Pour le profane retrouver ses petits dans le dédale international des AOC. Ainsi, dans la bataille dite du Gruyère le gruyère suisse a remporté en 2010 une victoire importante contre son homonyme français en obtenant l'exclusivité de l'appellation d'origine contrôlée (AOC). Les hostilités ont été déclenchées par la France qui a voulu, en 2007, faire reconnaître l'AOC accordée à son gruyère au niveau européen. Retoquée la demande Bruxelles a jugé trop léger le dossier français et a recommandé à la France de se contenter de l'indication géographique protégée (IGP). Pour autant, rien ne change vraiment puisqu’il existe depuis les années 1930 un accord entre la France et la Suisse accordant le droit aux deux pays d'utiliser le même nom pour les deux fromages très différents.
« Le gruyère et l'emmental ont en commun d'être des fromages à pâte pressée cuite fabriqués en France et en Suisse. Pour le reste, les deux fromages n'ont pas grand-chose à voir l'un avec l'autre.
La meule d'emmental française pèse entre 80 et 100 kilos et a de gros trous, alors que ceux du gruyère français sont petits et que le suisse n'a pas de trous.
Les noms des deux fromages ont une origine suisse : Emmental vient du nom de la rivière Emme, qui coule dans le canton de Berne, et du mot "tal" (vallée, en allemand). Gruyère est le nom d'une bourgade du canton de Fribourg, dans l'ouest du pays.
Le gruyère, dont la recette comprend 20 pages, est un fromage au lait cru provenant de deux traites (matin et soir), tandis que l'emmental est surtout fabriqué avec du lait chauffé à 60-65 degrés. Mais les deux sont concurrentiels car faisant appel à une fabrication artisanale. Plus de 60 % de la production d'emmental en France est consommé sous forme râpée.
En Suisse, où il est fabriqué partout, l'emmental bénéficie d'une appellation d'origine contrôlée (AOC). En revanche, il n'a pas d'AOP (appellation d'origine protégée, l'équivalent de l'AOC mais au niveau européen). »
Revenons au sujet du jour nos chers « petits suisses » Gervais qui ont bercé nos desserts d’enfance, ces 6 petits cylindres en boîte de carton enveloppés d’un papier paraffiné, si frais, aspergé de sucre ou nappé avec la confiture de mémé Marie.
Ce qui m’intriguait c’est qu’ils provenaient de Normandie qui n’est pas un canton suisse même si, comme là-bas, il y avait beaucoup de vaches paissant l’herbe des prairies. La clé du mystère, sans faire de jeu de mots, se trouvait dans le canton de Vaud en Suisse où le le procédé pour faire ces petits fromages était utilisé depuis le Moyen Âge.
C’est à Gournay-en-Bray où commence l’histoire. Etienne Pommel y fabriquait, dès 1828, des fromages frais, en forme de cylindre enrichis de crème, qu’il vendait dans une fine bande de papier paraffiné (papier Joseph favorisant l'évaporation de l'eau en excès) placés par six ou douze dans de petites caissettes de bois. Dans les années 1850 un employé vacher de nationalité suisse de la ferme de Madame Hérould à Villers-sur-Auchy près de Gournay-en-Bray, suggéra de reprendre la recette de Pommel.
La Normandie étant le garde-manger de Paris, où les consommateurs étaient friands de fromages gras, Madame Hérould expédia chaque jour ces petits fromages enrichis à un mandataire des Halles de Paris. Mais le « petit-suisse » du son succès à un commis du mandataire, nommé Charles Gervais qui très vite compris que la production fermière ne suffisait plus à alimenter le marché de la capitale. Pour fournir il s'associa à Mme Héroult, reprit une laiterie en 1852, à Ferrières-en-Bray, embaucha d’abord des suisses et produisit les « petits suisses », qui se dénommait alors que « suisse », et qui pesaient 60g pièce, de manière industrielle. Pour un produit frais la logistique est capitale, si je puis m’exprimer ainsi, le développement du chemin de fer aida donc largement à la propagation du produit à Paris.
