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14 mai 2020 4 14 /05 /mai /2020 06:00

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Notre cher Pax, nous annonce un chapitre 1 de son confinement, nous espérons la suite, grand merci à lui…

 

Voilà, c’est fini. Pour ceux qui ont tenu un journal il est temps d’écrire le mot fin et de tourner la page. Pour ce qui nous concerne mon épouse, moi et Nane le bon chien, voici venu le temps des souvenirs.

 

Nous étions à Collioure pour la « Saint Machado » c’est à dire l’AG de l’association Antonio Machado cet écrivain andalou considéré comme le Victor Hugo espagnol. L’AG se tient le ouiken le plus proche du 22 février anniversaire de sa mort à Collioure .Nous avions prévu de rester jusqu’à fin mars pour voter aux élections municipales. L’équipe de Jacques Manya qui se représentait risquait d’avoir quelques problèmes. Malgré notre apport, elle fut battue. Il faut dire que près de la moitié du corps électoral s’était abstenu sans doute désorienté par la polémique : on reporte/on reporte pas les élections. Beaucoup ont finalement «  boudé » le scrutin pour manifester contre l’incohérence du chef de l’état.

 

Confinons, confinons

 

Le confinement nous a surpris loin de chez nous. Nous n’avons pas voulu utiliser le léger sursis proposé pour détaler, dans la pagaille, comme une compagnie de perdreaux levée par les rabatteurs. Pas « d’exode » pour nous.

 

Confortablement installé dans notre petit logement, au ras des flots nous avons fait savoir, urbi et orbi que nous confinions à Collioure en vertu de l’adage qui veut qu’il vaut mieux mourir d’ennui à Collioure que du connard de virus en Alsace.

 

Les premiers jours nous avons vécus comme à l’ordinaire. Nous avons écouté, sans trop y rien comprendre, les informations hésitantes et contradictoires du gouvernement. Les mauvaises querelles mal fondées que lui cherchaient des opposants ignorants et pleins de mauvaise foi.

 

Est arrivé la procédure de l’autorisation de sorties que nous avons immédiatement appelé.

 

« Ausweiss » en souvenir d’une autre époque toujours en mémoire pour nous autres Alsaciens. Il a fallu du temps pour que cette procédure soit au point Un papier unique « Monsieur ou Madame » nous fut reproché. Chacun la sienne nous a-t-on dit. Il en fallait, une par jour et par sortie. Puis l’indication de l’heure de sortie fut rendue obligatoire. Nous avons rusé avec un stylo effaceur qui permettait quelques retouches. Habillement fait, les pandores s’y sont laissé prendre. Lors d’un contrôle, et vraisemblablement parce que j’avais perçu être dans leur collimateur et que je m’étais spontanément porté vers eux,  l’examen de mon « Ausweiss » a été superficiel. Ils n’ont pas remarqué l’absence de signature.

 

Toute sortie se préparait minutieusement à l’avance. Autorisation en bonne et due forme, carte d’identité et en avant. Ce fut assez compliqué pour nous. La situation de notre logement nous obligeait à longer les plages alors que leur accès était interdit et des barrières métalliques condamnaient les avenues. Suspects, nous étions forcément suspects. Puis on nous a fichu la paix.

 

Cependant, rien n’est parfait comme se lamente le Renard auprès du Petit Prince qui lui annonce qu’il y a des poules sur sa planète mais, hélas, aussi des chasseurs.

 

Que peut-il manquer à un confinement coquet et douillet ? Le beau temps !

 

Tous les matins, par la toile, nous arrivait un bulletin météo encore calé sur Lutzelhouse. On voyait que depuis notre départ l’Alsace bénéficiait d’un beau temps insolent. Des journées de soleil succédant à des journées de soleil avec des températures supérieures de 10 ° par rapport au temps de Collioure, maussade, pluvieux, surtout pluvieux et venteux. Un vrai temps de Toussaint !

 

Parfois des journées d’un romantisme échevelé. Sturm un Drang. Notre logement, au ras des flots était cerné par des vagues qui dépassaient les limites autorisées. Par moment,  au travers des fenêtres on ne voyait plus qu’elles. La vague de Hokusai grandeur nature et de face et non de profil comme sur l’estampe. Et c’est nous qui étions dans la barque. On s’imaginait Victor Hugo à Guernesey, Edmond Dantès et l’Abbé Faria au Château d’If ou encore gardiens des phares bretons La Jument ou La Vieille

 

Mais l’Alsace au première loge de la pandémie nous faisait craindre pour nos enfants confinés chez eux, Dieu merci, dans leurs petites maisons avec jardin.

