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15 décembre 2018 6 15 /12 /décembre /2018 06:00
l'écrivain Michel Chaillou pose pour le photographe, le 04 novembre 2005, lors de la Foire du Livre de Brive.  / DIARMID COURREGES / AFP

l'écrivain Michel Chaillou pose pour le photographe, le 04 novembre 2005, lors de la Foire du Livre de Brive. / DIARMID COURREGES / AFP

Pourquoi soudain ce matin ce petit livre oublié a-t-il surgi dans mes mains ?

 

Je ne sais, mais il tombait à pic dans les méandres de mes pensées, tout d’abord avec tout ce qui se passe en ce moment je me pose la question : suis-je démodé ? Bien difficile pour moi de répondre ; et puis il y a Nantes ma ville, la ville de mes errements de jeune homme, la Place Royale débaptisée Place du Peuple, mai 68, les lacrymogènes, l’odeur sucrée de l’usine du Petit Lu, les populaires du stade Marcel Saupin, les nouilles de mon gourbi place Victor Richard, les œufs durs et le ballon rouge des petits matins au Santeuil, les places à 3 francs au cinéma Katorza, les tonus…

Michel Chaillou écrit :

 

« Autrefois par exemple à Nantes s’étalait une place dont ne subsiste aujourd’hui que le nom, Bretagne, place Bretagne qualifiant aujourd’hui une incompréhensible étendue agrémentée, plutôt enlaidie, d’une tour qui ambitionne d’effacer jusqu’au souvenir chez les gens âgés, les démodés, de l’ancienne esplanade livrée autrefois chaque samedi à la ferraille, à tous les objets dépareillés ayant survécu aux désastres de nos heurs, vestiges disparates que le temps avait déjà tatoués de sa main impitoyable, toute une brocante à acheter, déformée par l’usage… »

 

« On voudrait pouvoir écrire : c'est du chaillou, comme on dit d'un patois, d'un cru fort en tanin. Appellation contrôlée et incontrôlable, qui a vite fait de monter à la tête. On se promet de n'en boire qu'un verre, comme ça, en claquant de la langue; et pfuitt, la bouteille y passe ! » écrivait Bertrand Poirot-Delpech dans « Le Monde des livres » à propos de Domestique chez Montaigne publié chez Gallimard, 1983.

 

ICI 

 

Michel Chaillou aura publié jusqu'à son dernier souffle. L'écrivain et éditeur, attentif à restituer « la vie souterraine des choses », s'est éteint des suites d'une longue maladie, à Paris, le mardi 10 décembre. Il avait 83 ans.

 

On n’imaginait pas que cette voix vibrante puisse un jour ne plus s’élever. Ni que cette écriture tour à tour torrentielle et buissonnière soudain s’arrête. 
Michel Chaillou, c’était une parole, un style, une présence.

 

Michel Chaillou n’était pas un écrivain hors sol producteur de textes sans attaches. L’autobiographie, souvent élargie en autofiction, s’affirmait comme une composante essentielle de son écriture.

 

Face à une époque « que le savoir importune », Michel Chaillou se présentait en artiste du contretemps. De 1990 à 1996, il avait dirigé chez Hatier la collection « Brèves littératures », dans laquelle des auteurs comme Michel Butor, Patrick Chamoiseau, Jacques Roubaud, Jean-Noël Vuarnet, Pierre Pachet... revisitaient l’histoire littéraire. Érudition et ouverture d’esprit furent les maîtres mots de l’entreprise.

 

Il ne manquait aucune occasion de rappeler que lire et lier relevaient pour lui d’une seule et même opération. Que la distance est mince entre une invention stylistique et une vision neuve du monde. Et il ajoutait : « Écrire, c’est lire (...), mais lire ce qui n’existe pas encore. »

Jean-Claude Lebrun L’Humanité Jeudi, 19 Décembre, 2013  

 

La Croix (Bruno Frappat)

 

Michel Chaillou, le songe-plein

 

À la vitesse, il préfère la lenteur, au rationnel l’élan d’une âme en balade, au présent fugitif et impérieux, le passé. Jadis, naguère, antan : voilà ses territoires.

