Les premières modalités d'organisation du grand débat national dévoilées Publiée le 11/01/2019
Le président de la République et le gouvernement ont promis des échanges avec la population sous la forme d’un grand débat national qui commencera le 15 janvier prochain. Même si toutes les modalités ne sont pas encore connues, que savons-nous déjà de l’organisation et du déroulement de cette grande consultation citoyenne ?
Le point dans cet article.
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Dans l’affaire du grand débat national je trouve que les pouvoirs publics mettent la charrue avant les bœufs en voulant tout régenter sans vraiment pour autant bien organiser la collation des doléances du bon peuple.
Tout doit être mis sur la table, ce ne sont que des doléances qui n’ont pas toutes vocations à se traduire dans la loi ou à changer changer la loi.
La plus grande difficulté est à la fois de déterminer les lieux où ces cahiers de doléances « nouvelle manière » seront élaborés et la représentativité de ceux qui les signeront.
Trop de flou nuit, il faut être précis.
La France est le pays où il subsiste le plus grand nombre de communes, alors pour les plus petites la mairie pourrait être le lieu avec peut-être une collation au niveau des syndicats de communes. Pour les villes c’est plus compliqué mais avec les moyens modernes de communication, avec un peu d’inventivité, c’est jouable.
Toutes les communes donc !
Nous sommes aussi un pays où prospèrent de multiples associations de toute nature, avec des statuts, un mode fonctionnement démocratique, alors pourquoi ne seraient-elles pas le réceptacle des doléances ?
Sans prendre trop de temps il faut prendre le temps, ne pas brûler les étapes, ne pas laisser à une minorité active le monopole de l’expression.
En 89, ce sont des groupes identifiés qui se sont exprimés, ils représentaient leurs membres, bien sûr tel n'est plus le cas et je doute que la somme d'expressions individuelles accouche d'un quelconque concensus.
Enfin, même si la nôtre est un peu malade, le dernier mot restera aux élus, la démocratie représentative reste encore le meilleur rempart aux dérives totalitaires.
Faisons preuve d’inventivité, imaginons, sortons un instant des chemins convenus sans pour autant oublier que même les chemins de traverse mènent quelque part.
Cahier Doléances au Relecq Kerhuon, le 8 janvier. Didier Olivré POUR LE MONDE
« Gilets jaunes » : voyage dans les cahiers de doléances à travers le Finistère
De Plouguerneau à Concarneau, en passant par Brest et Quimper, « Le Monde » a sillonné les routes du département breton agité par la crise des « gilets jaunes » pour consulter les cahiers de doléances mis à disposition par les mairies.
par Anne Michel Publié le 12/01
Cinq jours en Finistère, du nord au sud, et 347 kilomètres parcourus, pour faire le tour des principales communes qui ont ouvert des cahiers de doléances, et sonder ainsi les âmes des Finistériens, à la veille du débat national voulu par le gouvernement. Sur une soixantaine de villes et de villages visités ou joints par téléphone, plus de la moitié a mis en place de tels cahiers, souvent à la demande des associations de maires. Ils seront ensuite transmis au préfet ou aux députés, pour nourrir le « grand débat ». A ce jour, le succès des cahiers est variable et les retraités semblent surreprésentés. Tour d’horizon d’un département qui se distingue par un réseau de communes peu nombreuses, mais de tailles importantes, et bien organisées en termes de communications routières.
