Qu’il est bon d’avoir de fidèles lecteurs que l’on peut taquiner, mettre à contribution à la première occasion. Ne jamais rien lâcher ça fortifie l’amitié. Oui, oui, Patrick Axelroud, ce serait mal me connaître, avec mon air de ne pas y toucher, « à l’image des « petits masques » de la comtesse de Ségur (née Rostopchine l’un ne va pas sans l’autre comme le souligne la Bibliothèque Rose) j’attendais la première occasion pour tomber sur votre râble de pauvre lecteur régulier afin de me procurer de quoi faire relâche.
Je passe sur le détail de notre petite passe d’armes à propos du requin de Claire.
Il ne vous restait plus cher PAX qu’à obtempérer même si, cédant à une certaine exagération pagnolesque, vous ne risquiez en rien de vous voir interdit de blog.
Fine lame vous esquiviez par avance le reproche « Je sais, je sais j’entends d’avance les quolibets : complètement parano le mec ! Tut tut tut s’il vous plait. »
« Même les paranos ont de vrais ennemis » disait Roland TOPOR.
Bref, avec générosité vous m’offriez pour me faire fête une chronique de derrière les tonneaux :
Un CHAPEAU DE PAILLE EN Italie « Chronique d’un voyage d’études dans le TRENTIN »
Jeudi 22 Août 1996 – 5h10
Le car se met en marche.
Miracle ! Aucun retard, aucune impatience.
Chacun se replonge dans son activité précédente (sommeil, bavardage, rêverie, angoisse : n’aije pas laissé le gaz allumé ?)
Voilà un voyage qui démarre sur les chapeaux de roues. Tout cela est de très bon augure.
Midi : déjeuner sympathique au GOLDENER ADLER à Innsbruck avec vins étrangers : un Grüner Veltliner en souvenir d’un précédent voyage de l’Académie dans la WACHAU et un Blau Burgunder.
Le car poursuit son chemin empruntant une autoroute féerique en raison des superbes ouvrages d’art mis en œuvre pour franchir les vallées.
La première visite, en fin d’après-midi, est celle du Domaine HOFFSTETTER à Tramin. Nous nous perdons dans une montagne couverte de vignobles cultivés en pergola, apparemment sans désherbage, ce qui nous sera confirmé.
Léonard* (Léonard HUMBRECHT du Domaine ZIND HUMBRECHT aujourd’hui à TURCKHEIM) téléphone. Le car retrouve son chemin, peine, l’embrayage fume mais nous arrivons au Domaine de la Villa PARTHENAU. Accueil sympathique et plein de chaleur.
Visite du vignoble : on constate que la culture en pergola présente, vu d’en dessous, d’aussi beaux points de vue qu’au-dessus.
Notre hôte nous informe que son vignoble (45 ha en pleine propriété et 25 ha en location) est situé à une altitude allant de 270 à 450 m.
La Villa BARTHENAU fait l’unanimité. Elle sert de résidence d’été et présente le drapeau du Sud Tyrol agrémenté d’un flamand rose. De superbes rosiers en tête de rang ajoutent à la séduction des lieux.
Diverses informations techniques sont fournies. Des échanges de vues se font concernant l’arrosage : notre hôte présentant une installation performante à ce sujet.
Distrait, Léonard évoque ses rendements qui sont faibles et se plaint que s’il coupe, il ne reste rien. Un ami bien intentionné compatit : « Pauvre Léonard, sache que, chez moi, tu pourras toujours compter sur un bol de soupe ! »
Le groupe s’empreint de la sérénité qui se dégage du lieu. Nous passons enfin en salle de dégustation après 5 invitations ignorées par le groupe tant les abondantes questions nous ont maintenus à l’extérieur.
La dégustation commence par un Pinot Bianco 1995 qualifié de « croquant ». Entre deux présentations s’établit une joute oratoire à propos du Tokay, du Furmint, du Traminer.
Notre hôte nous fait la surprise et l’honneur de nous faire déguster la première cuvée d’un vin mono cépage LAGREIN 1993. Il s’agit de sa première vendange. Le Lagrein qui s’écrit aussi bien avec un A qu’avec un E serait un cépage cultivé presque exclusivement dans le TRENTINHAUT ADIGE. Ce cépage typiquement local avait été un peu délaissé ; il semble récemment remis au goût du jour.
Nous redescendons dans la vallée et prenons possession de nos chambres au LORD HOTEL à SAN MICHEL. Nous nous rendons à pied au restaurant voisin où nous faisons connaissance avec la gastronomie locale et, il faudra nous y faire, l’omni présence des pâtes.
Vendredi 23 août 1996
Frais et dispos, le groupe, après un petit déjeuner parfois laborieux à obtenir, monte dans le car. A l’annonce du programme et de la visite d’une coopérative, Léonard à le cri du cœur : « Enfin des cuves». Nous nous retrouvons vite dans le vignoble et notre première visite est pour l’INSTITUTO AGRARIO de San Michele all Adige.
L’institut a entrepris avec la Cave de La Vis l’établissement d’une carte viticole permettant pour les 800 adhérents de se situer dans la Vallée de la Cembra et de l’Adige. Il s’agit de développer l’adéquation entre les terroirs, les microclimats et les 12 cépages cultivés.
