C’est sûr que la soudaine notoriété Emmanuel Giboulot dans les médias nationaux, « le viticulteur bio le plus célèbre de France » dixit la Grand Journal de Canal+ link suscite des sentiments contradictoires voire violents dans le petit monde du vin y compris chez les bios.
En Bourgogne les noms d’oiseaux volent « J'enrage de le signifier mais finalement c'est vrai, Bettane avait raison le lobby Bio - et non pas les Bio! - est con. Très con ! » déclare un éternel mauvais coucheur de la Toile et je passe sur le pédant rin rin qui se la joue salonnard parisien qui ne comprend rien comme toujours. Plus personne n’écoute personne et surtout pas grand monde n’écoute Emmanuel Giboulot lui-même. Ses soutiens les plus radicaux le prennent en otage, l’annexe pour faire de lui le héraut de leur propre cause.
Et pourtant ce que dit sur le fond Emmanuel Giboulot est digne d’intérêt et mérite mieux qu’un simple soufflé médiatique qui s’effondrera aussi vite qu’il a levé.
Dans le cas d’espèce de la Bourgogne il n’est pas inutile de rappeler que l’arrêté du Préfet a été pris sous la pression et à la demande des organisations professionnelles pour contraindre leurs propres troupes de prendre au sérieux cette redoutable maladie.
En clair, pour mettre au pas les négligents le recours au bras réglementaire de l’Etat a été mobilisé d’une manière que je qualifierais de systématique et de sans discernement. Comme le fait remarquer Emmanuel Giboulot lui-même c’est l’application du principe de précaution à rebours et sa prise de position se justifie dans la mesure où rien ne justifiait cet « arrosage » généralisé.
Pour autant Emmanuel Giboulot n’a jamais affirmé que si le risque sanitaire était avéré il ne participerait pas à la lutte collective, bien au contraire.
Mais qui l’écoute ?
Lorsque sur ce blog, le 4 décembre 2013, au moment où Emmanuel Giboulot a été verbalisé, j’ai mis à l’ordre du jour le sujet de la flavescence « Et si nous allions un peu plus loin sur la flavescence dorée « Les accidents, essayer de les éviter... c’est impossible. Ce qui est accidentel révèle l’homme. »link j’écrivais :
Mon but ici n’est ni de prendre la défense du service de la protection des végétaux, ni de m’instaurer en médiateur ou en arbitre dans la mêlée médiatique mais tout simplement de vous informer sur ce qu’est la flavescence dorée et sur les moyens alternatifs qui peuvent être utilisés dans la lutte contre la maladie en vous donnant la possibilité de lire :
1- une thèse sur la flavescence en bio « mémoire Pyrèthre naturel et stratégie de lutte contre la cicadelle de la flavescence dorée en viticulture biologique ». Mémoire de fin d’étude de Tiphaine Ripoche.
2- les dernières découvertes génétiques de l'INRA sur la flavescence dorée de la vigne
Retenez 2 points importants :
- Il n’existe pas de traitement curatif contre cette maladie, le seul moyen de limiter sa propagation est donc de lutter contre son vecteur.
- Les plans de lutte obligatoire contre le vecteur, basés sur l'utilisation d'insecticides de synthèse, sont polluants, coûteux, et peuvent générer à terme le développement de résistances et des effets indésirables sur l’environnement. (INRA).
Je me suis permis de demander une forme de trêve pour que la sérénité prenne le dessus et que les postures des uns et des autres soient remisées au vestiaire. Sur l’affaire Giboulot Monsieur le Ministre de l’Agriculture halte au feu ! link
Pour sûr qu’une telle prise de position ne fait pas le buzz. Les réseaux sociaux ne sont friands que des feux de paille qui alimentent le flux. La forme plus que le fond, mais il n’empêche que ce court-termisme n’apporte rien de concret et qu’il faut aller à contre-courant de la pure émotion ou des livres soi-disant brulot.
La question de l’utilisation intensive des pesticides, des herbicides en agriculture et tout particulièrement en viticulture est un sujet majeur qu’il faut porter avec constance, détermination et sérieux afin de ne pas conforter l’immobilisme et le conservatisme des OPA.
Je vous propose de lire l’excellente chronique d’Ophélie Neiman, sur son blog du Monde : les tribulations vinicoles de Miss Glou Glou. « Pourquoi le cas du « vigneron condamné pour refus de polluer » fait débat »
Ophélie y fait un vrai travail de journaliste – que je n’ai pas retrouvé dans la presse vinicole ou agricole trop encline à brosser ses lecteurs dans le sens du poil – qui met ce qu’il faut de sérénité dans l’approche de la lutte contre la flavescence dorée.
« Le parquet aura finalement requis 1000 € d'amende, dont 500€ avec sursis, pour Emmanuel Giboulot, le vigneron qui avait refusé de traiter préventivement ses vignes contre la cicadelle, comme l'ordonnait un arrêté préfectoral. On est bien loin des 30 000€ et 6 mois de prison que l'homme encourait au départ pour cette infraction. Le jugement est mis en délibéré au 7 avril, mais le procès qui s'est tenu le 24 février à Dijon est déjà perçu comme une victoire pour la biodynamie. L'affaire fut très médiatisée et le vigneron avait à ses côté plus d'un demi-million de pétitions pour le soutenir. Le pot de terre (bio) qui l'emporte sur le pot de fer (du lobby phytosanitaire) ? Du point de vue des blogs et des réseaux sociaux, la situation est moins manichéenne qu'il n'y paraît. Et surtout, le débat n'est pas seulement là. » link