C’est quoi la revue XXI ?
J’ai chroniqué sur elle le vendredi 28 janvier 2011 « On avait le vin dans le sang » André Féral un des derniers français d’Algérie par Géraldine Schwarz dans XXI »link
« La revue XXI, trimestriel à la frontière du livre et du magazine, plaide pour un « autre journalisme », sans publicité et « utile », dans un manifeste publié dans son 21e numéro à l'occasion de son cinquième anniversaire le 10 janvier (c’était en janvier 2013).
« Et s'ils avaient tort ? Et si la conversion numérique était un piège mortel pour les journaux ? » se demandent en introduction du « Manifeste XXI », Laurent Beccaria et Patrick de Saint-Exupéry, les fondateurs de cet objet journalistique non identifié devenu une référence du genre.
Vendue 15,50 euros, uniquement en librairie ou sur abonnement et ne comptant aucune page de publicité, XXI a rencontré le succès dès sa sortie et est bénéficiaire.
La revue est diffusée à 50 000 exemplaires en France. Sur 200 pages, auteurs, photographes, illustrateurs et dessinateurs racontent « l'information grand format ». Son modèle a fortement inspiré d'autres publications du même type (Hobo, We demain).
Et si les chiffres mirobolants des pages vues et les audiences faramineuses des titres de presse transformés en « marques médias » étaient un leurre ?
Ils constatent notamment que « la figure du journaliste assis derrière son écran » qui « agrège, trie, commente et nourrit la conversation » s'est imposée dans un monde où, « au bout de deux heures, une information est considérée comme old, démonétisée ». Malgré les « mutations perpétuelles » et les « solutions miracles » avancées par les éditeurs de presse à « chaque saison », la mutation numérique est un « gouffre » financier, jugent les auteurs.
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Qui est Michel Bessaguet ? link
« Journaliste depuis 1979, j’ai fait escale au VSD de Maurice Siegel, puis jeté l’ancre à Géo où, chef de service, j’ai été soucieux de la fragilité des pigistes, frères de plumes, qui ont eu l’élégance de ne pas remarquer la mienne. J’ai enseigné en dilettante et fini par faire mien ce propos de Jean-Paul Dubois : « Je n’aime guère parler et pas davantage poser des questions. Je préfère me faire oublier, me fondre dans le décor, regarder la forme des choses et le contour des gens, les observer, les écouter tandis qu’ils racontent le bruit de leur vie. »
Il écrit à propos de son enquête « … j’ai grandi autour du bassin d’Arcachon, à cinquante kilomètres de Bordeaux, sans jamais soupçonner que le vin que j’aime boire nécessitait tant de labeur pénible. Dans un milieu où dominent fierté du travail et omerta sur ses pratiques, Marie-Lys Bibeyran a choisi de me parler pendant une année entière, le temps que la confiance s’installe, que l’estime réciproque mûrisse et que son seul courage m’en donne assez, pour ne pas renoncer devant les obstacles, les mensonges, les lâchetés. Son énergie, face aux brimades qu’elle continue à subir, sa dignité à dissimuler le chagrin qui la torture, son combat contre la catastrophe sanitaire à venir font de Marie-Lys Bibeyran un modèle d’humanité qui justifie, à lui seul, l’existence du beau métier dont j’ai fait ma vie. »
LA VIGNE DANS LE SANG
« Dans le Médoc, on vit avec la vigne. Elle est partout, étalée en damier, belle et paisible, dominée par les châteaux des grands crus. Mais les vignobles ont un prix : les pesticides, déversés en masse, sont un poison pour les cultivateurs. À Listrac, Marie-Lys Bibeyran brise la loi. Le journaliste Michel Bessaguet raconte son combat dans le dernier numéro de XXI. »
Qui est Marie-Lys Bibeyran ? link
« … 35 ans, ouvrière viticole, qui ferraillait pour faire reconnaître la maladie professionnelle de son frère, Denis, par la Mutualité Sociale Agricole (MSA) et le tribunal des affaires de Sécurité Sociale (Tass). Denis, ouvrier viticole, était mort à 47 ans, le 12 octobre 2009, d’un cholangiocarcinome. Ce cancer avait été causé, selon sa sœur, par la manipulation depuis l’âge de 14 ans de pesticides, nom commun regroupant les fongicides, insecticides et herbicides utilisés dans le traitement de la vigne. »
Je vais me contenter de citations pour vous inciter à lire ce texte qui est un vrai travail d’investigation de journaliste. Il rejoint mes propres préoccupations abordées dans une récente chronique La vigne, le vin, la santé : attention aux effets boomerang ! link
« Non, aucun ouvrier viticole ne vous parlera. Je ne peux pas vous donner le nom de mon employeur, parce que je le respecte et qu’il me laisse faire. Jamais de remontrances. Je ne peux vous donner presqu’aucun nom, même pas celui de mon compagnon. Ici, vous savez, on ne dit rien de son mal. Non seulement vous êtes malade, mais on vous demande de vous taire. »
Un toubib taiseux « Hier, il a reçu un ouvrier viticole qui se plaignait de maux de tête, nausées et saignements de nez. Il avait pulvérisé. Le généraliste a demandé : « Avec quel produit ?
