En ces temps ukrainiens et Copéistes, le vigneron-rebelle se porte bien sur les médias nationaux : Giboulot se fait le Grand Journal de Canal+ et Cousin s’invite à la matinale de France-Inter « messe vespérale, s’il en est, de la population bobo » dixit Thomas Legrand chroniqueur politique du 7-9 de Patrick Cohen, pour répondre à Clara Dupont Monod.
Lorsqu’on est blogueur s’amuser au jeu des mots-clés qui font le buzz sur la Toile est une nécessité.
Titrer « Le Cousin d’Emmanuel Giboulot est-il le copain d’Isabelle Saporta la star d’Hubert de Boüard » c’est la quasi-certitude de faire péter les compteurs.
Pour autant pour défendre la cause de ces vignerons faut-il écrire n’importe quoi ?
- C’est le cas de JP Géné dans le Monde daté du 28.02.2014
Il a rechaussé ses pompes de soixante-huitard « Nous serons nombreux le mercredi 5 mars à pique-niquer avec Olivier Cousin devant le palais de justice d'Angers comme nous avons été des centaines de milliers à signer la pétition en faveur d'Emmanuel Giboulot, qui a comparu le 24 février devant le tribunal correctionnel de Dijon. Parce qu'il arrive un moment où il faut dire "basta !". Assez de ces petits chefs de la bureaucratie vineuse, plus familiers du maroquin que du sécateur, qui font leur fiel de procédures misérables à l'égard de vignerons sincères et authentiques victimes de harcèlement textuel.
Que reproche-t-on à Olivier Cousin ? Ses cheveux (en catogan) ? Ses chevaux (qui labourent) ? Ses vins (sans intrants) ? Vous n'y pensez pas ! Les gens du vin sont civilisés : verticales et martingales pour quelques-uns, fringale pour beaucoup. Le vigneron de Martigné-Briand (Maine-et-Loire) a commis le grave délit de faire du vin en Anjou et d'en avertir le consommateur en l'écrivant sur l'étiquette de ses flacons. L'outrage absolu pour la nomenklatura des appellations. Il dit la vérité. L'accusation brandira les textes de loi qui interdisent à celui qui a osé sortir du système de l'AOC (appellation d'origine contrôlée) pour faire du vin de table de spécifier l'origine de son raisin, le cépage ou le millésime. Elle ne manquera pas de rappeler que l'individu a déjà été verbalisé pour son "Anjou cabernet" et ses cartons imprimés "Anjou Olivier Cousin" (AOC). Ce ne sont qu'arguments de prétoire. Au fond du fond, il faudra trancher un problème simple et néanmoins stupide : un vigneron en Anjou a-t-il le droit d'écrire qu'il fait du vin en Anjou ?
En son temps, Karl Marx a dénoncé l'appropriation privée des moyens de production ; nous en sommes au stade de celle des moyens d'expression avec la privatisation des mots et des appellations au profit des plus forts et des plus habiles. "Anjou" appartient aujourd'hui à l'Inao (Institut national de l'origine et de la qualité), d'abord observatrice dans l'affaire Olivier Cousin et désormais partie plaignante. Un dossier important, il est vrai : le litige porte sur 2 800 bouteilles de 75 cl dans un pays qui a produit plus de 45 millions d'hectolitres en 2013. A la veille de l'audience, Olivier Cousin remercie l'Inao de l'attention portée à ses crus désormais connus et défendus dans le monde entier. Il ne manquerait plus qu'une condamnation pour clore ce procès aussi ridicule qu'inutile. »
- Désolé Géné lorsque tu écris que l’appellation « "Anjou" appartient aujourd'hui à l'Inao (Institut national de l'origine et de la qualité) » c’est une connerie absolue puisque depuis l’origine des pères fondateurs de l’AOC une appellation est un bien collectif appartenant au syndicat d’appellation, nommé aujourd’hui ODG, et que l’INAO n’est là que pour le reconnaître et le protéger tout particulièrement au plan international en vertu de la propriété intellectuelle contre les « affreux » étasuniens impérialistes. De même, il est faux d'écrire qu'Olivier ne peut mentionner ni le cépage, ni le millésime, c'est autorisé en vin de France.
