Cinéma : merci monsieur Claude-Jean Philippe !
Il était au cinéma ce que Bernard Pivot est à la littérature. Un passeur, un découvreur, un homme possédé par sa passion. Lui, c'était le cinéma. Ou plutôt, les cinémas. Il évoquait Carné, Lubitsh, Lang, Capra, Kurosawa ou Satyajit Ray avec une même flamme heureuse au fond des yeux.
Et l'on se régalait.
Il était presque minuit. On attendait le générique du Ciné-club, sa fameuse signature musicale et sa farandole de visages célèbres : la suite ICI
Aujourd’hui c’est « Chaussure à son pied » (1954)
Pourquoi ce film ?
La fiche précédente parlait de « The Shop Around the Corner » or un magasin au coin de la rue possède deux vitrines. Alors, voici la seconde.
Quelle est l’histoire ?
Fin du XIXe siècle, en Angleterre, Henry Hobson est le patron et propriétaire d'une boutique de chaussures, et y travaille avec ses trois filles. Usé par les années et meurtri par la perte de sa femme, il fréquente de plus en plus assidument le pub au détriment de son échoppe. Après s'être vu refuser la dot qu'elle lui demandait, l’aînée de ses filles se révolte contre son père et entame une relation avec l’un des employés de ce dernier. Elle projette alors d'ouvrir un commerce concurrent. A y bien regarder c’est une adaptation amusante du « Roi Lear » de Shakespeare
Réalisation
David Lean est derrière la caméra et c’est une autre raison de parler de ce film qui permet de présenter un cinéaste important .Il a été l’exemple du renouveau du cinéma britannique. Le British Film Institute l’a classé neuvième par dans sa liste des plus grands réalisateurs de l’histoire du cinéma
Il est reconnu pour avoir réalisé des œuvres majeures qui font partie des classiques du cinéma mondial, dont « Brève Rencontre », 1945 « Le Pont de la rivière Kwaï », 1957 film aux sept Oscars « Lawrence d'Arabie »,1962 avec encore sept Oscars « Le Docteur Jivago » 1965 avec cinq Oscars et « La Route des Indes » 1984 plus que deux Oscars.
Qu’on ne s’y trompe pas, cette moisson de lauriers n’est pas due à un savoir-faire commercial.
On est loin des films « Sons et Lumières » dont se moquait Mankiewicz ce fin observateur du monde du cinéma hollywoodien et par ailleurs grand cinéaste lui-même. Cette reconnaissance, tant critique que publique, au niveau mondial, est dû à un à un énorme travail exigeant et tout en finesse , d’un cinéaste qui fatiguait et/ou usait tout le monde, lors des tournages. Les films sont peut-être énormes par leur ampleur mais la méticulosité mise à les réaliser, ne l’ai pas moins.
Nous aurons l’occasion de revenir sur ce personnage.
Et sur Mankiewicz aussi…
Qui fait quoi ?
Charles Laughton : Henry Horatio Hobson
Acteur au physique ingrat mais reconnaissable entre tous. Lucide, il savait en jouer avec art interprétant des personnages les moins sympathiques comme le capitaine Bligh dans « Les Révoltés du Bounty » 1935 ou Quasimodo dans « Quasimodo, le bossu de Notre-Dame » 1939
Ou encore, la même année dans son importante filmographie : « La Taverne de la Jamaïque » mais aussi en 1962 « Tempête à Washington » film politique d'Otto Preminger et « La Vie privée d'Henry VIII » pour lequel il reçut, en 1934, l’Oscar du meilleurs acteur.
Laughton est aussi le réalisateur de « La Nuit du chasseur » 1955 avec les lettres L.O.V.E et/ou H.A.T.E tatouées sur la naissance des doigts sur le dos des mains. Ou encore avec les lancinants et doucereux « Children…Children… Children .. » émis par Robert Mitchum qui cherche les enfants. Seule réalisation de Laughton aux USA car ce fut un échec critique et commercial.
Aujourd’hui ce film réussit a acquis un statut de film culte, notamment grâce à la prestation de Robert Mitchum.
- Les critiques ont classé La Nuit du chasseur parmi les plus grands films de tous les temps : 71e dans la liste des 500 Greatest Films of All Time du magazine Empire4.
- Ce film fait partie de la liste du BFI des 50 films à voir avant d'avoir 14 ans établie en 2005 par le British Film Institute, intégrant même le top 10 de cette liste5.
- En 2008, le film se place au deuxième rang de la liste des 100 films pour une cinémathèque idéale, créée à l'initiative de Claude-Jean Philippe pour les Cahiers du cinéma.
- Et en 1992, le film est sélectionné par le National Film Registry pour être conservé à la Bibliothèque du Congrès aux États-Unis pour son « importance culturelle, historique ou esthétique ».
John Mills : Willie Mossop
C’est un acteur qui apparaît de 1932 à 2003, notamment dans plusieurs films de David Lean dont « La Fille de Ryan »1970, qui lui vaut un Oscar
Brenda De Banzie : Maggie Hobson
Pour mieux l’identifier souvenez-vous de « L'Homme qui en savait trop » 1956 d’Alfred Hitchcock . C’est l'un de ses rôles plus connus. Elle interprète Lucy Drayton, face à James Stewart et Doris Day.
Richard Wattis : Albert Prosser
Acteur anglais à la carrière internationale pour des seconds rôles essentiels. On le retrouve dans « L'Homme qui en savait trop » 1956 d’Alfred Hitchcock. Souvenez-vous aussi du « Jours le plus long » 1962. Le parachutiste suspendu au clocher de Sainte-Mère-Église, c’est lui.
Helen Haye : Mme Hepworth
Cette actrice britannique à l’abondante carrière cinématographique et théâtrale joua, entre autre, pour Alfred Hitchcock dans : « The Skin Game » 1931 et « Les 39 marches » 1935
Mais aussi dans : « The Girl in the Taxi » 1937 du réalisateur français André Berthomieu
Joseph Tomelty : Jim Heeler
Acteur nord-irlandais à la carrière internationale qui joua pour les plus grands tels Carol Reed, John Huston et deux fois pour Lean
Un bon moment
La fille ainée de Hobson, s’est, secrètement, amourachée du premier ouvrier de son père, dont elle a repéré les talents et les qualités professionnelles. Celui-ci c’est laissé mettre le grappin dessus par une n’importe quoi, poussée par sa mère, véritable mère maquerelle.
Dans un décor et un univers à la Dickens elle lui fait rompre ses « fiançailles » en deux coups de cuillère à pot. Avant de quitter ces bas-fonds pour bien faire comprendre à son futur ce qu’il en est, elle l’embrasse en public mais quand même abrités dans l’encoignure d’une porte. Hop, l’affaire est pliée, passons aux choses sérieuses dont affectueusement, l’éducation d’un mari issu d’une classe inférieure. En plein univers victorien !
Pax