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8 juin 2021 2 08 /06 /juin /2021 08:00

 

Au petit déjeuner, sous la véranda de la villa en surplomb du lac, Ambrose pressentait l’orage, il vint alors qu’il avalait son orange pressée.

 

- Je suis partante !

 

 

- C’est hors de question chouchou !

 

 

- Désolé mon Ambrose c’est mon choix pas le tien…

 

 

- Tu risques gros chouchou…

 

 

- Et alors, ça mettra un peu de sel dans le fade de ma petite vie, et puis tu me protégeras de tes grands bras…

 

 

- Ce n’est pas un jeu…

 

 

- Tu me prends pour une gourdasse, je le sais et ça me plaît.

 

 

- Ambrose, c’est un peu ta faute, pourquoi avoir craché le morceau tout de suite ? intervint un Louis moqueur.

 

 

- Parce que tout bêtement c’est sur sa terrasse que nous allons hameçonner l’avocat…

 

 

- Et alors, pourquoi t’opposes-tu lorsque Chloé affirme qu’elle en sera ? C’est sa boîte que je sache…

 

 

- Oui, mais ça m’implique pas sa présence lorsque nous tenterons notre coup…

 

 

- Bien sûr que si, ton cher Me, je le connais, il me fait du gringue, je peux lui laisser quelques espoirs…

 

 

- C’est ça, je rêve, tu te prends pour Mata Hari…

 

 

- Oui !

 

 

- Ça a mal fini pour elle.

 

 

- Tu dramatises Ambrose, je ne vois vraiment pas ce que je risque…

 

 

- De sa part rien, mais de ses clients serbes, porte-flingues de notre oligarque, gros, très gros, ce sont  des tueurs sanguinaires…

 

 

- Pourquoi diable s’en prendraient-ils à moi qui ne suis rien pour eux ? Allez mon Ambrose nous rentrons à Paris et ça roule…

 

 

- Tout ça sent déjà très mauvais mais je m’incline puisque je suis minoritaire…

 

 

- Elle a raison Ambrose, tu te fais du mouron pour rien…

 

 

- Pas si sûr, c’est lorsque tout paraît sans risque que la tuile te tombe sur la gueule.

 

 

- Les dés sont jetés, ils roulent, vivement que la fête commence !

 

 

- Ma belle, soit prudente tout de même, avec ces vieux lascars je ne suis pas sûre que la fête ne tourne pas au cauchemar ? soupira Clotilde.

 

 

Le retour sur Paris se fit, pendant la première heure, dans un silence lourd, Ambrose digérait mal l’implication de Chloé dans une affaire tordue, risquée. À Macon-Loché, Chloé prit le taureau par les cornes « Arrête ton brou-brou, raconte-moi comment vous vous êtes tirés du guêpier de Berlin-Est où vous vous étiez fourrés… »

 

 

- Tu es une gourgandine, rabâcher mes souvenirs me donne plus encore le sentiment que je suis vieux, que je radote…

 

 

- C’est ça mon beau révolutionnaire, ne me joue pas la scène du déambulatoire dans un EPHAD…

 

 

- Comme toujours je cède à tous tes caprices…

 

 

- Je ne suis pas capricieuse…

 

 

- Tu profites de ma faiblesse, c’est répréhensible l’abus de faiblesse…

 

 

- Allez, raconte !

 

- Tout d’abord le pourquoi de notre départ à Berlin-Ouest : une lubie de Louis qui en avait ras-le-bol des petits frelons de la Gauche Prolétarienne. Il voulait du dur, du vrai, et dans l’Allemagne divisée s’élevait l’auréole d’Alfred Willi Rudolf, dit Rudi Dutschke tombé, sur la Kurfürstendamm de Berlin, sous les balles d’un ouvrier déséquilibré d’extrême-droite, perfusé de haine par la rhétorique fasciste du baron de la presse Axel Springer via son torchon ignoble Bild Zeitung était un martyr de la cause placé à la même hauteur qu’un Martin Luther King abattu le même mois. L’icône du Mai 68 berlinois était né de l’autre côté du mur, dans un bourg au sud-ouest de Berlin. Malgré son discours rebelle, plaidoyer contre le service militaire et la réunification de l’Allemagne, qu’il tint dans la salle des fêtes de son lycée, à Luckenwalde, les sourcilleuses autorités de la RDA  lui délivrèrent quand même son baccalauréat en 1958. C’était un fils de postier qui remerciera, dans sa Présentation de mon cheminement, son directeur de lycée de la bonne éducation qu’il avait reçu et qui tiendra à ses débuts, et pour un bref laps de temps, la rubrique sportive dans un journal populiste appartenant au groupe honni d’Axel Springer.Restait, pour compléter le panthéon révolutionnaire, la grande prêtresse, l’immaculée conception de la révolution, l’ex-éditorialiste de la revue de son mec Klaus Rainer Roehl : Konkret qui s’était radicalisée jusqu’à devenir membre de la Rote Armée Fraktion (F.A.R) et qui participera en mai 70 à la libération d’Andréas Baader.