 

Michel Chaillou n’est pas de ces écrivains qui tonitruent sur le devant de la scène médiatique. Il a l’actualité sinon en horreur (l’homme est un gentil, venu d’ailleurs et planant ailleurs), du moins n’est-ce pas son sujet. [ …] Le petit livre de quatre-vingt-dix pages qu’il consacre à son éloge du démodé n’est pas œuvre de ronchon caduc, mais une sorte de jouvence, de seconde chance donnée à tout ce qu’on a oublié. Et tort de négliger. C’est délicieux comme un dessert, fin comme un vieux vin. (La Croix, 10 mai 2012)

 

Lectures (Bruxelles)

 

Entre poésie et réflexion, entre nostalgie et vertige, c’est une approche différente du monde que nous fait ressentir et comprendre Michel Chaillou.  Loin de ses humeurs contre l’époque. Au clinquant qui donne l’impression du neuf, il préfère la rouille. « Le langage en définitive ne serait-il pas une immense brocante puisque tous ses vocables ont déjà servi, et n’est-ce pas cette servitude que l’on traque lorsqu’on écrit, toutes ces marques, empreintes multiples, traces diverses laissées derrière lui par le temps brocanteur qui, lui, ne fait que passer, c’est-à-dire se démoder sans cesse. » Voilà, nous sommes au cœur de l’oeuvre (conséquente) de Michel Chaillou. (Lectures, Bruxelles, septembre-octobre 2012)

 

Lire à Saint-Etienne (la chronique de Jacques Plaine)

 

Un magnifique essai que l’on aimerait montrer aux deux donzelles branchées du Paris-Le Croisic qui en sont le détonateur mais qui — mille fois hélas — ne le liront pas […] Un feu d’artifice. Un règlement de compte ? Qui sait ? La vengeance d’un « éclopé du temps » ? Sans doute. Mais quel bonheur d’accompagner « ce vieux toqué rétro » dans son omnibus du temps passé.

 

LE DÉMODÉ SE LAISSE BERCER

Par Robert Maggiori

— 17 juillet 2012

 

Vaut-il mieux être «branché sur toutes les ondes de la planète» ou juste avoir des «écouteurs d’âme» ? Courir d’aéroport en gare, ou rester flâner sur le quai ? Tout «partager» sur les réseaux, avoir peur de rater ce qui arrive dans le monde, ou ne rien entendre de ce qui en provient, et demeurer coi «dans les sentes perdues et éperdues de la confidence et du secret» ? Se laisser bercer par «l’implicite et ses chuchotis» ou se faire violenter par «l’explicite qui aboie ses vérités» ? Michel Chaillou, auteur de plus d’une vingtaine d’ouvrages, opte pour tout ce qui n’est pas «dans le vent». Mais est-il possible d’être démodé, si l’être, plutôt qu’un mode d’être, devient juste une mode ? Cela dépend de la façon dont on l’entend : être démodé, peut signifier «rechercher partout les points d’ancrage de la solitude, devenir le voyageur immobile de l’instant» ou «rester toujours bilingue de ses jeunes années».

 

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commentaires

A
"les nouilles de mon gourbi place Victor Richard," Ah ! C'est à mon arrivée à Nantes que, à la boulangerie de cette place, j'ai entendu une dame dire "bon, dame, ce n'est pas tout ça, il faut que j'aille balayer la place !"...et j'ai appris que la place, c'était chez elle.<br /> <br /> http://blogdenantes.blogspot.com/
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C
Merci de me faire découvrir une nouvelle fois un écrivain qui exprime ce que je ne sais pas exprimer moi-même, comme vous vous le faites si souvent dans vos chroniques.
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