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9 juin 2019 7 09 /06 /juin /2019 06:00
L’appoggio, le fiato,  Rossini qui s’amusait en composant, Verdi dont les mélodies sont orgasmiques, Puccini dont les mélodies s’envolent, te maintiennent en suspension tout en haut… Le Théâtre des merveilles de Lluis Llach

Mon ami Jean-Louis Argelliès, catalan de Perpignan, m’a fait découvrir Lluis Llach alors que nous étions coopérants à Constantine.

 

« Lluis Llach a été très connu en France à partir de son exil à Paris, on lui sait gré ici d’admirer Brel et Ferré. Mais, en Catalogne, c’est plus que l’interprète numéro un. Il passait pour l’incarnation du pays quand celui-ci ne pensait pas à en devenir un.

 

Retour en arrière. Nous sommes en 1968. Les jambes flageolantes et les yeux mi-clos, Lluís Llach effectue ses débuts sur scène, dans la province de Barcelone. Un an plus tard, il compose «L’Estaca» (le pieu), un appel à l’unité pour lutter contre l’oppression franquiste. Le régime met un an à interdire la chanson. Trop tard. «L’Estaca» est déjà devenue un symbole. En concert, il suffit à l’artiste de composer les premières notes pour que le public entonne les paroles. Lluís Llach a à peine 20 ans et son aura dépasse déjà les frontières ibériques.

 

Son zénith, le rassemblement, en 1985, de 120000 personnes dans le plus grand stade de Barcelone.

 

Il fédérait un catalanisme qui a toujours présenté des facettes très diverses. Il y avait la bourgeoisie libérale qui jugeait que Madrid entravait sa capacité d’initiative. Il y avait le clergé qui défendait le particularisme culturel comme un levier. Il y avait aussi la tradition anarcho-syndicaliste dont le rôle fut si important dans les années trente. C’est d’elle qu’à la vérité, Lluis Llach se sent le plus proche. On le sent nettement aujourd’hui. »

 

Puis j’ai découvert et lu avec un grand plaisir ses deux premiers romans Les yeux fardés et Les femmes de la Principal chez Actes Sud.

 

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Le dernier Le Théâtre des merveilles, acquis un samedi matin dans une nouvelle librairie Le livre écarlate 31 rue du Moulin Vert, est d’une autre facture : « Lluís Llach emporte le lecteur dans la vie d’un théâtre durant la guerre civile puis la dictature franquiste. Jouant de la distance avec son protagoniste, un baryton célèbre, Le théâtre des merveilles, se présente comme une fausse autobiographie et offre alors une réflexion sur la musique sans pesant symbolisme. »

 

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C’est un grand roman populaire.

 

Le chant devient une façon d’approcher un au-delà des mots, « cette chose intime que les hommes ne connaissent pas bien et qu’ils appellent âmes. »

ICI 

 

J’ai choisi de vous faire lire les premiers pas de l’apprentissage de Roger Ventós, qui va devenir un  fabuleux baryton que se disputeront les plus grandes scènes du monde. (voir en fin de chronique)

 

Le maître Barrera  considéra un jour que le garcon avait appris et compris ce que signifiait l’appoggio… c’est alors qu’il décida d’entamer un virage fondamental dans la formation : aborder le répertoire. Et les merveilleuses canzonette italiennes laissèrent la place aux arias d’opéra.

 

Le maître avait préparé ce passage en toute conscience et il lui fit étudier toujours une liste des arias du même compositeur, sans les mélanger. Il espérait qu’à la longue Roger aborderait les difficultés de leur interprétation de façon différente selon le musicien. Car si Roger réussissait à pénétrer dans l’esprit musical du compositeur, il pourrait les chanter d’autant mieux.

 

Suivant cette méthode, le vieux professeur décida qu’il étudierait en premier les arias de Gioacchino Rossini, Maître Barrera pensait que, « chez Gioacchino Rossini, il existe un esprit qui épure le chant », puis il ajoutait : « C’est le seul compositeur de l’époque qui s’amusait en composant. C’est probablement pour cette raison qu’il semble diaphane et apparemment facile à jouer pour l’auditeur », mais il changeait vite de ton et regardait le garçon d’un air sévère : « Oui, facile pour qui l’écoute, mais le chanteur, lui, sang et eau, pour chanter correctement. »

 

Plusieurs mois s’écoulèrent à étudier seulement le répertoire de Gioacchino Rossini. Roger, tout comme le compositeur, s’amusait avec ses arias, mais il devait affiner la diction, bien placer  son diaphragme, passer d’une tessiture à l’autre lorsqu’on s’y attendait le moins et apprendre trois ou quatre techniques vocales qu’il ignorait encore.

