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23 novembre 2020 1 23 /11 /novembre /2020 08:00

 

Paul Morand chez lui en 1964. (André Bonin/archives Gallimard)

Je suis le fil de mon intérêt de l’heure et je suis favorisé par l’actualité :

 

« Il faut lire ce dernier opus du journal de guerre de Paul Morand. Cet antisémitisme de classe, cet antisémitisme politique et littéraire, cet antisémitisme ordinaire de témoins conscients et privilégiés des réalités de la collaboration qui ont conduit au désastre et au déshonneur… »

 

Me Éric Morain  le 22 novembre.

 

Paul Morand à Berne, où il est quelques mois ambassadeur en 1944, avant que la Suisse ne devienne son pays d’exil.

 

Disons-le d’emblée, la publication de ce Journal de guerre accablera les fans de Paul Morand, et donnera du grain à moudre à ses adversaires, par ce qu’elle révèle de la corruption morale de la collaboration. Quarante-quatre ans après sa mort, quatre-vingts ans après les faits, le célèbre romancier (1888-1976) nous offre l’un des plus édifiants témoignages jamais parus sur le régime de Vichy et Pierre Laval, son chef à la fois tout-puissant et aboulique entre 1942 et 1944.

 

[...]

 

« A cette aune, la lecture des événements de juin 1940 par l’écrivain est sans surprise : le général de Gaulle, qu’il méprise, incarne une dissidence truffée d’aventuriers et de juifs ratatinés ; la communauté française à Londres est déchirée en deux blocs antagonistes, déterminés, selon Morand, par la race et l’esprit de parti (les juifs et la gauche du côté de De Gaulle, les bons Français soutenant Pétain). Le 1er août 1940, c’est donc en triomphateur que le romancier, naturellement rallié au nouveau régime, prend l’initiative de se rendre à Vichy. Dénonçant, dans son dernier rapport, ses collègues anglophiles de l’ambassade, il s’attend à des félicitations et à une belle promotion. Mais, dans l’entourage du Maréchal et au sein du ministère des affaires étrangères, on déplore la bassesse du procédé et la désinvolture de son auteur. Son poste lui est retiré ! Mortifié, le diplomate en disgrâce rejoint Paris, délaisse la politique pour la littérature et attend son heure. »

[…]

A 54 ans, l’écrivain arrivé se sent rajeuni par l’atmosphère de Vichy. Plein d’enthousiasme, tout heureux de se trouver au cœur du pouvoir, il tient son Journal avec assiduité et renoue avec ses ambitions de grand mémorialiste des temps nouveaux. Près de 600 des quelque 730 pages du Journal proprement dit se rapportent à son expérience auprès de Laval.

 

Qu’en dire ? Abasourdi, le lecteur se demande s’il lit les notes d’un esprit faux enclin à l’inversion permanente des valeurs (Mauriac et Duhamel, qui supportent mal l’Occupation, sont d’amers hystériques, les adversaires de la collaboration sont des destructeurs, l’agitateur antisémite Darquier de Pellepoix est un homme « intelligent, courageux, de bon sens », ceux qui s’indignent du traitement infligé aux juifs à l’été 1942 font preuve d’une « violence inouïe »…) ou d’un romancier égaré et candide qui croit tous les ragots qu’on lui rapporte et les consigne scrupuleusement dans ses carnets.

 

Paul Morand - Actualités - Site Gallimard

 

« Journal de guerre. Tome I. Londres, Paris, Vichy (1939-1943) » : Paul Morand, pétainiste pressé

 

Le Journal des années de guerre de l’écrivain est enfin publié. Un premier tome (1939-1943) le découvre défaitiste à Londres, vichyste à Paris puis à l’Hôtel du Parc, antisémite partout et toujours.

 

Par Laurent Joly Publié le 05 novembre 2020 ICI

 

Journal de guerre - Les Cahiers de la NRF - GALLIMARD - Site Gallimard

Journal de guerre. Londres - Paris - Vichy (1939-1943)

Édition de Bénédicte Vergez-Chaignon

 

Collection Les Cahiers de la NRF, Gallimard

 

Parution : 05-11-2020

 

Le Journal de guerre de Paul Morand était un objet mythique dont l'existence même était sujette à caution. Au vrai, l'écrivain avait bien conservé ses notes prises durant la guerre et avait même commencé à en préparer la publication. Il en avait déposé le manuscrit à la Bibliothèque nationale, parmi un vaste ensemble de papiers personnels.

 

Ce journal paraît pour la première fois, sans retouches ni coupes, et même complété des ajouts et des annexes prévus par Paul Morand lui-même et de quelques textes contemporains de sa rédaction.