Landerneau, kilomètre zéro
Avec 15 800 habitants, c’est une ville à la campagne, jusqu’où s’entendait autrefois le canon du bagne de Brest. Dans le hall de la médiathèque, un écritoire a été installé. Un couple s’assoit. Elle tient la plume. Lui fait souffleur : « Il faut commencer par la CSG sur les retraites. Dire qu’avec moins de 2 000 euros par mois, on n’est pas riches, on est la classe moyenne. Qu’on veut bien contribuer, mais que là ça fait trop. »
De son écriture appliquée, Yamina Gobry, retraitée de la fonction publique comme son mari, Lionel, consigne les doléances du couple dans le cahier à grands carreaux mis à disposition du public, depuis décembre, par la mairie. Ils sont les cinquante et unièmes à s’exprimer. L’annonce d’un grand débat national les a conduits jusqu’ici. « On est là pour que quelque chose se passe. On est dans la catégorie qui paie tout, tout le temps, plein pot, l’eau, le médecin. On paie pour ceux qui ne peuvent pas, d’accord. Mais justement, pourquoi Macron pénalise les retraités ? », lance Lionel Gobry, 66 ans. « Je ne comprends pas ce qu’on nous reproche, ajoute sa femme, soucieuse. C’est comme si l’argent tombait du ciel ou qu’on l’avait volé. Mais on a travaillé sans jamais s’arrêter. Toi, quarante-deux ans, moi quarante-trois. Vraiment, Macron fait une politique pour les très riches… Les vrais riches, eux. »
Beaucoup d’autres doléances, au ton policé, sont déclinées sur le même thème : « Augmentation générale des petites retraites, suppression de la hausse de 1,7 % de la CSG sur les retraites et indexation sur l’inflation… », réclament-elles. « Je suis d’une génération qui a travaillé, dans les années 1960, 56 heures par semaine. J’ai débuté à 14 ans sans le sou, j’ai une retraite de 1 650 euros, suis-je un nanti ? », interroge un signataire.
Une autre doléance revient en boucle : le « rétablissement de l’ISF », l’impôt sur la fortune, d’autant que, note une habitante, « depuis sa suppression, les personnes fortunées ont largement diminué leurs dons aux associations comme ATD Quart Monde ». Deux Landernéens enfoncent le clou : « Monsieur le Président, arrêtez de nous pomper de l’argent et demandez plutôt aux riches qu’aux pauvres », écrit l’un. « Lorsque j’ai voté pour Emmanuel Macron il y a dix-huit mois, j’ai cru au Père Noël (…) je trouve le Père Noël qui habite l’Elysée très arrogant », écrit l’autre. Ils ont laissé leurs noms et adresses. Au cas où.
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Les cahiers de doléances ont été rédigés en mars-avril 1789 par la noblesse, le clergé et le Tiers-Etat pour servir aux Etats généraux convoqués par Louis XVI pour le 1er mai 1789.
Ils contiennent les plaintes et les vœux des populations que doivent présenter les députés élus aux Etats généraux.
Pour le Tiers-Etat, les opérations se sont déroulées en trois temps donnant lieu, à chaque étape, à la rédaction d'un cahier : cahiers des villes, paroisses, communautés de métiers de l'assemblée préliminaire, cahiers des bailliages secondaires, cahier du bailliage principal.
Dans les cahiers de doléances, plusieurs catégories sociales s’expriment : paysans aisés (laboureurs) et pauvres et des ouvriers (manouvriers).
Les doléances portent sur plusieurs domaines :
- les impôts, jugés trop lourdes et injustes,
- les privilèges,
- le système seigneurial, notamment en matière de justice.
Les textes font apparaître des divisions au sein du Tiers États-. Le cahier des laboureurs et ouvriers de Pont-L’Abbé critique les bourgeois qui ont refusé de tenir compte des doléances des laboureurs et ouvriers (paysans salariés pauvres).
« Sire, nous sommes accablés d’impôts de toutes sortes ; nous vous avons donné jusqu’à présent une partie de notre pain, et il va bientôt nous manquer si cela continue. Si vous voyiez les pauvres chaumières que nous habitons, la pauvre nourriture que nous prenons, vous en seriez touché. Cela vous dirait mieux que nos paroles que nous n’en pouvons plus et qu’il faut nous diminuer nos impôts. Ce qui nous fait bien de la peine, c’est que ceux qui ont le plus de bien paient le moins. Nous payons la taille, et le clergé et la noblesse rien de tout-cela. Pourquoi donc est-ce que ce sont les riches qui paient le moins et les pauvres qui paient le plus ? Est-ce que chacun ne doit pas payer selon son pouvoir ? Sire, nous vous demandons que cela soit ainsi, parce que cela est juste. »
Les paysans de Culmont, 1789.
« Nous ne sommes pas jaloux de leur grandeur et de leurs privilèges, mais nous sommes jaloux qu’ils ne payent pas le quart des impôts qu’ils devraient payer… D’où tiennent-ils ces honneurs, ce n’est que par les Devoirs et les Services que leurs ancêtres ont rendu à l’Etat et dont ils sont comptables…»
Un extrait de cahier de doléances de 1789 (Saint-Avit, en Agenois)
« Cayher des plaintes, doléances et remontrances qu’ont l’honneur de faire très respectueusement au Roi les très soumis, fidèles sujets du tiers Etat de la communauté et juridiction de Saint Avit en Agenois, tendantes au besoin de l’Etat et à la réforme des abus.