 

Un beau matin, le maître lui dit :

 

  • À présent que tu es bien Gioacchino Rossini, on va passer au répertoire de Giuseppe Verdi. Giuseppe Verdi est plus transcendant, pontifiat-il. Il se prenait beaucoup plus au sérieux que Gioacchino Rossini, du moins c’est ce que je pense. C’est un compositeur qui s’est engagé pour l’indépendance et l’unité de l’Italie. On pourrait dire de lui qu’il a composé sa musique pour une nation nouvelle. Il est mort très vieux et très respecté. C’est un des plus grands, Roger.

 

D’emblée, l’élève trouva ces circonstances considérablement intéressantes, mais découvrir ensuite la beauté des mélodies de Giuseppe Verdi fut pour lui quelque chose de merveilleux, de presque orgasmique… et d’une extrême difficulté. La hauteur du chant, l’exigence des rôles mettaient la voix à l’épreuve, le fiato

 

Barrera, qui surveillait toujours la moindre évolution de son élève préféré, observa de quelle façon, en finissant le répertoire de Giuseppe Verdi, le garçon avait mûri, de l’extérieur et de l’intérieur. Ça se sentait à sa voix.

 

Finalement, et comme s’il s’agissait d’un barreau de plus sur l’échelle des difficultés, il lui fit chanter du Giacomo Puccini.

 

  • Des trois, c’est le plus moderne, lui assura-t-il. Fais attention, car celui-là est dangereux pour nous les chanteurs. Il faut contrôler au maximum son diaphragme et le fiato. Avec lui, on ne chante pas des notes, mais des lignes, car ses mélodies s’envolent, s’envolent, te maintiennent en suspension tout en haut, et si jamais, en plein milieu, tu ne maintenais pas l’appogio en tension, si tu devais manquer d’air, alors la chute te rendrait absolument ridicule !

 

L’Appoggio – la respiration intercostale

 

L’Appoggio, ou la respiration latérale est considérée comme la voie royale pour une bonne gestion de la respiration. C’est une extension du processus de respiration instinctive, qui repose sur la plasticité du diaphragme.

 

« L’appoggio – de l’italien appoggiare qui signifie « s’appuyer », « être en contact » ou encore « soutenir » – est une technique respiratoire qui implique de ralentir la descente du diaphragme pour une meilleure gestion du souffle, de manière à étirer le cycle de la respiration pendant le chant.

 

ICI 

 

Le fiato = le souffle.

 

Roger Ventós, le fabuleux baryton que se disputent les plus grandes scènes du monde, voit le jour en 1939 à Sète, fruit de l’étreinte éphémère sur les plages d’Argelès entre un tirail-leur sénégalais et une anarchiste espagnole exilée. Pour elle, ex-machiniste de théâtre dans l’ardente capitale catalane, s’ouvre une ère de privations et de solitude, à toujours tirer le diable par la queue, mais la musique est là qui va sauver l’enfant. À l’adolescence du garçon, sa mère est frappée par un mal incurable et l’envoie à Barcelone afin qu’il soit élevé par son oncle dans les coulisses du cabaret où elle a elle-même grandi : le Théâtre des merveilles. Entre mécanismes magiques, décors extravagants et danseuses légères, c’est là, parmi les membres bigarrés de la troupe, qu’il se découvrira une famille aimante pour l’aider à cultiver son inestimable don pour le chant ; et c’est de là qu’il partira conquérir le monde.

 

Vie et mort d’un théâtre, crime passionnel, amours interdites, feu sacré de la vocation, portrait saisissant des années de guerre civile et de dictature, Lluís Llach, avec une légèreté de ton toute nouvelle, met merveilleusement en scène, dans ce troisième roman, les deux combats de sa vie : la liberté et la musique.

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commentaires

P
Ne retenons pas notre souffle et déclarons que le chroniqueur de ce dimanche matin, ne manque pas d'air. Vl'a ti pas qu'i m'fait découvrir tout un pan de la culture de ma région d'adoption la Catalogne « du nord pour certains habitants locaux. » Ce Lluis Llach, à découvrir donc, va compléter tous ces Antonio Machado, Walter Benjamin, le Bernanos des Grands cimetières sous la lune et tous ceux qui vécurent cette horreur que fut la guerre civile espagnole, la désolante Retirada et le peu de compassion dont la France a fait preuve à l’égard de ces immigrés comme le montre les témoignages sur les camps d’Argelés. Il semble qu’elle soit coutumière du fait si on en croit les épisodes ultérieurs : les harkis et aujourd’hui les « émigrés clandestins » Heureusement, en grattant bien, on trouve des épisodes qui sauvent l’honneur : les Hongrois de 1956. <br /> Mardi, ouverture des librairies : à vos marques, prêt, partez…
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