 

 

- En effet, c’était la violence à tous les étages.

 

 

- Comme je te l’ai raconté, nous partîmes, Louis et moi, le nez au vent pour Berlin-Ouest, même si les semaines qui précédèrent notre départ furent toutes entières consacrées à des prises de contact avec des camarades allemands.  Là-bas, comme ici, les groupuscules florissaient, la méfiance régnait face au risque d’infiltration et, comme notre réputation française de légèreté et d’inorganisation ne plaidaient pas en notre faveur, nous ne recevions que des réponses vagues. Ce fut le hasard qui nous tira d’affaires, lors d’une manif contre la guerre du Vietnam, lors de la dispersion nous dégotâmes auprès d’une grande bringue, Ilse Meyer, fille d’un grand industriel allemand, qui avait défilé à nos côtés, un contact répondant au prénom de Sacha. « Tout le monde à Berlin connaît Sacha... »

 

 

Ilse, nous avait précisé qu’il nous faudrait chercher Sacha à Kreutzberg. Nous nous documentâmes sur ce quartier populaire, inclus dans le secteur américain, et qui recélait deux caractéristiques intéressantes pour nous : la présence au sud de l’aéroport de Tempelhof – celui du pont aérien de 1948–49 ravitaillant Berlin-Ouest lors du blocus grâce aux Rosinenbomber – et celle, au nord, de Check-point Charlie donnant accès au secteur soviétique.

 

 

L’aérogare de Tempelhof nous fascina par son avant-gardisme, en comparaison celle d’Orly semblait bien provinciale avec sa façade plate de HLM. Ici, sur plusieurs niveaux, le bâtiment principal semi-circulaire de 1230 mètres de long, réalisé sous le 3ième Reich, impressionnait par sa fonctionnalité et sa démesure. Alors que nous nous extasions dans l’immense hall, un gros bonhomme, caricature du Bavarois buveur de bière, nous abordait, avec un air de contentement, pour faire savoir à ces petits français impressionnés que ce bâtiment était le 3ième plus grand au monde par sa surface au sol après le Pentagone et le palais du génie des Carpates à Bucarest.

 

 

- C’était un flic…

 

 

- Bon point, !

 

 

En retrouvant l’air libre en plein quartier de Kreutzberg nous pûmes vérifier que la zone de chalandise de nos petits camarades étudiants ne respirait guère l’opulence renaissante de l’Allemagne de l’Ouest car elle se composait essentiellement d’usines bombardées, de gares désaffectées, d’HLM trop proches du mur pour séduire les promoteurs et elle était cernée de bidonvilles turcs empestant la fumée de charbon de bois et le suif de mouton rôti. Nous rôdaillâmes dans des cafés peuplés d’une faune fumant du shit sous des drapeaux du Viêt-Cong et des photos de Mao et d’Hô Chi Minh.

 

 

Tu connais la suite…

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commentaires

P
Mais ma parole le Taulier exploite sa veine exotique. Après Joséphine Baker, Mata Hari ! A quand la descente du " Yang-Tsé-Kiang" d’ « Un singe en Hiver » (1962) de Henri Verneuil d’après Antoine Blondin.<br /> Attention, Mata Hari, dimanche pleurera.<br /> Il ne restera plus qu’a se faire Hara Kiri , Hari Kira oh, je ne sais plus à la fin… ah oui, Arakiri.<br /> <br /> So’long
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