 

On se rappelle peut-être que Paul Morand, diplomate, était en mission à Londres le 18 juin 1940 et qu'il fut nommé ambassadeur en Roumanie en 1943. On découvre au fil des pages que, à défaut de s'être rallié en Angleterre au général de Gaulle, il choisit de se présenter à Vichy à l'été 1940, où il est mis d'office en retraite. Il décide alors de s'installer dans Paris occupé avant de rejoindre au printemps 1942 Vichy et le Cabinet de Pierre Laval, chef du gouvernement, en qualité de chargé de mission, poste qu'il occupera seize mois durant.

 

À Londres, à Paris et à Vichy, de la déclaration de guerre de septembre 1939 à août 1943, Paul Morand a tenu son journal sans filtre ni censure, prenant note de ce qu'il voyait, de ce qu'on lui disait et de ce qu'il comprenait. C’est l'œuvre d'un témoin conscient d'être placé aux premières loges de l'Histoire, observateur privilégié des réalités de la collaboration d'État et de la participation française à la mise en œuvre de la Solution finale.

Ce Journal de guerre est un document exceptionnel pour l'Histoire.

1040 pages, 152 x 240 mm

« 20 novembre 1942. Vendredi.


Monté à cheval sur les bords de l’Allier. Rentré avec fièvre. Me suis couché et ne suis redescendu que pour déjeuner à la popote : Laval, Achenbach, Scapini, Villar, Chambrun, Brinon et Abel Bonnard, après le déjeuner sont venus tour à tour s’asseoir à la table Guérard, Bonnafous, Rochat, Bousquet, Ménétrel, le ministre Krug, l’amiral Platon.


– Si vous ne défendez pas l’Afrique du Nord, ce seront l’Italie et l’Espagne qui l’auront, dit Achenbach.


– Il y a une chose dont les Français ne veulent pas entendre parler, c’est la mobilisation », répond Laval.


(Ces propos sont la suite d’une conversation à deux dans le bureau du Président et qui se continue à table.)


– Ne me faites pas de blagues avec Paul Reynaud et les autres, dit Laval à Achenbach. Je préfère les garder moi-même.


(Il est question ici de leur mise en lieu sûr par les Allemands.)


– Je vais faire une légion de combattants français et mettre Darnand à sa tête, dit Laval, pour aller reconquérir l’Afrique du Nord. Je l’annoncerai dès demain. Ceci dit, Achenbach, laissez-moi faire, n’excitez pas la presse parisienne contre moi.


(…)


On parle des pâturages en montagne. Je dis à Laval que je viens d’en acheter un.


– Combien ?


– Soixante-quatorze hectares.


– Non, combien l’avez-vous payé ?


– Trois cent soixante mille.


– Vous avez fait une affaire d’or, c’est moi qui vous le dis.


Le Président est à la fois content de voir que j’aime son pays et furieux de voir que j’ai payé le domaine si bon marché.


– C’est un prix de 1938, me dit-il. Ce n’est pas possible. Vous êtes un vicieux. Il doit y avoir quelque chose là-dessous.


– Je vous assure que ce n’est pas un bien juif.


– Il n’y en a pas en Auvergne, me répond-il fièrement. »


Journal de guerre, pages 605-606

Le « Journal de guerre » de Paul Morand, un témoignage capital sur le rôle de Vichy dans l’extermination des juifs ICI

Des notations de première main qui révèlent l’état d’esprit du gouvernement de Vichy, accablant, mêlant cynisme hâbleur, mauvaise conscience agressive et humour poisseux.

Par Laurent Joly Publié le 05 novembre 2020 

Le « chef de l’Etat français », Philippe Pétain, Pierre Laval (à sa droite) et le premier gouvernement du régime de Vichy, juillet 1940.

A qui douterait de l’inanité historique de la théorie du « moindre mal » (en vertu de laquelle le gouvernement de Vichy n’aurait livré les juifs apatrides aux nazis à l’été 1942 que pour sauver les juifs français exigés par l’occupant et en ignorant le sort fatal qui attendait les déportés), on ne pourrait que conseiller de se reporter aux pages du Journal de guerre de Paul Morand (Tome I. Londres, Paris, Vichy.1939-1943, Gallimard, « Les cahiers de la NRF », 1028 p., 27 €) consacrées au « problème juif ». D’une authenticité incontestable, ces notations de première main révèlent un état d’esprit accablant, mêlant cynisme hâbleur, mauvaise conscience agressive et humour poisseux. Le vase clos de Vichy dans ce qu’il avait de pire.