- Ch’ais pas. Y avait une tête de mort sur le bidon, c’est tout »
Journal de Marie-Lys « Je travaille sur vingt hectares éparpillés sur la commune de Listrac ; nous sommes donc au milieu de plateaux comportant des parcelles appartenant à des dizaines de propriétaires différents. Ils traitent un jour les vignes larges ; l’autre les vignes étroites. Il nous arrive donc de changer de parcelle plusieurs fois dans la journée parce qu’on se retrouve face à face avec un tracteur qui traite dans notre proximité ! Est-ce que vous imaginez devoir inhaler ce mélange sans mot dire, subir cette mise en sursis de votre santé pour 115 euros mensuels ? Est-ce que vous imaginez la culpabilité s’abattre sur vous, lorsque vous rentrez chez vous le soir, à l’idée de transporter toutes ces molécules sur vos vêtements, vos cheveux, votre peau, en imprégner vos enfants ? »
« 26 septembre, photos prises dans les vignes de Listrac. Nous ne sommes plus qu’à huit jours des vendanges et ça pulvérisait dur aujourd’hui. Au moins trois tracteurs encore cet après-midi. Un grand château listracais qui vendangeait vendredi pulvérisait encore mardi ! Un bon jus de tébuconazole, d’imidaclopride à venir… »
24 juillet 2010 52 km contre la montre du Tour de France entre Bordeaux et Pauillac, « dans le beau décor des vignobles taillés aux ciseaux de coiffeur » les camping-cars sont là « C’était incroyabl, des centaines de familles attablées, ripaillant, pastis en main, et juste derrière eux, les tracteurs qui pulvérisaient à plein nuages. Ils en ont pris plein les poumons sans broncher ! Si j’ose dire » déclare le toubib susnommé.
Alain Garrigou, enseignant chercheur au département Hygiène, Sécurité à l’IUT de Bordeaux 1 auditionné par le Sénat en 2012 ( il explore depuis 10 ans les combinaisons de protection des ouvriers viticoles, les gants, les masques, les cabines « étanches » des tracteurs pulvérisateurs et les outils d’épandage.
« Il n’existe pas de combinaison qui protège de tout. Les industriels savent filtrer que les grosses particules, pas les aérosols. Le passage de pesticides dans la combinaison s’effectue en dix minutes, ils s’accumulent à l’intérieur de celle-ci. La conception du matériel « cabine » réinstallé sur le tracteur est aberrante. Les gants qui manipulent les mélanges des produits à l’extérieur contaminent ensuite tout l’intérieur du tracteur. La matière de la combinaison n’a jamais été testée aux produits phytosanitaires. »
À noter « le coût humain des pesticides : comment les viticulteurs et les techniciens viticoles français font face au risque » de Christian Nicourt de l’INRA-Yvry-sur-Seine ICI link
Témoignage « Avant tu remuais les produits, je te jure, même moi… Tu prenais des gouttes de partout, mais les gens s’en foutaient. À la limite, plus tu t’en foutais partout, plus tu étais une référence… Mais plus vous traitez, plus vous arrivez avec le tracteur bleu comme un Schtroumpf, et plus, pour le monde viticole, vous étiez quelqu’un de bien. Et c’est ancré, ça. Ça c’est un truc qui est encore là… (40 ans, 20 ha PO).
Denis par sa sœur Marie-Lys il « avait la vigne dans le sang ; outre son boulot de salarié pour un patron viticulteur, il possédait comme beaucoup quelques arpents qu’il cultivait avec un incurable amour. Pour boire son propre vin, son vin de table à lui, fait de la magie de ses mains.
Denis ne prenait jamais de vacances, il n’osait pas s’éloigner de ses rangs de ceps. Et il « bombardait » ses raisins comme l’avait fait son père et son grand-père avant lui, et tous les autres dans la région. Car ici, quand on est pas né de famille de viticulteurs, on n’est pas intégré. Et on ne parle pas aux étrangers »
Lisez absolument !
Et qu’on ne vienne pas me dire que je prends parti, je demande simplement que l’on aborde de front le problème « de la France des terroirs, championne d’Europe de la consommation de pesticides : 62 00 tonnes, dont 20% pour la vigne, + 2,7% » C’est tout, mais c’est beaucoup.
Pour info :
- Le chapitre 19 du « petit livre sale » VinoBusiness (dixit un bedeau qui fréquente plus les châteaux que leurs vignes) d’Isabelle Saporta « Victimes des pesticides » link
- Le roman d’Éric Holder Bella Ciao ma chronique du vendredi 2 octobre « Les mots du travail de la vigne : les oubliés... » link
- journalistes du vin vous avez dit journaliste, hormis le camarade Michel Smith qui courageusement met les pieds dans le plat C’est décidé : par principe, je veux boire naturel ! link c'est morne plaine...
- Retenez cet acronyme : l’UIPP, un poids lourd du lobby agricole…