Après cette première phase, des expériences sont menées pour affiner l’adéquation évoquée par une conduite appropriée de la vigne, tenant compte des apports, de la taille, et l’optimisation des vendanges. Il ne s’agit pas d’une approche purement théorique ; aux nombreuses questions du groupe, passionné, il est répondu qu’il s’agit d’établir le rapport le plus étroit entre l’attente de la cave et l’évolution qualitative du vignoble.
Une dégustation suit l’exposé.
La dégustation nous fait percevoir les typicités et arômes pris par des Pinots Gris et des Cabernets Sauvignon en ces terres italiennes ; suis un Lagrein que nous connaissons déjà un peu. Nous découvrons le Teroldego. Il s’agit d’un cépage presqu’exclusivement cultivé dans le Trentin. Il est pauvre en tanin mais riche pour tout le reste. Tel le gamay il n’est vraiment à l’aise que dans une région déterminée.
Préalablement à cette dégustation de vins rouges c’est avec un Nosiola qu’ont été sollicitées les papilles du groupe.
C’est un cépage secondaire blanc «autochtone » qui lui aussi, nous dit on, ne s’épanouit que dans le Trentin, de préférence sur des coteaux de l’ordre de 300 m d’altitude.
Avant le départ : un beau et long discours en italien. L’ami WILLM * rappelle le chroniqueur à l’ordre :
« Patrick, tu as bien noté j’espère ! »
Déjeuner copieux au restaurant Da Pino (rizotto, macaronis al ariab, salade, vitello, cerf, flan aux fraises, café, grappa !)
Après le déjeuner, en route pour le lac de Garde : sieste et conversation.
Arrivée : le lac est à peine entrevu, et encore, entre quelques toits ! Arrêt d’un quart d’heure (pipi ?) Le chroniqueur errant prend plus d’un quart d’heure et n’arrive pas, pour toute excuse, à mettre en avant les obligations qui lui ont été confiées.
Retour vers une cave : la Cantina di Toblino. Suspens : les cuves seront elles plus cuves que les autres cuves ?
Cette cave va révéler à beaucoup, une réelle surprise. Sa spécialité est l’élaboration d’un vin de paille : le Vino Santo. Il s’agit du cépage Nosiola déjà goutté le matin même. Cueilli en surmaturation puis placé sur des claies. Ils ne peuvent en faire tous les ans.
Pour le diner, une somptueuse réception attend le groupe dans l’ancienne résidence d’été des évêques de Trente. La résidence, au bord d’un lac, sert également de musée et d’archives du vignoble. La propriété est complantée de tous les cépages possibles tel un conservatoire.
Samedi 24 Août 1996
Petit déjeuner de plus en plus laborieux. Avant l'heure, ce n'est pas l'heure.
La bonne humeur du groupe n'est en rien entamée, malgré une déception générale à l'idée que dans la journée, une seule cave sera visitée : ainsi le groupe va se voir privé de cuves, de chaînes d'embouteillage, d'ordinateurs, de gyrpalette, etc. !
Pour l'instant, le car a pris la route du VAL DI CEMBRA vers les Demoiselles Coiffées. Le car se gare et le groupe, moins le chroniqueur paresseux, s’élance pour une rude marche. Au retour, Gérard LAUGEL * a le cri du cœur : « j'ai connu dans le temps des demoiselles qui m'ont fait transpirer, mais celles-là, aujourd'hui m'ont fait suer ! ».
Le car repart et mène le groupe par une route à flan de montagnes, permettant d'admirer des paysages enchanteurs et plus particulièrement des carrières de porphyres. La façon dont ces carrières affectent la montagne évoque pour certains, à très grande échelle, ce que le dentiste fait dans nos dents lorsque l'on est assis sur le fauteuil.
La seule cave de la journée sera la cave/distillerie POJER et SANDRI.
Cette cave a 20 ans d'existence et produit des vins blancs avec le cépage local Nosiola, le Muller Turgau, le Riesling Renano qui est le synonyme du Welch Riesling et quelques autres cépages plus connus.
Une dégustation de classe, tout au moins par le cadre dans laquelle elle s'effectue : sous une tonnelle face à la montagne qui se découpe sur un magnifique ciel bleu.
Hasard ou préméditation ! La distillerie de pêche est normalement interdite en raison de l'acide prussique contenu dans l'amande du noyau. Deux bouteilles d'alcool de pêche sont néanmoins offertes et remises à l'ami Christian WILLM, seul distillateur du groupe.
Tant bien que mal, on regagne le car, dont le chauffeur fait preuve d'une amabilité digne de tout éloge.
Le déjeuner a lieu dans une avenante FermeAuberge MASO NELLO à FARDO.
Une fois encore, pour nous mettre en appétit, nous apprécions l'amabilité du chauffeur et c'est une alerte marche qui nous mène à l'Auberge où un repas campagnard roboratif et succulent apaise les appétits et renforce la bonne humeur commune.
