Cher déconstructeur de Mac do aveyronnais,
Vous et les faucheurs volontaires d’OGM vous vous dites les derniers protecteurs de l’Humanité face au règne des marchands. J’avoue humblement que j’ai du mal à y retrouver mes petits dans les histoires d’OGM car, même si je n’ai aucune envie de voir le patrimoine génétique des plantes confisqué par Monsanto, je ne vous ai jamais considéré ni comme un parangon de la démocratie, ni comme un paysan éclairé. Votre goût prononcé pour la mise en scène, vos certitudes de gaucho non révisé, votre agitation médiatique, votre côté démagogue rural, me font vous considérer comme la branche rurale du jeune facteur de Neuilly, un merveilleux stérilisateur de voix, un allié objectif de ceux que vous dites combattre. En clair, vous n’êtes pas ma tasse de thé José Bové. Bien évidemment, je comprends aisément que vous vous en tamponniez la coquillette ou, plus plaisamment que, vous vous en battiez les couilles en référence au Never Mind the bollocks des Sex Pistols de nos belles années.
Mais alors pourquoi diable vous interpeller, dans cette lettre ouverte, aujourd’hui ? Tout bêtement parce qu’à la fin du Tour de France, à la veille des Jeux Olympiques, je reprends votre formule d’altermondialiste en l’appliquant aux athlètes : le sportif n’est pas une marchandise ! Et pourtant, comme l’écrit dans son livre « Le sport est-il inhumain ? » Robert Redeker : « Formulons, avant de l’examiner, une hypothèse : le sportif est un mutant soumis à l’impératif de la commercialisation. Il se doit d’être commercialisable. Il ne s’appartient pas – en ce sens, il est le contraire de l’homme libre - il appartient à ses sponsors, il appartient aux médias qui vivent de ses efforts, il appartient à la grande masse des consommateurs d’évènements sportifs. » Alors, continue-t-il « Personne ne se scandalise de ce que les footballeurs, les coureurs cyclistes, et à présent les rugbymen aussi, s’achètent et se vendent sur le mercato, marché interlope où pullulent des maquignons spécialisés dans la chair compétitive, assimilables à de véritables entremetteurs (…) Le sens de leur propre dignité s’est tellement éclipsé chez les sportifs professionnels qu’ils trouvent normale la tenue de pareils marchés. Comme s’ils étaient des bœufs, comme s’ils étaient des esclaves. »
Je sais que je risque de ne guère pas vous émouvoir car ce « bétail » palpe lourd, les salaires voisinent ceux des patrons du CAC 40. Mon propos ne se situe pas sur ce plan mais celui d’une véritable mutation des corps des athlètes de haut niveau.
Vous qui dézinguez dans la joie et la bonne humeur, comme au temps des chantiers de jeunesse, de braves épis de maïs mutants qui ne vous ont rien fait allez vous rester insensible à l’érection de Robocops en short. Bien sûr je pourrais vous la jouer en émotion rétrospective, en vous chantant les arabesques de Gachassin, les dribbles chaloupés de Rocheteau, les coups francs de Platini, ou les coups de pédales fluides d’Anquetil ou de Charly Gaul. Des mecs comme nous, des gus dans lesquels on aimait se projeter. Bien sûr, certains, comme Anquetil, se sont un peu dopé à l’ancienne : « bien souvent je me suis fait des piqures de caféine… » Tom Simpson, anglais sympathique, est mort sur les pentes du Ventoux, en plein cagnard, le 13 juillet 1967. Mais comme l’indique Redeker « le dopage de son corps ne se limite plus depuis belle lurette à l’absorption occasionnelle d’une potion magique afin de se surpasser artificiellement. Loin de ce folklore passé de saison, le dopage s’inscrit dans la science en tant que technologie systématique de fabrication de compétiteurs hors normes sur la longue durée. »
Je cite toujours : « Le dopage contemporain se définit par la possibilité de changer le corps sur le long terme. La substitution des dopages génétiques et basés sur les nanotechnologies au dopage exogène pointe à l’horizon. Avec le dopage contemporain, et plus encore celui de demain, nous frôlons l’univers des chimères – ces animaux étranges, mi-hommes, mi-bêtes, auxquels les biotechnologies donnent naissance, univers préparé aussi par le dopage génétique. Insuffler des cellules souches embryonnaires d’un cerveau humain à une souris met au monde une chimère. Les sportifs de l’avenir seront peut-être produits sur le modèle des chimères. »
Et plus dure sera la chute : « Le dopage high-tech – celui que les contrôles ne parviennent jamais à déceler, mais que tous les responsables du fait sportif, ainsi que la grande masse des observateurs savent l’existence – est sur le point de fabriquer des HGM, des humains génétiquement modifiés, destinés à assurer le spectacle permanent de la compétition. »
Alors José, sans te suggérer de lier tes efforts à l'indestructible BB qui à su défendre les animaux de laboratoire, je compte sur ton goût des voyages et des bons coups médiatiques pour, à l’instar de Tommie Smith et John Carlos les sprinters US levant le poing sur le podium des JO de Mexico en 1968, soit de déployer dans les tribunes du stade olympique de Pékin une banderole « Non aux HGM ! », soit de t’enchaîner aux grilles de ce même stade en criant « nous sommes tous des Lance Armstrong en devenir ! »
J’en reste là pour aujourd’hui. Bien à toi et je compte sur toi.
Jacques Berthomeau ancien passeur de La Vaillante Mothaise, élevé à l’ancienne, sans adjonction de produits prohibés.
PS. Si vous voulez bronzer intelligent je vous recommande la lecture le chapitre 2 du livre de Robert Redeker « La mutation du Tour de France cycliste et de ses coureurs »