(…)
Article 2. Il sera observé que, outre le impôts mentionnés en l’article ci-dessus[4], le Seigneur du lieu retire encore une rente considérable qui est un picotin par journal[5] de froment, avoine autant, un sou en argent et chaque maison ou famille paye encore de la volaille. […] il est payé au Seigneur une infinité de journées [6].
Article 3. Il sera observé à Sa Majesté qu’outre les impôts mentionnés aux articles précédents, il est encore payé un dixième [7] au curé.
Article 5. Il sera observé au Roi qu’on ne peut comprendre la raison qui a pu occasionner la diversité des poids et mesures qui se pratique dans le royaume ; on pense que l’uniformité serait plus utile […], les individus connaîtraient ce qu’ils achèteraient et ce qu’ils vendraient.
Article 7. Sa Majesté sera suppliée d’observer que le Clergé et la Noblesse jouissent de revenus immenses, avec honneurs et privilèges sans bornes […]. Nous ne sommes pas jaloux de leur grandeur et privilèges, mais nous sommes jaloux qu’ils ne payent pas le quart des impôts qu’ils devraient payer.
A Saint-Avit, le 9 mars 1789. »
Cahier de doléances du village de La Caure (Marne) en 1789
« Les impôts. « Les impôts nous surchargent : la répartition en est mal faite ; ceux qui ont les plus grands biens [8] ne paient presque rien ; le peuple paie tout et plus qu’il ne doit. […] »
Les mendiants. « Nos campagnes inondent de mendiants de tout âge, de tout sexe et de toute condition ; c’est le plus grand et le plus dangereux de tous les abus. […] Nous demandons donc que chaque pauvre demeure dans sa paroisse et qu’on établisse un bureau de charité pour les vrais pauvres. »
Les pères de famille. « Le nombre de nos enfants nous décourage ; nous n’avons pas de quoi les nourrir, les vêtir. Nous demandons donc un soutien, par exemple une gratification ou une diminution des impôts à raison de chaque enfant qui naîtrait, jusqu’à l’âge de quatorze ans, temps où l’enfant pourrait gagner sa vie. […] »
Conclusion. « Telles sont les doléances, plaintes, remontrances et demandes vraies que nous exposons à la bonté du Roi et aux lumières des états généraux.
Fait et arrêté à La Caure, dans le lieu accoutumé de nos assemblées, par nous syndic [9], officiers municipaux7 et habitants soussignés, le 1er mars 1789. »
« Nous, paroissiens de Chennevières-sur-Marne, pour nous conformer à la lettre et au règlement du roi et à l’ordonnance de la vicomté et prévôté de Paris, pour la convocation des états généraux, nous sommes assemblés aujourd’hui 14 avril 1789, au lieu et à la manière ordinaires, pour dresser le cahier des plaintes et doléances. (Et nous avons chargé nos délégués) :
Art. 1er. De supplier très respectueusement le roi d’établir dans ses finances et dans les charges de l’Etat une administration fixe et économique, afin que son peuple, et spécialement les cultivateurs et gens de la campagne, y trouvent le plus tôt possible un soulagement sur les impositions multipliées dont ils sont chargés sous différentes dénominations, comme tailles, ustensiles, vingtièmes, corvée, droits d’aides, gabelle et autres.
Art. 2. Demander la suppression de la gabelle, et le remplacement de cet impôt mis sur chaque tête.
Art. 3. Demander la suppression des corvées, soit en nature, soit en argent.
Art. 4. Demander la suppression des droits de gros manquant, sous la dénomination vulgaire de trop bu. (Il s’agit d’un droit sur le vin consommé par le producteur).
Art. 17. Enfin, demander qu’il y ait mêmes poids et mesures pour tout le royaume, et que l’on tienne plus exactement la main à la vérification desdits poids et à la police qui doit s’observer dans les bourgs et villages relativement au bon ordre. »
Archives parlementaires, t. IV.