Le repas s'est pris en plein air sous un beau préau ou d'aucun se sont ingénié à poursuivre l'effet maléfique de la climatisation du car par création de courant d'air en ouvrant……les fenêtres !
Après déjeuner, visite du Musée des arts et traditions populaires de San Michele.
Beau bâtiment à l'architecture hétérogène, mixte : mélange de légèreté (italienne ? méridionale ?) et de massivité (locale, montagnarde, campagnarde).
Des escaliers s'élancent derrière des arcades, sous des voûtes massives et trapues. Légèreté du jet de pierres souligné par un garde-corps en fer forgé filigrané ou tout au plus dentelé.
Superbe contenu du Musée : ingéniosité des artisans, richesse de l'objet, souci d'une réponse immédiate à un problème essentiellement pratique : ici et maintenant.
Dîner au restaurant CHIESA à Trento. Décor sympathique, ambiance mode. Il semble, que pour le moment, ce soit un des grands restaurants de Trente. La chaire se révélera moins bonne que le décor, mais cela est de peu d'importance car il est temps de se rappeler l'amicale et très dévouée présence, tout au long de ces jours, de notre hôte, Monsieur Graziano BACCA qui a su se faire l'interprète et le chantre de sa région, nous permettant ainsi de la pénétrer au plus profond de son âme et de mieux la comprendre que si nous avions été de simples touristes en goguette.
Dimanche 25 Août 1996
En compagnie de l'inénarrable et de plus en plus aimable chauffeur, chargement des vins dans le car, les achats apparaissent comme plus nombreux qu'on aurait pu le croire.
Arrivés à STABIO, accueil très sympathique et visite du vignoble MONTALBANO, cité enchanteur et bucolique à souhait.
Après avoir apprécié dans le TRENTIN le savoureux mélange Italie/Autriche, c'est un non moins savoureux mélange Suisse/Autriche avec lequel nous sommes amenés à faire connaissance.
L'accueil est généreux, les explications intéressantes, les vins simples et bien faits, apparemment sans grand avenir. Il apparaît à beaucoup que dans une Europe en train de se faire et dans une mondialisation de la production de vins, ces charmants vignobles, aujourd'hui déjà, passablement subventionnés, ne survivront pas, sauf à trouver une autre vocation. De là à imaginer que des vignobles seraient conservés comme des alpages confiés à des agriculteurs de hautes montagnes dont la vocation n'est plus l'élevage, mais la conservation du paysage.
Vaste problème, mais cela est une autre histoire.
Déjeuner en apothéose au restaurant MADONINA à CANTELLO, de loin la meilleure table rencontrée lors du voyage. Et s'il est à présent relaté avec sérénité, il fut néanmoins fertile en péripétie comme ces très nombreuses traversées de la frontière Italo-suisse, pour, tout d'abord trouver CANTELLO, puis le restaurant et retrouver le chemin du retour.
Retour sans encombre avec bonne humeur persistante, détente générale et nombreuses visites des uns et des autres dans le petit salon qui s'est installé au fond du car.
A l'arrivée, grande et toujours sympathique effervescence pour se répartir des divers achats de vins qui ont voyagés en soute.
Le temps d'une bise toute amicale à MarieReine promotrice de cette superbe virée et à Martine notre mentor efficace et précis, le groupe se disperse comme un vol d'hirondelles automnal.
Merci à tous.
Strasbourg, le 01/10/96
* Patron de la Distillerie NUSSBAUMER à 67220 Steige
** Ancienne grande maison de négoce à 67520 Marlenheim. Aujourd’hui dans le giron d’ARTHUR METZ
« Enclavée entre les Alpes de Rhétie et le massif des Dolomites, aux confins de l’Autriche et de la Suisse, la région du Trentin Haut-Adige est la plus septentrionale d’Italie. Ses rares terres cultivables sont essentiellement vouées à la viticulture qui prospère sur des terrasses abruptes au charme indéniable. Le Trentin Haut-Adige, comme son nom l’indique, se divise en deux zones distinctes : le Trentin, au sud, historiquement italophone, et le Haut-Adige (aussi appelé Südtirol), au nord, officiellement bilingue italien-allemand. La viticulture de la région est toutefois beaucoup plus proche de l’Autriche et de l’Allemagne que de l’Italie méridionale. On y retrouve une trentaine de variétés acceptées dont une série de grands cépages blancs d’origine germanique tels que le Gewurztraminer, le Müller-Thurgau, le Sylvaner et le Riesling qui s’expriment ici avec une rare finesse. La production vinicole est néanmoins dominée par les vins rouges commerciaux à base de Schiava que cultivent massivement les nombreuses coopératives de la région. Le Teroldego Rotaliano dans la zone de Campo Rotaliano près de Mezzacorona, dans le Trentin, et le Lagrein du Alto Adige se classent parmi les grands vins du nord de l’Italie. Dans les deux zones, on rencontre des plantations de plus en plus importantes de Cabernet Sauvignon, de Merlot et de Pinot Noir qui contribuent à rehausser l’extraordinaire potentiel qualitatif de la région. Le Trentin Haut-Adige se spécialise aussi dans la production de mousseux de style champenois fort appréciés sur le marché international. »