Antisémite chevronné

C’est Laval défendant froidement sa politique en petit comité le 15 août 1942 : « L’alignement du problème juif français sur le problème juif allemand (…) ne nous coûte rien et n’a pour nous que des avantages. Le sol seul compte. »

C’est Bousquet, le chef de la police de Vichy, pérorant à la « popote » de l’Hôtel du Parc, le 31 août 1942 : « Je ne les poursuis [les juifs] que comme antigouvernementaux. Je les sonne dur pour qu’ils comprennent. J’en ai liquidé treize mille et continuerai jusqu’à ce qu’ils se calment. » Puis, réagissant à la remarque d’un collaborateur de Laval au sujet des exemptions pour certains juifs, de s’exclamer : « Dès qu’on fait une exception, tous y passent. »

Lire aussi, sur « L’Etat contre les juifs », de Laurent Joly (2018) : Vichy, coupable

Morand, antisémite chevronné (son roman de 1934, France la Doulce, a eu l’honneur d’une traduction dans l’Allemagne d’Hitler dès 1936), suggère alors qu’il faudrait empêcher toute exemption en faveur des soldats juifs de la guerre 1939-1940, car, dans ces combats contre l’Allemagne nazie, « leur intérêt s’est conjugué avec l’intérêt national » (son tour d’esprit pervers considère qu’ils n’ont aucun mérite à avoir porté les armes face à Hitler). Et la conversation de rouler sur la protestation des évêques (une demi-douzaine de prélats ont condamné publiquement les rafles de juifs) : Bousquet et Morand, indignés, égrènent les mesures de rétorsion envisageables contre l’Eglise.

Avec hargne

La popote encore, le 30 octobre 1942. Entouré de collaborateurs et de quelques ministres, Laval résume les propos qu’il a tenus au cardinal Gerlier, primat des Gaules, qu’il vient de recevoir en audience : « Vous faites votre métier en défendant les juifs et le point de vue humain ? C’est tout. Moi, je fais le mien en les chassant. 

 

Tel était, véritablement, l’état d’esprit à Vichy, en 1942. Il n’est alors nullement question d’une pression allemande insoutenable à laquelle il faudrait parer en désignant certaines victimes pour en sauver d’autres. Seuls sont invoqués des motifs sécuritaires, antisémites et xénophobes, avec une hargne qu’on ne soupçonnait guère, mais qui, tout compte fait, est terriblement logique. Dans le fond, Laval et Bousquet savent qu’ils prennent part à un crime : « Quant aux juifs il n’en reste presque plus. On dit à Vichy couramment qu’ils ont été gazés dans leurs baraquements », note Paul Morand, le 23 octobre 1942. Pour que leur conscience ne leur reproche rien, tout doit être de la faute des victimes, qu’il faut donc « sonner dur », « chasser »… L’antisémitisme le plus débridé était la conséquence fatale du choix de la collaboration d’Etat.

