Avec septembre reviennent les mois en R et autrefois les huîtres, pour les connaisseurs ne se consommaient que ces mois-là après qu'elles eussent fait leur laitance. Ce matin, loin de ma terre natale, je profite de ce basculement pour venir au secours de mon grand voisin nantais le Muscadet qui va aussi mal que le FC. Nantes, grandeur et décadence d’une belle et grande appellation et d’un grand et beau club. Rien n’est jamais perdu tout est à reconstruire alors toujours prêt à servir. En attendant un beau texte de Maurice Des Ombiaux sur Les Vins blancs publié en 1928.
« Les huîtres appellent le vin blanc. S’il y a des grands vins blancs traditionnels pour leur faire cortège, il y a aussi les Vouvray, le Montlouis, le Rochecorbon, dont s’enorgueillit la Touraine à juste titre, et d’autres encore, moins connus, comme le Muscadet qui croît du côté de Nantes et de Saint-Nazaire et dont M. Aristide Briand fait ses délices.
Il est très sec et laisse à l’arrière-goût un léger appel de Muscat. Il n’a pas son pareil pour servir d’accompagnement à une douzaine de Portugaises bien fraîches. On le soutire dans des fillettes. Son fin goût de muscat, se mariant avec celui de la pierre à fusil, charme ceux qui en boivent pour la première fois par l’inattendu de l’aventure et par une si merveilleuse expression de terroir. L’Anjou donne aussi des vins blancs de grande réputation. Mais la palme revient de Pouilly-sur-Loire, de Château-Laroche et de Chavignol, du cépage appelé Sauvignon. Le Sauvignon produit aussi le Château d’Yquem mais tandis que l’Yquem est doux, liquoreux et doré, le Blanc-fumé est sec, extra-sec, comme le silex, avec un léger goût de fumée extrêmement délicat. C’est le vin le plus blanc qui soit, tellement blanc que, dans le verre, il a presque l’aspect d’eau ou vert d’eau, dit-on de lui.
Ce goût de fumée et de silex, soulignant le goût sauvage et le parfum d’océan des Claires ou des Marennes vertes, quel régal pour le gourmand !
Les loges de Pouilly, de Girames, la loge aux moines, le clos de la Comtesse ondoie merveilleusement une sole au gratin ou tout autre poisson.
Il ne faut pas confondre les Pouilly donnés par le Sauvignon et ceux des autres cépages. Il y a entre eux à peu près la même différence qu’il y a en Bourgogne entre les vins fins qui proviennent du pineau et les vins communs issus du gamay.
Ces produits du Sauvignon se mettent au rang des plus grands vins blancs, et tel amateur sceptique auparavant, a reconnu, après les avoir tâtés comme chez M.Lubin, qu’ils se présentent comme des grands seigneurs de la treille française, la première entre toutes !
Il y a des amateurs qui feront un déjeuner au vin blanc ; il y en a même qui s’en tiendront, pour un repas plus substantiel, au seul vin de champagne, variant les goûts selon les mets, depuis le demi-sec jusqu’au brut. »
Maurice Des Ombiaux
Ecrivain
Beauraing 16.03.1868 - Paris (France) 21.09.1943
« Ses humanités achevées (1884), Maurice Des Ombiaux est poussé par son père à entreprendre des études notariales. Mais, déjà attiré par le renouveau littéraire des années 1880, il se lance dans la littérature. D'abord auteur de quelques pièces en vers et en prose dont il tire plusieurs recueils, ainsi que d'un drame symboliste, Les Amants de Taillemark (1892), il part ensuite à la recherche de son style, affiche des opinions extrémistes et quitte La Jeune Belgique pour Le Coq rouge, mouvement qui se veut le défenseur de la liberté en art (1895).
Après avoir pourfendu Edmond Picard, champion de l'âme belge, il opte pour la prose ainsi que pour une veine réaliste et populaire qui correspond mieux à sa nature. Il dévoile ses talents de conteur gaillard et sentimental. En fait, Des Ombiaux plonge aux sources de son enfance lorsque lui étaient racontées les vieilles légendes locales. Ses meilleurs écrits atteignent aux sommets du roman naturaliste (Mihien d'Avène et surtout Le Maugré), considérés par Lemonnier et Maeterlinck comme des chefs-d'oeuvre. Entre 1898 et 1914, il publie plus d'un ouvrage par an tout en consacrant des études à des artistes wallons. Critique d'art, il signe ainsi un Essai sur l'Art wallon, collabore à la revue Jeune Wallonie. Fondateur, avec Jules Destrée, son ami d'enfance, d'une Fédération des Artistes wallons, il est aussi à la base de la Société des Amis de l'Art wallon.
Coorganisateur de la première exposition d'Art wallon (Charleroi, 1911), il ne cessera de montrer que la Wallonie, trop souvent négligée au profit de la Flandre, est en réalité un des berceaux de l'art en Occident. Il révèle ou vulgarise quelques-unes des illustrations de notre patrimoine artistique : l'école de Tournai, qui influença l'art flamand, l'école de l'abbaye de Lobbes, Roger de le Pasture, Victor Rousseau... Il exige que l'apport artistique de la Wallonie soit reconnu et sa filiation française proclamée. Occupé par le seul passé wallon, Des Ombiaux ne se livrera jamais à une peinture de la Wallonie industrielle, même s'il ne resta pas insensible aux villes (Namur, Liège...).