Le Salers, fermier de chez fermier, et le Gamay de la coopé de Saint-Verny forment un couple d’enfer
Le Salers, vieux fromage d’Auvergne, garde encore plus que d’autres ses racines en respectant dans sa fabrication la saisonnalité : il ne peut être fabriqué que du 15 avril au 15 novembre lorsque les vaches sont dans les prés. Plus qu’une tradition, la montée des vaches en estive, c’est-à-dire en haute altitude où l’air et la qualité de l’herbe sont meilleurs influe sur la spécificité de ce fromage. Autrefois les éleveurs organisaient leur vie autour du troupeau et de la fabrication du fromage, ils s’installaient dans des burons aux toits de lauzes. De nos jours l’estive existe toujours, quelques burons perdurent encore, mais la plupart des producteurs s’organisent pour rompre l’isolement. L’altitude est un élément important pour la période de fabrication : plus elle est haute plus la date de fabrication sera repoussée car plus l’herbe tarde à pousser. En conséquence, pour beaucoup de producteurs la période de production est bien plus restreinte.
La traite des vaches est unique et spécifique, car la présence du veau est indispensable pour récolter le lait. C’est en effet le veau qui amorce la traite. Après avoir absorbé les premiers jets, il est attaché à la patte avant gauche de sa mère et le vacher peut entreprendre la traite de 3 trayons. En effet, le dernier trayon n’est pas trait pour satisfaire les besoins de croissance indispensable du jeune. Le veau est ensuite libéré et réalise l’égouttage de la mamelle. Cette technique spécifique rend la composition du lait différente, la flore buccale du veau humectant les trayons qui lors de la traite dépose dans le lait une flore spécifique. Avec un rapport matière grasse/matière protéique voisin de 1,2 qui se traduit par des qualités fromagères exceptionnelles pour la fabrication du Salers.
Tradition que l’on retrouve loin du Cantal, chez les Touaregs nigérians : Edmond Bernus écrit « Avec la tombée de la nuit commence la traite. De jeunes garçons se chargent de celle des chèvres et des brebis, alors que les hommes adultes s’occupent des vaches et des chamelles. L’homme s’approche de la vache le bol de traite à la main (akabar) ; il a pris soin auparavant de détacher le veau, et il le laisse s’approcher et téter goulument, le temps de lier les pattes arrière de la vache. Puis il chasse le veau, et l’attache par le cou à la patte de sa mère. Il s’accroupit alors pour la traite, le bol calé entre les genoux. La montée de lait, amorcée par le veau, se poursuit normalement. La vache n’est pas entièrement traite, et on laisse le veau revenir à sa mère. Libéré il vient enfin téter ce que les hommes lui abandonnent. » Précision de mon ami Pierre, maire de Valette, arrondissement de Riom-ès-Montagne dans la Cantal évidemment : « chez les Peuls le veau est attaché à la patte droite de sa mère » ce qui est attesté par Marguerite Dupire « le jeune veau est attaché par le cou à la patte antérieure droite de sa mère. Cette position naturelle donne à la vache l’impression que le veau continue à la téter. »
Toutes les races de vache sont autorisées pour faire du Salers, cependant une dizaine de producteurs le fabriquent avec la race salers et ont droit à la mention « Tradition Salers ». La zone de fabrication se restreint à 137 communes du Cantal, 24 du Puy de Dôme, 5 de l’Aveyron et 1 de Corrèze. Elle recouvre des sols riches en acide phosphorique, potasse et magnésie donne une flore originale composée de réglisse, de gentiane, anémone et encore arnica qui lors de la mise à l’herbe donne au lait un goût incomparable. Sitôt trait le lait arrive directement dans la gerle de bois de châtaignier (rendue obligatoire en 2000) où a lieu la première étape de fabrication. Le Salers est donc fabriqué immédiatement après la traite, soit deux fois par jour.