 

La guerre

 

Avec le temps j’ai pu réfléchir sur ce qui nous était arrivé et sur ce qui se passait.

 

Le président Macron avait indiqué aux français que nous étions en guerre. Je ne sais quel imbécile de communiquant avait pu lui suggérer de tel propos ne reposant sur rien. Comme d’habitude quand une de ces têtes pensantes se met à émettre des idées il est le seul à la croire aussi géniales qu’appropriées. Son talent de communicant lui sert essentiellement à « vendre » son idée. J’ai immédiatement pensé au président américain George W. Bush après le 11 septembre paradant ridiculement sur un porte avion revêtu d’un blouson d’aviateur.

 

Si c’est de guerre dont il était questions nous avons aussitôt consulté un spécialiste.

 

Le philosophe Alain dans son ouvrage «  Mars ou la guerre jugée » dit des choses assez définitives sur le sujet, lui qui a fait la Grande Guerre. On peut y lire :

 

« Quelle peste ferait en si peu de temps un si grand nombre de morts, et si bien choisis parmi les plus vigoureux et les meilleurs ? » ou encore  « Or tout homme de bon sens reconnaîtra que les maux qui résultent d’un médiocre système politique…sont comme nuls en comparaison des maux certains et de tous genres que la guerre nous apporte, même terminée par la victoire. »

 

A l’évidence le président avait tapé à côté de la plaque.

 

Les plaisirs et les jours

 

Les jours passant je me suis installé hors du temps. Cette histoire de confinement avait un parfum d’éternité. On était confiné. On ne savait pas quand cela prendrait fin. Il n’y avait plus d’urgence. Demain était un autre jour et la procrastination, handicap dans la vie contemporaine affairée, agitée et mercantile du monde occidental, devenait un art de vivre.

 

C’est Lacan qui rappelait, après d’autres, que c’est bien par ce qu’on avait conscience d’être mortel que nous supportions la vie

 

Quand on a la chance d’être confiné certes, un peu à l’étroit pour mon gabarit, mais face à la grande bleue. Quand tout le confort est là, et les bouquins à profusion, et des films à voir ou revoir. Quand vous pouvez faire trois sorties par jour même sous le contrôle de la maréchaussée et cela pour promener Nane  et/ou pour faire les courses et chercher la presse. En profiter pour tailler, au mètre de distance règlementaire près, une bavette avec ces deux accortes commerçantes. Que ces courses vous permettent d’être approvisionné en produits frais. Et enfin, que votre pension n’a pas encore été rabotée par les augmentations de CSG et d’inflation qui nous attendent, que pouvait-on demander de plus ?

 

Bien tient, très égoïstement, que cela continue.

 

Malheureusement, l’air du temps a été assez vite au dé-confinement. Ce n’était qu’une question de jour avant l’annonce tant attendue. Les pouvoirs publics  étaient en train d’arbitrer entre le nombre de morts encore supportable et la reprise indispensable, au plus tôt, d’une économie sinistrée aux conséquences incalculables.

 

Moi pendant ce temps, dans mon coin, je levais le doigt et demandait : « Encore un moment, monsieur le bourreau. » Au moins le temps de lire « La Montagne Magique » de Thomas Mann qui a quelques points de ressemblance avec ce que nous vivons actuellement, moi au bord de la mer et Hans Castorp à Davos.

 

La vie comme elle vient

 

Les informations, très vite, évoquèrent rapidement et tout aussi régulièrement l‘existence de récalcitrants au confinement .Ils étaient qualifiés de tous les noms.

 

« Tout le malheur des hommes vient d'une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos, dans une chambre. » nous dit Pascal.

 

Le coronavirus aura au moins eu le mérite de tracer une ligne entre ceux qui sont aptes au bonheur selon le critère pascalien et les malheureux qui confirment la pensée du philosophe.

 

Comme occupation quotidienne majeure il y a eu les exercices de mémoire en apprenant par cœur chansons et poésies. Il y a eu aussi beaucoup de lecture et un peu d’écriture. Un ami à qui j’en réservai la primeur a eu l’indulgence et la gentillesse d’en proposer certains à ses très nombreux lecteurs potentiels. Attention les chevilles.

 

Il y avait aussi, les sorties déjà mentionnées. Il en faut minimum 3 par jours pour notre chien Nane. Les rues vides de Collioure étaient drôles. A chaque coin de rue on s’attendait à rencontrer le commerçant habituel connu depuis nos vingt années de séjour et on se trouvait le bec dans l’eau. Les rares passants rencontrés étaient beaucoup moins drôles. Ils vous croisaient avec des mines de taulards en promenade auxquels on a bien rappelé l’interdiction de parler.

