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31 août 2009 1 31 /08 /août /2009 00:06

Ce matin j'ai l'humeur taquine, comme une envie de vous mener par l'un de ces chemins de traverse, chers au cœur de François Des Ligneris, jusqu'au but de notre voyage : un château dont l'architecture de fantaisie enchanta Stendhal : « Cela n'est ni grec, ni gothique, cela est fort gai et serait plutôt du genre chinois » et qui, comme je l'ai écrit en titre, « le plus cocasse est que cette abondance de clochetons, de tourelles, de merlons et de sculptures n'est destinée qu'à des étables et à des chais... »
Vous avez, bien sûr, remarqué que mes révélations matinales sont coulées dans le béton de citations. C'est du sérieux. L’entre-guillemets me permet d'avancer en terrain balisé avant de sauter l'échalier qui mène là où j'ai envie d’entamer avec vous le parcours sinueux de ma petite chronique.

Nous sommes en 1988.

À la Société des Vins de France, l’ambitieux PDG Axel Rückert, pour échapper au quotidien du « Vieux Papes » et de la « Villageoise », du blues du Port de Gennevilliers, créé en pensant à un autre quai, celui des Chartrons, une filiale : « Crus et Domaines de France » qui rassemble les bijoux de famille autour de la maison Cruse. La direction est confiée à Marc Lenot, plus connu de nos jours des internautes sous le pseudo www.lunettesrouges.blog.lemonde.fr  « le regard éclairé d'un amateur d'art contemporain. », qui – on le comprend mieux avec le recul du temps – baptise l'enfant aux Beaux Arts 14 rue Bonaparte. Dans le même élan, avec l'âme de mécènes, Axel Rückert et Marc Lenot créaient « l'Association Crus et Domaines de France pour la mise en valeur du patrimoine architectural des Grands Vignobles Français » Vu des cuves de 10 000 hl de Gennevilliers et de son usine à cracher du 6 étoiles ça avait, disons, un petit air décalé.

 Ce n’est pas une digression, soyez patients, nous nous rapprochons du but, en effet cette association va être à l'origine d'une très belle exposition au Centre National d'Art et de Culture Georges Pompidou, « Beaubourg » sur le thème « Châteaux Bordeaux » qui se déroula du 16 novembre 1988 au 20 février 1989.

Dans le catalogue de l'exposition, Hugh Johnson, dans un très beau texte introductif « Bordeaux enfin mis en perspective » écrit notamment « que Bordeaux avait inventé une véritable « civilisation du vin » ; notamment en créant une relation privilégiée entre la qualité de ses vins et la qualité de son environnement bâti ; entre le terroir, les hommes et l'architecture de leurs châteaux viticoles. » et de souligner un peu plus loin, qu'attribuer à ces châteaux une appellation « culturelle » lui a permis d'ouvrir sa perspective : «  Jusqu'ici, tous ceux qui, comme moi, connaissaient, ou fréquentaient, ces lieux inspirés les considéraient comme des structures évidentes et immuables. Ils sont tout à la fois une grande ferme au cœur d'un domaine agricole, une manufacture aux performances industrielles, une résidence élégante mais très réservée, un lieu sophistiqué de production économique ouvert sur le commerce mondial et qui a su s'assurer un immense prestige. La complémentarité entre ces diverses vocations crée une synergie qui, à son tour, produit une image forte et mémorable, une « image de marque » graphique et mentale, culturelle et économique, qui participe activement à la dynamique d'un système complet de marketing »

 

