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9 juillet 2018 1 09 /07 /juillet /2018 07:00
La résistible ascension de Benoît H ici nous n’avons même plus de flics mais rien que des mouchards, ça pullule, rien que des petits cafards qui grouillent (137)

Le moment de surprise passé, sans mot dire, ils emboitaient le pas de la vieille dame trainant ses savates, dont le chignon de guingois ressemblait à une pièce-montée en déroute, pour se rendre tout au bout d’un long couloir débouchant dans une véranda encombrée d’un capharnaüm de plantes et de statues de plâtre. Dans les bras de l’une d’elle un gros matou gris aux yeux orange les toisait sans agressivité. Jeanne frissonnait. La vieille dame, toujours dans un français chantant, s’adressait au mur vert « Conrad, tu as des visiteurs... et, se tournant vers eux, elle disait d’un air tendre « Il devient de plus en plus sourd... » Le matou gris sautait de son promontoire pour venir se frotter aux chevilles de la vieille dame alors qu’émergeait de la masse des plantes un petite homme en blouse blanche dont les yeux de myope, surmontés de sourcils filasse d’un blanc resplendissant, les observait avec un réel étonnement. Il s’avançait vers eux en souriant « Si Emma m’appelle en français c’est que vous êtes Français... » De concert, Jeanne et Benoît l’assuraient que oui, ils étaient bien des Français. Conrad, pince sans rire, tout en leur serrant avec effusion la main, surtout celle de Jeanne, les taquinait « Même si mon plaisir est immense je ne permettrais pas de dire : quel bon vent vous amène car ici aucun vent n’est bon et, comme je pense que je dois au hasard votre venue c’est que vous avez des soucis » Ils approuvaient. « Emma, voudrais-tu nous préparer du thé ? »

 

Ils passèrent dans un petit salon. Conrad, très disert, avant même qu’ils n’aient exprimé la moindre demande, les assurait qu’il ferait tout pour les aider. « Je suis un ancien des Brigades Internationales. J’ai vécu plus de 10 ans en France et c’est là-bas où j’ai épousé Emma. Vraiment vous ne pouviez pas tomber mieux. Qui vous a amené jusqu’ici ? » Benoît repensait au rouquin qui les attendait dehors. Conrad s’esclaffa lorsque Jeanne lui précisa que le gamin nous avait conduits chez lui parce que nous cherchions un docteur « Vous savez ici tout le monde est Her Doctor. Mais pourquoi diable cherchiez-vous un docteur ? L’un de vous est-il souffrant ? » Benoît le rassura en expliquant qu’ils cherchaient surtout un téléphone. Conrad chaussa ses lunettes qu’il avait jusqu’ici juché sur son front. « Vous ne seriez pas un peu flic sur les bords pour avoir l’idée de venir chez un médecin pour téléphoner. C’est astucieux. Vous savez j’ai tellement joué avec eux que je les lis à livre ouvert. Malheureusement ici nous n’avons même plus de flics mais rien que des mouchards, ça pullule, rien que des petits cafards qui grouillent. Si vous n’étiez pas tombé sur moi, même un homme ayant prononcé le serment d’Hippocrate aurait été capable de vous dénoncer. Tout le monde ici à peur, tout le monde ici crève de peur, nous sommes gouvernés par des petits hommes sans idéaux qui flattent les plus bas instincts. Ce pays, lorsque le gros Ours, pour des raisons que j’ignore, retirera sa grosse patte protectrice, s’effritera, se désagrégera, se désintégrera. Il ne restera rien. Même pas ce fichu mur... »

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