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commentaires

P
L'appréciation de Jean Echenoz ,subtil écrivain par ailleurs, est tout à fait respectable.<br /> J'y vois une explication possible .Aussi prolixe soit il Echenoz , à l'aune de l'épaisseur de ses écrits est plutôt un sprinter de la littérature alors qu'il existe des marathoniens dont les oeuvres, effectivement, rien que par le poids du volume peut vous tomber des mains.<br /> <br /> Mais pour ce que j'en dis...<br /> <br /> P.S. On n'en finira jamais avec Céline cet écrivain français le plus lu au monde après Proust. Difficile à le passer sous silence dans ces conditions. On risque de le retrouver à chaque coin de pages.<br /> On peut faire comme Jankéléwitch grand germanophile bilingue tant sur le plan intellectuel que <br /> culturel qui décida de bannir de sa vie avec ce pays et ce peuple . Effaçant, une fois connue la Shoah, toute une partie de sa vie. Jusqu'a ce que, 35 ans après cette décision, Wiard Raveling, un Allemand né après la guerre; lui écrive une lettre qui ébranla cette décision et les fit se rencontrer pour de bouleversants échanges . <br /> Fontaine je ne boirais pas de ton eau ! Le fabuliste ne connaissait peut être pas le principe de résilience mais il n'en était pas loin.
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P
alors Céline à ses débuts c'est un écrivain naturaliste le Voyage au bout de la nuit est bon comme un kouglof: 75 grammes de raisins de Corinthe dans un kilo de matière Entre quelques excellentes scènes, l'enrôlement ou new york, on mâche de la pâte, c'est un livre sur la lâcheté un livre qui me tombe des mains j'ai jamais dépassé la page 235! marre de l'amiral Bragueton, de l'Infanta Combitta, de fort San tapeta de Papaoutah<br /> et puis quelqu'un qui n'a écrit qu'un livre, si on lui passe Bagatelle pour un massacre, l'école des cadavres ou les beaux draps, c'est peu! après il rabâche!<br /> ah les beaux draps Hitler a gagné et malgré tout Céline le traite de couille molle dans la solution finale.<br /> finalement Célin permet aux intellos des deux bords d'être antisémites à bon compte!!
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P
Comment ca des raisins de Corinthe ? Dans une recette antédiluvienne et/ou académique ou encore dans le Haut Rhin peut être ; Mais par cheu nous, acheté, ici ou là, pour le petit déjeuner du ouiken nous ne trouvons nul part de Kouglof avec raisins de Corinthe. Même celui confectionné par mon épouse préférée, cordon bleu hors pair, il n’y en a pas. Sur internet on trouve bien sur des recettes conformistes ou fantaisistes puisque on propose de remplacer les raisins sec par des pépites de chocolat (plus rapide car les raisins sec doivent marinés la veilles dans du kirch ou du rhum ou toute autre gnole à votre goût.) Mais pourquoi pas, on a bien inventé le kouglof salé et/ou les raisins sont remplacés par des lardons.<br /> Tous les goûts sont dans la nature ! Respect. Car, comme dit ma Grand Mère, on mande pour soi, on s’habille pour les autres.
P
certes je n'ai plus le droit de cité, c'est bien!! parce que se retrouver à coté de gens qui vous explique que Céline oui mais bon, le voyage (le "chef d'oeuvre" qui me tombe des mains comme dit Echenoz) quel génie eh ben non ...........j Céline c'est une ordure du XXème
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P
En matière de critique « Il faut savoir apprécier ce qu’on n’aime pas.» nous dit Saint-Saëns.<br /> Sauf à s’exclure du monde de l’art et de la culture car en la matière il n’y a pas de bon ou de mauvais. On ne peut prétendre que Mozart est mieux que Beethoven et se battre pour imposer son choix. Enfin, il y a toujours des exceptions quand on sait qu’il y a des amateurs de Verlaine qui rêvent de tailler des croupières aux amateurs de Rimbaud et réciproquement !<br /> Ou va le monde M’ame Michu, ou va le monde ?
P
On n’en finira jamais avec l’antisémitisme.<br /> Déjà aux 2002, Paul Morand avec son Journal Inutile, défrayait la chronique et les intellectuels parisiens. En effet, il contenait pas mal de jugements, avis et commentaires teintés de son antisémitisme affiché.<br /> Il n’est pas le seul. On trouve des pointures comme le philosophe Alain dont on a découvert récemment dans son journal un surprenant autant que gênant antisémitisme de bon aloi. Même Bernanos dans sa jeunesse de l’Action Française affichait ouvertement cette opinion.<br /> On en débattra à l’infini et il faudrait essayer de comprendre ce que pouvait être l’antisémitisme de ces gens là, à leur époque. Je ne suis pas en train de dire qu’il y a un bon et un mauvais antisémitisme. Il y en a surement un que l’on peut comprendre et expliquer à défaut d’être excusable. Il y en a un autre bête à pleurer attisé de tous temps pour des raisons religieuses et/ou politiques.<br /> Mais il y a aussi la littérature. Et quoiqu’on en dise ou qu’on en pense, Paul Morand, est un grand de l’histoire littéraire française. Il est impossible de l’éviter tant par ses écrits que par ses rencontres. On peu ne pas l’aimer mais il n’est pas possible de lui dénier ses qualités , entre autre de styliste. Paul Morand, selon Céline, celui qui faisait "jazzer la langue". <br /> Pour moi, on peut, il faut, on doit distinguer l’auteur de l’œuvre.<br /> Soulignons au passage, que de Gaulle, en pleine actualité en ce moment, c’était opposé à son entrée à l’Académie Française pour ne plus s’y opposer lors de sa deuxième tentative en 1968.<br /> Cependant, contrairement à l’usage, Il n’y a pas eu de visite d’investiture. Tout es dans la nuance.<br /> A chacun de choisir. Pour moi, Depardieu, c’est le « Dernier métro » « Fort Saganne » « Cyrano de Bergerac » ou encore « 7 morts sur ordonnance ». Ce n’est pas celui qui pisse dans les avions, s’affiche avec les dictateurs politiques ou essaye d’émigrer en Belgique pour échapper au fisc.<br /> Ne soyons pas comme dit C.K.Chesterton comme ces gens qui, invités à parler de l'océan, n'évoquent que le mal de mer.
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