Les hymnes nationaux, et le notre très guerrier en particulier, joués en prélude aux compétitions sportives ou pour saluer l’obtention de médailles, ne sont pas vraiment ma tasse de thé car ça sent à plein nez le chauvinisme, l’exaltation de sentiments qui n’ont rien à voir avec la compétition, le « on va gagner » des supporters braillards, comme un ersatz de ceux qu’on envoyait à la guerre en chantant. Pour autant je ne me sens pas un mauvais français, un gars qui n’aimerait pas son pays, mes aïeux ont suffisamment versé de sang en des guerres qui n’étaient pas forcément les leurs pour que je puisse prendre mes distances avec les signes extérieurs de la République. Pour autant, j’adore les chants de nos voisins anglais car ils me semblent vraiment exprimer le moi profond d’un peuple.
Alors lorsque les Sex Pistols s’emparent du mythique God Save the Queen (Never Mind the Bollocks, Here's the Sex Pistols, 1977) juste au moment du vingt-cinquième anniversaire du règne d'Elisabeth II, ils commettent un sacrilège, d’autant plus qu’en qualifiant le régime de Fasciste à peine 25 ans après la bataille d’Angleterre ils ne font pas dans la dentelle. La chanson fut un succès mais elle n’en fut pas moins censurée par la BBC.
Qui n’a pas connu Michel Droit dans sa vie d’homme a raté le plus beau spécimen de sinistre cireur de pompes, un monument de la France des toiles d’araignée et du rance. Alors lorsque le Michel aux gros sourcils et aux costards de croque-morts emboite le pas aux militaires pour rédiger une violente diatribe contre « l’odieuse chienlit […] une profanation pure et simple de ce que nous avons de plus sacré. » à propos de « aux armes etcétéra » moi j’atteins l’extase. Son texte paraît le 1er juin 1979 dans le Figaro Magazine : « Quand je vois apparaître Serge Gainsbourg je me sens devenir écologiste. Comprenez par là que je me trouve aussitôt en état de défense contre une sorte de pollution ambiante qui me semble émaner spontanément de sa personne et de son œuvre, comme de certains tuyaux d’échappement… » En fait c’est lui qui pète et qui pue en reprochant à Gainsbourg d’ouvrir la porte à un regain d’antisémitisme, en déformant la version originale de La Marseillaise.
Beaucoup de bruit pour rien sauf que l’album devient disque de platine en quelques mois et que Gainsbarre dégaine « On n’a pas le con d’être droit dans Le Matin-Dimanche : « Peut-être Droit, journaliste, homme de lettres, de cinq dirons-nous, […] croisé de guerre 39-45 et croix de la Légion d’honneur dite étoile des braves, apprécierait-il que je mette à nouveau celle de David que l’on me somma d’arborer en juin 1942 noir sur jaune et ainsi, après avoir été relégué dans mon ghetto par la milice, devrais-je y retourner, poussé cette fois par un ancien néo-combattant ? »
Jane Birkin a aussi réagi en écrivant à Michel Droit.
«Le 4 janvier 1980, alors que Serge Gainsbourg doit se produire à Strasbourg, la salle de concert est investie par des militaires parachutistes, qui désapprouvent la version de la Marseillaise chantée par Gainsbourg et distribuent des tracts. La situation est tendue, et Gainsbourg fait le choix de se présenter seul sur le devant de la scène. Il entonne a cappella le premier couplet de La Marseillaise dans sa version originale, un poing levé, et les paras se mettent tous au garde à vous pour l’hymne national. Il termine en leur adressant un bras d'honneur avant de se retirer» . Aux armes et cætera devient le premier disque d’or de sa carrière. Gainsbourg déclarera à propos de cette chanson : « Je suis un insoumis qui a redonné à La Marseillaise son sens initial. » Quelques années plus tard, il achètera le manuscrit original de La Marseillaise de Rouget de Lisle à la salle des ventes de Versailles, pour la somme de 135 000 francs de l’époque (soit environ 14 000 euros).