Monsieur le Directeur,
Les rats de cave, façon de parler, ont encore frappé ! Naïvement, après avoir combattu, avec une poignée de vignerons, dont les meilleurs dégustateurs vantent maintenant les vins, la dégustation passoire pour le pire et couperet pour ceux qui n’étaient pas dans le fameux moule de l’air de famille cher aux niveleurs à tout crin, je croyais qu’enfin tout le monde avait compris que l’intérêt bien compris de nos appellations d’origine était de cultiver la diversité au lieu de s’acharner à courir après une typicité indéfinissable et mal contrôlée.
He bien, la réponse est non !
La dernière victime en date est Philippe Gourdon du Château Tour Grise qui, après un parcours du combattant : 3 commissions d’agrément de l’appellation Saumur Puy Notre-Dame pour rien, a vu sa cuvée 253 jetée dans les ténèbres extérieurs du Vin de France pour des motifs qui ne tiennent vraiment pas la route. C’est même à pleurer !
Si je suis affirmatif, monsieur le Directeur, c’est que j’ai dégusté ce vin, comme beaucoup d’amateurs et de vrais professionnels, et il est en tout point remarquable et remarqué. Ne levez pas les bras au ciel avant de vous en laver les mains tout en proclamant votre impuissance face à la toute-puissance d’une poignée d’attardés et je pèse mes mots.
Qu’est-ce donc que cette engeance qui goûte le vin comme le feraient des laborantins ? Une poignée de vignerons à la traîne, qui n’ont rien compris à l’évolution du goût des consommateurs, flanquée de quelques œnologues bien plon-plon. À propos, M. le Directeur, la composition de la commission de dégustation de l’Appellation Puy Notre-Dame est-elle conforme aux textes ? Je n’en suis pas si sûr et vous feriez bien vous, le gardien du respect du Droit, de vous en inquiéter au lieu de fermer les yeux sur de tels manquements. Je suis persuadé, et même sûr, que nos tribunaux donneraient raison à Philippe Gourdon s’il lui prenait l’envie de les saisir. Sans doute a-t-il mieux à faire mais vous M. le Directeur, qui êtes fonctionnaire de l’État, vous vous devez de faire respecter l’état de droit.
Ne sont jamais en reste d’un mauvais combat ces gens-là, toujours en retard d’une guerre, des acculturés du vin qui laissent passer tous les trains. Ouvrez les yeux que diable, les premiers de la classe, ceux qui font de la notoriété, qui vendent les meilleurs vins, ne sont plus les marginaux qui faisaient la risée des abonnés aux places syndicales. Le vent a tourné, les combats d’arrière-garde n’ont plus court. Ces agrippés au bastingage plombent bien plus que les réprouvés la notoriété des vins Français.
Les 8500 bouteilles de Philippe Gourdon vont donc aller rejoindre le Vin de France avant de se retrouver sur la table de la Grande Cascade ou chez les cavistes de Boston. Je vous mets au défi, M. le Directeur, de me présenter une bouteille siglée du nom de l’un des jurés dégustateurs qui a exclu le vin de Philippe Gourdon de l’AOC Puy Notre-Dame. Pas difficile, ils ne sont pas nombreux sur les quelques 25 vignerons.
Par tempérament je ne me contente pas d’être un pur protestataire mais je tente toujours faire émerger des solutions. Même si je me dois de m’incliner devant les décisions majoritaires il est de mon devoir d’écrire, tout d’abord que la représentativité de certains est plus que douteuse, et qu’ensuite les minorités doivent être reconnues et respectées. Que le succès de ces vignerons, qui ont fait des choix courageux bien avant les autres dérange, je le conçois parfaitement mais je n’admets pas que l’on puisse continuer de les soumettre au diktat de ceux qui en sont restés à une vision calcifiée de la vigne et du vin. Sans manier une ironie facile : que ceux-ci fassent bien attention ces tenants des droits acquis, à force de faire basculer des vignerons, connus et reconnus par les prescripteurs et les consommateurs avertis, dans ce qu’ils croient être le purgatoire : le Vin de France ils vont accréditer l’idée que l’Appellation n’est plus que le refuge de la médiocrité. Pourrons toujours en appeler auprès de vous pour la distiller !
Que faire donc, après 4 années de mise en œuvre d’une réforme qui se voulait dans l’esprit un réel retour aux fondamentaux de l’appellation et qui a pris souvent l’allure d’un simple replâtrage et d’une réelle amplification des pratiques bureaucratiques ? Faire le bilan, certes, mais surtout accepter de diffuser et de discuter les conclusions de la Commission de Travail sur la dégustation présidée par Gérard Boetch et de faire prendre en compte les réflexions du CAC présidée par Olivier Nasles sur ce thème.
Croyez-moi, M. le Directeur, je ne m’en tiendrai pas à de bonnes paroles et, comme cette fois-ci les gens d’en haut ne pourront pas demander ma tête, je ne lâcherai pas prise. Un peu de courage que diable, arrêtez de vous réfugier derrière une conception purement administrative de votre fonction, faites que la direction de l’INAO retrouve auprès des professionnels un rôle moteur pour que les grands courants qui traversent le monde de la vigne et du vin se traduisent dans le fonctionnement de l’Institution. Enfin, puisque le Comité National Vins et Eaux-de-vie est doté d’un Commissaire du Gouvernement nommé par le Ministre, il serait bon que nos gouvernants s’intéressent de plus près à la politique menée dans ce secteur porteur de notre économie.
Maintenant que mes vaches me laissent du temps libre sachez, Mr le Directeur, que je vais m’intéresser à votre fonds de commerce même si beaucoup estiment que je ne suis pas une personnalité qualifiée qui pourrait siéger dans les instances de votre crémerie. Faut dire, je les comprends qu'il n'ont pas très envie que je mette le doigt là où ça fait mal. Ils ont déjà beaucoup souffert avec moi.
Mes respects et mon meilleur souvenir.
Bien à vous.
JB