Charles Gervais compris l'importance des marques ainsi apparut sur l’étiquette Fromages à la crème Ch. Gervais dits Suisses (l'industriel, dit-on, revendiquait l'origine suisse de ses fromages, prétendant qu'« ils arrivaient directement par courrier de Vaud ». Sa grande innovation fut d’adopter des emballages à usage unique jugés plus hygiéniques. Enfin il annexa la ferme Hérould en mariant son fils à la fille de la fermière et racheta la société de Pommel en 1938. La suite est à lire du côté de Danone qui mangea Gervais avant d’aller se jeter dans les bras de BSN…
Mais, chers lecteurs, il faut que vous sachiez que la France n’utilise pas la dénomination « petit suisse » de manière usurpée. En effet, le 14 mai 1974, un Traité entre la Confédération Suisse et la République Française sur la protection des indications de provenance, des appellations d'origine et d'autres dénominations géographiques a été conclu link. Et dans le protocole annexé il est indiqué : « La protection du nom «Suisse» résultant de l'article 3 du traité, alinéa 1, n'exclut pas l'utilisation en France de la dénomination «Petit Suisse» pour des fromages fabriqués en France. »
Reste un point important les Petits Suisses Gervais ne sont plus ce qu’ils étaient car, diététique oblige, ils sont un peu maigrelets. Nostalgie aussi, un conditionnement en plastique : c’est plus pratique pour les mamans mais mon Dieu que c’est moche ! « Le savoir-faire Gervais depuis 1850 ! » un peu vite dit les petits loups du marketing…
Pour défendre la tradition il y a les Petits Suisses Malo 40%link « Produit historique de l’entreprise, le petit suisse MALO n’a pas pris une ride depuis 1950 !
Toujours fabriqué selon le même procédé, conditionné en boite carton et enroulé dans son papier, on le déshabille délicatement pour l’aromatiser sucré ou salé.
Lui aussi fait l’objet de toutes les attentions de nos Maîtres laitiers puisque la pâte de suisse est égouttée lentement dans des sacs de toile comme autrefois….C’est cet égouttage statique qui confère au produit son goût inimitable. »
Pour ma part je les trouve bon mais pas assez crémeux donc j’y rajoute de la bonne crème fraîche crue de vache Jersiaise.
Votre Taulier, tel un fox-terrier, est toujours à l’affut pour dénicher le produit authentique. Il vient de le trouver sur la rue des Martyrs à la fromagerie Beillevairelink Qui fabrique un Grand Suisse qui est un vrai petit suisse qui est servi en dessert avec un coulis de fruit au Cul de Poule une de mes cantines favorites.
Délicieux ! Un vrai régal.
« L’aventure de la fromagerie Beillevaire commence il y a 30 ans, à Machecoul, au sud de la Loire Atlantique. Agriculteur à ses débuts, comme ses parents, Pascal Beillevaire fait les marchés pour vendre le lait et la crème de la production familiale. Durant les premières vacances, Pascal, accompagné de son épouse Claudine, partent sur les routes de France afin de dénicher les meilleurs fromages de chaque terroir et les proposer à leur clientèle.
Chaque jour, nous collectons le lait cru chaud à température de l’animal dans une quinzaine de fermes se situant à proximité de la fromagerie. Ce procédé est quasiment unique car les contraintes sont fortes. En effet, c’est par deux fois qu’il faut récolter le lait après chaque traite des vaches. Mais le résultat est notre différence, des fabrications avec du lait cru, chaud, sans aucun traitement thermique.
La réplique des vérités de terroir que nous revendiquons constamment chaque jour.
Nous fabriquons à la fromagerie, multiples produits frais comme le beurre cru, la crème crue, du fromage frais en tout genre, yaourts et des laitages ancestraux comme le riz au lait, œufs au lait, crème brûlée … Et pour compléter notre gamme, nous fabriquons 6 fromages à technologies différentes comme le Machecoulais, le Mojette, le Brun de noix, le Rocher nantais, le Secret du couvent ou encore le Pont d’Yeu, fromage de chèvre. »