Monsieur le Président et cher Jérôme Quiot,
Vous avez accueilli récemment dans votre beau château Miss Glou Glou – Ophélie Neiman dans le civil – qui commet des chroniques sur blog le Monde « Les tribulations vinicoles de Miss Glou Glou » Cette charmante personne s’est payée une semaine de vacances pour «apprendre à boire du vin, « genre t’as besoin de cours pour apprendre à picoler », m’a perfidement glissé une amie sur mon profil Facebook. On verra bien. » Elle a vécu s’enthousiasme-t-elle « une semaine incroyable » ce qui me réjoui vraiment d’autant plus qu’elle a pris « un pied pas possible lors des dégustations ». Son objectif initial est atteint puisqu’elle a structuré sa façon de goûter le vin « apprendre à analyser chaque détail, les arômes, l’alcool, l’acidité, les tanins, la fin de bouche... » Fort bien car elle est heureuse de mieux comprendre pourquoi un vin lui plaît et de pouvoir analyser son potentiel d’évolution. Pour faire court, c’est comme si après une retraite de préparation au mariage elle comprenait mieux pourquoi son fiancé lui plaît.
Je plaisante bien sûr.
Tout cela et bel bon me direz-vous. J’en conviens sans problème sauf qu’en ouvrant l’édition du Monde électronique du vendredi 14 mai je découvre ce titre accrocheur, racoleur et étonnant : « Crachons le vin, c’est bon pour lui (et pour nous) » Je me suis dit, avant d’ouvrir le lien, que la pépète avait du abuser du Rasteau vieilles vignes 2004 de chez Tardieu-Laurent *. Un clic donc et voilà que je lis que notre miss glou glou s’enchante que le vigneron, dont elle goûte le vin, lui présentât « un seau* et un gigantesque entonnoir en fer, pour ne pas se louper en recrachant sa production. » et qu’il ait cette phrase fantastique (sic) : « Vous me ferez plaisir en crachant mon vin ». Comme dirait ce pauvre Polanski : le fantastique n’est plus ce qu’il était.
Mais notre goûteuse néophyte n’était pas au bout de son ravissement car « Bonheur, soulagement. Une autre, femme de vigneron à qui je m’excusais de recracher ses vins car j’avais de la route à faire, s’est écriée « Mais j’espère bien! Je ne vous aurais pas permis d’avaler ». Touchant, non, y’a un peu du Molière des Précieuses Ridicules dans tout ça. Je suis inutilement méchant, l’important c’est la suite.
Je cite : « Ainsi, les vignerons se réjouissent de nos crachats. Et je confirme qu’il est très agréable, arrivé au 10ème vin, de se sentir sobre comme un chameau et de pouvoir le déguster comme s’il s’agissait du premier verre. Ce que regrettaient mes voisins de table d’hôtes qui souhaitaient choisir un vin pour le mariage de leur fille et, n’ayant “pas osé” recracher, étaient rentrés quasiment à quatre pattes.
Mais Philippe Gimel (un vigneron du cru) soulève cette idée, dont je ferais bien ma croisade:
« Et si on généralisait les crachoirs dans les restaurants? »
Alors je vous soumets la proposition, pas très politiquement correcte en temps de crise, j’en conviens: et si, plutôt que de vouloir freiner sa consommation de vin et faire de la patrie du vin un peuple de buveurs d’eau, on prenait l’habitude de cracher?
Nous serions tous gagnants dans l’histoire, vignerons, restaurateurs, sommeliers, usagers de la route… seul le guide du savoir-vivre de N. de Rothschild y trouverait à redire. Encore que, avec ma leçon du mois dernier pour cracher avec élégance, on est paré. »
Humour au deuxième ou troisième degré, pourquoi pas sauf que le titre de la chronique lui n’est pas dépourvu d’ambigüité et de l’hypocrisie chère au journal hébergeur: « Crachons le vin, c’est bon pour lui (et pour nous) ». En creux ça signifie que boire le vin est mauvais pour nous et que pour nous plier au diktat du sanitairement correct, faire la génuflexion aux hygiénistes voilà que nos petits dégustateurs formatés, avec vocabulaire intégré, nous préconisent de le cracher en tout lieu et toute circonstance : à la noce de la cousine comme au baptême du petit cousin. Vérigoud !
À part que je trouve ça insultant pour ceux qui se sont échinés à faire mûrir de beaux raisins et qui se sont cassés le cul à faire un beau vin que de voir « des petits trous du cul prétentieux » nous intimer l’ordre de le cracher le fruit de leur labeur. Je sais que « Le vin rouge en bain de bouche : est un excellent anti-carie pour vos enfants ! » http://www.berthomeau.com/article-le-vin-rouge-en-bain-de-bouche-un-excellent-anti-carie-pour-vos-enfants--41643878.html mais il ne faut pas pousser le bouchon de la connerie trop loin sinon ça risque d’éclabousser vos escarpins miss glou glou.
