« Un Hitler en 190 pages, voilà qui pourra étonner le connaisseur. Celui-ci passera son chemin car l’ouvrage ne s’adresse pas à lui mais bien à tous ceux qui ne connaissent du Führer que ce qu’ils ont appris à l’école et ne souhaitent pas se jeter dans un pavé biographique, aussi excellent soit-il. »
C’est mon cas, Hitler connaît pas ou si peu.
J’ai beaucoup aimé le film La Chute d’Oliver Hirschbiegel 2 h 36 min 8 septembre 2004
Avec Bruno Ganz, Alexandra Maria Lara, Corinna Harfouch
J’ai donc acheté chez Gallimard HITLER de Johann Chapoutot et Christian Ingrao 207 pages
Un petit livre que j’ai avalé d’une traite.
Ce qui suis traduit bien ce que j’en ai pensé et surtout levé dans mon esprit des doutes que j’avais du mal à formuler.
Faut-il oublier Hitler pour comprendre le nazisme ?
C’est votre postulat, Hitler serait avant tout un produit de circonstances avant d’être une force de volonté individuelle pliant le réel à ses désirs ? ICI
Quelques extraits
- Johann Chapoutot Effectivement, il est à la fois symptôme et acteur. Le problème, c’est qu’on a beaucoup trop longtemps insisté sur le côté acteur, et acteur unique en plus, jusqu’à confondre nazisme et hitlérisme. Cette focalisation sur l’homme, alors que c’est un acteur parmi d’autres qui a eu une capacité d’action qui reste à élucider pour l’historien, est problématique. Par ailleurs, sa biographie est intéressante dans la mesure où elle est un symptôme d’une époque.
« Ce livre est la biographie qui vous fera oublier Hitler ».
Parler beaucoup d’Hitler au début, et peu à la fin pour parler de l’Etat allemand et du nazisme – à la différence que ce que nous voulons monter est qu’il a été une sorte de maëlstrom du nazisme, de cœur du réacteur mais que les réactions qu’il créait, il ne les maîtrisait pas.
Parler de cette manière d’Hitler nous fait nécessairement sortir de la biographie du seul individu. On essaie de faire le portrait d’une époque, et quand on parle d’Hitler c’est seulement en tant que citoyen d’une Europe centrale du début du XXe. Avec Hitler, on fait donc le portrait d’une Autriche-Hongrie, de ses rapports avec l’Allemagne, et de ses propres problèmes de confrontation avec la modernité.
[…]
Il ne comprend rien à la réalité stratégique des combats. Il n’est en fait jamais sorti de la Grande guerre. On le voit pendant la Campagne de France, pendant la Blitzkrieg (la Guerre éclair) : il ne comprend rien au mouvement et à la vitesse, que ses généraux imposent, parfois par la ruse (tel général invoque un problème de réception des ordres du GQG, tel autre désobéit ouvertement pour poursuivre sa route..). Il a peur du mouvement. Au fond, il ne fait que reproduire de manière sclérosée des types de combats qu’il a connus, sans aucune invention ni imagination. Son art de la guerre est comparable à son art de l’aquarelle : il reproduit de manière stéréotypée, il ne crée rigoureusement rien.
[…]
Effectivement, il ne sait pas travailler, ne lit pas les dossiers ni les notes… mais il est hypermnésique, cette force des imbéciles : il retient tout, ce qui impressionne tout le monde, et il dispose de qualités orales certaines. Bien des témoins ont ergoté sur son "magnétisme", alors que c’est tout simple : c’est quelqu’un de tellement convaincu de ce qu’il dit, qu’il parvient à convaincre.
- On pourrait vous asséner le reproche de déresponsabiliser Hitler, non ?
CI- Je préfère déresponsabiliser Hitler et essayer de comprendre comment 80 millions d’individus s’y sont mis. En somme, me demander pourquoi 100 000 personnes ont participé à des fusillades d’hommes et de femmes en URSS.
Je vais vous dire, le 22 juin 1944, l’Armée Rouge lance la plus grande offensive terrestre qui a jamais existé. Ce jour-là, 50% des soldats allemands qui doivent mourir dans la guerre sont encore en vie. Alors que la situation tactique montre qu’il n’y a non seulement plus aucun espoir de gagner mais pas non plus de la perdre convenablement, pourquoi est-ce que ces 2,6 millions de soldats allemands (les 50% en vie) acceptent de mourir dans ce désespoir absolu qu’est-ce cette dernière année de guerre ?
Quand Christian fait cela, cet exercice qui consiste à comprendre l’autre et ses modes de représentation, cela implique de faire un usage d’oxymores. L’ "espérance nazie", c’est une réalité. Ça, les historiens s’en sont rendu compte dans les années 1980 : il n’y avait pas simplement violence nazie, mais aussi séduction. On ne tient pas une société de 80 millions de personnes avec 30 000 agents de la Gestapo. D’ailleurs, le débat se pose également lors de la guerre des tranchées. Les soldats restent-t-ils parce qu’il y a d’autres soldats derrière prêts à leur tirer dessus s‘ils reculent ou parce qu’ils adhéraient à ce combat ? Pour le nazisme, il y a, a minima, un consentement déjà acheté matériellement. Quand on n’est pas Juif, pas homosexuel, pas déviant…etc, on vit mieux, et on a un espoir de vivre mieux qui se concrétise déjà avec l’extension de l’empire. Vous pouvez avoir fait des études médiocres en droit, ne pas avoir de doctorat, et finir responsable de district en Biélorussie. Vous pouvez être capitaine, et huit ans plus tard être Maréchal du Reich, comme Rommel. Parallèlement, il y a l’adhésion spirituelle et intellectuelle.