 

Les infos qui nous parvenaient, contradictoires, peu factuelles étaient ni compréhensibles ni, à fortiori, fiables.

 

En les écoutant on essayait de savoir où nous en étions personnellement. J’ai eu de la fièvre, mais sans toux ni essoufflement. Mais j’ai aussi toussé, sans fièvre et sans être essoufflé et ainsi de suite. Qu’elle était ma catégorie ? Il y avait-il urgence ? J’ai vite laissé tomber. A chaque jour suffit sa peine.

 

Une parenthèse

 

Nane s’est échappée  8 h...

 

J’étais particulièrement content de voir que lors de cette promenade matinale, Nane m’accompagnait pratiquement sans laisse et sans fuir. Avec force récompenses elle répondait bien aux ordres de « stop » quand elle voulait se faire câliner par des gens qui n’aimaient pas ça et « ça suffit » pour calmer ses démonstrations d’affection. Pour rentrer, j’ai pris une autre rue et tout continuait à bien aller. Jusqu’à un croisement avec une rue ou j’avais oublié la présence régulière d’un chat. Hop, voilà Nane qui rompt sa marche et file poursuivre le chat. J’ai eu beau appeler avec force récompense en main, rien. En général il faut rester « au point de rupture » ou le chien fugueur revient le plus souvent. Mais j’ai dû faire le tour des commerçants ou nous étions passés pour les informer. Nane est peut être passée à ce moment-là. Rebelote quand je me suis rendu à notre résidence proche pour voir si le chien, devant mon abandon de poste, n’aurait pas dérogé aux usages de la gente canine.

 

Rien. Branle-bas de combat ! On renvoie les consignes de confinement à d’autre temps. On avertit la police municipale qui maraude en camionnette et de la fugue du chien et de notre recherche en cours. Cela va faire une heure que la bête a pris ses aises. Et vive la poudre d’escampette ! Rien à faire de l’inquiétude des maîtres ! Une heure trente après la disparition, un appel téléphonique d’un ami qui avait entrepris une recherche en patrouillant en voiture : « Je l’ai, elle était à la gare, je vous la ramène » À la gare ? Sans bagage, sans billet et surtout, sans autorisation ? Mais elle nous fait quoi Nane ? Quand André nous l’a rend il précise qu’elle semblait triste et perdue (pourtant Collioure est très petit ) Elle a reconnu et retrouvé André et a témoigné cette joie d’un gros pissou de soulagement.

 

Nous sommes rentrés à La Rocasse avec une Nane qui ne savait pas trop sur quelle patte danser ; Bonheur de se retrouver en famille et/ou mauvaise conscience d’avoir peut être fait une bêtise.

 

Et la vie a repris son cours

 

La guerre, toujours la guerre

 

J’ai  repensé à cette guerre dont nous avait parlé le président Macron. Il aurait mieux fait de s’abstenir tant il se montrait apparemment mauvais général. Qu’est ce qui lui avait pris ?

 

Alain dans Mars ou la guerre jugée - Chap. XXXVI – « Qu’as-tu appris à la guerre… » fournit une explication à ce besoin de recourir à une telle métaphore :

 

« J’ai appris que tout pouvoir pense continuellement à se conserver, à s’étendre, et que cette passion de gouverner est sans doute la source de tous les maux humains…  Selon mon opinion tous les sentiments guerriers viennent d’ambition, non de haine… Tout pouvoir aime la guerre, la cherche et la prolonge par un instinct sûr… »

 

L’on y trouve également des réflexions aussi simples et pleines de sel que : «  J’ai appris à aimer les chaussures larges et les cols mou » mais aussi plus pratique «  à décider vite et à agir avec circonspection » ce que ne pratique pas nos dirigeants actuels qui pourtant prétendre être en guerre

 

Retour sur soi

 

Et moi, qu’ai-je appris lors de ce confinement ?

 

J’ai appris à ne plus critiquer les autres même si je suis convaincu d’avoir raison, même si l’abondance des reportages fouillés, étayés, vérifiés pouvait nous faire bondir. On oublie trop souvent Mathieu 7, 3-6  La paille et la poutre…

 

J’ai appris à me taire, autant que faire se peut. À ne parler que de ce qu’on connaît bien et non se perdre dans l’esbroufe, le bluff ou le mensonge. À écouter aussi. Comme nous rappelaient autant que nécessaire, mes professeurs d’expertise en œuvre d’art et/ou mes cours d’ébénisterie, qu’on ne regarde jamais assez, on n’écoute pas non plus assez me semble t’il.

