Je descendis à Glacière glacé. Tout au long de la ligne 6, en venant de Nation, Carrefour affichait sa différence avec son champagne Hubert de Claminger à 9,60€. Récidiviste en diable le champion – souvenir, souvenir... – des gamelles vertigineuses dans le CAC40. Déjà l’an dernier à la même époque le Monde notait que les hypermarchés proposaient des bouteilles à moins de 10 euros comme produits d’appel. « Carrefour affiche aussi dans le métro des publicités pour écouler un stock de 450 000 champagnes Hubert de Claminger à 8,90€ » 70 centimes d’euros en un an les têtes d’œufs tiennent le dessous du panier.
Attention, le champagne Hubert de Claminger n’est pas le dernier de la classe puisque Bernard Burtschy dans ses choix lui attribuait 2 étoiles, soit bon, mais il était affiché à 11,90€ et dans un test à l’aveugle de Libération Champagne en 2009 il était considéré par un jury comme « pas mal, sans être pour autant un grand champagne. » Alors vous allez me dire que Carrefour est le grand bienfaiteur du consommateur puisqu’il lui apporte pour les fêtes un champagne de bon rapport qualité/prix. Vu de la coupe le raisonnement se tient mais n’est-ce pas là voir pas plus loin que le bout de son nez ? Où se trouve la valeur dans ce bradage ? Nulle part, tout le monde y perd, y compris le consommateur.
Je m’explique sur ce dernier point qui va sûrement me valoir du Dr Charlier une ordonnance carabinée. Mais étant un grand défenseur des bulles roturières je peux me permettre de défier ce rude jouteur. En effet, le champagne est la quintessence du produit statutaire, les acheteurs comme les consommateurs achètent et consomment d’abord l’étiquette, pour se valoriser aux yeux de ceux qui les entourent. Alors, imaginer 3 secondes l’effet produit sur la compagnie, votre beau-père par exemple qui se pique d’être un connaisseur, alors qu’il ne fait pas la différence entre un Pinot Noir et un Pineau des Charentes, lorsqu’au dessert sur la bûche glacée vous servez un Hubert de Claminger. C’est l’abomination de la désolation car votre belle-mère, jamais en reste d’une vacherie, placera une réflexion du genre « chéri rappelle-toi c’est celui qu’on a vu dans le métro en rentrant de Bobino... » Patatras, vous vous êtes fait une réputation effroyable même si les bulles à moins de 10 euros valaient peut-être celles avec plus de zéros.
La morale de cette histoire, si tant est que l’on puisse en ces domaines manier la morale, c’est qu’en toute chose il faut raison garder et qu’entre « la folie des grandeurs » des années folles de la « Premiumisation » à tout va et la bérézina des prix de déstockage qui casse l’image du champagne la ligne de crête ne serait-elle pas que le positionnement des prix corresponde à une réalité et non aux pitreries des petits marquis du marketing.