Vous me connaissez, comme notre donzelle vineuse s’était plantée parlant de sceau au lieu de seau pour recueillir ses jets, j’ai ironisé grave sur le sceau des sots, des sots d’eau bien sûr et j’ai eu l’audace de comparer le procédé de déjection buccale au « coitus interruptus » et d’ajouter qu’une telle préconisation relevait de l’éjaculation précoce. Mal m’en pris je fus censuré sans doute par le modérateur mondain ou peut-être même par miss glou glou pour inconvenance grave aux bonnes moeurs.
Certains vont me dire que cela est dérisoire mais c’est tellement dans l’air du temps de nous pomper l’air avec ces soi-disant connaissances œnologiques pour être en capacité d’apprécier le vin. Je ne vais pas renouveler ma gueulante « Faut-il être maintenant être œnologue pour apprécier le vin ? » http://www.berthomeau.com/article-faut-il-etre-maintenant-etre-oenologue-pour-apprecier-le-vin--41993276.html Que miss glou glou se formât à la dégustation à l’Université de Suze la Rousse grand bien lui fasse, qu’elle ait des enthousiasmes de midinette ça m’enchante plutôt, qu’elle est la foi du nouveau converti c’est beau comme une série américaine mais de grâce, même si elle a voulu faire de l’humour à deux balles de potache avec ses crachoirs dans les restaurants le résultat est que ces tordus du Monde n’ont rien trouvé mieux que de mettre sa chronique à la Une. Sans être parano c’est du même tonneau que l’interview par la miss Blanchard du Président de l’INCA « Le premier verre de vin donne le cancer » Et plutôt que de boire le premier verre il vaut mieux le cracher dans le caniveau : foi de seau d’eau !
Vraiment, Monsieur le Président de l’Université de Suze la Rousse, cher Jérôme Quiot, sans invoquer les mannes de mon ami Henri Michel, même au risque de passer pour un vieux con, de grâce prenez quelques précautions avec ces herbes folles qui viennent s’initier à l’art de la dégustation, ne leur glissez pas dans les oreilles des idioties du calibre de celle qui nous a donné cette chronique stupide car petite cause, grand effet !
Le vin fait est fait pour être bu, et pissé ajouteraient mes amis gascons (mais je suis grivois). Qu’on le goûtât avant de le choisir rien de plus normal. Qu’on le crachât ensuite c’est la règle de tout amateur dégustateur. Pour le reste, merci de nous lâcher les baskets miss glou glou, surtout maintenant que nos parlementaires viennent de voter le principe des cendriers mobiles pour fumeurs invétérés vous seriez capable de leur donner des idées avec votre seau à vin.
Quand je lis sous votre plume miss Glou Glou que « Pouvoir dissocier ses préférences d’un jugement qualitatif “objectif”, que ce soit en gastronomie, littérature, peinture, sexualité, etc, me semble assez épanouissant (et permet d’apprendre sur soi autant que le test Facebook “Quel type de cary réunionnais êtes-vous?”). » je dois avouer que j’en reste pantois. Pour la sexualité quel est le test Facebook SVP ? À mon âge, qui est grand, j’ai tant à apprendre pour réellement m’épanouir que j’ai hâte de connaître votre réponse Miss Glou glou. Sans jouer les anciens combattants ça me rappelle la fameuse Université de Vincennes née après Mai 68 où il existait des séminaires où les protagonistes apprenaient à se sentir.
J’en reste là car je suis las de cet océan de niaiseries et pour revenir au vin je vous livre la fiche de dégustation de Miss Glou Glou sur le « Rasteau vieilles vignes 2004 de chez Tardieu Laurent. Je ne sais pas si c’est l’âge des vignes (80 ans pour la plupart), les 80% de grenache mélangés au mourvèdre et à la syrah, ou le haut degré d’alcool (14,5) mais je l’ai trouvé spectaculaire. Un nez riche, ensoleillé, débordant de fruits mûrs et une bouche soyeuse, douce, qui apportait de la sensibilité à la puissance des arômes. Pour une bouteille à 13 euros, je suis soufflée. D’autant que Tardieu Laurent tordent le cou à une idée reçue qui veut qu’un bon vin soit fabriqué de A à Z par son vigneron. Ces deux là récupèrent les raisins chez d’autres viticulteurs, et les vinifient à leur façon. Un beau travail d’équipe. »
Bonjour chez vous miss Glou Glou et quand à vous, Monsieur le Président de l’Université du Vin de Suze la Rousse, cher Jérôme Quiot, transmettez à votre directrice mes sentiments attristés de Secrétaire Perpétuel autoproclamé de l’Amicale du Bien Vivre, l’ABV, simple buveur de vin et petit dégustateur non patenté et non diplômé de l’Université.