 

J’ai appris aussi que les hommes qui ont fait de la politique leur profession sont presque toujours des ignorants. Rares sont ceux qui comme Angela Merkel, une scientifique de formation, sont d’abords de vrais professionnel. Qu’ils ne savent pas faire autre chose que de prendre le pouvoir et se trouvent gros jean comme devant une fois que cela est fait. Dès lors, ils ont recours au mensonge, seule technique qu’ils maitrisent à fond et en qui ils ont confiance puisque elle leur a si bien servi pour conquérir le pouvoir

 

Que ces hommes de pouvoir tellement heureux d’avoir touché le but, ne se préoccupaient que du « coup d’après » c’est à dire comment se faire réélire. De ce fait l’administration était livrée à elle-même avec son étroitesse d’esprit, sa réputation de  « monstre froid » Dans ces moments troublés avec des instructions contraires d’un ministère à l’autre, d’une division à l’autre, d’un jour à l’autre, elle devint un bateau ivre sans l’enchantement de Rimbaud.

 

Les gazettes rapportaient des situations ubuesques. Cela sentait les ronds de cuir de Courteline. Mais Courteline faisait rire et ne tuait personne.

 

L’arrière

 

Le président avait dit la guerre. Et bien nous nous sommes retrouvés, comme  en temps de guerre. Les civils ont répondu présents.

 

Nous avons vécu la débâcle de nos dirigeants qui ne savaient pas trop à quel saint se vouer.

 

Nous avons vu l’exode de ces petits malins fortunés allant en masse, confiner dans leur résidence sur les iles de l’atlantique alors que le confinement était déjà largement instauré

 

Il y a eu la délation de ceux qui ne respectaient pas le confinement (motif officiel) Elle a été rapportée par de vrais journalistes comme ceux de Charlie Hebdo ou du Canard Enchaîné.

 

Rappelons que journal satirique, qui pour beaucoup dans le monde, caractérise la France a été créé pendant la guerre de 14-18, en riposte à la censure et au bourrage de crâne.

 

Il y a eu aussi les faux papiers permettant à divers amis de quitter un confinement souvent imbécile. Je jubile encore, au plaisir pris à en confectionner. Un vrai gamin riant sous cape en pensant à la bonne blague faite au maître.

 

Il y a eu encore la clandestinité des débits de boisson. A l’heure de l’apéro ou en fin de journée ils gardaient la plus belle apparence de fermeture totale affichée toute la journée. Grâce à un code frappé sur la vitrine, les initiés entraient, vite fait, pendant que le gargotier remettait en place le cadenas extérieur et tirait le rideau.

 

Nous jouions aux résistants en échangeant des trucs pour faire échec à la sotte agressivité des gendarmes. Avec mes cheveux gris et mes prothèses auditives je les faisais répéter. Presque à chacune de leur question tout en montrant mes oreilles. Ils étaient réellement déstabilisés. Etait-ce du lard, était ce du cochon ? Aujourd’hui ils ne doivent pas encore avoir trouvé la réponse. En tous les cas se fut assez efficace. Ils nous ont très vite fichu la paix nous privant du petit plaisir de les mener en bateau.

 

Mais avec le temps nous approchions de la fin. Les jours précédant on vit les petits commerces s’animer ; qui préparait sa vitrine, qui déballait ses arrivages, qui lavait sa devanture. Ils chantonnaient comme chantonne l’ouvrier content de son travail et qu’il s’arrête un moment et marque un recul pour le contempler. Avec le soleil et la brise marine ça sentait la libération. Les alliés étaient à Perpignan. Dimanche c’est sûr, ils seront là. Et tous de s’activer confiants. La libération, enfin ! Il ne manquait plus que les drapeaux aux fenêtres et les guirlandes entre les façades

 

Peut-on conclure ?

 

Que nous reste-t-il à présent ?

 

Comment conclure ?

 

Il nous reste des souvenirs à raconter à nos petits-enfants. Fiers comme les grognards de Napoléon de  pouvoir leur dire «  j’y étais ! » Et d’exhiber les autorisations de circuler, les « Ausweiss » précieusement conservées comme preuve de la tradition française à faire simple quand on peut faire compliquer

 

Il reste encore à terminer ces mémoires avec la mention à suivre et préparer le tome II si l’on en croît les mauvais augures.

 

À voir….

 

 

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commentaires

P
Bof ! dit la mouche du coche en prenant connaissance du texte de pax.Il aurait pu trouver un autre titre. J'sais pas moi, Les 55 jours du pékin par exemple. Non ?
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J
vos désirs sont des ordres très cher : le rédachef a oeuvré

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