depuis ma thèse de doctorat sur le porc tout au début de la montée en puissance du modèle hors-sol breton. Celui-ci est pris à son propre jeu, dépassé par le rouleau compresseur allemand.
Je n’en dirai pas plus.
Je me contenterai de vous aiguiller vers d’anciennes chroniques cochonnes :
« J’en appelle à Gérard Oberlé, pour le Manifeste du Cochon libre : vive la saint Cochon ! »
Éloge du porc par Philippe Sollers
Contrairement à sa légende impure, le porc est une merveille de netteté, de charme et de complétude. Sade, en prison, a envie d'en manger, il écrit donc à sa femme en l'appelant « porc frais de mes pensées ». Mozart était très amateur de « carbonade », et c'est peut-être l'une d'elles qui l'a empoisonné à Vienne. Claudel, enfin, dans son apologie Le Porc, n'oublie pas de rappeler que le sang de porc « sert à fixer l'or ».
Le dictionnaire nous dit que « porc », appliqué à un être humain, veut dire « homme sale, débauché, glouton ». Quelle erreur ! La viande de porc est la variété et la délicatesse mêmes. Voilà un animal alchimiste qui transforme toute ordure en or. Le comportement pig est un ratage de ce processus d'une finesse extrême. J'ai peu à peu abandonné le bœuf pour le porc, en ne gardant, comme viandes, que la tête et le ris de veau. D'une certaine façon, j'allais vers la Chine qui, comme on sait, a son Année du Cochon.
Le porc, cette perle. Tout est bon, chez lui, rôti, côtelettes, jambon, jambonneau, saucisson, saucisses, travers, pied. Le féminin de porc, «truie», ne convient pas. Il faut dire porce. Dans Une saison en enfer, Rimbaud dit qu'il « a aimé un porc ». Je peux exprimer, sans me vanter exagérément, que j'ai aimé bien des porces, je veux dire des femmes vraiment mangeables, ce qui n'est pas si courant.
Demandez à ma femme, Julia Kristeva, de vous préparer une palette de porc, avec des rondelles d'ananas et des clous de girofle. Ce plat est une splendeur. Vous buvez en même temps un margaux, et la perfection est là. Le rôti de porc, selon moi, doit se manger froid, et le choix de la moutarde compte. Pour les amateurs impénitents de mayonnaise, c'est le moment de l'employer savamment.
Le saucisson va avec le whisky, ils s'appellent.
Et maintenant vous allez nous dire que vous aimez la choucroute en hiver ?
Évidemment.
Avec le porc, vous êtes d'emblée dans la grande culture occidentale, en France, en Allemagne, en Espagne, en Italie. Comment ne pas évoquer le jambon très fin (le San Daniele), et le mot d'entrée, prosciutto, avant le dîner? Le jambon de Parme vous fait penser à Stendhal ? Vous avez raison. Le porc, enfin, se marie on ne peut mieux avec les pâtes : goûtez-moi cette carbonara.
On m'a compris : le porc est rejeté ou haï à cause de son infini. Je garde quand même le poulet, mais il faut qu'il soit préparé, une fois par an, dans l'île de Ré, par Valérie Solvit. Sinon, poisson, et encore poisson.
Mais ceci est une autre histoire.
Ça fait un siècle que t’as disparu, et pourtant, samedi matin, on a cru te revoir. On était dans la queue du supermarché. Celui que tu as toujours abominé, tu disais qu’il était sinistre et sale, qu’il sentait le fruit pourri et la transpiration. Nous, on s’en foutait, alors on s’y fadait les courses de PQ, de café et de liquide vaisselle. Tu disais qu’on était le chasseur quand on revenait, chargé comme un camion de pastèques dans la haute vallée de l’Euphrate. Après que tu sois partie, on a arrêté les frais : désormais, on va au ravitaillement chez Amar, qu’est ouvert jusqu’à point d’heure et qu’a toujours du saucisson à l’ail pour aller avec la Seize. Et puis, au moins, lui, il nous cause, c’est pas comme les bagnardes du supermarché terrorisées par leur gérant. Tiens, ce julot casse-croûte là, on aurait dû lui faire bouffer un rouleau de Sopalin avec un fût de Coca, ça lui aurait fait gonfler encore un peu plus sa connerie.