" C'était vraiment un intérieur bourgeois - de la bourgeoisie la plus conventionnelle et la plus modeste - et semblalble (une fois de plus il ne pouvait s'empêcher de le remarquer) à tous ceux de la maison et du quartier. Et ce qui lui plaisait particulièrement c'était peut-être de se trouver devant quelque chose de tout à fait banal, commun, et par cela même parfaitement rassurant. Car la vulgarité de cet intérieur éveillait en lui un sentiment presque abject de satisfaction. Dans la belle maison où il avait grandi régnait le bon goût et il se rendait compte que ce qui l'environnait maintenant était d'une laideur sans remède. Mais précisément il avait besoin de cette laideur anonyme comme d'un trait de plus le rapprochant de ses semblables. La modicité de leurs moyens les obligeraient, Julie et lui, au moins pendant les premières années de leur union, à habiter cette maison; et il en bénissait presque la médiocrité. ainsi bientôt ceci serait son salon; la chambre à coucher modern style dans laquelle, trente ans auparavant, avaient dormi sa future belle-mère et son défunt mari serait leur chambre à coucher; et la salle à manger où toute leur vie Julie et ses parents avaient pris leurs repas serait sa salle à manger. Le père de Julie avait été un fonctionnaire important dans un ministère et cet appartement, installé dans le goût de son jeune temps, était une sorte de temple pathétiquement élevé en l'honneur des divinités jumelles de la respectabilité et du conformisme. Bientôt, pensa Marcel, avec un plaisir presque impatient et en même temps mélancolique, j'aurais droit moi aussi, à cette respectabilité et à ce conformisme."
in Le Conformiste Alberto Moravia Flammarion 1951
Pour moi, Marcel, le Conformiste, c'est l'image de Jean-Louis Trintignant sanglé dans un costume de premier communiant tenant à la main son bouquet de roses juste avant de rendre visite à Julie sa fiancée " une fille vraiment normale, tout à fait dans la moyenne, assortie au style même de ce salon ". Dans le film de Bernardo Bertoluci sorti en 1970, j'étais à la Fac à Nantes et je passais beaucoup de temps dans les salles obscures, c'est l'énigmatique Dominique Sanda qui m'avait fascinée. Quand je dînerai à côté d'elle lors du Festival du film d'Avoriaz j'eus le sentiment de l'avoir toujours connue. Bref, où veut-il en venir ce matin notre chroniqueur déjanté ? A deux petites choses : à Trintignant et aux AOC...
Trintignant d'abord, que le cinéma italien des années 60-70, avec d'autres acteurs français, révélait. Depuis 1996, il coexploite, avec un couple de vignerons des Côtes-du-Rhône, le domaine Rouge Garance, situé à Saint-Hilaire-d'Ozilhan, dans le Gard. Selon Olivier Poussier et Philippe Faure Brac son vin est noté 4,5 sur 5. C'est vendu de 6 à 11,50 euros la bouteille. Le téléphone 04 66 37 06 92. Dans le Gard ya beaucoup de présidents qui parlent du vin mais ya aussi un grand acteur qui en vend.
Les AOC ensuite, dans leur expansionnisme débridé de la dernière décennie on retrouve la même quête éperdue à cette respectabilité et à ce conformisme chers à Marcel le héros de Moravia. A l'opposé, la volonté de René Renou d'extraire la crème du magma : les AOC d'excellence, relève de l'éternel combat entre le bon goût et la vulgarité. Bien, si vous trouvez que je pousse le bouchon trop loin : à vos claviers chers lecteurs car autrement à quoi ça sert que Berthomeau y se décarcasse chaque matin !