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1 septembre 2009 2 01 /09 /septembre /2009 00:02

« Le château bordelais n’a jamais eu besoin d’être vaste. D’ailleurs, il n’était que peu habité. En Médoc, le propriétaire bordelais (puis par la suite parisien ou étranger) n’y résidait pas. Il ne venait qu’une fois l’an lorsque sa présence était nécessaire à l’occasion des vendanges […] De nos jours, le luxe et le confort ne se jugent plus au nombre des salons et ces demeures sont suffisamment grandes pour les besoins de ceux qui ont décidé d’y vivre en permanence. Dans l’économie générale d’un domaine bien géré, la « maison de maître » ne doit pas être une charge inutilement coûteuse […]

À la rigueur, la demeure peut manquer. C’est le cas aujourd’hui pour des crus d’origine paysanne et de réputation récente. Mais les bâtiments agricoles sont indispensables. Sans eux, point de vignoble et plus de « château ». Le cas le plus connu est celui de Cos d’Estournel qui a surpris Stendhal lors de son passage à Saint-Estèphe en 1838. L’écrivain s’enchanta de l’étrangeté d’une architecture de fantaisie : « cela n’est ni grec, ni gothique, cela est fort gai et serait plutôt dans le genre chinois ». Mais le plus cocasse est que cette abondance de clochetons, de tourelles, de merlons et de sculptures n’est destinée qu’à des étables et à des chais. M. Destournel a oublié sa maison mais rien ne lui a semblé trop beau pour ses bœufs et pour son vin. »

 

Grâce à la plume alerte du professeur Robert Coustet nous revoilà sur le bon chemin. Celui qui nous ramène d’abord à Louis-Gaspard d'Estournel surnommé « le maharadjah de Saint-Estèphe » pour son amour des voyages, notamment aux Indes, qui dit-on, pour célébrer ses conquêtes lointaines surmonta ses chais de pagodes exotiques venues du palais de Zanzibar puis, d’un seul pas, au majestueux arc de triomphe surmonté d'un superbe lion, symbole de force et d'une licorne symbole de pureté, qui orne la façade du château Cos d’Estournel. En ce mardi de Vinexpo nous avons eu du mal à venir jusqu’à Saint-Estèphe : les camions, les travaux… le soleil implacable rend plus encore la vision de l’architecture orientale du château irréelle. Avant d’entamer la dernière part de mon chemin de traverse, je n’aurai pas l’outrecuidance de vous rappeler que Cos, en vieux gascon, signifie «colline de cailloux», un nom lié à la particularité géologique du terroir : des graves du quaternaire se sont amoncelées, formant ainsi une colline d'une vingtaine de mètres de hauteur au sommet de laquelle le château domine le fleuve mais, comme je l’ai fait, je vous épargnerais le poids de ma prose d’incompétent sur la dégustation de cet élégant et viril deuxième grand cru classé en 1855.

 

Aujourd’hui c’est mon œil qui est mon 1ier sens : derrière la façade du château qui avait tant intrigué Stendhal, les « héritiers » de Louis-Gaspard d'Estournel viennent d’offrir, à leur merveilleux vin, une nouvelle demeure. Nous passons d’un seul coup d’un seul de l’exubérance de la lumière brûlante à la pénombre et à la fraîcheur d’un temple moderne érigé sur les plans de l’architecte Jean-Michel Wilmotte www.wilmotte.fr/pge/.../detail.php?
Le contraste est saisissant entre la modernité « cistercienne » de ce chai et le rococo frivole du château. La voûte appuyée sur des colonnes en verre translucide, les deux ascenseurs tout acier, loin de donner à l’ensemble un côté spectaculaire, gratuit, lui confère une rigueur, une profondeur saisissantes. L’âme du vin y est célébrée, respectée. Le silence, le recueillement s’imposent. En m’avançant à pas lents sur la passerelle transparente surplombant l’impeccable alignement des barriques j’ai le sentiment d’un trait d’union entre deux époques, comme si je passais sur une autre rive.

Comme l’écrivait, en 1988, le professeur Robert Coustet « La compétition économique et viticole actuelle (qui n’est pas limité au seul Bordelais mais qui a pris un caractère international) est donc favorable à l’éclosion de nouvelles formes architecturales. Mais toute médaille à son revers. Sous prétexte de répondre aux besoins d’un marché de plus en plus dépendant des pratiques publicitaires, la tentation est grande de se laisser entraîner sur la voie de scénographies aussi coûteuses que vaines. Or, la vinification n’est pas un spectacle. » Dans le nouveau chai de Cos d’Estournel, Jean-Michel Wilmotte a respecté le secret, la religiosité, il n’a rien scénarisé. Il a traduit, avec une simplicité remarquable, le souci d’authenticité et le respect de la merveilleuse alchimie du vin. Les photos de mon petit IXUS, bien modestes, reflètent assez bien l’atmosphère du lieu et traduisent les sentiments qui m’ont traversé…

 

La dernière photo est celle du chai en 1988, la suite du reportage sur Wine News N°60 (en haut à gauche du blog).

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