Arrivé à ce point de mon parcours, permettez-moi – je sais j’abuse – de poser ma besace au bord de la haie, de m'assoir un instant sur le talus herbeux pour me désaltérer et faire deux remarques.
La première à tous ceux qui glosent doctement sur l'avenir de Vinexpo – sans doute à juste raison par ailleurs – que l'avantage comparatif d'un séjour en ces lieux inspirés, par rapport aux joies des nuits Londres ou de Düsseldorf, n'est pas près de se voir combler, même au nom du credo de la rationalité ou des critères d'efficacité ou de tous ceux qui pensent qu'il faudrait dématérialiser les châteaux pour ne faire des affaires que sur la Toile ou dans les salles climatisées des Hilton au bout des pistes des grands aéroports internationaux.
La seconde, est portée à l'attention des cabinets de conseil en œnotourisme, pour leur culture, je leur conseille de potasser, dans le catalogue de l'exposition « Bordeaux Châteaux », le très bel article du professeur Robert Coustet : « Histoire de l'Architecture Viticole », ça leur donnerait à penser pour concevoir des « produits œnotouristiques » capables de toucher la clientèle High-culture du blog de Marc Lenot
www.lunettesrouges.blog.lemonde.fr C'est une mine pleine de pépites.

Avant de repartir dans la bonne direction, même si j'abuse encore de votre patience, je vous demande la permission de faire un léger détour qui me tient à cœur. Pour l'exposition une douzaine d'architectes européens de premier plan avaient été conviés à concevoir des projets d'avenir pour régénérer et réactualiser le concept des maisons de négoce et celui des châteaux.
L'un d'eux, proposé par Philippe Robert, concernait « la reconversion des quais et des entrepôts qui s'étirent tout au long des Chartrons jusqu'au cœur de la ville. » recevait l'adhésion de « la Société des Vins de France et Crus et Domaines de France qui souhaitent – si les autorités veulent bien donner leur accord – mettre en œuvre le projet proposé par Philippe Robert ».
À cette époque, j'étais au cabinet du Ministre, après avoir quitté la SVF en juin 1988, et je suivais par l’entremise de mes collègues le feuilleton : SVF-Castel, qui se dénoua par le rachat du premier par le second en 1992 : lire le point de vue de Thierry Jacquillat, à l'époque DG du groupe Pernod-Ricard propriétaire de la SVF
http://www.berthomeau.com/article-929861.html . Je reçus, à leur demande, les membres du Comité Central d’Entreprise de la SVF à la salle à manger du Ministre. La messe était dite.
Exit Rückert et ses visions pharaoniques, que d’occasions perdues mais je n’en dirai pas plus… Crus et Domaine de France (marques Lichine et Louis Eschenauer) est maintenant dans le giron des Grands Chais de France et, juste avant son départ, Axel Rückert avait fait détruire les 10 cuves béton verré de  9800 hl qui servaient au stockage et les 2 de 5000 hl qui accueillaient les assemblages : cachez-moi ces cuves que je ne saurais voir ! Tout un symbole de l’incapacité d’assumer le passé de la SVF…

 

Bon, je suis un fieffé bavard, le temps qui m’était imparti s’étant écoulé, il me semble plus raisonnable de remettre à demain la suite de cette chronique buissonnière… Bonne journée… à demain donc…

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commentaires

M
<br /> Ah, revoilà de vieux souvenirs bien agréables (au moins pour l'exposition, pas pour la présidence de Rückert)<br /> <br /> <br />
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F
"Je n'ai nullement l'intention d'écrire mes Mémoires mais dans une discussion au coin du feu, entre amis, parler de cette période de ma vie, pourquoi pas !"...Eh bien pourquoi pas cher Jacques, si nos emplois du temps nous en donne un jour l'opportunité! J'ai moi-même quitté la SVF et plus particulièrement Crus et Domaines et donc Marc Lenot e Mai 1988 pour rejoindre la maison Dourthe comme je vous l'avais écrit récemment. J'ai un projet sérieux en cours dont je vous tiendrai informé si il aboutit. Dans l'intervalle, restons-en à ce mot de Pascal Quignard entendu ce matin: " Tous les matins du monde se lèvent sans espoir de retour, donc il faut se dépêcher de vivre".Bien vineusement,  
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