Ensuite c’est l’emprésurage puis le décaillage : le caillé est découpé manuellement à l’aide de la fréniale (ustensile en métal qui ressemble à une grande fourchette), pour le « casser » en gros grains et le déposer dans le presse tome où il va subir des pressages progressifs. Comme en Auvergne rien ne se perd, le petit-lait sera utilisé: pour nettoyer la gerle (jamais de détergent!). Toutes ce manipulations sont manuelles : on découpe la tome en bloc et on la retourne autant de fois que nécessaire. La tome pressée est ensuite laissée plusieurs heures pour qu’elle mature. Elle est ensuite broyée et salée dans la masse. Le mélange se fait par brassage successifs. La tome ainsi salée est laissée au repos pendant au minimum 3 heures. On procède ensuite au moulage : la tome est tassée manuellement dans un moule spécifique (2 renflements en haut et en bas) tapissé d’une fine toile de lin qui sert de drain. On pose la plaque rouge qui signe l’authenticité du Salers. Ensuite le moule est placé sous le « pesadou » pour être pressé crescendo pendant 48 heures.
Reste la phase ultime : l’affinage qui est une étape décisive pour l’élaboration du Salers. Le fromage est entreposé pendant 3 mois minimum dans une cave fraîche, entre 6 et 12°C, avec une hygrométrie généralement supérieure à 95%. Le maître-affineur va retourner et frotter ses fromages à l’aide d’une toile afin de faire évoluer la croûte du Salers vers une couleur ivoire et une épaisseur de plus en plus importante. Bien évidemment plus l’affinage sera long, plus la croûte sera épaisse et plus le fromage aura du caractère.
Le Salers est toujours un fromage au lait cru toujours fabriqué à la ferme car le lait est toujours produit et transformé sur l'exploitation. À chaque producteur correspond un Salers possédant son identité propre et son goût. C’est donc un fromage rare 1 470 tonnes par an, 88 éleveur-fromagers-producteurs fermiers, 3 700 vaches laitières, 8 500 000 litres de lait transformés par an, 400 litres de lait pour 1 fourme d'environ 45 kg et de 38 à 48 cm de diamètre, 11 affineurs. Je le conseille à tout le monde bien sur mai surtout en priorité à tous nos fameux grands gastronomes http://www.berthomeau.com/article-le-maire-de-losse-en-gelaisse-aux-soi-disant-gastronomes-patentes-au-portefeuille-etoffe-62181586.html, qui ne sont plus en culotte courte, mais toujours grands préservateurs de paysans, ça vaut en général : à la ferme 12 à 14 € le kg, dans une fromagerie parisienne de 28 à 30 €.
Le Salers qui, j’insiste, est un fermier de chez fermier, se consomme soit jeune pour les petites natures, entre-deux pour les connaisseurs : 9 mois est souvent l’optimum ou vieux pour les baroudeurs adeptes des sensations fortes. Comme les saveurs les plus caractéristiques se concentrent sous la croute prière de ne pas l’enlever mais de la gratter pour enlever la pellicule puis de l’essuyer avec un linge fin. Pour sa conservation soit dans un cellier à 6 ou 7°, soit dans le bac à légumes du réfrigérateur enveloppé dans le papier alimentaire du fromager entouré de papier journal pour le préserver du froid.
Dernier acte : le vin qui va avec le Salers. À ce stade, prétextant la fatigue, j’eus pu jouer les Ponce Pilate, me laver les mains et vous demander de faire ce boulot à ma place. Que nenni, ce matin j’ai décidé de faire dans la provocation : vous proposer un rouge, un gamay de cave coopérative : celle de Saint-Verny dans le Puy de Dôme. J’entends déjà les cris d’orfraies des esthètes, des buveurs exclusifs de vins de propriété, j’en passe et des moins bons pour vous dire que je m’en bats l’œil. En effet, lors d’une dégustation de mon Grand Jury : Véraison Gamay 2009 IGP Puy de Dôme a obtenu tous les suffrages, une note de 15,5/20, nez poivré, bois frais un poil réglissé, violette, en bouche vif, joyeux, fluide, un bel équilibre qui l’apparente à un beau Beaujolais-Villages.
Le Salers fromage AOC
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