- La bonne réponse est celle donnée par un vigneron voisin d'Olivier Cousin d’Anjou Patrick Baudouin qui est monté au créneau de l’INAO pour défendre Olivier Cousin et surtout l’esprit de l’AOC link
Reste le plaidoyer d’Olivier Cousin lui-même sur France-Inter pour expliquer sa position.
Ecoutez le podcast de l'interwiew ICI link
Deux arguments : le premier fondé sur ce qu’il appelle « le vol de l’appellation Anjou par les AOC industrielles » et le second sur la nécessité de redonner aux AOC leur authenticité originelle en faisant référence à ce qu’avait proposé un temps René Renou : les AOC d’exception…
Ça se tient bien mieux que ce qu’écrit Gené qui jette le bébé avec l’eau du bain alors que Patrick Baudouin et Olivier Cousin mettent le doigt là où il faut, là où ça fait mal, sans pour autant partager le même chemin.
Tout comme les élucubrations dans son livre de miss Saporta sur l’INAO – et Dieu sait que j’ai éreinté ici cette maison – ne sont qu’un galimatias informe qui travestit l’histoire des AOC, Jean-Pierre Géné quand à lui, avec une emphase bien parisienne déclare ce qui suit (1), il se fait plaisir mais, que ça lui plaise ou non, la propriété d’une appellation reste un sujet entre les mains des vignerons et non de celle de l'INAO.
Bien sûr, et je suis le premier à l'un des premiers à l'avoir fait, on peut regretter la dérive des AOC sous la pression de la majorité des dit vignerons et militer pour un retour aux fondamentaux originels. Ça fait un bail que j’ai choisi ce parti et que je suis monté aux créneaux pour défendre ceux qui suivaient des chemins différents. Cependant je persiste à écrire que c’est un sujet trop important pour le laisser entre les mains des journalistes parisiens.
2 stratégies depuis les années 2000 s’affrontent : réformer le système de l’intérieur ou en sortir pour reconstruire ?
Rien n'a été fait, sinon une réforme qui bétonne l'existant, et je ne crois pas que c'est en faisant feu sur le quartier général, comme le président Mao, qui est un truc qu’adorent les bobos bien au chaud, et c’est vachement confortable, mais ça solidifie les gens d'en face.
Mieux vaudrait qu'ils accompagnent Patrick Baudouin lors d’une réunion de la Fédération d’Anjou pour voir et entendre. Des travaux pratiques, quoi, comme me disait le père Rocard « allez leur donc expliquer ce que vous me dites Berthomeau… »
(1) « Messieurs de la Cour, des Douanes et de l'Inao, il faudra comprendre un jour qu'il existe en ce pays des vignerons et des amateurs de vin qui entendent faire et boire le vin qu'ils aiment. Ce n'est pas le vôtre, pas celui que vous avez encouragé durant des décennies à coup de pesticides, de progrès technologiques et de campagnes marketing. Pas ces cuves dont vous ne savez que faire face à la baisse de la consommation nationale et à la concurrence des vins étrangers à l'export. Avec vos AOC qui tombent comme à Gravelotte et les règlements sadomaso qui les encadrent, vous nous avez saoulés. Nous avons décidé depuis quelques années de cultiver, de vendanger, de vinifier et de boire autrement. Pourriez-vous, n'en déplaise à vos honorables personnes, nous lâcher un peu la grappe sur le vin que nous aimons ?
Assez de ces petits chefs de la bureaucratie vineuse, plus familiers du maroquin que du sécateur, qui font leur fiel de procédures misérables à l'égard de vignerons sincères et authentiques. »
Le combat d'Olivier Cousin est identitaire, il revendique le droit de mentionner le lieu d'origine de ses vins mais dans l'espace de liberté ouvert par les vins de France il cultive, récolte, vinifie ce qu'il veut comme il veut et rien ne m'a jamais empêché de boire ses vins... Pousser le bouchon trop loin nuit à la crédibilité et comme dirait l'autre c'est en écrivant n'importe quoi qu'on devient n'importe qui...